République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7221
8. Projet de loi de Mmes Micheline Calmy-Rey et Christine Sayegh sur l'imposition des personnes morales. (D 3 1,3). ( )PL7221

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 20 (nouvelle teneur)

Société de capitaux et coopératives

Le taux d'impôt sur le bénéfice net est fixé à 12%.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le principe de calcul de l'impôt sur le bénéfice des sociétés est simple: on détermine le bénéfice de l'exercice et on y applique un taux d'imposition qui peut être proportionnel ou progressif, ou encore dépendre du rapport entre le bénéfice net et la somme des fonds propres et des réserves.

A Genève, le taux d'imposition du bénéfice net est progressif et évolue en fonction de l'intensité du rendement.

Ainsi, pour un bénéfice identique, le taux d'imposition de deux sociétés diffère selon leur degré de capitalisation. Plus le capital et les réserves d'une société sont élevés, moins elle paie d'impôts, à bénéfice net égal.

Dépendant de l'intensité du rendement, le taux d'imposition des personnes morales fortement capitalisées est donc plus bas que celui de petites et moyennes entreprises ainsi que d'entreprises en voie de création, ou d'entreprises qui font avant tout appel à de la main-d'oeuvre.

Selon une étude de l'administration fiscale cantonale du 30 mars 1990, pour les banques, le taux de base moyen d'imposition est de 6,8% en 1989. Aucune n'atteint le taux d'imposition maximum. Pour 40% d'entre elles environ, le taux d'imposition de base est inférieur à 6%.

En ce qui concerne les institutions d'assurances, le taux d'imposition moyen de base est de 6,3%, aucune n'est taxée au taux maximum de 15%. Pour 60% d'entre elles, le taux d'imposition de base est inférieur à 6%.

Afin de permettre à l'Etat d'enregistrer des recettes supplémentaires sans courir le risque d'un départ des contribuables touchés par ces mesures, telles que les banques, les compagnies d'assurances et sociétés immobilières, et pour encourager les entreprises riches en main-d'oeuvre, celles dont les fonds propres sont modestes mais le taux de rentabilité élevé, les socialistes proposèrent en 1992 de porter le taux minimum d'imposition de base de 4% à 6% et de réduire le taux de base maximum de l'impôt à 14%. Cette proposition a été introduite dans la loi fiscale et acceptée par le Grand Conseil en automne 1994.

La question n'est pas close pour autant, d'une part parce que le défaut constaté, à savoir le faible taux de base d'imposition relative des sociétés fortement capitalisées, persiste, malgré la correction. Les chiffres remis à la commission fiscale en janvier de cette anéée sont en effet significatifs sur ce point. Le rendement moyen des personnes morales avec un capital imposable supérieur à 10 millions de francs (sans les sociétés holdings) est de 6,11%, portant le taux d'imposition moyen autour de 10%.

Cette inégalité entre sociétés fortement capitalisées et les autres est encore accentuée par la comparaison avec les autres cantons suisses, car, d'après les données fédérales, l'imposition du bénéfice à Genève est relativement plus légère pour les intensités de rendement basses (jusqu'à 15%) et plus lourde pour les intensités plus élevées.

Autrement dit, le système fiscal est plus favorable aux entreprises fortement capitalisées à Genève que dans les autres cantons. D'autre part, une initiative fiscale, l'initiative 101 «pour des emplois d'utilité publique et écologique», est actuellement en discussion devant le parlement et propose un impôt supplémentaire sur le bénéfice des sociétés «que le régime fiscal favorise», c'est-à-dire une deuxième correction visant à augmenter l'impôt pour toutes les sociétés dont le taux minimum légal d'imposition est inférieur à 8%. De deux choses l'une, ou le système n'est plus adapté à la réalité d'aujourd'hui et il convient dès lors de le réformer, ou on continue dans la voie des modifications au coup par coup au gré des constats successifs de ses distorsions.

Nous préférons la première solution, et c'est la raison pour laquelle nous proposons de recourir à un barème qui ne fasse pas référence au capital propre. La capacité économique d'une entreprise ne croissant pas en fonction de son bénéfice, un tarif progressif comme on le connaît pour le revenu des personnes physiques ne nous convainc pas et, en définitive, le meilleur système consiste en une imposition proportionnelle du bénéfice, selon un taux unique. C'est en tout cas le système adopté par la plupart des pays de l'OCDE et, en Suisse, pour les cantons du Jura et du Tessin. Le message du Conseil fédéral sur l'harmonisation fiscale privilégie également ce mode d'imposition.

Le taux retenu dans le présent projet a été fixé à 2% au-dessus du taux de base d'imposition moyen des sociétés fortement capitalisées, soit 12% avec l'objectif d'influer à la hausse sur le montant total des recettes fiscales provenant des sociétés. Bien entendu, il nous a été impossible de vérifier si le taux choisi permet de maintenir et d'augmenter le niveau des recettes. Ses effets devront être évalués sérieusement au moyen des données de l'administration fiscale. Mais, d'une façon générale, l'imposition du bénéfice des sociétés à un taux proportionnel conduira à un réajustement de la charge fiscale au profit des sociétés présentant une forte intensité de rendement, qui seront dégrevées par rapport aux autres.

Au bénéfice de ces explications, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à ce projet.

Préconsultation

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je n'interviendrai pas en préconsultation. Je voudrais simplement que ce projet de loi soit renvoyé en commission. Il est inscrit à l'ordre du jour depuis longtemps. Je propose de renoncer au débat et de renvoyer immédiatement le projet en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.