République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 7e session - 24e séance
PL 7204-A
Lors de sa séance du 12 avril 1995, la commission de l'aménagement, présidée par Mme Martine Roset, a examiné le projet de loi 7204 concernant une modification des limites de zones de construction situé au sud du territoire de la Commune de Presinge.
D'une surface de 30 000 m2, ce périmètre est régi par la zone d'expansion 5 adoptée par la loi du 4 mai 1962. L'insuffisance des infrastructures d'assainissement est à l'origine d'une restriction n'accordant l'autorisation de construire de villas que sur des parcelles ayant une surface minimum de 3 000 m2.
Par la suite, cette norme fut interprétée et le département des travaux publics admit deux logements sur une surface de 3 000 m2 et la division de la parcelle.
Un projet de construction portant sur des villas venant d'être déposé en vue d'une requête en autorisation de construire, le département des travaux publics et de l'énergie décida d'entreprendre une étude d'aménagement en vue de l'implantation de petits immeubles de logements dans les gabarits de la zone 4B ceci conformément à la politique cantonale visant à une meilleure utilisation des terrains à bâtir.
Cette étude fit l'objet d'une présentation publique. La plupart des propriétaires concernés s'opposèrent à toute densification de leurs parcelles. Toutefois, ils ne s'opposèrent pas à l'abrogation de la restriction contenue dans la loi du 4 mai 1962 ainsi qu'à une légère densification du périmètre restant dans les normes régissant la 5e zone.
Les problèmes d'assainissement étant résolus, ce projet de loi vous propose la modification de la loi du 4 mai 1962 en abrogeant l'alinéa 2 de l'article 2 qui stipulait qu'une autorisation de construire ne pouvait être accordée que sur des parcelles ayant une surface minimum de 3 000 m2. Le Conseil municipal a donné un préavis favorable par l'unanimité.
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 5 créée par la loi du 4 mai 1962.
L'enquête publique ouverte du 7 septembre au 7 octobre 1994 provoqua quelques oppositions formées par MM. et Mmes C. et C. Schaeffer, Jules-Olivier Aellen, Jean-Pierre Keller, Fred Thiebaud, Gilber Gillieron, P. Sutter, Jean Garcia, Claudine et David Allen, Denise Jolly, Marie-Claude Sordat, Karl G. Granath et Marc et Dinah Poget dont je vous transmet l'analyse. En outre, la commission de l'aménagement vous propose le rejet de ces oppositions pour les motifs décrits ci-dessous.
A. Recevabilité
A teneur de l'article 16, alinéa 5 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (ci-après LaLAT), quiconque est atteint par le changement d'affectation et a un intérêt digne de protection à ce qu'il soit modifié ou écarté peut déclarer son opposition, par acte écrit et motivé au Conseil d'Etat, pendant un délai de 30 jours dès la première publication.
Conformément à l'article 33, alinéa 1, lettre a) de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT), les cantons doivent reconnaître aux opposants un droit d'agir au moins aussi étendu que celui dont bénéficient les auteurs d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
Aussi faut-il reconnaître la qualité pour recourir à quiconque est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, selon les conditions fixées par l'article 103, lettre a) OJF (voir ATF 109 1 b 122; Grisel, Traité de droit administratif suisse II, p. 705 et jurisprudence citée).
Contrairement au recours de droit public où la qualité pour recourir présuppose la lésion d'un intérêt juridiquement protégé par la norme dont le recourant allègue la violation, il suffit, en matière de recours de droit administratif, que le recourant invoque un intérêt digne de protection, qu'il soit pratique ou juridique; il faut cependant que le recourant se trouve dans un rapport particulièrement étroit avec l'objet du litige et de la décision attaquée l'atteigne plus que quiconque ou que la généralité des administrés (voir A. Grisel, op. cit., p. 705 et 706; ATF 104 a b 245).
Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, toutefois, les exigences posées par l'article 103 précité excluent que la voie du recours soit ouverte à n'importe qui. Le recourant doit être touché plus qu'un autre et il doit l'être particulièrement ou directement, tandis que son intérêt à l'annulation ou à la modification de la décision doit découler étroitement de l'objet du litige (voir ATF 101 b 337, cons. 2 et renvoi).
Appliquées au cas d'espèce, les considérations qui précèdent conduisent à admettre la qualité pour agir des opposants dans la seule mesure où ceux-ci s'avèrent être propriétaires d'une parcelle située à l'intérieur du périmètre en cause, ou immédiatement voisin de ce dernier. Compte tenu de la réponse qui sera apportée quand au fond, la question de la qualité pour agir de chacun des opposants peut rester ouverte.
Toutefois, l'opposition de M. et Mme Marc et Dinah Poget a été formée le 13 avril 1995, soit plus d'un mois après l'échéance, le 27 février 1995, du délai de 30 jours, stipulé par l'article 16, alinéa 5 LaLAT, pour s'opposer à un projet de loi de modification du régime des zones. Il s'agit donc d'une opposition tardive.
B. Au fond
Quant au fond, le projet de loi querellé, préavisé favorablement et à l'unanimité par le Conseil municipal de la commune de Presinge, ne remet pas en cause la zone qui régit actuellement les terrains concernés, à savoir la zone de développement 5, dite «villas», créée par la loi du 4 mai 1962, mais se contente de supprimer l'article 2, alinéa 2 de celle-ci, lequel stipule que l'autorisation de construire des villas dans cette zone ne pourra être accordée que sur des parcelles ayant une surface minimum de 3 000 m2. Cette restriction était motivée, non par des motifs d'aménagement du territoire, mais par un équipement (assainissement et canalisations) à l'époque insuffisant, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre de la politique tendant à «utiliser au mieux les zones à bâtir existantes afin de maintenir le territoire à urbaniser dans ses dimensions actuelles, d'éviter la dispersion des habitants et de prévenir les empiètements sur la zone agricole» (pièce 18, p. 131), préconisée par le Plan directeur cantonal et qui est appliquée depuis longtemps à Genève.
Les opposants s'opposent au «déclassement» de ces terrains, dont la densité pourrait désormais atteindre 0,4 au maximum, selon le nouvel article 59 de la loi sur les constructions et installations diverses, du 14 avril 1988 (ci-après LCI), récemment adopté par le Grand Conseil, ce qui aurait pour conséquence de «nuire violemment au caractère harmonieux et convivial du quartier». Toujours selon les opposants, chacune des 12 maisons existantes serait implantée sur des parcelles dont la surface serait en moyenne de 2 000 m2 et dont l'indice d'utilisation du sol serait inférieur à celui de 0,2 en principe applicable en zone villa.
L'abrogation de l'article 2, alinéa 2 de la loi du 4 mai 1962, objectif principal du projet de loi querellé, ne constitue en aucune manière un «déclassement». Conformément à l'article 1 de cette loi de 1962, qui reste en vigueur, les terrains concernés restent soumis au régime de la zone de développement 5, dite «villas», lequel limite en principe à 0,2 l'indice d'utilisation du sol applicable, selon l'article 59 LCI. Cet indice peut toutefois être porté au maximum jusqu'à 0,4 pour autant que les conditions prévues par cette disposition soient remplies.
Telle est la situation juridique qui prévaut actuellement déjà, sans même que l'article 2, alinéa 2 de la loi du 4 mai 1962 ne soit abrogé, pour toute parcelle de plus de 3 000 m2.
Comme il vient d'être exposé, l'unique motif de restriction posée par cette dernière disposition résidait dans l'équipement du secteur.
Il ne serait aujourd'hui plus nécessaire d'inscrire dans le texte d'une loi de modification du régime des zones une telle restriction. En effet, dans un arrêt du 11 novembre 1994, confirmant la loi genevoise du 25 juin 1993 modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (création d'une zone de développement 4A destinée à des équipements hospitaliers), le Tribunal fédéral a notamment rappelé ce qui suit, s'agissant de la question de l'équipement, qui comprend non seulement la question de l'assainissement, mais aussi celle des voies d'accès.
«L'équipement insuffisant du terrain empêchera éventuellement l'octroi de l'autorisation de construire, en vertu de l'article 22, alinéa 2 lettre b) LaLAT; en revanche, cette circonstance n'est pas déterminante au stade de la planification.»
L'article 16, alinéa 1, lettre b) de la loi sur les constructions et installations diverses, du 12 avril 1988 (ci-après LCI), rattache par ailleurs exclusivement à la procédure d'autorisation de construire la question de l'équipement des terrains.
Il s'ensuit qu'une telle restriction n'a, en elle-même, aucune raison d'être inscrite dans la loi qui fonde la zone de développement 5 du secteur concerné. Cela est d'autant plus vrai qu'aujourd'hui, les infrastructures d'assainissement du secteur sont suffisantes. De plus, il résulte des propres déclarations des opposants que chacune des 12 maisons existantes dans la zone considérée serait implantée sur des parcelles dont la surface serait en moyenne de 2 000 m2, ce qui laisse supposer qu'elles auraient été construites en violation de l'article 2, alinéa 2 de la loi du 4 mai 1962. Les opposants apparaissent dès lors malvenus de contester la suppression d'une disposition qui, à les en croire, n'auraient finalement pas été appliquée à leurs parcelles, ceci d'autant plus que les constructions qui y ont été bâties depuis lors ont certainement contribué activement à la modification d'un secteur au caractère jusqu'alors uniquement champêtre, dont les opposants demandent aujourd'hui le maintien.
Il convient au surplus de relever que les questions de circulation du secteur ou encore de prétendue dévalorisation des parcelles concernées ne sont pas relevantes dans le cadre de la présente procédure, qui a pour seul objectif de fixer l'affectation du secteur.
Au vu de ces considérations, les griefs formulés par les opposants sont infondés et doivent être écartés.
Les oppositions formées par MM. et Mmes C. C. Schaeffer, Gilbert Gillieron, P. Sutter, Jean Garcia, Claudine et David Allen, Marie-Claude Sordat et Karl G. Granath doivent dès lors être rejetées. L'opposition formée par M. et Mme Marc et Dinah Poget doit être déclarée irrecevable.
Conclusion de la commission
Quelques réflexions furent émises quant à la densification du site. Certains pensant que celle-ci pourrait être augmentée ceci dans le but d'une meilleure utilisation du sol bâti. Toutefois, il faut tenir compte de la localisation du site et pour ce projet le tissu bâti ne vaut pas la peine d'être protégé, ni d'être densifié. Il faut aussi rappeler qu'une étude complète faite en 1991 en vue d'une densification, fut abandonnée à cause de nombreuses oppositions.
La commission de l'aménagement du Grand Conseil vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, ceci par 8 voix pour et 1 abstention (M. Meyll) d'accepter ce projet de loi tel amendé.
plan
Premier débat
Mme Yvonne Humbert (L), rapporteuse. Deux petites corrections. L'une dans le titre :
«Rapport de la commission de l'aménagement chargée de modifier...» et non pas d'étudier.
Puis, au deuxième paragraphe, une erreur de frappe : il faut lire expansion à la place d'expansation.
M. Pierre Meyll (AdG). Dans le cadre de la commission, j'avais réclamé que ce terrain ne soit pas aménagé selon le PL, de telle sorte qu'on n'ait plus cette retenue de 3 000 m2, mais que, au contraire, il soit mis en zone 4B. Pourquoi ? Parce qu'il me semble, comme nous avons un territoire cantonal très restreint, qu'il serait judicieux de pouvoir construire des petits immeubles à cet endroit, en zone 4B, à des hauteurs qui ne dépasseraient pas celles des villas. Après tout, cela pourrait très bien être intégré dans le site, au même titre que ce qu'on a fait à Onex pour Belle-Cour. On va me rétorquer un tas d'arguments, mais je les attends. Certains de ceux-ci vont certainement revenir, et il sera temps alors de les combattre.
Mme Yvonne Humbert (L), rapporteuse. En effet, cette question fut posée par M. Meyll à la commission.
Nous lui avons répondu que Cara ne se trouvait pas à Belle-Cour, que c'était une région de campagne, loin de tout centre, et qu'il n'était pas judicieux de construire des petits immeubles à cet endroit-là.
M. Pierre Meyll (AdG). Je crois qu'avec un simple déplacement à Cara, on se rend compte d'une chose : nous sommes, là, proches de la région française. Des transports publics TPG se trouvent à 300 mètres sur territoire cantonal. Deux lignes de bus passent par là : la ligne 31, qui va à Bel-Air et qui fait un crochet dans cette direction, et la ligne C, qui passe régulièrement, plus souvent, et jusqu'à Monniaz.
Les arguments qui consistent à dire que la proximité n'est pas avantageuse ne peuvent être retenus. M. Koechlin précise que le tissu bâti ne vaut pas la peine d'être protégé, ni d'être densifié. Je crois que ce tissu bâti peut être amélioré. Compte tenu de ce que l'on sait faire - j'entends cela à chaque fois en commission LCI ou des travaux - on est capable d'augmenter la densité sans atteindre du tout l'aspect architectural des lieux. Ce serait la démonstration même que de l'appliquer aux hangars et à différentes choses, qui pourraient être revus et corrigés.
On pourrait très facilement obtenir, dans ce cas, des constructions intégrées et revoir le problème d'une manière plus logique, compte tenu de l'exiguïté de notre territoire cantonal et des alentours. C'est pourquoi je demanderai le retour de ce projet de loi en commission.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Veuillez excuser mon léger retard. Il y avait un embouteillage sur le pont. Je n'ai pas précisé lequel !
Je pense, Monsieur le député Meyll, que vouloir densifier Cara, plus que ce qui a été proposé et accepté, du reste, après une discussion avec les gens du lieu, serait vraiment malheureux pour ce minuscule hameau. On est en pleine campagne, même s'il est vrai que, du côté français, il y a un développement !
C'est pour cette raison que je vous proposerai de voter ce projet de loi tel quel.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport en commission est rejetée.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi modifiant les limites des zones de construction sur le territoire de la commune de Presinge
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi modifiant les limites des zones de construction sur le territoire de la commune de Presinge, du 4 mai 1962, est modifiée comme suit:
Art. 2, al. 2 (abrogé)Art. 2A (nouveau)
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 5 créée par la loi du 4 mai 1962.
Art. 2
En conséquence, la restriction mentionnée sur le plan no 24776-531 annexé à la loi du 4 mai 1962 susvisée est caduque.
Art. 3
1 Les oppositions à la présente loi formées par M. et Mme C. et C. Schaffer, MM. Jules-Olivier Aellen, M. Jean-Pierre Keller, M. Fred Thiebaud, M. Gilbert Gillieron, M. P. Suter, M. Jean Garcia, M. et Mme Claudine et David Allen, Mmes Denyse Joly et Marie-Claude Sordat, M. Karl G. Granath, sont rejetées, dans la mesure où elles sont recevables, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.
2 Formée hors délai, l'opposition de M. et Mme Marc et Dinah Poget est déclarée irrecevable. Elle est rejetée en tant que de besoin pour les mêmes motifs.