République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 7e session - 24e séance
PL 7200-A
Lors de sa séance du 23 mars 1995, le Grand Conseil renvoyait en commission le projet de loi 7200. Sous la présidence de Mme Martine Roset, la commission de d'aménagement du canton a étudié ce projet le 12 avril 1995, en présence de MM. G. Gainon, chef de la division des plans d'aménagement et J.-C. Pauli, juriste.
But du projet de loi
Le périmètre concerné par la modification de zone touche deux parcelles situées en 5e zone villas et constitue un espace résiduel entre des immeubles de logements, des villas et la zone de développement industriel de Mouille-Galland. Il est inclus dans la zone de bruit NNI B de l'aéroport et ne peut recevoir, de ce fait, de nouveaux logements.
La parcelle n° 2727, d'une superficie de 2583 m2 , est la propriété d'une entreprise d'ébénisterie genevoise, qui se trouve à l'étroit dans ses locaux actuellement situés à la route de Chancy, au Petit-Lancy. Elle a donc déposé une requête en autorisation de construire portant sur la création d'un atelier d'ébénisterie sur la parcelle de Vernier, requête qui a reçu un préavis de principe favorable de la commune. L'autorisation sera assortie d'une clause sur la nécessité de prémunir le voisinage de nuisances sonores éventuelles. Il est donc proposé la création d'une zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, avec un indice d'utilisation au sol maximum de 0,3.
Sur la parcelle 2726 contiguë, il subsiste un solde de 5e zone (villas) d'environ 560 m2 . Comme la presque totalité de cette parcelle est située en zone de développement 4B et comprend déjà des immeubles de logements, il paraît opportun de mettre le solde en conformité avec son affectation.
Audition de Me Georges Borgeaud
Me Georges Borgeaud représente Mmes Zoé Prélaz et Marie Gendre, copropriétaires d'une parcelle jouxtant immédiatement la parcelle 2727. Ses clientes ont déjà fait part de leur observations dans le cadre de la procédure de préconsultation et ont ensuite décidé de former opposition au projet de changement de zone dont il est question. Elles ont également tenté vainement de faire valoir une demande d'indemnisation en raison de la perte de valeur de leur parcelle située en zone NNI B de l'aéroport.
Quant à la surface visée par le déclassement, il s'agit d'un reliquat des terrains sur lesquels ont été construits plusieurs grands immeubles, utilisé comme terrain de jeux par les enfants et comme espace de dégagement par les habitants qui organisent des broches en plein air. Il serait souhaitable de confirmer la vocation de la parcelle en l'affectant à des jardins familiaux, par exemple.
Si le déclassement de la parcelle 2727 en zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances devait se concrétiser, il permettra la construction d'un atelier d'ébénisterie. On peut dès lors craindre que les activités prévues dans cet atelier augmentent d'une manière sensible le bruit que doivent déjà supporter les habitants alentours. Afin de limiter ce risque, il conviendrait d'attribuer à cette parcelle le degré de sensibilité II selon les normes OPB, plutôt que III comme le prévoit le projet de loi.
Traitement de l'oppositionformée par Mmes Marie Gendre et Zoé Prélaz
La commission propose de rejeter l'opposition formée le 23 février 1995 par les personnes citées en titre pour les motifs suivants:
A la forme, il y a lieu de constater que Mmes Marie Gendre et Zoé Prélaz (ci-après les opposantes) sont copropriétaires de la parcelle 1809, index 2, sise à proximité immédiate du périmètre du plan visé à l'article 1. Par conséquent, ces personnes ont qualité pour s'opposer à l'adoption de ce plan. Formulée en temps utile, l'opposition est dès lors recevable à la forme.
Au fond, les opposantes signalent qu'elles ont formulé une demande d'indemnisation en raison d'une prétendue perte de valeur de leur parcelle, sise en 5e zone à bâtir «villas» selon le droit cantonal, suite à l'inclusion de celle-ci en zone de bruit NNI B selon le droit fédéral. Toujours selon les opposantes, l'article 8 de la loi sur la protection de l'environnement, du 7 octobre 1983, commanderait d'opérer un lien entre les atteintes dues au bruit provoqué par l'exploitation de l'aéroport de Genève-Cointrin et les nuisances que pourraient provoquer les constructions rendues possibles par l'adoption du plan contesté.
Les terrains qui forment le périmètre du plan visé à l'article 1 sont compris à l'intérieur de la zone de bruit NNI B fixée par le plan des zones de bruit N° 27281A-711.51, adopté le 8 avril 1987 par le Conseil fédéral. La parcelle n° 1809, propriété des opposantes, qui jouxte le périmètre précité, est également comprise en zone NNI B, au sens de la loi fédérale sur la navigation aérienne. Conformément aux normes de droit fédéral applicables dans ladite zone de bruit, le département des travaux publics et de l'énergie ne peut plus y autoriser la construction de nouveaux logements. La présente modification du régime des zones permettra notamment de rendre compatible le régime cantonal des zones avec la législation fédérale applicable au secteur considéré et d'éviter ainsi la formulation d'une éventuelle demande d'indemnisation pour expropriation matérielle. Le fait que les opposantes, copropriétaires d'une villa dont la construction ne pourrait plus être autorisée selon les normes actuelles, aient en ce qui les concerne formulé une telle demande d'indemnisation est une circonstance totalement indépendante de la présente procédure et qui ne saurait interférer sur l'issue de celle-ci.
Le premier grief formulé par les opposantes est donc infondé et doit être rejeté.
Il n'est au surplus pas envisageable de donner suite à la demande des opposantes tendant à l'attribution du degré de sensibilité (ci-après DS) II aux parcelles comprises à l'intérieur du périmètre du plan visé à l'article 1, au lieu du DS III.
En effet, conformément à l'article 62 alinéa 1 de l'ordonnance sur la navigation aérienne, du 14 novembre 1973, les bâtiments de logement ne peuvent pas être édifiés dans les zones de bruit NNI B, lesquelles sont plutôt vouées aux constructions industrielles et artisanales. A noter que des bâtiments d'habitation ne peuvent être admis que dans les zones NNI C, pour autant qu'ils soient insonorisés.
Or, l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986 (ci-après OPB), prévoit l'application du DS II «dans les zones où aucune entreprise gênante n'est autorisée, notamment dans les zones d'habitation ainsi que dans celles réservées à des constructions ou installations publiques», tandis que le DS III doit être appliqué «dans les zones où sont admises des entreprises moyennement gênantes, notamment dans les zones d'habitation et artisanales (zones mixtes) ainsi que dans les zones agricoles» (cf. art. 43 al. 1 lettre b et c OPB).
Dans le cas d'espèce, le projet de plan querellé vise à inscrire le secteur considéré, sis en zone NNI B, dans une «zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances», en vue de l'accueil d'un bâtiment destiné à une ébénisterie, soit une activité artisanale ou industrielle.
A l'évidence, il ne s'agit pas d'une «zone où aucune entreprise gênante n'est autorisée, notamment ... les zones d'habitation» au sens de l'article 43 alinéa 1 lettre b OPB (un tel régime des zones cantonal ne serait d'ailleurs pas conforme aux normes fédérales régissant les zones NNI B), mais d'une «zone où sont admises des entreprises moyennement gênantes, notamment dans les zones ... artisanales» au sens de l'article 43 alinéa 1 lettre c OPB.
L'indication «zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances», figurant dans la légende du plan visé à l'article 1, n'est en outre nullement incompatible avec l'article 43 alinéa 1 lettre c OPB, lequel vise les «zones où sont admises des entreprises moyennement gênantes», dès lors que cette disposition ne vise qu'à fixer la limite du bruit que devront supporter les parcelles comprises à l'intérieur du périmètre de ce plan, mais n'a nullement pour objet de limiter les émissions sonores venant des activités effectuées sur cette parcelle et qui pourraient affecter les parcelles avoisinantes.
Ce grief est donc infondé et doit être rejeté.
Enfin, les opposantes souhaitent voir que les terrains compris dans le périmètre du plan visé à l'article 1 soient affectés à des jardins familiaux plutôt qu'à une zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances.
L'affectation proposée répond cependant au principe de la mixité des activités (logement-industrie) actuellement prôné par les milieux de l'aménagement du territoire. Elle correspond à l'un des buts fondamentaux de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, dont l'article premier, alinéa 2, recommande notamment aux autorités de «favoriser la vie sociale, économique, et culturelle des diverses régions du pays et de promouvoir une décentralisation judicieuse de l'urbanisation et de l'économie» (lettre c), et de «créer un milieu bâti harmonieusement aménagé et favorable à l'habitat et à l'exercice des activités économiques» (lettre d).
L'affectation suggérée par les opposantes n'est certes, abstraitement, pas totalement dénuée d'intérêt. Toutefois, indépendamment même des problèmes fonciers qu'une telle solution entraînerait, une pensée bien comprise des intérêts en cause en impose le rejet, si l'on considère à sa juste mesure la crise économique que connaît Genève et le chômage persistant qui y sévit. Il y a lieu, en ces temps difficiles, de ne pas entraver le développement des entreprises, à moins que de sérieux motifs d'aménagement du territoire n'y concourent, ce qui n'est ici pas le cas, bien au contraire.
Le dernier grief avancé par les opposantes ne peut donc pas non plus être retenu et doit être écarté.
Au vu de ce qui précède, l'opposition formée par Mmes Marie Gendre et Zoé Prélaz est infondée et doit être rejetée.
Conclusions
Les commissaires, suite aux explications qui leur ont été fournies, estiment qu'il n'y a pas lieu de supprimer les droits à bâtir sur la parcelle 2727. En effet, les dégagements pour le délassement autour des immeubles restent nombreux et l'installation d'un atelier d'ébénisterie, avec les restrictions quant aux nuisances sonores, ne devrait pas constituer de gêne pour les habitants du voisinage.
La commission d'aménagement du canton vous recommande donc à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver le projet de loi 7200-A, avec l'adjonction d'un article concernant le traitement de l'opposition.
Art. 3 (nouveau)
L'opposition à la modification du régime des zones, formée par Mmes Marie Gendre et Zoé Prélaz, représentées par leur avocat, Me Georges Borgeaud, est rejetée, dans la mesure où elle est recevable, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.
L'ancien article 3 devient ainsi l'article 4.
page blanche
plan
planPremier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Vernier (création d'une zone de développement 4B et d'une zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Le plan n° 28681-540, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 18 mai 1994, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Vernier (création d'une zone de développement 4B et d'une zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, à la route de Montfleury), est approuvé.
2 Dans la zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, l'indice d'utilisation du sol (IUS) maximum est fixé à 0,3.
3 Les plans de zone annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre des zones créées par le plan visé à l'article 1.
Art. 3
L'opposition à la modification du régime des zones, formée par Mmes Marie Gendre et Zoé Prélaz, représentées par leur avocat, Me Georges Borgeaud, est rejetée, dans la mesure où elle est recevable, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.
Art. 4
Un exemplaire du plan no 28681-540 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.