République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 6e session - 21e séance
M 996
EXPOSÉ DES MOTIFS
Suite aux résultats des votations du week-end du 12 mars 1995, concernant la politique agricole, il est certain qu'il faut revoir les bases pour construire une nouvelle politique agricole. Cela est un grand débat de politique nationale et nous voudrions, dans un premier temps, que le canton de Genève se penche sur la question de savoir comment encourager, développer et faciliter une production agricole respectueuse de l'environnement sur notre territoire.
Cette motion poursuit l'objectif d'inciter le consommateur à acheter, en toute liberté, plus sélectivement ses produits alimentaires.
Dans ce but, celui-ci doit bénéficier d'une information claire et complète sur les aliments, en indiquant leur origine et leur mode de production.
Le nouvel article constitutionnel concernant la politique agricole, qui vient d'être refusé, ne contenait pas l'obligation de renseigner complètement les consommatrices et les consommateurs sur les méthodes de production et de détention des animaux, les procédés de culture et de transformation, ainsi que le pays d'origine des denrées alimentaires.
C'est évident que cette lacune doit être comblée.
D'où la nécessité d'une information complète et fiable qui permettrait de valoriser les produits alimentaires indigènes cultivés selon des méthodes respectant l'environnement.
Prenons un exemple tout simple pour illustrer cela:
Un yaourt fabriqué en Bretagne peut être de qualité identique à celui produit dans le canton de Genève. La seule différence c'est qu'il aura dû parcourir un millier de kilomètres pour être en vente dans les magasins à Genève. Ce transport a un coût écologique, dont les conséquences ne sont pas négligeables.
Idem pour un légume qui n'a pas subi de traitements chimiques. Son mode de production souvent plus coûteux, car plus fragile, participe à la diminution des frais d'assainissement liés à l'usage des pesticides qui polluent eau et terre. Il doit donc être soutenu par une information spécifiant ses qualités.
L'objectif, à long terme, est d'inciter les agriculteurs à produire selon des modes respectueux de l'environnement sans avoir à se soucier des pressions d'un marché dictées par les règles d'un libéralisme débridé qui ne prend en considération que le profit immédiat sans se soucier des répercussions sur l'environnement.
Il est évident que cette reconversion prendra du temps. Cependant, de nombreux paysans sont déjà engagés dans la production intégrée* et biologique. Aussi, tous les produits du terroir devraient, dans la mesure du possible, être étiquetés; ceux du terroir avec la mention GE, GE bio, ou GE production intégrée. Les détails d'application seront à discuter avec les milieux concernés.
Donc, cette motion est un soutien à l'agriculture de notre canton et permet de répondre en partie au déficit de concurrence du GATT et de l'Union européenne. Pour favoriser l'achat de produits régionaux, sans faire de blocage ou de protectionnisme, et respecter l'ouverture des frontières prévue pour le GATT, il faut permettre aux agriculteurs de la région d'indiquer, sur leurs produits, la provenance et les méthodes utilisées dans l'agriculture, afin de sensibiliser les consommateurs non seulement à la production locale (lutte contre la pollution de l'air: moins de transport) mais également au mode de production intégré ou bio (lutte contre la pollution des sols: moins de pesticides, etc.).
Pour toutes ces bonnes raisons, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter cette motion.
Débat
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). L'objectif de cette motion est très clair. Nous voudrions que les produits agricoles genevois, vendus dans notre canton, portent une étiquette ou un label indiquant qu'ils sont produits à Genève et précisant, en plus, si le mode de production est traditionnel, intégré ou biologique, cela afin de sensibiliser les consommateurs sur le choix de leurs achats.
En effet, en achetant un produit alimentaire frais, qui provient de notre canton, on participe à la lutte contre la pollution de l'air, car ce produit n'aura pas été transporté en camion sur des centaines de kilomètres. On participe également à la lutte contre l'excès d'adjonction d'agents conservateurs d'irradiation, car le produit cultivé ici n'a pas besoin d'être stocké longtemps.
Enfin, la mention du mode de production sur l'étiquette permet au consommateur de choisir, s'il le désire, parmi les produits genevois ceux qui ont bénéficié de méthodes de culture biologique. C'est également une participation à la lutte contre la pollution de l'eau et des terres, car la culture biologique n'utilise pas de produits chimiques.
On favorise également le retour sur le marché, grâce à l'augmentation de la demande, de fruits et de légumes moins insipides et la vente de produits locaux, ce qui permet à l'agriculture de se développer et de créer des emplois. C'est aussi une façon de lutter contre la politique des subventions.
Il est évident que nos invites pourraient aller beaucoup plus loin, mais c'est un premier pas qui respecte la liberté de choix de chacun, tout en conscientisant les gens que ce choix aura des répercussions non négligeables sur l'environnement.
C'est pour cela que nous vous proposons d'accepter cette motion et de la renvoyer à la commission de l'environnement.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Cette proposition de motion va à la rencontre d'objectifs que nous partageons.
En ce qui concerne la production biologique et intégrée, vous savez que celle-ci fait l'objet de dispositions sur le plan fédéral qui sont appliquées rigoureusement dans notre canton. Rien que pour l'année en cours, nous avons dans notre budget une somme d'environ 1,2 million de francs pour favoriser ces cultures extensives et ces éléments de production intégrée. C'est un mode de production plus doux qui tend à se développer. Nous nous en réjouissons et nous l'encourageons.
En ce qui concerne les perspectives d'étiquetage et de label, permettant aux consommateurs d'identifier tel type de produits par rapport à tel autre, en fonction de son mode de production, nous avons mis en place, il y a de cela à peu près six mois, un groupe de travail, qui s'appelle «groupe de travail label», dont l'objectif est de permettre, effectivement, la labellisation de la production maraîchère, horticole et fruitière de notre terroir genevois.
Cela existe déjà dans le domaine de la production viticole, puisque ce type d'étiquetage est, actuellement, labellisé sous l'appellation «vinatura», qui correspond à un certain nombre de critères de production plus doux, qui renoncent, par exemple, à l'utilisation des pesticides.
Il faut savoir que cette labellisation est en soi assez délicate, dans la mesure où, sur le plan juridique, il faut exiger un certain nombre de critères de qualité, et nous sommes, à cette égard, à la limite de ce que permet l'ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires.
Par ailleurs, sur le plan fédéral, ce sujet est également en évolution. En effet, différentes interventions ont eu lieu au parlement, demandant au Conseil fédéral d'être désormais en mesure d'adapter également l'ordonnance fédérale. C'est pourquoi nous pensons que les travaux vont pouvoir se recouper. Ils consistent à adapter la base légale fédérale aux travaux pratiques sur le plan cantonal, de façon à répondre à ce type de préoccupations, afin d'offrir au consommateur une gamme de choix plus claire, en particulier, pour les légumes et les fruits cultivés selon des méthodes biologiques plus intéressantes.
Nous pouvons donc, sans autres, accepter cette motion. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de la renvoyer en commission. Nous nous engageons à faire rapport sur les travaux qui sont en cours à cet égard.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je propose que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- les résultats des votes sur la politique agricole du 12 mars 1995;
- l'importance de l'agriculture à Genève et la nécessité de maintenir et développer les emplois dans les branches en amont et en aval de la production agricole;
- la nécessité d'encourager une production de proximité, saine et respectueuse de l'environnement, afin de diminuer, à long terme, les impacts sur l'environnement (transports, pollution) et de préserver la santé des consommateurs,
invite le Conseil d'Etat
- à encourager, à Genève, la production biologique et intégrée dans l'agriculture;
- à étudier, puis à soutenir, avec les milieux intéressés, la possibilité d'étiqueter les produits alimentaires afin de renseigner le consommateur sur leur provenance (indigène ou étrangère) et sur leur mode de production (traditionnel, intégré ou biologique).