République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 6e session - 20e séance
M 990
EXPOSÉ DES MOTIFS
Des besoins de formation
Après des années d'économie dirigée et d'une production planifiée, les pays de l'Europe de l'Est ont adopté un système d'économie de marché. Ils ont un besoin urgent d'acquérir l'esprit de gestion et les règles d'un management efficace. Mais ils ne peuvent le faire sans enseignants pragmatiques. Après des années d'un régime totalitaire, ils ont adopté une démocratie représentative qui exige, contrairement aux usages jusqu'alors en vigueur, éthique, transparence, écoute et respect des lois.
C'est aux promoteurs de cet ordre, c'est-à-dire aux cités d'Occident, qu'il appartient, dans le cadre de micro-plan Marshall localisés, de leur transmettre ces instruments essentiels à leur développement. Véritable responsabilité à assumer et défi à relever.
Du travail pour cadres en phase de recyclage
La crise économique a mis au chômage près de 16 000 salariés. Sous la pression des autorités et à l'initiative propre des responsables, des mesures d'assistance nombreuses ont été prises pour pallier les difficultés de cette population. Les services du département de l'économie publique se sont appliqués depuis plusieurs mois à améliorer et à renforcer les aides mises en place. Des innovations ont été apportées, des locaux nouveaux et accueillants ont été aménagés, des procédures simplifiées et des postes de placeurs multipliés.
Un véritable déploiement des occupations temporaires prévues par la loi et la création d'emploi pour les jeunes sont, eux, restés encore insuffisants. Il s'agit d'un secteur où une étroite collaboration entre services de placement publics ou privés, d'une part, et des entreprises privées, de l'autre, peut permettre de progresser.
On a dit qu'il n'y avait plus une masse suffisante de travail à Genève pour occuper toute la population active. Quand bien même cet état de fait ne sera sans doute pas durable, il existe une lacune inverse dans les pays du centre de l'Europe où la masse de travail à effectuer est immense, où des fonds sont prêts à être investis, mais où les compétences ne sont pas disponibles en suffisance ou pas à même de s'organiser efficacement.
Il y aurait ainsi pour le pays récipiendaire un apport pratique immédiat par des compétences professionnelles. Il y aurait également pour la Suisse un intérêt futur potentiel grâce à un «stagiaire» acquérant des connaissances sur un nouveau marché et établissant des contacts intéressants pour ses futurs employeurs suisses. Il y aurait enfin la connaissance du marché suisse pour les employeurs hongrois, albanais, tchèques ou autres.
Aspects pratiques
Des chômeurs en recyclage, des étudiants sortis depuis peu de l'université ou des écoles techniques avec 2 ou 3 années d'expérience si possible pourraient travailler dans des entreprises est-européennes pour des périodes allant de 6 à 24 mois grâce à un arrangement financier composé des contribution financières des programmes sociaux genevois et/ou fédéraux.
D'autres programmes pourraient également être parrainés par une entreprise genevoise/suisse, active dans le même domaine que l'entreprise bénéficiaire à l'Est. Ce parrainage consisterait en une formation grâce à un stage en entreprise à Genève ou suite à des cours de spécialisation propres à répondre aux attentes de l'entreprise est-européenne. Le coût de ce parrainage serait en principe à la charge de l'entreprise mais bénéficierait des actuels programmes cantonaux ou fédéraux de formation. Les entreprises pourraient éventuellement considérer ces programmes comme un investissement et bénéficier des avantages fiscaux en vigueur.
Structures existantes
Des groupes d'assistance existent, déjà prêts à préparer à Genève et à encadrer en Hongrie, en Pologne, en Albanie ou en Tchéquie les acteurs potentiels de ces programmes.
En Hongrie, une assocation d'étudiants a été créée au milieu des années 1980 sur le modèle de la «junior entreprise»: des milliers d'étudiants ont travaillé sous contrat temporaire pour des entreprises locales, étrangères ou multinationales. Les responsables de Mélo-diak à Budapest sont intéressés par la gestion du programme genevois.
En résumé les motionnaires souhaitent:
1. transférer dans les économies de marché nouvelles les instruments qui régissent les institutions et les entreprises suisses;
2. tenter de combler les disparités entre les potentiels de travail de l'Ouest et de l'Est;
3. ouvrir à ceux qui ont perdu leur emploi ou à des jeunes qui n'en n'ont pas encore trouvé des possibilités de travail constructif et dynamique;
4. soutenir des échanges entre administrations publiques;
5. transférer des compétences de gestion en matière financière et comptable, dans le domaine de la construction (inventaire de besoins, établissement d'offres, etc.).
C'est pour ces différentes raisons que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette motion et de bien vouloir l'envoyer pour discussion et information complémentaire en commission.
Débat
Mme Claire Chalut (AdG). Messieurs les motionnaires, ce que vous nous proposez là n'est vraiment pas sérieux ou votre motion prouve, si besoin en est encore, votre totale absence d'imagination !
Il y a quelques années, on exportait en masse notre chômage en renvoyant chez eux des centaines de travailleurs étrangers. Aujourd'hui, on se trouve devant la situation du poète qui disait : «...lorsqu'ils sont venus me chercher, il n'y avait plus personne.» ! En effet, il n'y a plus beaucoup d'étrangers à «renvoyer» chez eux, alors ...vous vous demandez quelle solution pourrait-on bien trouver à notre problème du chômage ? Eurêka, mais c'est bien sûr : c'est de les envoyer dans les pays de l'Est ...pour qu'ils y enseignent les «succès» de l'économie de marché !
Vous n'avez pas réussi ici, alors, vous avez pensé que ça réussira là-bas...
Mais l'invite no 2 arrive comme la pluie après l'orage ! En effet, prétendre vouloir se rendre sur place afin de «former» les populations concernées «à l'économie de marché» qui ont, depuis quelques années, largement eu le temps d'apprécier les «bienfaits» de ladite économie de marché.
Les espoirs immenses, légitimes, de liberté, de vie meilleure qu'a suscités la chute du mur de Berlin ont été étouffés dans l'oeuf : les peuples, qui dans leur grande naïveté, ont cru que cette fois-ci c'était, aussi, pour eux, ont dû vite déchanter et n'ont pu que l'admirer ...de loin ! Cette liberté, tant convoitée, pour laquelle des milliers de personnes ont lutté et donné leur vie, n'était pas pour elles, mais pour une poignée de personnages qui s'en est emparée pour mettre l'économie à sac.
Ceux qui, hier, traficotaient dans l'ombre, le font, aujourd'hui, en toute légitimité et au grand jour, avec le soutien d'institutions financières internationales de l'Ouest. D'immenses richesses s'accumulent dans les mains de cette minorité et, croyez-moi, Messieurs les motionnaires, ceux-là ont bien compris - et vite - comment fonctionne votre économie de marché...!
Tandis qu'une part, toujours plus grande, de ces peuples voit sa vie se dégrader de jour en jour, pauvreté et précarité règnent en maître. Est-ce pour en arriver là qu'ils ont tant espéré ?
Voyez devant quelles difficultés vous met votre motion ! Pensez-vous vraiment que l'on peut, «comme ça», envoyer des gens chez les autres, sans s'assurer qu'ils aient vraiment besoin de nous ?
Dans les relations internationales normales, cela ne se passe pas vraiment ainsi : il faudrait, au moins - et c'est un minimum - s'assurer de l'accord de l'autre, évaluer ses besoins, enfin négocier en partenaires - et non pas de façon coloniale - discuter, etc., et, pourquoi pas, tendre vers d'autres valeurs que celles qu'impose le marché...!
Décidément, cette motion est de la poudre aux yeux... et, en réalité, fait bien peu de cas aussi bien des chômeurs de Genève que des peuples qu'on prétend vouloir «servir» !
Pour toutes ces raisons notre groupe refusera donc cette proposition de motion.
M. Armand Lombard (L). Mon intention n'est certainement pas d'entrer dans le jeu polémique de Mme Chalut, qui nous cherche une bien mauvaise querelle.
Elle nous raconte une histoire sur l'économie de marché à laquelle elle ne croit pas elle-même. Je serais intéressé, une fois, à entendre ce que, sur les bancs d'en face, on souhaite effectivement comme type d'économie et comme type de fonctionnement. Un des grands gourous des bancs d'en face, M. Grobet, a mentionné que le modèle occidental courait à l'échec, ainsi a-t-il dit l'autre soir !
Si le modèle occidental court à l'échec, on aimerait savoir, Mesdames et Messieurs, quel est le modèle que vous souhaitez ? Est-ce le modèle directif stalinien ? Le mixte chinois aigre-doux ? Le tribal ruandais ? Le moraliste spinoziste ? Ou le militaire punique ? Je serais intéressé à entendre ce que vous souhaitez faire de notre monde et de notre société, parce que, c'est bien facile de critiquer tout le temps, mais dites-nous, une fois, ce que vous avez dans le ventre.
Voilà ! J'avais dit que je ne voulais pas partir sur une piste de polémique; donc je dois m'arrêter !
Cette motion pose, à l'évidence, un certain nombre de problèmes. On ne peut pas aider des gens sans qu'ils en aient envie, et on ne peut pas réussir sans qu'il y ait une action commune et dynamique. Simplement, les autorités, qu'elles soient fédérales ou cantonales, n'ont pas attendu les critiques de Mme Chalut pour se mettre au travail et pour prévoir des programmes, entre des pays qui fonctionnent différemment mais qui sont prêts à se parler et à se soutenir. Nous n'avons pas en vue l'emploi dans le seul canton de Genève ! On peut voir de l'autre côté de la frontière, même si c'est pour y amener l'économie de marché dans des pays, Madame, où vous avez fait échec avec votre système.
Je crois que la difficulté sera là. A l'évidence, on ne devrait pas envoyer, dans ces pays, des gens qui ne sont pas compétents. Bien entendu, quand on parle de chômeurs, vous avez à l'esprit, Madame Chalut - je reconnais que ce n'est pas faux - ces chômeurs qui ont perdu l'habitude de travailler, qui sont restés très longtemps au chômage et qui n'ont pas grand-chose à amener ou à exprimer. Pour ma part, je pensais plutôt, pour les solutions proposées par cette motion, à des étudiants en fin d'étude, qui, au lieu d'attendre dans un chômage trop calme, pas dynamique, sans incitation, pourraient participer à des programmes demandés par les gens de l'Est, qui ont besoin de savoir comment on agit chez nous et ce que signifie une économie d'entreprise.
Ces économies, ces systèmes, se sont transformés et l'Occident s'est tu et n'a pas amené la dynamique, l'activité nécessaire, les cheminements, qui devaient être expliqués pour pouvoir fonctionner. C'est vrai qu'il n'y avait pas ces habitudes dans ces pays-là. Le voisin y est un ennemi, et non pas un partenaire. Ce sont donc des choses qui doivent être expliquées pour laver soixante-dix ans de régime communiste «infonctionnel».
Si bien que cette motion n'est ni une panacée ni une proposition innovatrice. C'est simplement le soutien à un certain nombre de programmes déjà entrepris. Soutien pour dire que, là où les choses peuvent fonctionner, là où on peut trouver des consensus et des actions positives, poursuivez-les, faites-les, parce que nous pouvons aussi participer au développement de ces gens ! Ce n'est plus le tiers-monde, mais c'est un autre monde sur lequel nous devons aussi porter nos regards. Si nous voulons parler de l'Europe et répondre au désir, manifesté par les Genevois, de se tourner vers elle, ce n'est pas simplement en disant non à la création d'emplois à Genève ou dans les pays de l'Est qu'on y arrivera, mais en tâchant de se comprendre, d'enseigner, là où on peut le faire, et d'obtenir des renseignements quand on le peut. Voilà pourquoi je vous demanderai de soutenir fortement cette motion.
M. Jean-François Courvoisier (S). Lorsque les députés, qui proposent la motion 990, pensent pouvoir procurer, en Europe de l'Est, des emplois à nos concitoyens, nous ne pouvons approuver leur démarche.
Il est probable aussi que plusieurs d'entre eux voient dans cette collaboration la possibilité de conclure des accords commerciaux et de réaliser de copieux profits. Comme ces accords pourraient avoir également des retombées favorables à l'économie genevoise, il nous est possible de suivre leur point de vue. Mais lorsqu'au deuxième alinéa ils proposent de «...transmettre dans ces pays qui se forment à l'économie de marché les préceptes d'une gestion efficace et durable...», ils se couvrent de ridicule. Ridicule qu'ils complètent avec le premier numéro du résumé, qui parle de «transférer dans les économies de marché nouvelles les instruments qui régissent les institutions et les entreprises suisses».
La crise économique actuelle est mondiale. C'est une maladie chronique de l'économie capitaliste dont elle sonne, peut-être, le glas. Nul ne peut contester que la crise de 1929, qui a commencé aux Etats-Unis pour s'étendre rapidement à l'Europe, a apporté une misère particulièrement effroyable en Allemagne. Cette crise a permis à Hitler d'apparaître comme un sauveur et d'accéder au pouvoir. Elle est donc directement responsable de la deuxième guerre mondiale, de soixante millions de morts et de nombreuses années de souffrance pour toute l'Europe. Il nous est permis d'espérer que la crise actuelle ne connaîtra pas un dénouement aussi tragique.
Notre gouvernement - pas plus que les auteurs de cette motion - ne peut être tenu comme seul responsable des difficultés que connaît aujourd'hui notre canton. Mais ce n'est pas le moment, alors que notre économie crée, chaque jour, davantage de chômage et de pauvreté, d'aller donner des leçons aux pays qui, en quittant le communisme, ont acquis la liberté de s'entre-tuer et de mourir de faim.
Notre groupe ne pourra donc ni soutenir, ni renvoyer en commission une motion qui repose sur des motifs aussi farfelus. Si, toutefois, elle devait être renvoyée en commission, je souhaite que les commissaires demandent qu'avec les experts, chargés d'apporter nos lumières à l'Est, nous envoyions aussi quelques sans-abri et quelques chômeurs en fin de droit qui pourront, à leur manière, expliquer les bienfaits d'une gestion efficace et durable, comme le souhaitent les auteurs de la motion 990. Efficace, puisqu'elle assume une croissance continue du nombre de chômeurs; et durable, parce que la plupart d'entre eux resteront au chômage jusqu'à l'âge de la retraite.
M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Je ne rentrerai pas dans une polémique sur les systèmes, que s'opposent les différents types de députés qui sont sur les rangs, de part et d'autre de ce parlement.
Je dirai simplement à Mme Chalut que, si elle pense que cette motion manque d'imagination, je ne suis pas de cet avis. Je crois que vous avez pris cela au premier degré. M. Courvoisier a compris, lui, l'intérêt d'une telle motion. Il y voit d'autres inconvénients qui mériteraient justement d'être discutés en commission. Je vous rappellerai que les échanges avec les pays de l'Est existent déjà, pour ceux qui ne le sauraient pas.
Cette motion, en fait, propose d'élargir ce qui existe, car, quand on parle de chômage, Mesdames et Messieurs les députés, on peut voir deux aspects : ou des prestations - il faut offrir des prestations, bien entendu - ou de l'embauche. Il y a différents projets et propositions qui ont été soumis à ce parlement dernièrement, dont la motion des démocrates-chrétiens pour les emplois à domicile, les emplois privés, qui est intéressante et explore une nouvelle piste. Il y a eu le chèque service proposé par nos amis socialistes qui est une autre piste à développer. L'Office cantonal de l'emploi explore lui-même de nombreuses autres perspectives, avec un certain succès.
Cette motion propose, en définitive, de donner un signal politique clair à cet office, afin qu'il continue à rechercher toutes les possibilités d'embauche qui pourraient s'offrir aux chômeurs de notre pays. Ainsi, pour toutes ces raisons, je recommande à cette assemblée de renvoyer cette motion à la commission de l'économie pour en explorer les avantages.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Il est vrai que le ridicule ne tue pas et qu'envoyer des chômeurs expliquer, dans les pays de l'Est, les bienfaits de l'économie de marché de leur pays d'origine, est pour le moins paradoxal.
Quant à l'aide technique aux pays d'Europe de l'Est, nous n'y voyons aucun problème, à condition qu'elle ne soit pas réservée à des chômeurs. Le partage du travail inclut aussi ce genre de démarches. Si nous avons le projet de faire de la coopération avec les pays de l'Est, il faut la faire en tant que coopération. Dès le moment où des gens quitteront leur travail pour entrer dans cette coopération technique, leur place sera libre pour un chômeur - ou un demandeur d'emploi.
Attribuer ces activités à des chômeurs - comme c'est clairement écrit, Monsieur de Tolédo, dans les deux premières invites - c'est non seulement paradoxal mais aussi injuste. Les chômeurs ont droit à un traitement égal à celui de tous les autres ressortissants de ce canton. Si nous voulons faire une coopération, celle-ci doit concerner tout le monde. Une coopération technique qui libère des places est préférable à celle réservée aux chômeurs, parce qu'elle va embaucher aussi bien des employés habituels que des indépendants ; en fin de compte, le nombre total de personnes occupées sera le même; simplement, le principe est un peu différent.
Par ailleurs, envoyer ainsi des chômeurs dans les pays de l'Est, sans tenir compte du fait qu'on n'est pas très nombreux à parler polonais, c'est un peu une solution d'amateur.
Cette proposition est si peu innovatrice qu'elle invite à faire, comme vous l'avez dit, Monsieur Lombard, quelque chose qui est déjà engagé. Elle est donc relativement nulle.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Beaucoup de choses ont été dites à propos de cette motion. Il y a eu des propos un peu dogmatiques échangés de part et d'autre. Ce n'est pas cela qui va retenir l'attention de Conseil d'Etat.
Ce que nous souhaiterions vous dire, c'est un certain nombre de points concrets, parce que j'ai le sentiment que, aussi bien du côté des motionnaires que d'autres intervenants, on n'est pas exactement au courant de ce qui se passe. Il y a un certain nombre de dispositions légales en matière de chômage qui, jusqu'à présent, ont rendu ce type d'approches relativement difficiles - personnellement, je le regrette.
Un chômeur indemnisé est une personne qui, par définition, doit être apte au placement, c'est-à-dire doit être capable de prendre immédiatement un travail qui lui serait proposé, convenable en fonction de sa formation, des rémunérations et de l'horaire. Vous pouvez bien imaginer que le fait qu'un tel chômeur soit envoyé, pour plusieurs mois, dans un autre pays, rende problématique cette notion de placement immédiat. C'est ce qui a fait que, jusqu'à un passé tout récent - j'y reviendrai dans un instant - l'OFIAMT a toujours refusé de prendre en charge de tels projets. Pour ma part, je le regrette, car je puis vous dire qu'à Genève nous avons déjà travaillé sur des projets de ce type, par exemple, un projet pour la Roumanie avec des organismes techniques spécialisés et la commune de Meyrin mais, jusqu'à ce jour, il n'a pas pu être pris en considération par la Confédération, puisque l'OFIAMT s'y est opposé, du fait d'un certain nombre de rigidités inhérentes à la loi fédérale sur le chômage.
Est intervenu plus récemment un projet de la Ville de Berne, également pour la Roumanie. Il était intéressant et nous étions d'accord de suspendre nos différents projets, de telle sorte que ce projet de la Ville de Berne soit considéré comme projet-pilote et que l'OFIAMT, à son aboutissement, en fasse une évaluation, pour que l'on sache s'il était possible ou pas d'en envisager d'autres. Je suis moi-même intervenu, à plusieurs reprises, dans le cadre des Chambres fédérales, notamment à propos de la révision de la loi fédérale sur le chômage, pour que l'on élargisse cette loi fédérale et son application afin que ce genre de projets, incontestablement intéressants, soient possibles.
L'évaluation a eu lieu par l'intermédiaire de l'OFIAMT, qui arrive aujourd'hui à des considérations, sensiblement plus positives qu'auparavant, de sorte que nous allons pouvoir redémarrer avec les projets jusque-là gelés. Que peut-on envisager comme projets qui s'adressent à des chômeurs, qui pourraient mettre à disposition leurs compétences pour aider un certain nombre de pays - il peut s'agir des pays de l'Est mais d'autres pays également - à se restructurer ? Ce sont des projets de formation, de restructuration d'administrations, ou, parfois même, d'aide à la mise en place d'administrations minimales, mais, le plus souvent, ce sont des projets de nature technique où il y a un certain nombre de travaux d'infrastructures. Dans le projet Roumanie, auquel je faisais allusion, il s'agissait de créer des réseaux de captage d'eau, pour que certains villages, qui ne sont pas correctement alimentés en eau potable, puissent le devenir. Ce sont des projets très concrets, souvent vitaux.
Cette motion nous demande de travailler dans ce sens-là. Comme c'est déjà ce que nous faisons, nous sommes évidemment prêts à l'accueillir. Je vous dis très clairement que nous n'entendons pas, en ce qui concerne le Conseil d'Etat, entrer dans des considérations de type politique ou dogmatique, à savoir s'il faut - pardonnez-moi l'expression - «évangéliser» tel ou tel pays qui ne serait pas forcément rompu aux mécanismes de l'économie de marché. Cela ne nous intéresse pas.
Ce qui nous intéresse, c'est, premièrement, la possibilité d'utiliser valablement les compétences professionnelles de chômeurs, qui ne retrouvent pas de travail dans leur métier; deuxièmement, de le faire dans un cadre qui peut constituer une aide, un plus, à la coopération au développement et à l'aide technique, telle qu'elle est généralement déployée dans notre pays. De ce point de vue, il peut y avoir une contribution cantonale complémentaire tout à fait valable, de sorte que, moyennant les réserves que je vous ai expliquées, le Conseil d'Etat accepte de prendre cette motion pour étude.
Si vous préférez la renvoyer en commission pour avoir d'autres discussions, sachez que, compte tenu des initiatives populaires que nous devons traiter à la commission de l'économie, il est très douteux que la commission puisse se saisir de cette motion avant un délai relativement long. Pour le surplus, si vous la renvoyez au Conseil d'Etat, nous la prendrons pour examen et nous vous ferons un rapport dans le sens indiqué.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Si les députés semblent ignorer les dispositions légales, Monsieur le conseiller d'Etat, vous, vous semblez ignorer le nombre d'heures supplémentaires qui sont actuellement faites dans ce canton, ainsi que l'importance qu'ont prise les agences de location de services.
S'il y a tellement de chômeurs compétents qui pourraient réorganiser l'Europe de l'Est, comme vous semblez le prétendre, je propose que ces gens qualifiés soient mis au service de l'office cantonal de l'emploi pour le réorganiser, parce que, s'il y a une zone sinistrée, c'est bien celle-là !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je suis navré, Madame Blanc-Kühn de cette intervention qui est complètement à côté du sujet. (Rires.) Cela semble être une manie, face aux efforts considérables qui ont été faits dans le cadre de la restructuration de l'office cantonal de l'emploi et qui commencent à porter leurs fruits.
A la fin du mois d'avril, le chômage dans notre canton a baissé d'environ quatre cents à quatre cent cinquante dossiers, ce qui est un résultat assez bon. Nous commençons à engranger de bons résultats ! Cette restructuration de l'office cantonal de l'emploi a été décidée en étroite concertation avec les partenaires sociaux, avec les organisations syndicales, et celles-ci y ont souscrit à l'unanimité.
Je trouve donc que votre intervention est malheureuse parce qu'elle est vraiment décourageante pour une série de personnes, cadres et collaborateurs, au placement, au service de l'insertion professionnelle, qui se donnent à fond à leurs tâches et qui commencent à engranger des résultats, pour lesquels nous continuerons à nous battre.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Prenons un exemple de réorganisation de l'office cantonal de l'emploi. Nous avons cherché, dernièrement, une secrétaire et nous avons attendu dix jours pour avoir la réponse suivante : il n'y a pas de secrétaire au chômage !
La présidente. Le Conseil d'Etat étant d'accord d'accepter cette motion, je pose la question aux motionnaires : maintenez-vous votre demande de renvoi en commission ?
M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Nous retirons notre proposition de renvoi en commission.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
sur l'ouverture d'emplois formateurs genevois en Europe de l'Est
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
le besoin de main-d'oeuvre et de cadres qualifiés dans les pays d'Europe de l'Est;
le besoin de transmettre dans ces pays qui se forment à l'économie de marché les préceptes d'une gestion efficace et durable;
la nécessité de créer des emplois pour des Genevois en phase de recyclage;
la difficulté à Genève de trouver des places pour les personnes en occupation temporaire,
invite le Conseil d'Etat:
à étudier, en concertation avec le bureau de coopération pour l'Europe de l'Est du département fédéral des affaires étrangères, des programmes d'activité en entreprise dans les pays de l'Est européen, destinés à des personnes qualifiées et soutenus par des programmes d'emploi cantonaux et fédéraux;
à étudier des activités d'occupation temporaire ou des stages de formation continue ou de réinsertion dans ces pays;
à prévoir, au titre de l'aide technique cantonale ou fédérale, avec les communes également, l'emploi dans des administrations publiques locales à l'Est, pour des périodes de 3 à 12 mois, de cadres communaux ou cantonaux.
La séance est levée à 19 h.