République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 avril 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 6e session - 16e séance
GR 77-1 et objet(s) lié(s)
8. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. A. L. , 1963, France, sans profession, recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire de 5 ans dont l'échéance est fixée au mois d'août 1999.
M. Henri Duvillard (PDC), rapporteur. M. A. L., de nationalité française, a été condamné le 25 mai 1993, par le juge d'instruction de Genève, à trois mois d'emprisonnement, dont cinquante-six jours subis en détention préventive, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à trois ans d'exclusion du territoire de la Confédération, pour vols de vêtements dans divers magasins de la place.
Le 31 juillet 1994, alors qu'il est toujours sous le coup de l'expulsion judiciaire valable jusqu'en 1996, M. A. L. est arrêté pour rupture de ban et condamné, cette fois, à quarante-cinq jours d'emprisonnement, avec cinq ans de sursis et cinq ans d'expulsion, soit jusqu'au mois d'août 1999.
Il convient de souligner que le juge avait justifié cette seconde expulsion par le fait que M. A. L. n'avait aucune attache sérieuse en Suisse. Aujourd'hui, la situation de M. A. L. s'est modifiée, car il a épousé, le 30 novembre 1994, à Gaillard, Mme A. A., originaire de Genève et de Schwytz, divorcée et mère d'une enfant de six ans, suissesse, elle aussi, et scolarisée à Genève.
Aussi, M. A. L., par l'intermédiaire de son avocat, sollicite le recours contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire de cinq ans, invoquant qu'il forme, avec sa femme et sa belle-fille, une famille unie et profondément intégrée en Suisse, et qu'un changement brutal de milieu social et scolaire nuirait au développement psychique et éducatif de sa belle-fille.
Pourtant, la commission vous propose le rejet de la grâce, puisque M. A. L. s'est marié longtemps après avoir été soumis à sa peine.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. F. D. , 1963, Angola, technicien, ne recourt que contre le solde de la peine de réclusion.
M. Claude Basset (L), rapporteur. M. F. D., né en 1963, est originaire d'Angola. Il est arrivé en Suisse, en tant que requérant d'asile, en 1993. Depuis cette date, il vit à Genève avec l'allocation qui lui est attribuée, soit 2 850 F.
Il est accusé d'avoir violé une femme dans les toilettes d'un hôtel de la place. Le rapport du directeur du pénitencier de Bellechasse est négatif dans la mesure où le condamné ne renie rien et accable même sa victime. Le procureur dit également qu'il s'agit d'un recours très malvenu et très inconvenant - j'emploie ses propres termes - en raison de la gravité des faits reprochés à M. F. D. qui, par ailleurs, ne semble pas du tout les regretter.
Ce délit revêt également à nos yeux un caractère d'extrême gravité, même si l'éthylisme a été l'un des facteurs déclencheurs, puisque cinq heures après l'agression, M. F. D. avait encore une teneur d'alcool de 1% dans le sang.
Il n'en demeure pas moins que la personne violée a été extrêmement marquée, puisqu'aujourd'hui encore elle présente des signes de perturbation évidente.
Par conséquent, la commission est d'avis de maintenir M. F. D. en détention dans un établissement pénitentiaire.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. L. C. A. , 1961, Portugal, cuisinier, recourt contre le solde de la peine d'expulsion qui prendra fin en avril 1999.
Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. M. L. C. A., citoyen français, est née en 1961. Il a été condamné, en avril 1994, à quatre mois d'emprisonnement, dont seize jours subis en préventive, avec sursis et à cinq ans d'expulsion du territoire, pour vol dans un grand magasin et usage de cartes de crédit volées.
Il recourt contre le solde de la peine d'expulsion, qui prendra fin en avril 1999, et cela pour des motifs peu cohérents : des affaires à régler à Genève, ce qu'il peut parfaitement faire par l'intermédiaire d'un mandataire, par correspondance ou à l'aide d'un sauf-conduit temporaire.
La commission a suivi le préavis négatif du substitut du procureur et vous propose de faire de même en rejetant cette demande de grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Q. M. C. , 1964, Chili, manutentionnaire, recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire qui prendra fin au mois de juin 1998.
M. Jean-Pierre Gardiol (L), rapporteur. M. Q. M. C. a été condamné, le 21 juin 1993, pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants à dix-huit mois d'emprisonnement, dont septante et un jours subis en détention préventive, avec sursis de cinq ans, ainsi qu'à cinq ans d'expulsion ferme du territoire suisse.
Il recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire qui prendra fin au mois de juin 1998.
Il est né le 27 mai 1964 au Chili et sa dernière profession, exercée à Genève, est celle de manutentionnaire, emploi qu'il a, bien entendu, quitté du fait qu'il purge sa peine d'expulsion au Chili.
Il est à noter que M. Q. M. C. est issu d'une famille aisée et qu'il a fréquenté d'excellentes écoles.
Après avoir occupé divers emplois au Chili, il a - dès l'été 1987 et jusqu'en avril 1990 - fait plusieurs aller et retour entre Genève et le Chili. C'est dire qu'il résidait déjà illégalement en Suisse.
M. Q. M. C. est divorcé. Il a une fille de trois ans et demi. Il s'est marié en septembre 1990 avec Mme A. V., titulaire d'un permis C. De ce fait, il a obtenu immédiatement un permis régularisant sa situation dans notre pays.
Le 20 décembre 1991, sa fille F. est née. Il ne s'en occupe pas du tout, puisqu'il s'est séparé de sa femme déjà le 9 mai 1991. En juin 1992, il a divorcé.
Il a été condamné le 21 juin 1993 par le Tribunal de police pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il a été reconnu coupable d'un trafic important de drogue, mais, du fait qu'il n'avait pas d'antécédents judiciaires, il a déjà été mis, à titre exceptionnel, au bénéfice du sursis pour la peine d'emprisonnement.
En effet, entre 1991 et 1993, il a distribué, vendu et fait le courtage de quantités importantes de stupéfiants divers, tels que cocaïne, hachisch et marijuana.
A noter que M. Q. M. C. a déjà fait recours contre le jugement de la peine d'expulsion auprès de la chambre pénale de la Cour de justice, puis il a formé un pourvoi en nullité devant la cour de cassation pénale du Tribunal fédéral.
Dans ces deux cas, les instances ont débouté l'intéressé.
La commission a estimé que les faits nouveaux, depuis sa condamnation, n'étaient pas suffisants pour entrer en matière sur sa demande. En fonction de ces éléments, la commission vous propose de rejeter la demande de grâce de M. Q. M. C..
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. T. P. G. , 1929, Genève, retraité, recourt contre le solde de la peine d'emprisonnement.
M. Claude Basset (L), rapporteur. Le cas de M. T. P. G. est particulier dans la mesure où l'intéressé a 66 ans et est originaire de Genève.
La commission de grâce n'a pas pour but de revenir sur une décision de justice, mais celui de considérer les éléments nouveaux intervenus depuis la condamnation. C'est ce que nous allons faire.
M. T. P. G. a été condamné à deux ans d'emprisonnement pour escroqueries, faux dans les titres et gestion déloyale, alors qu'il était le directeur de l'infirmerie du Prieuré, établissement destiné à accueillir des femmes âgées, entièrement dépendantes. Cet établissement est exploité par le bureau cantonal d'aide sociale.
M. T. P. G. a travaillé au Prieuré de 1982 à 1990. Les dossiers qui nous ont été remis font montre, effectivement, que des fautes graves ont été commises : faux, notamment avec l'inscription, par M. T. P. G., de son épouse, comme collaboratrice de l'infirmerie. Elle a été ainsi rétribuée sans qu'elle ne travaille dans l'établissement. M. T. P. G. a touché également le montant de factures, sans que des produits n'aient été livrés en contrepartie, etc.
Mais les faits nouveaux, dont je parlais tout à l'heure, touchent à la santé de M. T. P. G.. Nous avons eu l'occasion de contacter M. T. P. G., de le voir et de discuter avec lui. Nous avons pu constater que son état de santé était déplorable.
M. T. P. G. a été hospitalisé à cinq reprises, durant l'enquête, et à deux reprises depuis qu'il est emprisonné à la Maison de Favraz.
Sa femme jouit, certes, d'une certaine aide extérieure, mais elle souffre de problèmes d'éloignement et ne parvient pas à se faire à l'idée que son mari est détenu.
M. T. P. G. a deux fils. L'un, qu'il ne voit jamais parce qu'il vit en Australie. L'autre a pris ses distances, parce qu'ayant un emploi à Genève il craint que l'emprisonnement de son père ne porte ombrage à sa carrière.
M. T. P. G. a souffert d'un premier cancer de la peau, qui a été soigné. Maintenant, il souffre d'un deuxième cancer qui l'a atteint à la prostate. Il a 66 ans, je vous le répète, et il souffre de troubles auditifs et de mémoire.
Ayant été condamné à deux ans, il est entré en prison le 20 juillet 1994. Après une longue discussion en commission, nous pensons que M. T. P. G. pourrait être libéré pour des raisons uniquement humanitaires, étant entendu que sa détention est absolument légitime.
Nous vous suggérons de faire passer sa peine de deux ans à quatorze mois. Ainsi libéré dans le mois qui suit, M. T. P. G. pourra sortir de prison le 15 mai de cette année.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de la peine d'emprisonnement à quatorze mois) est adopté.