République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 14e séance
M 985
EXPOSÉ DES MOTIFS
C'est en 1535 que fut créée, sous le nom d'Hôpital général, une institution chargée d'assister les personnes malades et les indigents. Nous ne referons pas ici l'histoire de cet établissement. Le député curieux pourra se référer à l'ouvrage publié sous la direction de M. Bernard Lescaze en 1985 et intitulé «Sauver l'âme, nourrir le corps».
Tout au long de son histoire, cette institution s'est adaptée aux exigences de l'évolution des formes de pauvreté et des mentalités. Or, aujourd'hui, force est de constater que l'appellation «Hospice» ne correspond plus ni aux tâches qui sont assumées par l'institution, ni à une indication correcte en regard de l'action sociale et de son évolution depuis la dernière guerre mondiale.
Le dictionnaire Larousse donne du terme «Hospice» la définition suivante: «Maison où des religieux donnent l'hospitalité aux pèlerins, aux voyageurs. Maison d'assistance où l'on reçoit les vieillards démunis ou atteints de maladie chronique.» Chacun aura compris que le terme n'est plus adapté. Quelle résidence ou pension pour personnes âgées oserait aujourd'hui s'appeler «Hospice»?
La question du nom de cette institution n'est cependant pas anodine. Elle aggrave la barrière psychologique que rencontrent nombre d'usagers de l'Hospice, accentuant le sentiment d'humiliation vécu par les personnes contraintes de demander l'aide de l'assistance publique. Enfin, nombre de personnes travaillant dans le domaine social et peu au fait de nos habitudes cantonales s'étonnent de ce nom qui, chez d'aucuns, provoque une franche hilarité.
Changer le nom de l'Hospice général, c'est consacrer le passage de l'action caritative avec tout ce que cela implique de sentiments de dépendance pour l'usager à l'action sociale et au droit auxquels doivent pouvoir se référer les milliers de personnes qui font appel à cette institution.
Rappelons que l'Hospice général comporte un sous-titre qui pourrait fort bien remplacer l'actuelle dénomination, à savoir «Institution genevoise d'action sociale». D'autres possibilités sont envisageables. En cette fin de XXe siècle, il est temps d'adapter, enfin, le nom de l'Hospice à la réalité de son action sociale dans notre canton.
Au vu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à notre proposition de motion.
Débat
M. Matthias Butikofer (AdG). Nous sommes d'avis que le nom porté par l'Hospice général est devenu anachronique. En d'autres termes, il y a un décalage notoire entre la mission réelle qu'accomplit, aujourd'hui, l'Hospice général et tout ce qu'implique la dénomination de cette institution, dénomination qui remonte à 1869, date à laquelle fut fondé l'Hospice général.
Cette fondation résultait de la fusion de plusieurs institutions caritatives, dont l'Hôpital général, nom qui fut récupéré pour baptiser la nouvelle institution centrale, à savoir l'Hospice général.
Ce remodelage de l'intervention sociale comportait, pour l'essentiel, les deux aspects suivants :
- L'approche de l'Etat radical, qui tenta de moderniser, petit à petit, par les biais de la centralisation, du financement et de l'administration, une configuration politique de l'aide sociale, encore proche de l'Ancien Régime.
- L'intervention de l'Etat radical générant - par la création de l'Hospice général - l'uniformisation et la centralisation de l'aide sociale découlait de la volonté de la majorité du Grand Conseil d'établir l'égalité de tous les citoyens genevois devant l'assistance. Cela a mis, du moins dans ce domaine, un terme aux divisions confessionnelles et communales, c'est-à-dire aux prérogatives des anciens citoyens genevois protestants par rapport aux nouveaux citoyens issus de traditions différentes.
Une fois ces réformes mises en place, un autre débat s'engagea sur la question de savoir si l'assistance relevait d'un droit public ou si elle devait plutôt garder le caractère spontané et arbitraire de la charité.
Pour illustrer comment les gestes volontaires d'autrefois furent peu à peu supplantés par une législation sociale sur les droits des bénéficiaires, je me contenterai ici de citer trois exemples : les barèmes d'assistance furent introduits avant le tournant de ce siècle; en 1962, on a vu l'introduction du droit de recours auprès de la commission administrative; enfin, tout récemment, ce fut l'entrée en vigueur du RMCAS.
Compte tenu des transformations subies par l'Hospice général, tant sur le plan des droits des bénéficiaires que sur le plan administratif ou sur le plan de sa politique, nous estimons, pour conclure, que sa dénomination actuelle est devenue anachronique et frôle même le ridicule.
Même Guy Perrot, le directeur de cette institution, écrivait dans l'ouvrage «Sauver l'âme, nourrir le corps» que, je cite : «...l'Hospice général porte toujours et encore le nom «Hospice général», qui n'a que peu de rapport avec ses activités actuelles.».
Ce nom a, de surcroît, le défaut de susciter, chez les nécessiteux, un sentiment de gêne, voire de honte. Ce sentiment paralyse leurs dernières ressources psychiques et constitue un obstacle supplémentaire pour se sortir de la misère.
C'est aussi dans ce souci-là que je vous saurais gré, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un accueil favorable à cette proposition de motion.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
en vue d'une modification de nom de l'Hospice général
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
les prestations polyvalentes fournies par l'Hospice général: assistance publique, établissement et animation pour personnes âgées, foyers pour enfants et adolescents, établissement pour personne alcoolique, information sociale;
l'introduction, au 1er janvier 1995, de la loi assurant un revenu minimum aux chômeurs en fin de droit dont l'exécution est confiée à l'Hospice général;
l'appellation actuelle de cette institution de droit public adoptée en 1868 et qui ne correspond plus à ses activités actuelles;
la définition du terme «Hospice» qui accentue les sentiments de gêne ressentis par la population faisant appel aux services de cette institution,
invite le Conseil d'Etat
à étudier le changement de nom de l'Hospice général en collaboration avec les instances concernées de cette institution de droit public et à présenter au Grand Conseil les modifications légales nécessaires.