République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 14e séance
M 984
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- le nombre de personnes travaillant à temps partiel dans l'économie domestique et non déclarées par leurs employeurs;
- le fait que ces personnes ne bénéficient par conséquent d'aucune protection sociale;
- la complication des démarches administratives à effectuer pour régulariser la situation de ces personnes, même pour des emplois de quelques heures par semaine;
- le côté dissuasif que peut avoir la procédure actuelle;
- la motion 963 renvoyée en commission,
invite le Conseil d'Etat
- à simplifier au maximum les formalités nécessaires à la déclaration des personnes employées partiellement à des activités familiales ou domestiques;
- à s'inspirer pour ce faire du système français du chèque emploi service.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Aujourd'hui, la déclaration des personnes travaillant à temps partiel au domicile d'employeurs privés est relativement compliquée: affiliation de l'employeur à la caisse cantonale de compensation, divers formulaires à remplir, décompte du montant des cotisations paritaires à calculer par l'employeur, prise d'une assurance-accident, etc. (Voir à ce sujet l'annexe I.) Ceci est obligatoire pour tout emploi dont le salaire mensuel est supérieur à 200 F. En dessous de ce très modeste montant, le système du carnet de timbres, obtenu dans les bureaux de poste et permettant le versement des cotisations sociales, reste valable. Mais renseignements pris, il n'est quasiment plus utilisé.
Une formule plus simple et rapide - tel que le système français du chèque emploi service - aurait certainement un effet incitateur sur employeurs et employés.
Le chéquier emploi service se compose de chèques et de volets sociaux correspondants permettant à la fois la rémunération et la déclaration de l'employé et lui permettant ainsi de bénéficier d'une couverture sociale complète: retraite, chômage, accident vacances, etc. (Voir annexe II.) Même si le système appliqué dans un pays voisin n'est pas forcément transposable tel quel chez nous, sa simplicité et ses avantages méritent qu'on l'étudie en collaboration avec les instances concernées (caisse cantonale de compensation, service d'allocations familiales, CNA).
L'utilisation du chèque emploi service s'accompagne en outre en France d'une possibilité de réduction fiscale pour ses utilisateurs. Cet aspect doit rester annexe et subsidiaire à la simplification de la procédure. Ce qui reste prépondérant à nos yeux, c'est d'assurer une protection sociale à tous les travailleurs et non pas procurer un avantage fiscal aux employeurs respectant la loi.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention la présente proposition de motion.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
Annexe
Débat
Mme Claire Torracinta-Pache (S). En décembre dernier, nous avons renvoyé en commission une motion de nos collègues du PDC concernant les emplois à domicile. Elle avait reçu un accueil que je qualifierai de partagé, notamment à cause du lien que ses auteurs faisaient entre la création d'emplois et une déduction fiscale susceptible d'être accordée aux employeurs privés d'accord de déclarer leurs employés.
En revanche, cette motion soulevait un problème réel, à savoir celui des personnes occupant des emplois dits de proximité et en situation non déclarée, donc échappant à toute protection sociale.
Etant sensible à cet aspect des choses, notre groupe vous fait, aujourd'hui, une proposition de simplification de la procédure, simplification qui s'avère, à nos yeux, indispensable.
Je prends un exemple extrêmement banal et classique, celui de la femme de ménage que vous désirez employer quelques heures par semaine et que vous avez l'intention de déclarer.
Partant du principe qu'en tant que députés vous savez devoir vous adresser à la caisse cantonale de compensation, mais je ne suis pas sûre que dans le grand public cela soit su de tout le monde. Vous téléphonez pour vous annoncer. On vous répond en vous envoyant un questionnaire d'affiliation à remplir, ce que vous faites consciencieusement. Vous renvoyez le questionnaire. En réponse, vous recevez trois ou quatre petites brochures, très intéressantes, denses et complètes, à lire attentivement et qui donnent tous les renseignements sur la soumission ou non aux cotisations paritaires, et leur taux : AVS, AI, APG : 10,1% + les frais administratifs; chômage + 0,3%. Vous faites donc le calcul vous-même pour savoir exactement ce que vous devrez retenir sur le salaire de votre future femme de ménage. Ensuite, vous recevez tous les trois mois un bordereau de versement, qui vous oblige, évidemment, à refaire vos calculs en fonction du nombre d'heures effectuées afin de déterminer le montant des cotisations à verser à la caisse. En sus, on vous demande tous les ans un résumé récapitulatif des heures effectuées; le cas échéant, et si votre employée y a droit, vous devrez remplir une attestation supplémentaire pour les allocations familiales et, de surcroît, conclure un contrat d'assurance-accident. Toute cette procédure pour quatre heures de travail par semaine !
Avouez que c'est assez dissuasif. D'autant que le personnel concerné est loin d'être toujours enthousiaste à l'idée d'être déclaré.
D'où l'attrait d'un système extrêmement simple, tel celui récemment adopté en France, le chèque emploi service, qui rencontre un franc succès. Je ne vous le décris pas, la procédure française n'étant pas forcément applicable telle quelle en Suisse. Toutefois, nous avons joint à la motion un exemple du fonctionnement de ce système qui est très simple.
Nous ne prétendons pas que cela supprimerait tout emploi domestique non déclaré, mais nous pensons qu'un système simple, rapide, et qui fait apparaître très clairement les avantages pour les deux parties, aurait un effet incitatif et permettrait à un certain nombre de travailleuses et de travailleurs de bénéficier de leurs droits sociaux.
En ce qui concerne une éventuelle déduction fiscale, qui pourrait être accordée aux employeurs qui déclarent leurs employés, nous n'y sommes pas fondamentalement opposés. C'est d'ailleurs le cas dans le système du chèque emploi service. En revanche, il faudrait en discuter les modalités et voir, dans quelles limites, on pourrait y fixer un plafond. En tout cas, pour nous, là n'est pas la question essentielle. Ce qui reste prépondérant, je le répète, c'est d'inciter le maximum de personnes à être en situation régulière et à bénéficier des droits qui sont les leurs.
Je crois savoir que la motion de nos collègues du PDT a été renvoyée à la commission...
M. Pierre-François Unger. PDC !
La présidente. Elle a été renvoyée à la commission fiscale, Madame, c'est exact.
Mme Claire Torracinta-Pache. Je vois que notre motion apparaît dans le département de M. Segond. Je trouve dommage qu'elle ne soit pas discutée en parallèle. Mais peu importe, si vous acceptez de la renvoyer dans une commission, j'en serai déjà très contente.
La présidente. Je me pose aussi la question de savoir pourquoi elle figure dans ce département.
M. Philippe Schaller (PDC). Effectivement, comme l'a dit Mme Torracinta, nous accueillons favorablement la proposition. Elle va dans le sens de la motion que nous avions déposée. Nous avons quelques doutes quant aux «incitatifs» que crée le chèque emploi service. Nous voulions aller un peu plus loin pour nous coller avec les mutations actuelles de la famille, créer aussi un vrai statut-cadre pour les emplois de service. Mais il faut, bien entendu, renvoyer cette proposition à la commission fiscale, c'est-à-dire là où l'autre motion a été renvoyée.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. A la forme, la motion est inscrite sous le département de l'action sociale et de la santé parce que la caisse cantonale genevoise de compensation est l'un des nombreux services du département que je préside.
D'autre part, les problèmes ne sont pas exactement de la même nature : la motion, déposée par le PDC, est renvoyée à l'examen de la commission fiscale pour la question de la déduction fiscale, un problème à traiter pour lui-même. La motion, déposée par Mme Torracinta-Pache et M. Champod, porte sur des questions qui sont plus de simplification et d'accélération des procédures. Elle relève, en réalité, de l'organisation de la caisse cantonale genevoise de compensation, en conformité avec la législation fédérale et cantonale.
C'est la raison pour laquelle je vous propose de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires sociales.