République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 mars 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 5e session - 14e séance
P 673-B et objet(s) lié(s)
7. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les objets suivants :
Les pétitions et motions faisant l'objet du présent rapport ont ceci en commun qu'elles souhaitent toutes encourager de meilleures connaissances civiques chez les jeunes de notre canton. Pour cela, elles proposent différents moyens: les pétitions 673-A et 799-A ainsi que la motion 907 souhaitent que le Conseil d'Etat instaure des cours d'éducation civique obligatoires dans les trois ordres d'enseignement alors que la motion 777 invite le Conseil d'Etat à organiser des rencontres entre les jeunes et les représentants du monde politique.
Le Conseil d'Etat a donc décidé d'apporter une réponse unique à ces quatre objets.
Le présent rapport s'attachera dans un premier temps à rappeler brièvement la teneur de ces différents objets. Dans un deuxième temps, il dressera un état des lieux complets de ce qui se fait en matière d'éducation civique dans les différentes écoles publiques genevoises et, finalement, il fera part des mesures qui ont été prises par le Conseil d'Etat pour répondre aux attentes des motionnaires et pétitionnaires.
1. Rappel de la teneur des différents objets
1.1. P 673-A
Cette pétition a été déposée par le groupe de lecture des Unions chrétiennes de Genève le 23 juin 1985. Elle demande que le département de l'instruction publique rende obligatoire un cours d'éducation civique neutre mais attrayant «afin que les enfants en âge de scolarité obligatoire reçoivent cet enseignement systématiquement».
Un rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation a été rendu le 23 janvier 1986. La commission a recommandé cette pétition à l'unanimité et l'a renvoyée au Conseil d'Etat.
Lors de leur audition, les pétitionnaires ont remis un texte contenant des suggestions. Les deux revendications principales sont les suivantes:
Le département de l'instruction publique doit faire en sorte que, dans les trois ordres d'enseignement, un cours d'éducation civique soit dispensé de façon neutre afin que les «enfants se sentent responsabilisés et connaissent le système de fonctionnement de notre pays»;
«l'enseignement ne doit pas être uniquement théorique et livresque, mais rendu attrayant par des exercices pratiques et des visites».
1.2. P 799-A
Cette pétition a été déposée par la société d'étudiants Adelphia le 28 mars 1986. Les pétitionnaires demandent que des cours d'éducation civique obligatoires soient dispensés dans l'enseignement secondaire.
La commission de l'enseignement et de l'éducation a rendu son rapport le 15 juillet 1988. Elle a approuvé cette pétition à l'unanimité et l'a renvoyée au Conseil d'Etat. Elle a en effet estimé «que cette pétition complète la pétition 673 et mérite de la rejoindre».
1.3. M 907
Cette motion a été déposée au Grand Conseil le 11 avril 1994 par Mme Martine Roset et MM. Luc Barthassat et Olivier Lorenzini. Elle invite le Conseil d'Etat «à instaurer un cours obligatoire de ‘droits politiques' pour tous les jeunes suivant une formation postobligatoire» du type de celui dispensé aux apprentis de l'école de commerce.
Sont en particulier souhaités:
un enseignement d'une trentaine d'heures durant l'année qui précède la majorité civique des élèves;
l'intégration de ces cours dans ceux d'histoire ou de géographie de manière obligatoire et avec notation;
une formation complémentaire des enseignants chargés de cet enseignement.
1.4. M 777
Cette motion a été déposée au Grand Conseil le 28 janvier 1992 par Mmes Elisabeth Reusse-Decrey, Irène Savoy et MM. Pierre-Alain Champod et Robert Baud. Elle invite le Conseil d'Etat à:
étudier la possibilité d'organiser des rencontres annuelles entre des délégations de jeunes, d'une part, et des représentants du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, d'autre part;
écouter ainsi les attentes, les demandes, les critiques de ces jeunes, et à y apporter des réponses claires et motivées, qu'elles soient négatives ou positives.
Cette motion a été renvoyée au Conseil d'Etat le 14 février 1992.
2. Préambule
2.1. La mission de l'école: article 4 de la loi sur l'instruction publique
a) donner à chaque élève le moyen d'acquérir les meilleures connaissances dans la perspective de ses activités futures et chercher à susciter chez lui le désir permanent d'apprendre et de se former;
b) aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques;
c) préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté du discernement et l'indépendance du jugement;
d) rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l'entoure, en développant en lui le respect d'autrui, l'esprit de solidarité et de coopération;
e) tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les premiers degrés de l'école.
Le devoir d'enseigner les principales notions d'éducation civique est plus particulièrement ancré dans les lettres c et d.
2.2. Instruction ou éducation civique?
A ce jour, il n'a pas été opéré de choix entre les deux terminologies. Dans le rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la pétition 673-A, il est opéré la distinction suivante:
«On peut distinguer l'instruction civique proprement dite (l'étude du fonctionnement de nos institutions) et l'éducation civique (qui permet d'acquérir un certain comportement social).»
Comme stipulé dans les lettre c et d de l'article 4, ces deux aspects font partie de la mission de l'école. Il paraît dès lors difficile d'opter pour l'un des deux termes.
Néanmoins, par souci de clarté, le terme employé ci-après sera celui d'éducation civique.
Il faut en outre signaler la proposition des auteurs de la motion 907 qui souhaiteraient voir adopter une formulation «plus moderne et dynamique» pour cet enseignement, soit: «cours de droits politiques».
3. L'éducation civique dans les trois ordres d'enseignement
3.1. Enseignement primaire
L'article 1, alinéa 2, du règlement de l'enseignement primaire mentionne que l'école primaire «le (l'élève) sensibilise à la tolérance et au respect d'autrui. Elle encourage une ouverture sur le monde extérieur».
L'éducation civique dans l'enseignement primaire n'est pas une discipline d'enseignement mais les maîtres exploitent des situations de la vie courante afin de sensibiliser les enfants aux rouages de notre démocratie, notamment par le biais de la gestion de la classe (conseil de classe, nomination des responsables, vote sur la destination des courses d'école, etc.).
L'enseignement de l'histoire et celui de la géographie servent aussi de base pour inculquer des notions civiques (historique de la construction de la démocratie, études des institutions communales, cantonales et fédérales, étude de la population, formation des territoires, situer les bâtiments officiels, etc.).
Pour illustrer les thèmes d'éducation civique, les enseignants du primaire ont à disposition, outre les manuels d'histoire et de géographie, des vidéos, des ouvrages fournis par le centre de documentations pédagogique ainsi que des documents du service de l'environnement.
En outre, une brochure d'éducation civique a été envoyée à tous les enseignants primaire en avril 1990. Cette brochure aide l'enseignant à établir des parallèles entre ses cours d'histoire et de géographie et l'éducation civique (proposition d'activités avec référence aux pages des manuels d'enseignement et aux moyens didactiques et méthodologiques disponibles).
3.2. Cycle d'orientation
Au cycle d'orientation, l'éducation civique figure au plan d'études d'histoire. Le programme est prévu pour une heure hebdomadaire en moyenne dans le cadre du programme d'histoire disposant de 3 heures par semaine (7LS, 8LSMG, 9LM, R2). Dans les autres cas, une dizaine de leçons d'éducation divique en liaison avec l'actualité sont dispensées pendant l'année.
Contenu du programme
La 7e année est consacrée à une approche intuitive de la vie politique, économique et sociale:
à partir du vécu et des motivations de l'élève (famille, quartier, club, etc.);
à partir du cours d'histoire (passage de la préhistoire à des sociétés organisées);
à partir de l'actualité.
En 8e année, il est effectué une approche concrète de la vie politique, économique et sociale de la Suisse:
à partir du cours d'histoire (mouvement communal, Landsgemeinde, citoyens, etc.);
à partir de l'actualité.
En 9e année, approche systématique des institutions:
à partir du cours d'histoire (constitution, droits de l'homme, systèmes politiques, groupes de pressions, etc.);
à partir de l'actualité (initiative, référendum, votations, élections, etc.).
Dans cet enseignement, il s'agit moins d'inculquer des notions que de sensibiliser et d'éveiller les élèves. Le groupe d'histoire et d'éducation civique du cycle d'orientation estime que des tests de connaissances liés à cet enseignement ne sont pas souhaitables. Le travail des maîtres d'histoire et d'éducation civique va plus en profondeur qu'une simple acquisition, pour la mémorisation, d'un catéchisme civique qui n'aurait pas de sens pour les élèves.
Pour les aider, les enseignants ont à disposition un plan de travail pour les trois degrés, le Mémento genevois d'éducation civique, des fiches de travail «à l'école du civisme», du matériel vidéo, des jeux, etc.
3.3. Enseignement postobligatoire
La forme et la fréquence des activités d'éducation civique divergent d'un établissement à l'autre mais tous organisent une fois par année un vote en blanc. De plus, certains collèges et écoles supérieures de commerce participent activement au Students United Nations (SUN).
3.3.1. Collège de Genève
L'éducation civique ne figure pas expressément au programme du collège de Genève. Cependant, les collèges profitent des votes en blanc pour aborder certaines notions civiques (initiatives, référendum, etc.). Par ailleurs, les élections ou les votations importantes donnent souvent lieu à des débats, conférences, rencontres avec des personnalités politiques.
D'une manière générale, les enseignants tirent profit des programmes d'histoire, de géographie et, le cas échéant, de droit pour introduire des notions civiques.
3.3.2. Ecoles supérieures de commerce
Les apprentis de 2e année suivent, selon les directives de l'OFIAMT, en 2e année 1 heure de cours d'éducation civique par semaine. Cette branche est évaluée et la note prise en compte pour l'obtention du certificat fédéral de capacité.
Les élèves de diplôme et de maturité n'ont pas de cours obligatoire. Cela dépend des enseignants qui sont libres d'intégrer ou non des notions de civisme dans leurs cours d'histoire et de géographie ou de droit.
3.3.3. Centre d'enseignement professionnel pour l'industrie et l'artisanat (CEPIA)
Au CEPIA, l'éducation civique est couplée à l'enseignement d'économie nationale. Le cours d'éducation civique et économie nationale (ECEN) est dispensé à tous les apprentis de 2e année à raison de deux heures par semaine. Le programme s'arrête officiellement là si la durée de l'apprentissage est de 3 ans (la dernière année étant réservée à l'économie nationale, mais les sujets se recoupent et donnent aussi lieu à des cours de civisme). Si la durée de l'apprentissage est de 4 ans, le programme de la troisième année prévoit encore des cours d'éducation civique (couplée avec l'éducation nationale). La 4e année est réservée à l'étude de l'économie nationale.
Le matériel de base pour l'enseignement change cette année. Le Groupe romand d'études pour les manuels d'enseignement (GREM) a réalisé un ouvrage d'éducation civique qui a été introduit à la rentrée 1994. Le matériel officiel de la Confédération est aussi largement utilisé.
3.3.4. Ecoles techniques et de métiers (ETM)
Le programme d'éducation civique des écoles techniques et de métiers est similaire à celui dispensé au CEPIA (même programme fédéral).
3.3.5. Ecoles de culture générale (ECG)
En 1re année, des notions civiques sont introduites par les cours de droit (institutions). En 3e année, les élèves suivent un cours obligatoire de civisme et d'économie nationale de deux heures par semaine). L'enseignement se base en grande partie sur l'actualité et sur l'étude des constitutions genevoise et fédérale.
3.3.6. Ecole d'ingénieurs
Les cours d'éducation civique ne sont pas obligatoires. Il est effectué une sensibilisation dans le cadre des cours de sciences humaines (2 heures hebdomadaires) en 4e année et de droit (2 heures hebdomadaires), en 4e ou 5e en fonction du programme.
4. Contexte actuel
4.1. Des programmes d'enseignement déjà très chargés
Les plans d'études d'histoire et de géographie dans les trois ordres d'enseignement permettent dans une large mesure d'établir des parallèles avec le civisme. Par contre, il ne paraît guère possible de terminer les programmes en leur consacrant moins d'heures. Ainsi, il n'est pas envisageable à l'heure actuelle de prélever des heures d'histoire ou de géographie pour les consacrer exclusivement à l'enseignement du civisme.
En outre, le nombre d'heures d'enseignement ne peut être augmenté, pour la raison majeure que le nombre d'heures enseignées ainsi que les travaux que les élèves effectuent à domicile constituent déjà une charge en temps pour les élèves qu'il n'est pas possible de dépasser.
4.2. Des activités civiques nombreuses mais peu coordonnées
D'une manière générale, dans tous les établissements et dans les trois ordres d'enseignement, les activités civiques sont nombreuses. A ce titre, il faut souligner les journées, voire semaines, d'animation civique qui sont organisées par certains établissements scolaires. Le Conseil d'Etat ne peut donc conclure à un manque d'éducation civique à l'école publique genevoise. Il est cependant conscient que ces activités nécessiteraient d'être menées de manière plus dynamique et mieux coordonnées entre les établissements des différents ordres d'enseignement.
En plus des activités menées au sein de l'école, il convient de relever l'importance d'organisations comme le Parlement des jeunes avec lequel le département de l'instruction publique collabore, notamment en lui ouvrant les colonnes du journal l'école publique genevoise.
4.3. Un enseignement difficile
L'enseignement de l'éducation civique rencontre des difficultés à tous les âges de la scolarité qui sont dues au fait qu'il fait appel à des notions abstraites si elles ne sont pas mises en situation.
En effet, les notions de démocratie, de fédéralisme, de constitution, de citoyenneté, de latoisage et de panachage, de référendum et d'initiative, pour ne citer que celles-ci, sont des notions très abstraites, au-delà de l'intérêt des élèves et par conséquent de leur entendement. C'est la raison pour laquelle, le département de l'instruction publique s'attache à utiliser des moyens d'enseignement diversifiés et à utiliser les événements politiques de l'année pour faire pratiquer les règles de la démocratie dans ces mini-sociétés que sont les classes et les établissements scolaires.
4.4. Un manque d'offre de formation
Actuellement, le service des études pédagogiques secondaires n'offre aucun séminaire de formation ni de sensibilisation à l'enseignement du civisme. Il s'agit d'une lacune à laquelle le Conseil d'Etat entend remédier pour encourager et aider les enseignants à introduire des notions civiques dans leur cours.
5. Mesures prises par le département de l'instruction publique
Au vu de ce qui précède, et conscient des lacunes actuelles en la matière, le département de l'instruction publique a mis en place une commission faîtière d'éducation civique.
Son mandat est le suivant:
la commission est chargée, en tenant compte des particularités de chaque ordre d'enseignement, de définir les objectifs et les applications générales de l'éducation civique;
elle coordonne, articule et encourage les diverses activités liées à l'éducation civique;
elle diffuse l'information susceptible de promouvoir l'éducation civique;
elle est garante des opérations de formation initiale et continue des enseignants en matière d'éducation civique.
Dans la mesure où cette commission sera chargée de mettre en place des animations civiques dans les écoles, comprenant notamment des débats avec des représentants du monde politique, les rencontres souhaitées par les initiants de la motion 777 pourront se développer dans ce cadre-là.
Il vous appartiendra alors, Mesdames et Messieurs les députés, de répondre positivement aux invitations des écoles qui souhaiteront organiser de telles manifestations. Le Conseil d'Etat s'engage, quant à lui, à participer à de telles séances dans la mesure de ses disponibilités, et comme il l'a déjà d'ailleurs fait à différentes reprises, notamment dans des séances organisées par le Parlement des jeunes.
En outre, cette commission pourra servir de relais dans le cadre des travaux du groupe Cité-Formation. Elle prendra également en compte la dimension européenne de l'éducation civique, notamment grâce aux contacts qu'elle établira avec la Commission romande d'éducation civique européenne et l'Association européenne des enseignants.
Cette commission a tenu sa première séance le 17 janvier 1995.
6. Conclusion
Le Conseil d'Etat est conscient que ces solutions ne répondent que partiellement aux invites formulées au début de ce rapport. Ce n'est cependant pas parce qu'il entend soustraire l'école à ses obligations mais bien parce qu'il estime que l'éducation civique à l'école n'est pas le seul remède à l'abstentionnisme. La solution ne réside pas dans le nombre d'heures d'enseignement consacrées à l'éducation civique mais bien plutôt dans la capacité de l'école et des organisations civiques et politiques à inciter les jeunes à s'intéresser aux institutions, à pratiquer le débat et l'exercice de la démocratie.
ANNEXE
ANNEXE
Débat
M. Armand Lombard (L). J'aimerais remercier le département de l'instruction publique d'avoir remis au Grand Conseil ce rapport qui fait état de l'enseignement de la formation civique dans les écoles, ce de l'école primaire jusqu'au collège et autres institutions du postobligatoire.
Mon intervention s'inscrit dans la suite du bref débat sur l'enseignement de la santé. Sans aller jusqu'à proposer des heures d'instruction supplémentaires, je voudrais relever que l'enseignement du civisme est très important, et peut-être plus aujourd'hui qu'il ne l'a été ces dernières années. C'est une branche de l'enseignement qui me semble trouver un renouveau et une nouvelle justification devant la difficulté qu'éprouvent les groupes et les individus de la société à communiquer entre eux, d'écouter leur vis-à-vis, de tenter de partager leurs opinions dans la mesure du possible. Au cours des vingt dernières années, ces valeurs ont fait place, dans notre communauté, à une non-écoute, à un égoïsme grandissant et au confort personnel de ses propres opinions, au détriment de la compréhension d'autrui.
Dire cela peut passer pour du prêchi-prêcha et de la moralisation. Cependant, il est bien de le rappeler car, dans ce domaine, notre société va assez mal. Bien entendu, l'abstentionnisme n'est qu'une des conséquences de ce laisser-aller. On croyait certains comportements innés dans notre société. Ils ne le sont pas et nous devons les rappeler, tout comme en famille on doit dire à un enfant : «Ne fais pas cela !», «Lave-toi les mains !» ou «Dis bonjour !», parce qu'il l'ignore «génétiquement». Il faut donc lui dire les choses. Et pour ce qui est du civisme, il faut dire que l'autre est quelqu'un de responsable dont il faut tenir compte.
Je remercie encore, dans ce sens-là, le département d'avoir bien voulu relever le gant à propos de motions antédiluviennes, de les avoir reprises, réexposées, et fait état de la situation.
Deuxième point : je remarque que l'article 4, qui, dans notre constitution, concerne le département de l'instruction publique et de l'éducation à Genève, est tellement bien fait qu'à sa lecture on se sent - je n'ironise pas - pleinement rassuré, parce qu'il remplit quasiment tous les critères nécessaires à une éducation bien faite des enfants et des jeunes dans la société.
Je remarque aussi que la perfection provoque l'inaction, parce qu'on se réfère sans cesse à cet article, qui est magnifique, mais, malheureusement, on s'en satisfait et l'on ne va pas plus loin. Je suis donc content que l'on reprenne le sujet, qu'on laisse les idées émerger et que l'on autorise les enseignants, eux aussi, à faire preuve d'initiative dans le domaine du civisme.
Troisième point : je voudrais aussi relever qu'en regard des aspects d'une formation que l'on pourrait appeler communautaire, à l'instar d'un service de la santé communautaire à l'hôpital, on pourrait aussi parler de la formation communautaire des élèves, laquelle regrouperait, précisément, les efforts faits en faveur de la santé, du civisme, du réfrènement de la violence. Ce sont ces choses qui font vivre l'élève dans une société, au lieu de toutes celles qu'on lui apprend et qui lui bourrent le crâne, très utilement le plus souvent, mais qui peuvent être remises en question en faveur de la formation communautaire.
C'est pourquoi je regrette dans ce rapport, par ailleurs intéressant, deux prises de position que je me dois de mentionner ici, parce que je les trouve trop fortes. La première se trouve à la page 8 et énonce que «le Conseil d'Etat ne peut donc conclure à un manque d'éducation civique à l'école publique genevoise». Il y a éducation civique, mais il y a insuffisance de moyens et de formulation de cette éducation civique. Je m'inscris encore plus en faux contre une assertion, quasiment une perle, du rapport. Toujours à la page 8, on peut lire : «Les notions de démocratie, de fédéralisme, de constitution - pour ne citer que celles-ci - sont des notions très abstraites, au-delà de l'intérêt des élèves et par conséquent de leur entendement.». L'on peut trouver des termes dans un rapport, c'est pour cela qu'ils sont faits, mais j'ai cités ceux-ci, car ils n'expriment pas le souci que l'on peut avoir de cette formation communautaire si importante et pour laquelle, dans d'autres passages, que je ne vous lirai pas, le Conseil d'Etat souligne son intérêt.
En dernier lieu, j'aimerais indiquer un certain nombre de pistes qui me paraissent utiles à examiner, pas forcément dans ce Grand Conseil, mais dans d'autres cénacles, dans des lieux de la société civile, de l'enseignement, et d'autres encore.
Je crois qu'il n'y a pas que des heures d'enseignement à cumuler jusqu'à épuisement total du corps enseignant et des élèves. Il est d'autres méthodes plus actives, plus imaginatives, et qui sont largement exploitées en matière de civisme. Par exemple, la récente initiative, relatée par la presse, du collège de Saussure qui a invité quarante orateurs genevois, de tous horizons, à prendre contact avec les élèves. Ces derniers ont pu ainsi choisir d'en écouter deux ou trois durant tout un après-midi. Ce fut un succès remarquable. Cette opération a été organisée, à la base, par les élèves et, bien sûr, par le corps enseignant.
Je crois que c'est ainsi que l'on parvient à un enseignement nouveau, intéressant, et qui retient l'attention des élèves, et non avec une ou deux heures supplémentaires que l'on ne saurait où placer d'ailleurs.
Je mentionne encore quelques pistes qui me paraissent intéressantes, sur la base de partenariats entre l'Etat et les entreprises, et les députés, et les sociétés civiles. Des efforts partagés me semblent absolument nécessaires.
Il y a des instituts de la société civile, subventionnés par le canton, qui travaillent pour le bien de la chose civique; l'on pourrait prévoir que le Conseil d'Etat leur demande un engagement plus ferme pour cette instruction civique dans les collèges, les écoles, ou sous forme de concours, ou que sais-je encore.
Des visites d'entreprises ou des entrepreneurs visitant des classes - cela se fait dans un certain nombre de collèges - permettent des échanges réellement fructueux. Au niveau des communes - les députés ne peuvent pas toujours se mobiliser, quoiqu'on leur demandera d'aller visiter des classes dans le courant de l'année - les conseillers municipaux, qui connaissent de près les gens, pourraient, eux aussi, s'engager dans des visites de classes, des échanges et des rencontres avec les élèves.
Les sociétés civiles pourraient prévoir des fêtes; les organisations internationales, qui ne sont absolument pas mobilisées dans cette direction, se voient demander une participation dans les domaines de la formation communautaire.
Enfin, de nombreux échanges, que ne mentionne pas le rapport, avec des pays de l'Est, la Suisse allemande, des régions, d'autres écoles, me paraissent aller dans une très bonne direction.
Pour terminer, je mentionnerai aussi des études de cas pour les élèves plus âgés. On n'utilise pas, en Suisse, ce moyen de travail et d'enseignement qu'est l'étude de cas, c'est-à-dire de prendre des cas comme le vote sur le service des autos ou le vote sur les étrangers, puis d'en faire la présentation, en rappelant les positions des différents partis, les actions qui ont eu lieu. Ensuite, l'on demande aux élèves leur avis sur le déroulement des événements, si c'était bien ou pas, s'ils auraient fait autrement. Les études de cas sont difficiles à mettre sur pied, parce qu'elles doivent être bien rédigées, bien documentées, que certains dossiers fermés doivent s'ouvrir, de façon à présenter une base de discussion qui soit un moyen important de travail.
Voilà ce que je voulais dire sur ce rapport qui me paraît très intéressant et dont je souhaite qu'il soit suivi. Les pistes, que j'ai tracées, pourraient l'être aussi dans la commission ad hoc, créée par Mme Brunschwig Graf, en matière de formation civique. Cela pourrait être repris par une motion de députés ou par des groupes, tels que Cité-formation ou l'Institut national - que sais-je, il y en a tant ! - pour en faire un projet concret.
Mme Elisabeth Häusermann (R). Nous remercions le Conseil d'Etat et le département de l'instruction publique de son rapport, que nous avons parcouru avec beaucoup d'intérêt.
Nous avons donc reçu un listing de moyens existants qui permettent, ici et là, des activités civiques pour nos jeunes. De ce côté-là, le message a le mérite d'être clair.
Mais est-ce une réponse à toutes nos interrogations ? Peut-on se satisfaire de cette conclusion ?
Nous constatons, avec beaucoup de jeunes engagés dans les différents parlements de jeunes du canton, que l'éducation civique existe, il est vrai, mais dépend néanmoins fortement de la motivation, de l'engagement et de l'enthousiasme des professeurs.
Un jeune de 18 ans, qui reçoit pour la première fois son enveloppe bleue, est jeté à l'eau sans savoir nager ! Pas de bouée de sauvetage et pourtant...
Chaque fois que nous achetons une nouvelle machine quelconque, nous recevons, en prime, un petit papier : le mode d'emploi. Le fabricant nous félicite d'abord d'avoir choisi son produit de qualité, avant de nous expliquer comment l'utiliser à bon escient : «A lire impérativement avant la première mise en marche de l'engin», faute de quoi on risque des «courts-circuits» ou carrément la mise «hors service» de la nouvelle acquisition, du nouvel outil.
Si l'on considère que notre chère démocratie directe est un outil permettant au citoyen de s'exprimer sur la manière dont est géré son pays, sur des sujets concrets, sur le choix du «personnel», c'est-à-dire les autorités à presque tous les niveaux, il faudrait permettre à ce même citoyen d'utiliser cet outil au mieux, donc de pouvoir disposer d'un mode d'emploi clair, précis et net.
Or, jusqu'à aujourd'hui, ce mode d'emploi pour la démocratie directe qu'est l'éducation civique manque cruellement. Il en résulte des «courts-circuits» et des mises «hors service», un désintérêt total du citoyen pour la chose publique et, de là, l'abstentionnisme qui met en cause tout notre fonctionnement démocratique.
«A lire impérativement» devrait être valable aussi pour nos droits politiques.
Nous reconnaissons que les moyens existants sont nombreux et divers. Nous nous contenterons, par conséquent, de reprendre les conclusions du Conseil d'Etat, page 8, troisième paragraphe : «Ces activités nécessiteraient d'être menées de manière plus dynamique et mieux coordonnées entre les établissements des différents ordres d'enseignement.». Nous n'en demandons pas davantage.
Pour trouver des heures d'enseignement, il serait très opportun de revoir ce qui est enseigné - pour le sujet que nous traitons en ce moment, il s'agirait d'histoire et de géographie - à chaque degré, entre les différents ordres d'enseignement et entre les différentes disciplines.
Autrement dit, il nous semble nécessaire qu'un programme contraignant et exhaustif soit établi pour tous les établissements scolaires. Cela n'engendrerait donc aucune heure supplémentaire de cours, mais exigerait un effort de réorganisation.
Ayons le courage de chercher des solutions et de décider d'un cadre «non négociable» permettant de rédiger un «mode d'emploi» profitable pour notre démocratie.
M. Pierre-Alain Champod (S). Juste quelques mots au sujet de ce rapport, dont nous avons pris connaissance avec intérêt.
Il est vrai que l'instruction civique est un thème important. C'est un moyen de connaître les institutions politiques, de s'intégrer dans une société, que ce soit pour approuver ce qui s'y fait ou le contester, et il importe que les jeunes connaissent l'existence du droit de vote, l'existence du droit d'initiative, du droit de référendum et du droit de pétition. C'est une façon de leur montrer qu'il existe des instruments qui leur permettent d'avoir une petite prise sur la réalité sociale dans laquelle ils évoluent.
Par rapport à un contenu plus précis, demandé dans la motion 777, je pense que l'important, au-delà du cours sur le fonctionnement des institutions, est d'avoir des exemples concrets, plutôt que des grands débats d'idées.
J'ai souvent dit que la politique, c'était comme le vélo. Elle ne s'étudie pas dans les livres. C'est en la pratiquant qu'on apprend son fonctionnement. Je pense, par exemple, à la signature d'une pétition dans un quartier, puis à l'audition par la commission des pétitions du conseil municipal, et enfin à la présence lors des débats du conseil municipal traitant de cette pétition... On commence alors à comprendre un petit peu comment cette machinerie fonctionne.
Lors de débats à l'école, il serait important qu'on explique aux élèves des choses très concrètes au niveau de ce qui se passe dans leur quartier : l'aménagement d'un carrefour, d'un parc public, ou le financement d'un centre de loisirs communal, etc. C'est de cette façon qu'on les intéressera à la politique, et non pas avec des débats sur les grands thèmes cantonaux ou nationaux.
Dans ce rapport, il est dit qu'une commission va se mettre en place. Il me semble que, pour avoir une opinion définitive sur les réponses à donner, il faut que cette commission fasse un travail afin que les intentions mentionnées dans ce texte puissent être jugées dans quelques années sur les résultats.
Mme Martine Roset (PDC). Contrairement à mes préopinants, je serai brève, et contrairement à mes préopinants, je ne vais pas trop maltraiter ce rapport, parce qu'une commission, comme l'a dit M. Champod, est mise en place. Je lui fais confiance pour que l'instruction civique soit introduite dans nos écoles d'une manière satisfaisante.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mme Roset a résumé en une phrase ce que je vais vous dire. Elle a su lire dans ce rapport ce que certains ont cru voir plus ou moins en filigrane, à savoir qu'il ne s'agit pas du tout d'un catalogue - M. Champod l'a d'ailleurs souligné par rapport à ce qu'on attendait de la commission.
Il était nécessaire que ce catalogue soit fait, ne serait-ce que pour connaître les différentes actions entreprises à l'intérieur ou à l'extérieur du département de l'instruction publique.
Alors pourquoi mettre en place une commission, qui, d'ailleurs, a déjà commencé son travail et commencé à siéger ? Simplement, comme le souhaitait Mme Häusermann, pour faire définir les objectifs et les applications générales de l'éducation civique. Cela est nécessaire pour harmoniser l'éducation civique entre les ordres d'enseignement et pour en avoir une vision globale.
M. Lombard suggérait la possibilité de collaborer avec d'autres groupements ou de leur confier le soin de faire un certain nombre d'animations. Il aura constaté que nous voudrions, par exemple, servir de relais dans le cadre des travaux du groupe Cité-formation; que nous souhaitons ne pas tout faire nous-mêmes et assurer une forme de coordination pour que l'on puisse aussi ouvrir nos écoles aux mouvements organisés à l'extérieur. J'ajouterai, pour M. Lombard, que je maintiens le paragraphe de la page 8, parce qu'effectivement ce qui n'intéresse pas n'est pas entendu, et ceci est un truisme.
Si vous essayez, au sein de ce parlement, de demander à quelqu'un de vous décrire le fédéralisme, vous constaterez que ceux qui s'y intéressent vous le décriront, et que les autres auront des approximations plus ou moins incertaines.
Cela étant, je crois que l'on peut clore le débat sur ce rapport en disant ceci : nous ne nous estimons pas quittes de ce qui a été fait et de ce qui se fait. Nous avons donc l'intention de le généraliser et, pour ce faire, de nous appuyer sur ce que vous avez tous insisté à considérer comme essentiel, à savoir partir du concret pour expliquer des concepts, et non pas essayer de faire entendre des théories sèches et sans relation avec la réalité. Je crois, dans ce sens, vous avoir tous écoutés. La commission, qui travaille déjà, va dans la bonne direction, et je vous remercie de la soutenir.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.