République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7208
12. Projet de loi de Mme et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Chaïm Nissim et Pierre Vanek modifiant la loi sur l'énergie (garanties du prix d'achat) (L 2 18). ( )PL7208

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'énergie, du 18 septembre 1986, est modifiée comme suit:

Art. 21, al. 3, lettre c (nouvelle)

c) Le tarif de rachat cité à la lettre a ci-dessus fait l'objet d'un contrat de paiement (ou engagement de paiement) portant jusqu'à l'amortissement de l'installation en question, mais au plus pendant 15 ans. Au-delà, le prix de rachat est celui cité à la lettre b.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le nouvel alinéa proposé cherche à corriger 2 effets pervers de notre loi actuelle.

Tout d'abord cette loi doit favoriser l'installation de nouvelles structures produisant des énergies renouvelables, et non pas servir à enrichir des individus ou des sociétés. D'autre part, certains projets nécessitent, pour être concrétisés, une garantie de prix de rachat tel que fixé dans la lettre a de l'alinéa 3, article 21, sur une certaine durée. En effet, un plan financier ainsi qu'un calendrier d'amortissement de l'installation doivent pouvoir être basés sur des chiffres précis et portant sur le long terme.

Deux exemples peuvent être apportés à l'appui de ces arguments:

1.  D'une part, le propriétaire d'une petite installation hydraulique dans les bois de Versoix, installation amortie depuis 30 ans, reçoit depuis la nouvelle loi quelque 400 000 F par an pour son électricité, ce qui n'est pas juste. Cet argent serait mieux utilisé si les Services industriels de Genève l'investissaient dans les économies d'énergie.

2.  D'autre part, une demande a été présentée pour installer une importante centrale photovoltaïque sur le toit de Palexpo. Le promoteur doit pouvoir compter sur un prix à peu près stable de rachat de l'énergie produite, et ce, durant un certain nombre d'années, afin d'évaluer les possibilités d'amortissement de son installation. Aujourd'hui, avec la loi actuelle, une telle garantie n'est pas possible, les Services industriels ne pouvant s'engager sur un prix de rachat à long terme.

C'est pour ces raisons que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir faire bon accueil à ce projet de loi.

Préconsultation

M. Chaïm Nissim (Ve). Il s'agit là d'une modification mineure de ce que l'on pourrait appeler la «loi Burdet», votée il y a deux ans, et qui proposait un prix de rachat très généreux aux personnes qui installeraient des sources d'énergies renouvelables sur leur toit ou ailleurs.

Sans remettre en question le fond de cette loi, qui fonctionne très bien, nous voudrions pouvoir garantir un prix de rachat généreux pendant une certaine durée à une personne qui installerait un capteur solaire sur son toit. En effet, pour ce faire les gens établissent des plans financiers et si, tout à coup, après sept ans, le prix de rachat du courant change, ces plans financiers peuvent «se casser la figure». Nous voudrions donc pouvoir garantir que pendant quinze ans, c'est-à-dire pendant la période d'amortissement de l'installation, le prix de rachat reste constant, afin d'encourager les gens à procéder à ce genre d'installation.

D'autre part, nous aimerions éviter que pour des installations amorties depuis longtemps - nous connaissons tous l'exemple d'un petit barrage sur la Versoix amorti depuis quarante ans, mais qui continue à rapporter beaucoup d'argent à son propriétaire - l'argent soit bêtement gaspillé par les Services industriels, alors qu'il pourrait être beaucoup mieux utilisé.

M. Hervé Burdet (L). M. Nissim venant d'évoquer ce qu'il appelle la loi «Burdet», je voudrais quand même vous rappeler de quoi il est question. Il s'agit de payer trois fois son prix l'énergie qui serait fournie par des sources d'énergie renouvelables. L'idée était d'encourager les investissements dans le domaine de la production d'énergie sur bases renouvelables et, aujourd'hui, je suis très surpris de voir qu'un an ou deux ans après, selon l'interprétation qu'on en fait, certains voudraient corriger cette loi. Et la corriger dans un sens complètement inepte, parce que l'on veut introduire une espèce d'instabilité du droit qui fera qu'il n'y aura plus jamais personne pour investir dans les chers panneaux solaires de M. Max Schneider ou dans les solutions énergétiques de M. Nissim. Si on tire le tapis sous le pied des investisseurs, ils n'investiront pas, c'est évident !

De plus, on fait toujours de mauvaises lois quand on les fait pour un cas particulier. Cette correction de la loi que vous nous proposez est une loi contre le turbinage d'eau que fait M. Estier de la Versoix. Vous avancez des chiffres qui sont faux, parce que fortement exagérés. Vous essayez de punir M. Estier qui est précisément l'exemple même de ce que vous voulez proposer. M. Estier produit de l'énergie électrique en turbinant de l'eau d'une rivière genevoise, c'est-à-dire d'une rivière dont l'énergie est renouvelable. M. Estier gagne trois fois plus d'argent aujourd'hui que lors de l'ancien droit, et vous devriez en être content. Vous devriez souhaiter qu'il y ait beaucoup de monsieur Estier et que M. Estier aille mettre ses installations dans plusieurs autres rivières.

Et que faites-vous ? Jaloux, vous voulez changer la loi de manière que l'on ne puisse plus travailler ainsi. Vous agissez contre vos propres intérêts et contre les arguments que vous avez développés en commission.

Je recommande à ce parlement de refuser ce projet de loi. Au pire, si vous voulez en discuter, allons en commission où j'expliquerai pourquoi il est totalement contre-productif.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je voudrais juste apporter un correctif à ce que vient de dire M. Burdet. Il ne s'agit pas du tout d'un projet de loi contre M. Estier. Bien au contraire, c'est un projet qui vise à encourager d'autres investisseurs, et ce sont des personnes désireuses d'investir qui nous ont interpellés. Les Services industriels, de par la loi actuelle, ne peuvent s'engager à payer trois fois le prix de rachat de l'énergie sur un long terme, dès lors que la loi est susceptible, en effet, d'être modifiée d'un jour à l'autre, selon les majorités du parlement.

Nous connaissons des investisseurs qui n'osent se lancer de peur que la loi ne change d'ici une année ou deux. C'est donc dans le but de pouvoir leur garantir ce prix de rachat intéressant, qui leur permettra d'amortir leurs installations, que nous avons voulu élaborer ce projet de loi qui corrige, il est vrai, une loi assez récente. Mais à l'époque, nous n'avions pas pensé à cet aspect. Il a fallu que des gens connaissent cette difficulté pour que nous nous disions : «C'est vrai, pour les encourager, il faut qu'ils puissent être sûrs d'obtenir un prix de rachat permettant d'amortir leurs installations.». Voilà le pourquoi de ce projet de loi, Monsieur Burdet.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le problème posé ici est délicat pour deux raisons. La première, c'est que les prix de l'énergie s'effondrent sur tout le marché européen, et ce n'est pas peu dire. La deuxième, c'est que les Services industriels nous ont proposé un système à trois étages que nous pourrions discuter en commission.

1. La même méthode que celle appliquée maintenant est garantie aux petits autoproducteurs, qui travaillent pour leurs propres besoins, ce qui me paraît tout à fait juste.

2. En ce qui concerne l'électricité issue de sources renouvelables, mais transformée par un autoproducteur pour les besoins d'un tiers, nous devrons nous conformer aux prix de rachat fixés par l'arrêté fédéral pour une utilisation économe et rationnelle de l'énergie.

3. S'il s'agit d'électricité issue de sources non renouvelables, je crois qu'il faut revenir à des tarifs minimaux fondés sur les prix moyens de production d'électricité équivalente, en tenant compte de la puissance, de la période de livraison et de l'impact des émissions de l'installation sur l'environnement.

C'est pourquoi la vérité est entre deux, et je me réjouis d'en parler avec vous en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels.