République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 février 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 4e session - 8e séance
PL 7214 et objet(s) lié(s)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 16 juin 1988, est modifiée comme suit:
Commission de décision pour les mesures de contrainte
Art. 7 (nouvelle teneur)
1 Il est institué une commission décisionnelle pour les mesures de contrainte en matière de droits des étrangers (ci-après la commission).
2 La commission est composée d'une personne désignée par le Conseil d'Etat, d'une personne désignée par le président du Tribunal de première instance et d'un représentant des oeuvres d'entraide désigné par le Grand Conseil. Des suppléants sont désignés par les instances précitées.
3 Les membres de la commission sont nommés pour la durée d'une législature du Grand Conseil. En cas de vacance en cours de législature, il est pourvu immédiatement au remplacement du poste vacant. Pour le surplus, le Conseil d'Etat détermine par règlement les modalités de fonctionnement de la commission.
4 La commission est saisie par l'office cantonal de la population, chaque fois qu'il envisage une mesure de détention au sens des articles 13 a et 13 b de la loi fédérale. A cette occasion, la commission rend sa décision écrite et dûment motivée.
5 La commission, si elle l'estime opportun, peut auditionner la personne visée par la mesure ou par toute autre mesure (fouille, notamment). Elle peut également procéder aux autres actes d'instruction prévus par la loi de procédure administrative, du 12 septembre 1985.
6 Dans ses décisions la commission tient compte de la situation des familles. Elle porte une attention particulière à la situation des mineurs qui seraient l'objet des mesures de contrainte.
Mise en détention
Art. 8 (nouvelle teneur)
1 La décision de la commission est notifiée par écrit à la personne visée et, le cas échéant, communiquée à son mandataire. Si elle se trouve en Suisse, la parenté directe est informée.
2 La police est l'autorité compétente pour procéder à la mise en détention.
3 Au plus tard 24 heures après le début de la détention, la personne visée par la mesure, si elle n'est pas encore refoulée, doit être entendue par le juge d'instruction. Celui-ci doit décider séance tenante de la prolongation, ou non, de la détention.
4 Les mineurs doivent être entendus par un juge du Tribunal de la jeunesse.
Recours
Art. 9 (nouvelle teneur)
1 Contre la décision du juge d'instruction de maintien en détention, la personne visée par la mesure peut recourir auprès de la Chambre d'accusation.
2 Contre la décision du juge des mineurs, le jeune peut recourir auprès du Tribunal de la jeunesse en séance plénière (3 juges).
3 Pour le surplus, les dispositions du code de procédure pénale sont applicables à tous les cas, ainsi que la loi sur les juridictions concernant les enfants et les adolescents, pour les mineurs.
Demande de levée de la détention
Art. 10 (nouvelle teneur)
1 La personne en détention peut déposer auprès de la Chambre d'accusation une demande de levée de détention un mois après que la légalité et l'adéquation de celle-ci ont été examinées. La Chambre d'accusation se prononce dans un délai de 3 jours ouvrables, au terme d'une procédure orale.
2 Une nouvelle demande de levée de détention peut être présentée après un délai d'un mois si la personne est détenue en vertu de l'article 13 a de la loi fédérale et de deux mois lorsqu'elle est détenue en vertu de l'article 13 b de la loi fédérale.
Prolongation de la détention
Art. 11 (nouvelle teneur)
1 La Chambre d'accusation est seule compétente pour ordonner la prolongation de la détention prévue par l'article 13 b, alinéa 2, 2e phrase de la loi fédérale.
Exécution de la détention
Art. 11 A (nouveau)
1 Les personnes détenues en vertu des articles 13 a et 13 b de la loi fédérale le sont dans des locaux adéquats. Elles ne sont pas regroupées avec des personnes en détention préventive ou purgeant une peine.
2 Les personnes détenues doivent pouvoir s'occuper de manière appropriée.
3 N'étant pas des prisonniers de droit commun, les détenus concernés échappent aux conditions de vie habituelles restrictives. Ils ont droit à des visites, à une vie sociale et affective.
4 Les familles ne sont pas séparées et sont détenues dans un même lieu.
Mandataires
Art. 11 B (nouveau)
1 A la demande de la personne détenue, un avocat de son choix ou un avocat d'office est désigné.
2 L'information quant au droit d'avoir recours à un mandataire est faite dès la mise en détention, par écrit et dans la langue maternelle de la personne concernée.
3 Au besoin la personne détenue bénéficie de l'assistance juridique.
4 Le mandataire assiste la personne détenue à tous les stades de la procédure.
Art. 2
La présente loi entre en vigueur le (à préciser).
EXPOSÉ DES MOTIFS
Historique
Le 18 mars 1994, l'Assemblée fédérale (FF 1994 II 283) adoptait la loi sur les mesures de contrainte dans le droit des étrangers, loi qui avait fait l'objet d'un message du Conseil fédéral publié à peine plus d'un mois auparavant, soit le 8 février 1994. C'est donc bien dans la précipitation que cette loi a été adoptée, alors qu'il aurait été possible d'attendre les modifications de la procédure d'asile prévue pour le 1er janvier 1996. A cela s'ajoutaient les nombreuses pressions exercées pour faire croire que cette loi allait pouvoir répondre aux problèmes lancinants du Letten, chacun semblant oublier qu'on ne résout pas une question locale d'une ville en élaborant une loi fédérale n'ayant aucun rapport avec le problème évoqué et qui, au surplus, ne lui apporterait aucune solution. Cette loi sur les mesures de contrainte a d'ailleurs été rapidement baptisée «Lex Letten».
L'urgence et la précipitation n'ont pas permis aux parlementaires d'évaluer en profondeur les conséquences, les risques de dérapage et les contradictions avec des droits fondamentaux que certains articles engageaient. Nombre de députés, après avoir mieux compris les enjeux, avouent, malheureusement trop tardivement, que leur vote serait aujourd'hui différent.
Suite à la décision des Chambres, un référendum a été lancé, soutenu par les milieux de défense de droits de l'homme, les associations et organisations s'occupant des requérants d'asile et immigrés, les juristes progressistes, ainsi que les partis de gauche et écologiste. Les Eglises se sont elles aussi insurgées fortement contre cette loi. Quant à notre canton, il a vu s'ajouter à cette liste les prises de position très fermes des partis démocrate-chrétien et libéral, ainsi que de l'Ordre des avocats, pour n'en citer que quelques-uns. Le référendum ayant abouti, la loi a été soumise au vote populaire le 4 décembre 1994 et acceptée.
A Genève, le peuple a dit un oui du bout des lèvres. Une fois de plus preuve est faite que la proportion d'étrangers dans une population donnée (à Genève près de 40%) n'est pas liée automatiquement à des sentiments de peur et de rejet de l'étranger.
Ce que dit la loi fédérale
Le but de cette loi est d'assurer l'exécution du renvoi des étrangers qui ne détiennent pas d'autorisation de séjour ou d'établissement. Rien de choquant jusque-là. Reste la manière dont l'organisation en est prévue dans la loi.
1. Détention préparatoire et détention aux fins d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion
La loi permet une détention d'une durée de 3 mois pendant la préparation de la décision sur le droit de séjour. Une fois cette décision rendue, la loi prévoit la poursuite de la détention, en vue du refoulement, de 3 mois dans un premier temps, et prolongeable encore de 6 mois. Total: 12 mois !
«La loi sur les mesures de contrainte introduit, en matière de privation de liberté, des innovations discriminatoires, totalement contraires à la tradition juridique suisse. C'est ainsi que les étrangers soumis à cette législation seront moins bien traités que les personnes prévenues d'un crime ou d'un délit. Pourtant le seul grief servant de justification légale aux nouvelles mesures de privation de liberté est que l'étranger pourrait peut-être avoir l'intention de se soustraire à une décision administrative de renvoi ou d'expulsion. «...» La mise en détention en vue de préparer une décision administrative constitue une innovation par rapport au droit actuel. Elle n'existe dans aucun autre pays européen. Il s'agit d'un nouveau type de détention préventive, intervenant alors qu'il n'y a aucune prévention de crime ou de délit, la seule décision que l'autorité administrative est susceptible de rendre pouvant être, tout au plus, une décision de renvoi.» (Extraits de la prise de position de l'Ordre des avocats de Genève.)
Après les 3 premiers mois, et comme déjà relevé plus haut, l'autorité peut afin d'assurer l'exécution de la décision mettre la personne concernée en détention durant 3 mois supplémentaires, prolongeables encore durant 6 mois. Or, en 1988, les autorités fédérales avaient clairement fixé à 30 jours au maximum la possibilité de priver de liberté un individu faisant l'objet d'une décision de renvoi ou d'expulsion. Six ans plus tard, on passe à une durée de 9 mois qui vient s'ajouter aux 3 mois prévus pour préparer la décision. En tout, la privation de liberté aura été multipliée par 12, pour une personne qui n'a commis aucun crime ni délit, mais simplement soupçonnée de vouloir se soustraire à une décision administrative.
2. Détention des mineurs âgés de plus de 15 ans
La nouvelle loi autorise la détention de mineurs dès 15 ans, là aussi pour une période pouvant aller jusqu'à une année.
«Le seul fait qu'une détention d'une telle durée ait pu être envisagée pour des adolescents de 15 ans apparaît totalement incompatible avec les exigences du code pénal, lequel incorpore les garanties minimales en matière de privation de liberté. L'article 95, alinéa 1 CP prévoit en effet que la détention d'un adolescent constitue un ultima ratio, qu'elle ne peut être prononcée que lorsque toutes les autres mesures éducatives sont inapplicables et que, quels que soient les crimes ou délits commis par l'adolescent, la peine la plus grave est la détention de un jour à un an. Dérogeant au droit ordinaire, la loi fédérale sur les mesures de contrainte prévoit une telle sanction sur la base du simple soupçon que l'adolescent étranger pourrait commettre une infraction administrative, en se soustrayant à l'exécution d'une future décision de renvoi ou d'expulsion.» (Extraits de la prise de position de l'Ordre des avocats de Genève.)
Au surplus cette loi, en permettant que des enfants dès l'âge de 15 ans soient assimilés à des adultes et incarcérés pour des motifs purement administratifs pour des périodes pouvant aller jusqu'à une année, contrevient aux obligations internationales auxquelles la Suisse a souscrit à ce jour. Elle viole notamment l'article 24.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié en 1991 par notre pays.
Indépendamment du fait que cet article viole un certain nombre de droits fondamentaux touchant aux enfants, une telle mesure est inadmissible sur le plan éthique. C'est d'ailleurs probablement cette possibilité d'emprisonner des gosses qui a le plus choqué. De grandes organisations internationales telles que Défense Enfants International ont pris position très fermement contre cette loi.
A Genève, par exemple, fait peu commun, des autorités ont fait afficher sur tout le territoire de leur commune des panneaux invitant les citoyennes et citoyens à refuser une loi qui violait les droits des enfants.
Et dire que cette année, le Conseil fédéral s'est engagé à ratifier la Convention internationale des droits de l'enfant....
A Genève, aujourd'hui.
La mobilisation a été particulièrement forte à Genève, et le mouvement opposé à cette loi reste très fort. Faut-il dès lors continuer à dire non, et à attendre de voir ce qui va se passer ?
Ou au contraire faut-il, avec regret, prendre acte du choix du peuple suisse, réaffirmer très fortement notre rejet de ces mesures indignes prévues dans la loi, et mettre en place le plus rapidement possible une loi d'application sauvant au maximum les droits de la personne et le respect de la dignité à laquelle a droit chaque être humain ?
C'est cette seconde solution que les députés signataires de ce projet de loi ont décidé de mettre en oeuvre, convaincus que leur proposition n'est pas soudain une acceptation de ce contre quoi ils se sont engagés avant le 4 décembre, mais bien le souci du traitement des personnes qui vont désormais être victimes de cette nouvelle loi.
Nous devons maintenant adopter une attitude responsable. Le peuple a dit oui et il nous incombe de répondre à sa demande. Mais il nous incombe aussi d'intégrer dans nos travaux les éléments qui ont motivé toutes nos réticences et nos refus de cette loi. D'ailleurs les personnes qui travaillent quotidiennement avec la population concernée le demandent: il faut une loi d'application, mais qui préserve au mieux les individus.
Sur le terrain, la vie associative doit continuer à protéger celles et ceux dont elle s'occupe, à crier son indignation et son refus d'obéir, à résister même s'il le faut. Au niveau politique, notre responsabilité est de sauver ce qui peut encore être sauvé dans une application la plus restrictive possible de cette loi.
Mesdames et Messieurs les députés, cette année nous fêterons le 50e anniversaire de l'ONU, symbole d'ouverture, de dialogue et de tolérance. Et pour cet anniversaire, la Suisse s'offre une nouvelle loi qui porte le message contraire: loi d'exception, confondant volontairement délit pénal et administratif, montrant du doigt l'étranger, et offrant l'image d'une Suisse se refermant sur elle-même.
Dans le cadre d'un Etat de droit, tous les criminels, suisses ou étrangers doivent être poursuivis pour les actes répréhensibles qu'ils auraient commis et il incombe aux pouvoirs politiques d'inscrire leurs travaux législatifs dans cette nécessité. Mais il n'est pas acceptable qu'une loi soit discriminatoire en ne s'attaquant qu'aux étrangers, dangereuse parce que permettant d'emprisonner sur simple soupçon pendant de longs mois et indigne car autorisant l'incarcération d'enfants et de familles.
Notre parlement cantonal doit aujourd'hui avoir à coeur de montrer qu'il reste attaché aux valeurs essentielles qui lui sont chères. A cet effet, il lui incombe, malgré certainement de fortes réticences dictées par la conscience qui voudrait rejeter en bloc et la loi fédérale et ses conséquences cantonales, de voter des articles d'application les plus modérés possible, afin de sauvegarder au maximum les droits de la personne humaine.
Commentaires article par article
Le présent projet de loi s'inscrit dans la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 16 juin 1988, en son chapitre II (F 2 2 ).
Ce commentaire article par article permet de saisir l'intention des auteurs de ce projet.
Article 7 - Commission de décision pour les mesures de contrainte
Alinéa 1
Afin que toutes les garanties d'une application modérée, et proportionnée, des mesures de contrainte soient réunies, une commission décisionnelle est créée.
Alinéa 4
A Genève, la décision de renvoi ou d'expulsion incombe à l'office cantonal de la population (ci-après OCP). Son exécution est confiée à la police (art. 6 de la loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers). La décision d'exécuter un renvoi ou une expulsion étant formellement du ressort de l'OCP, il paraît judicieux de confier à une commission neutre la tâche de décider en premier ressort d'une mesure de détention au sens des articles 13 a et 13 b de la loi fédérale. Cela d'autant plus puisque la détention dont il est question n'est pas de nature pénale.
Comme la nouvelle loi fédérale laisse un énorme pouvoir d'appréciation, il se justifie de prévoir des exigences accrues quant à la motivation des décisions de détention, afin de ne pas laisser la porte ouverte à l'arbitraire. En particulier, la décision devra être motivée sous l'angle de la légalité et de son opportunité. Le respect du principe de la proportionnalité devra également être étayé dans la décision.
Article 8 - Mise en détention.
Alinéa 1
On reprend ici la teneur de l'actuel article 9 in fine
Alinéa 2
On distingue ici d'un côté l'autorité chargée de solliciter une mesure de détention et la commission chargée de décider et de l'autre l'autorité chargée d'exécuter cette décision. On s'inspire de la sorte de l'article 6 de la loi.
Alinéa 3
La loi fédérale prévoit que la légalité et l'adéquation de la détention doivent être examinées dans les 96 heures au plus tard par une autorité judiciaire, au terme d'une procédure orale. Ce délai de 96 heures est un maximum. Il peut fort bien être raccourci et il se justifie de prévoir un délai proche de celui prévu par le code de procédure pénale en cas d'arrestation d'un prévenu.
A la différence toutefois de la procédure pénale, il n'est pas instauré ici un double délai de 24 heures, mais un délai unique au cours duquel le juge doit interroger l'étranger et prendre une décision.
Alinéa 4
Une procédure particulière et adaptée doit être mise en place pour les mineurs. (Idem pour l'article 9.)
Article 9 - Recours
La décision du juge d'instruction est contrôlée par la Chambre d'accusation, selon la procédure prévue pour les mises en liberté par le code de procédure pénale. Il va sans dire que lorsqu'il prend sa décision, le juge informe l'étranger de son droit de recours auprès de la Chambre d'accusation.
Article 10 - Demande de levée de la détention
Cette disposition reprend l'article 13 c, alinéa 4, de la loi fédérale, étant précisé, et cela est choquant, que l'étranger dispose de moins de droits dans le cas où il fait l'objet de mesures de contrainte que s'il est arrêté dans le cadre d'une procédure pénale, puisqu'il ne peut réitérer en tout temps sa demande et doit attendre pour ce faire un délai d'un mois.
Article 11 - prolongation de la détention
Cette disposition couvre l'hypothèse visée par l'article 13 b, alinéa 2, de la loi fédérale. Selon cette norme, la détention ne peut excéder 3 mois. Si des obstacles particuliers s'opposent à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, la détention peut, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de 6 mois au maximum. La décision de prolongation de la détention est du ressort de la Chambre d'accusation, qui statue selon la procédure relative à la prolongation des détentions dans les procédures pénales.
Article 11 A - Exécution de la détention
On reprend ici l'article 13 d, alinéa 2, de la loi fédérale.
Article 11 B - Mandataires
On reprend ici le sens des articles 11 et 12 de la loi cantonale.
(M 982)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
le règlement d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 15 février 1995;
le contenu de ce règlement qui ne correspond pas aux vives critiques faites par le gouvernement face à la loi fédérale sur les mesures de contrainte;
l'importance de préserver, entre les divers partenaires, un climat serein dans le domaine de l'asile,
invite le Conseil d'Etat
à annuler le règlement transitoire d'application des dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le jeudi 16 février, le président du Conseil d'Etat annonçait au Grand Conseil que le gouvernement avait adopté la veille un règlement d'application concernant la nouvelle loi sur les mesures de contrainte. Ce texte appelle les commentaires suivants:
Il donne les compétences à la police, alors que les personnes concernées n'ont, il faut le rappeler, commis aucun délit sur le plan pénal. Elles sont simplement soupçonnées de peut-être avoir l'intention de se soustraire à une décision administrative de renvoi ou d'expulsion. Il faut donc exclure un processus policier qui n'a pas sa place dans cette problématique et en rester à un processus administratif.
Ce règlement ne mentionne ni la situation des mineurs, ni celle des familles, et encore moins les conditions dans lesquelles seront détenues ces personnes (cohabitation avec des délinquants).
Enfin, il ne précise en rien les droits des personnes détenues.
Ce règlement, Mesdames et Messieurs les députés, n'est à nos yeux pas acceptable.
Pour justifier sa décision, le Conseil d'Etat insiste sur le fait que ce règlement, doit, soi-disant, répondre à un vide juridique et à une urgence.
Cependant, selon certains juristes, ce vide n'existerait pas. En effet, le nouveau droit fédéral a étendu la durée de détention en vue du refoulement. Mais il tombe sous le sens qu'il n'interdit pas de continuer à recourir provisoirement et comme jusqu'à aujourd'hui à une détention de 30 jours. Il suffit donc à notre parlement de travailler rapidement sur le projet de loi d'application.
Enfin ce règlement réveille de vieux démons.
Les années 1986 à 1989 furent très tendues sur le plan de l'asile à Genève. Lors de la dernière législature, le gouvernement avait su recréer un dialogue entre les oeuvres d'entraide et les autorités. Le geste posé mercredi au travers de l'adoption de ce règlement rouvre les plaies. Concertations refusées, application rigide d'une loi certes acceptée, mais seulement du bout des lèvres à Genève, contradictions entre les promesses faites l'automne dernier et les décisions prises, etc.
Nous pensons que le Conseil d'Etat aurait dû mieux évaluer les risques de son choix et les atteintes portées ainsi aux possibilités, à l'avenir, de continuer à travailler ensemble, autorités et gens du terrain. Instaurer un climat de confiance et de collaboration, n'est-ce-pas là la voie qui doit toujours être privilégiée?
Pour avoir bien connu les moments de conflits dans le domaine de l'asile à Genève, nous pensons que la réponse à la question ci-dessus est, sans hésitation aucune, positive.
C'est pourquoi nous demandons au Conseil d'Etat de bien vouloir annuler son règlement transitoire.
Préconsultation
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Il y a bientôt une année, notre pays a choisi d'inscrire dans ses lois des articles indignes d'une démocratie basée sur la liberté, l'indépendance et le respect !
Les autorités de la Suisse ont, en effet, pris l'option de se placer dans le camp des pays qui emprisonnent des être humains sans qu'ils n'aient commis le moindre délit pénal. Elles ont aussi choisi volontairement de confondre trafiquants de drogue, délinquants et persécutés qui viennent chercher refuge chez nous. Enfin, elles ont pris la grave responsabilité de faire figurer la Suisse sur la liste des nations qui emprisonnent des enfants et des familles innocentes.
Cette loi, Mesdames et Messieurs les députés, respire le rejet de l'étranger et du réfugié et a des relents d'apartheid ! Il me semble important de ne jamais l'oublier. Croyez-moi, mes propos n'ont rien d'excessifs. Ils sont cités dans l'enceinte même de l'ONU. En effet, vous le savez peut-être, se déroule à l'heure actuelle à l'ONU, la cinquante et unième session de la Commission des droits de l'homme, et j'ai l'honneur de participer à ces travaux.
Chaque année, les violations des droits de l'homme y sont évoquées et dénoncées. La liste des pays cités revient de manière, hélas, assez identique à chaque fois. Mais la semaine dernière - fait assez exceptionnel - c'est la Suisse qui a été montrée du doigt; c'est notre pays qui était sur le banc des accusés à cause de la loi sur les mesures de contrainte !
Je me permets de citer un extrait de cette intervention à l'ONU :
«Tant que l'Etat suisse fait de tout immigré, de tout réfugié un suspect, pourquoi pas un délinquant potentiel, les vannes du racisme sont ouvertes.».
Voilà comment on parle de la Suisse dans l'enceinte même de l'ONU !
Cette loi, Mesdames et Messieurs les députés, n'aurait jamais dû voir le jour.
Mais alors pourquoi déposer un projet de loi d'application devant notre parlement ? Est-ce dire que nous avons changé d'avis, que soudain nous approuvons cette loi au point de légiférer au plan cantonal, et rapidement ? La réponse est non, et cette décision de projet de loi est très douloureuse sur le plan de la conscience.
Mais il nous incombe aujourd'hui de concilier deux paramètres :
1) Respecter le résultat du vote populaire, même si nous le regrettons.
2) Instaurer une loi d'application ayant une portée minimale, car tôt ou tard une loi cantonale devra être élaborée.
Pour notre part, l'essentiel se situe maintenant et de manière urgente au niveau humain. Si, par cette loi cantonale, nous parvenons à offrir aux personnes qui seront victimes, je dis bien «victimes», de ces mesures le plus de garanties possibles quant à des traitements dignes et respectueux, alors nous aurons mené notre tâche de députés de manière responsable et attachée aux droits de l'homme.
En quelques mots, j'évoquerai maintenant les trois grands axes défendus par ce projet de loi :
1) Tout d'abord, enlever toute compétence décisionnelle à la police. Il s'agit encore une fois de personnes qui n'ont commis aucun délit sur le plan pénal. Il n'y a donc pas de raison d'introduire un processus policier.
2) Instaurer une procédure particulière pour les mineurs, afin que dans notre canton aucun enfant, et jamais, ne soit emprisonné, surtout en étant innocent.
3) Que les lieux de détention ne soient pas les mêmes que ceux destinés aux personnes détenues en préventive ou purgeant une peine. Au surplus, les conditions de détention doivent être appropriées pour des personnes qui ne sont en rien ni condamnées ni condamnables, et ce particulièrement pour les familles.
Voilà les grands axes de ce projet de loi qui feront l'objet de discussions en commission avec les autres points proposés dans le texte.
Permettez-moi d'aborder encore rapidement la motion qui vient d'être déposée et vous exprimer ma réaction face à la déclaration du Conseil d'Etat et à l'annonce de l'adoption d'un règlement.
Mercredi, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai perdu un pari ! En effet, j'avais parié que le Conseil d'Etat n'oserait jamais voter un tel règlement. Eh bien, j'ai perdu ! Le pire, vous vous en doutez bien, ce n'est pas cela, mais bel et bien le contenu du texte, la hache de guerre qu'il risque de faire ressortir et les promesses non tenues qu'il met en lumière.
Je trouve honteux d'adopter un tel texte dans un canton qui n'a accepté la loi que du bout des lèvres, des articles qui laissent la police libre de faire ce qu'elle veut pendant quarante-huit heures, un texte qui ne met même pas les gosses dans une catégorie à part !
Permettez-moi de reprendre rapidement quelques phrases dites hier par M. Vodoz :
Il a promis qu'aucun enfant ne serait jamais emprisonné dans notre canton. Cela va sans dire, bien sûr, mais cela irait tellement mieux en le disant, et en l'écrivant surtout ! Mais, non, pas un mot n'est écrit sur ces enfants.
Il a également affirmé que jamais une famille n'avait été emprisonnée à Genève et que cette pratique continuerait. Bien évidemment, on n'emprisonne que le chef de famille. Les autres membres de la famille : la femme et les enfants, restent cachés dans la clandestinité. Triste famille détruite par l'angoisse de ne plus jamais se retrouver ! Et c'est comme cela que vous voudriez continuer à fonctionner ?
Enfin, les chiffres. L'année dernière, M. Ramseyer nous a rassurés. Je le cite : «J'affirme ici que la pratique ne changera pas. Le recours à la détention ne se fera, comme jusqu'ici, que dans les cas justifiés d'abus graves et pour un nombre extrêmement restreint de cas.». Or, nous avons appris, hier, par la bouche de M. Vodoz, que leur nombre se situait entre quatre cents et huit cents par année ! Est-ce cela un nombre extrêmement restreint de cas ?
Monsieur Vodoz, vous nous avez dit, hier, que le nouveau règlement ne faisait que poursuivre la pratique en vigueur. Permettez-moi de vous dire que la pratique en vigueur n'était pas toujours très belle, qu'il n'y a pas de quoi en être fiers et que nous n'en voulons plus !
Ce projet de règlement a déjà donné lieu à une conférence de presse de certains milieux, la colère gronde, le climat se détériore. Est-ce vraiment cela que le Conseil d'Etat désire, après avoir - du moins, je l'espère - apprécié les années de collaboration et de travail en commun dans le domaine de l'asile ? L'adoption de ce règlement a un goût amer de déjà vu. Cela s'appelle la précipitation, exactement comme pour l'adoption de la loi fédérale par les Chambres.
Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, parallèlement au renvoi du projet de loi en commission, d'accepter cette motion afin que le Conseil d'Etat annule le règlement. De notre côté, nous travaillerons rapidement à la mise en place d'une loi, qui, je l'espère, trouvera l'appui de chacun.
Pour conclure, je dirai un mot à titre personnel. J'ai travaillé à l'élaboration du projet de loi et je l'ai signé. J'ai signé aussi, l'automne dernier, ainsi que plusieurs autres de mes collègues dans cette enceinte, un appel public à rejeter la loi sur les mesures de contrainte, à résister et à désobéir s'il le fallait. Aujourd'hui, ce projet de loi d'application que je soutiens ne me fait renier en rien ma signature et mon engagement. Et si d'aventure, comme on peut déjà le craindre au travers de ce qui se passe dans certaines instances de la République, il devait y avoir des détentions arbitraires et des dérapages, ma seule contrainte, face à cette loi, sera dictée par ma conscience et la certitude qu'à l'inacceptable personne n'est tenu d'obéir !
M. Pierre-François Unger (PDC). La présentation du projet de loi qui vous est soumis nous oblige à un bref rappel historique de la genèse de la loi fédérale sur les mesures de contrainte.
Cette loi est issue, comme chacun le sait, de la situation dramatique à laquelle les Zurichois ont été confrontés, s'agissant du Platzspitz, puis, par la suite, du trop fameux Letten. La politique zurichoise de ces quinze dernières années en matière de drogue a été caractérisée par des approches extrêmement répressives et menées par à-coups. Cette politique n'a malheureusement jamais été inscrite dans une réflexion concertée entre les différents acteurs policiers, sociaux et sanitaires, ce qui a entraîné un débat politico-médiatique confus et toujours mené dans un climat de grande tension.
C'est de cette situation qu'est née l'idée de créer un scène ouverte. On créait alors l'illusion que le problème de la drogue se réglerait en ayant l'oeil sur le monde des toxicomanes, des trafiquants et, bien sûr, des toxicomanes/trafiquants. Cet aspirateur concentrationnaire a conduit au résultat que l'on connaît, dont le gouvernement zurichois - on ne peut que l'en féliciter - a décidé de sortir. Mais pour sortir de cette situation d'exception, et cela dans le contexte politique zurichois, il fallait trouver un moyen de rassembler l'opinion sur une solution miracle. Là encore, nouvelle illusion ! Malheureusement, le seul moyen qui a été trouvé, dans la situation politique zurichoise de l'époque, a été de susciter un amalgame scandaleux entre trafiquants et étrangers, entre étrangers et requérants d'asile, puis entre requérants d'asile et délinquants.
C'est ainsi qu'est née la mythologie selon laquelle les problèmes liés à la drogue, qu'il s'agisse de trafic mais aussi de consommation - on croit rêver ! - serait réglée par la loi sur les mesures de contrainte. D'une situation d'exception purement zurichoise, on créait un droit d'exception applicable dans toute la Suisse.
A ce titre, Mesdames et Messieurs les députés, la loi sur les mesures de contrainte est et restera un ver dans le fruit de l'Etat de droit ! Autant que nous l'avons pu, nous nous sommes opposés à cette loi indigne, mais le peuple en a décidé autrement. Si le respect de la volonté populaire est un impératif pour des politiques responsables, le respect des droits fondamentaux de chacun l'est aussi. Il convenait dès lors de travailler rapidement, mais contrairement à certaines assertions, Monsieur le conseiller d'Etat, sans précipitation, à l'élaboration d'un projet de loi cantonal limitant au maximum les méfaits potentiels de la loi fédérale.
La «lex Letten» n'a aucune raison de s'appliquer à Genève qui a su éviter, grâce à une politique tout en nuance et en concertation, les conflits en matière de politique de drogue et de toxicomanie.
Mme Reusse-Decrey ayant parfaitement expliqué les axes du projet de loi qui vous est soumis, je n'y reviendrai donc pas. Bien sûr, je salue notre gouvernement qui a rapidement concocté un règlement d'application pour éviter une situation de vide juridique. C'est un grand pas en avant. Quant à moi, je l'aurais préféré, même petit, en arrière ! Car dire que notre politique en matière d'asile ne changera pas, c'est bien; dire qu'aucun mineur ni aucune famille ne seront emprisonnés, c'est bien; mais pourquoi renoncer à l'écrire ! Nous faisons évidemment confiance à ceux qui nous le disent. Mais les hommes passent et les écrits restent !
Ce règlement aura toutefois un effet salutaire. Il va, en effet, stimuler l'ardeur des parlementaires à traiter, avec célérité et enthousiasme, le projet de loi qui vous est soumis pour asseoir la base légale dont nous avons besoin, et ce de la manière la plus proche qui soit des impératifs de la dignité humaine.
M. Bernard Clerc (AdG). Le projet modifiant la loi d'application des dispositions fédérales sur le séjour et l'établissement des étrangers soulève des questions fondamentales. Notre attitude ne vise pas à contester la bonne foi et la volonté des initiants de limiter, autant que faire se peut, l'arbitraire du texte législatif sur les mesures de contrainte à l'égard des étrangers. Notre position politique réside dans le fait qu'il n'y a pas de compromis possible avec une loi qui est en contradiction totale avec des principes essentiels de la démocratie !
La question qui nous préoccupe aujourd'hui est que nous ne sommes pas en présence d'une loi ordinaire, mais bien dans le cas d'une loi d'exception qui viole une série de principes fondamentaux tels que l'égalité devant la loi ou la présomption d'innocence.
Rappelons les éléments particulièrement iniques de cette loi. Tout d'abord, un étranger sans titre de séjour est moins bien traité que le plus dangereux des criminels du point de vue de la privation de liberté : alors qu'il n'a commis aucun délit, il peut être mis en détention ! Cela est possible dès le moment où il est soupçonné, je dis bien soupçonné, de vouloir se soustraire à une décision d'expulsion. La détention prévue peut durer jusqu'à un an et cela sur la base d'une simple présomption provenant d'une autorité administrative. Ces mesures de privation de liberté s'appliquent également aux mineurs dès l'âge de quinze ans, en contradiction totale avec les exigences du code pénal. Enfin la loi prévoit également l'assignation à résidence, ainsi que les perquisitions et les fouilles tant chez l'étranger que chez ceux qui ont décidé de l'abriter.
L'Ordre des avocats a fort bien mis en évidence les atteintes au droit de la personne que contiennent les dispositions acceptées par le corps électoral le 4 décembre dernier. Il suffit, pour s'en convaincre, d'imaginer l'application de dispositions légales de ce type non pas aux seuls étrangers dépourvus d'autorisation de séjour mais à tout un chacun.
Mesdames et Messieurs les députés, notre position est nette : la loi sur les mesures de contrainte ne serait pas reniée par un pays totalitaire ! Elle est comparable, bien que dans un contexte différent, à des mesures adoptées par le gouvernement de Vichy. Faut-il rappeler qu'elle est unique en Europe ? A cet égard, lors de la votation, les prises de position des partis représentés dans cette enceinte conduisaient au rejet de la loi, à l'exception remarquée du parti radical, qui porte ainsi une lourde responsabilité dans son acceptation par la majorité du corps électoral genevois. Lorsqu'on admet que des principes fondamentaux tels que l'égalité devant la loi peuvent être remis en cause, on sait où les choses commencent, mais on ne sait pas où elles vont finir. Dans ces conditions, qu'on le veuille ou non, entrer en matière sur une loi d'application consiste à reconnaître qu'il est acceptable de créer une brèche dans notre Etat de droit.
Certains objecteront que la loi a été acceptée en votation populaire et que, de ce fait, nous n'avons qu'à l'appliquer ! Faut-il rappeler ici que des lois fascistes ont aussi rencontré l'assentiment populaire majoritaire en d'autres circonstances et en d'autres lieux avec, parfois, des taux d'acceptation de près de 100% ? L'approbation majoritaire d'une loi inique rend-elle celle-ci acceptable ? L'approbation par 52% des votants de notre canton de la mise en détention de mineurs dès l'âge de quinze ans rend-elle cette privation de liberté conforme aux droits des enfants ? L'acceptation majoritaire d'une justice à deux vitesses rend-elle une telle justice équitable ? Notre réponse est négative.
Le Conseil d'Etat a adopté un règlement d'application de cette loi scélérate ! Nous lui demandons de le retirer et, pratiquement, de ne pas appliquer ces dispositions contraires à des principes fondamentaux auxquels il s'est déclaré acquis. Ce ne sera pas la première fois, et de loin, que des lois fédérales ne trouvent pas leur application concrète. Si dans d'autres domaines qui ne touchent pas à la vie des individus cela est possible, alors même qu'il y a contestation, cela devrait être évident lorsqu'il s'agit de la liberté d'hommes, de femmes et d'enfants qui ne remettront pas en cause la non-application de la loi qui leur est destinée.
Entre deux maux il faut choisir le moins mauvais. Le choix n'est pas entre une application douce ou une application dure de la loi. Le choix est entre sa mise en oeuvre ou sa mise au frigo ! C'est le deuxième terme de l'alternative que nous défendons et que nous vous demandons d'appliquer. (Applaudissements.)
M. Hervé Burdet (L). Les mesures de contrainte, cette loi d'exception, cette loi scélérate, ont été votées par le peuple suisse et même par le peuple de Genève. Démocrates respectueux, nous n'y reviendrons pas !
Par contre, ce que nous pouvons faire, c'est mettre en place des mesures d'application dans le canton de Genève, pour faire en sorte que cette loi soit appliquée avec humanité, mais sans faiblesse quoique avec rigueur. Les mesures proposées ont été évoquées par Mme Reusse-Decrey, je n'y reviendrai donc pas. Elles comportent quatre axes principaux dont la presse a abondamment parlé. Nous tentons de mettre en place une législation véritablement défensive, c'est-à-dire que la loi genevoise nous protégera des excès de la loi fédérale. C'est la raison pour laquelle nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer le projet de loi 7214 à la commission judiciaire.
Nous sommes en mesure, par contre, de dire tout ce que nous ne voulons pas. Si nous voulons légiférer de manière à nous défendre contre une législation abusive, nous ne voulons pas donner l'impression que l'attitude du Conseil d'Etat en la matière nous déplaît. La déclaration très claire et très ferme du président du Conseil d'Etat, hier soir, nous donne la conviction qu'on ne pratiquera pas à Genève l'incarcération de mineurs, que l'on ne disloquera pas les familles et que l'on continuera la pratique cantonale actuelle sans exagération et dans le respect du droit des gens.
En conséquence, le règlement du Conseil d'Etat n'est, pour nous, qu'une mesure transitoire, une mesure admissible dans la mesure où elle est une simple manière d'attendre la législation cantonale que, pour une fois, nous pourrons peut-être produire relativement rapidement.
Nous n'entrerons donc pas en matière sur la motion 982, tout en vous recommandant chaleureusement le projet de loi 7214.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Voilà sans doute l'une des interventions les plus difficiles que j'aurai été amenée à faire dans ce parlement, tant les mots doivent être choisis et les phrases réfléchies pour ne pas permettre une interprétation différente que celle souhaitée.
Les interventions de ce soir sont révélatrices du malaise que certains d'entre nous peuvent ressentir. Je ne souhaite pas m'exprimer sur le contenu de ce projet de loi ou sur l'un ou l'autre de ces articles. Nous sommes en préconsultation, et un travail minutieux devra être fait en commission.
Je souhaite simplement expliquer les raisons pour lesquelles les «verts» n'ont pas souhaité contresigner cette proposition. Par un vote rapide et émotionnel provoqué par la situation difficile du Letten, les Chambres fédérales ont adopté une loi que d'aucuns, dont je fais partie, n'ont pas hésité à traiter de «scélérate». Après de longues réflexions et des discussions souvent difficiles et tendues, l'idée d'un référendum a été lancée et nous faisions partie des premiers signataires, bientôt rejoints par la plupart d'entre vous. Déjà le malaise existait.
Fallait-il prendre le risque de raviver un débat teinté de xénophobie ou valait-il mieux laisser passer cette loi en espérant qu'elle serait appliquée avec souplesse par les cantons, voire pas appliquée du tout par certains ?
Je pense aujourd'hui que l'idée de lancer un référendum était la bonne, car, quelle que soit l'issue du vote, les étrangers que nous côtoyons quotidiennement devaient savoir qu'une marge importante de la population dénonçait cette loi. Assez sûrs, malheureusement, de notre défaite, nous mettions tout de même beaucoup d'espoirs dans l'ouverture et la solidarité du peuple genevois. Dans le même état d'esprit, le groupe des «verts», par mon intermédiaire, interpellait le chef du département de justice et police, le 26 mai 1994. Ces paroles furent rassurantes; je vous en livre quelques extraits.
Je cite donc M. Ramseyer :
«J'en viens maintenant au droit fédéral. S'il devait entrer en vigueur, il primerait le droit cantonal qui devrait dès lors s'adapter mais, Madame la députée, la question à se poser est de savoir si ce nouveau droit correspond aux besoins genevois. J'affirme ici que la pratique cantonale ne changera pas. Le recours à la mise en détention ne se fera, comme jusqu'ici, que dans les cas justifiés d'abus graves et pour un nombre extrêmement restreint de cas. Ensuite, le Conseil d'Etat prend l'engagement de soumettre à ce Grand Conseil, dans les meilleurs délais, le projet d'une nouvelle loi d'application qu'il soumettra également pour consultation aux organismes directement intéressés par la protection des droits de l'homme. Le Conseil d'Etat s'engage à faire appliquer avec retenue les nouvelles prescriptions fédérales et fera aussi en sorte que le respect des droits constitutionnels genevois et des conventions d'ordre général signées par la Suisse soit assuré.».
C'est sur la teneur de ces déclarations que nous voulons rester et continuer à croire que Genève n'a que faire de cette loi et que la pratique ne changera pas ! Ces déclarations, Monsieur Ramseyer, sont trop importantes pour pouvoir être remises en cause aujourd'hui. Le vote du 4 décembre nous laisse une blessure profonde et nous ne pouvions participer à en concrétiser le résultat. Nous avons choisi de rester dans l'opposition la plus dure. C'est un choix délibéré, et il mérite autant de respect que celui que nous avons nous-mêmes face à ceux qui estiment qu'il vaut mieux participer à l'élaboration d'une loi dans le but de la rendre moins dangereuse et plus en conformité avec le respect des droits de l'homme.
Nous n'oublions pas non plus que, comme pour tout projet de loi, nous n'avons pas la maîtrise aujourd'hui de ce qui ressortira de commission demain. Et même si à tout moment nous pouvons refuser ce projet, nous n'aimerions pas un jour en regretter la paternité.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les raisons qui nous ont amenés à renoncer à contresigner ce projet de loi. Les mêmes raisons nous amènent à vous demander de soutenir la motion que nous avons déposée pour faire annuler le règlement d'application.
M. Bernard Lescaze (R). Un illustre citoyen de Genève, Rousseau, il y a deux siècles, disait et écrivait même dans ses «Confessions» : «On dirait que mon coeur et mon esprit n'appartiennent pas au même individu.». Ce soir, je vais laisser mon coeur de côté un moment, étant entendu que, pour ma part, je regrette également le vote de notre pays !
Mais, je dois tout de même constater que, contrairement à ce qui vient d'être dit sur certains bancs, nous ne vivons pas, aujourd'hui, en 1995, dans un Etat totalitaire ! Nous vivons dans un Etat de droit, dans un Etat fondé sur le droit. Dans cet Etat, je conteste à quiconque la possibilité de dire qu'une loi est «scélérate» simplement parce qu'elle ne correspond pas - même si je peux le comprendre parfaitement - à sa conviction profonde, à sa conscience. Quel que soit le sentiment qu'on puisse avoir sur le vote du 4 décembre, aujourd'hui la loi est votée, et nous devons, d'une manière ou d'une autre, et si possible, pour rester fidèles à nos convictions - car il est trop facile de nous dérober en disant qu'on refuse tout pour rester fidèles à nos convictions - appliquer cette loi d'une manière généreuse et humaine. C'est ce que tout le monde souhaite.
Si j'ai personnellement signé le projet de loi qui vous est soumis et qui, je l'espère, sera renvoyé à la commission judiciaire, c'est parce que, au moment où nous l'avons présenté, il y avait le risque d'un vide juridique qui risquait, précisément, d'entraîner des risques que nous ne voulions pas prendre. Aujourd'hui, la situation est quelque peu différente. Nous nous trouvons, ce soir, devant trois documents tout à fait différents.
D'une part, il y a un projet de loi qui sera renvoyé devant la commission judiciaire, projet qui mérite certainement d'être amélioré. Je tiens d'ailleurs ici à signaler que tant la Cour de justice que le Tribunal administratif, que le Collège des juges d'instruction, ont déjà, semble-t-il, écrit à la présidente du Grand Conseil pour demander d'être auditionnés, afin de faire part de leurs observations sur ce projet de loi. Je crois donc que la procédure légitime, régulière et normale, doit être entreprise et que chacun pourra et devra faire valoir ses observations sur ce projet. Je souhaite que ceux qui aujourd'hui se drapent, telle Antigone, dans une dignité blessée, participent aussi à l'élaboration de ce projet de loi !
Nous nous trouvons, d'autre part, devant un règlement transitoire, c'est-à-dire un texte légal qui s'applique immédiatement. Tout ce que nous pouvons dire aujourd'hui au Conseil d'Etat est que nous souhaitons que ce règlement transitoire - transitoire signifie bien provisoire, qui sera ensuite modifié si des travaux de la commission judiciaire sort un projet de loi - soit lui aussi appliqué avec générosité.
Enfin, nous nous trouvons devant une motion qui réclame l'abrogation de ce règlement transitoire. Or, que pouvons-nous savoir des intentions du Conseil d'Etat ? Le président du Conseil d'Etat a lui-même dit qu'il attendait les résultats des travaux de la commission parlementaire et que son projet de loi en serait fortement inspiré. Quant au chef du département de justice et police - vous avez pu le lire dans une gazette d'hier ou d'aujourd'hui - il a très clairement dit : «L'approche humaine et généreuse qui caractérise notre canton ne sera pas modifiée.». Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. Si nous voulons faire confiance à nos autorités dans cette phase délicate, nous devons nous en remettre - et parfois la confiance a du bon - à cette déclaration.
Le projet de loi introduit une commission décisionnelle pour les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. Le règlement transitoire confie une partie de ces tâches à un officier de police. Il est vrai que ce n'est pas du tout la même chose, mais, malgré tout, contrairement à ce que l'on peut imaginer, dans un Etat de droit, notamment lorsqu'il s'agit d'un règlement transitoire, ce n'est pas encore une mesure catastrophique.
Vous l'aurez donc compris, au nom du parti que je représente et qui, sur ce point, a reçu l'aval de la population genevoise, je vous demande de renvoyer le projet de loi à la commission judiciaire et je vous demande, bien entendu, de rejeter la motion, car nous devons accepter, dans l'intervalle, que le règlement transitoire édicté par le Conseil d'Etat s'applique, sachant que celui-ci le fera avec la générosité dont il a manifesté l'intention. (Vifs applaudissements.)
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous le dis tout net : j'aime ce Grand Conseil quand il manifeste autant de dignité et autant de sérénité !
J'ai milité contre le racisme. J'ai pris clairement position à ce sujet et, déjà à l'époque, j'avais averti que, si des excès se produisaient, ils auraient une incidence négative sur le vote de la loi concernant les mesures de contrainte. C'est ce qui s'est passé. Alors, qu'on le veuille ou non, le peuple suisse a plébiscité ces mesures. Le canton de Genève les a acceptées.
Sincèrement, certains des doutes exprimés ce soir me font mal, parce que les insinuations sont plus vivantes que la réalité elle-même.
Je vous rappellerai donc des faits et non pas des élucubrations ! Dans notre canton, il n'y a jamais eu, jusqu'à ce jour, de personnes internées sur demande de l'autorité fédérale à l'autorité genevoise. Je vous rappelle également que nous n'avons jamais utilisé ces mesures dites «de détention» autrement que pour les cas pénaux. Il y a à Genève vingt mille refoulements par année; de quatre cent cinquante à huit cents personnes ont été mises en détention, dans 80% des cas : moins de quatre jours, le temps d'obtenir les papiers et de les refouler. Les cas qui ont dépassé ces quatre jours sont donc extrêmement rares. Nous vous avons dit - je le confirme - que jamais plus de quinze à vingt personnes sont en attente d'obtenir ces fameux papiers.
Vous avez parlé de mineurs et même d'enfants. Jamais nous n'avons mis en détention un enfant dans ce canton, alors que la précédente loi nous aurait même permis de mettre en prison un nourrisson ! Jamais, non plus, nous n'avons mis en prison des familles.
Il faut donc savoir pourquoi nous avons dû édicter un règlement. Le 1er février la nouvelle loi fédérale entrait en vigueur et le 1er février la justice genevoise a libéré dix détenus en attente de ces fameux papiers. Sur les dix personnes libérées, neuf sont des délinquants tout à fait mineurs, un l'est un peu moins, sans être quelqu'un de dangereux. Et puis, dans la semaine qui a suivi, la justice genevoise a libéré encore une autre douzaine de détenus, qui étaient en attente d'un refoulement suite à des problèmes pénaux. Nous n'étions pas en train d'évacuer des requérants d'asile, mais bien des délinquants !
S'agissant du texte du projet de loi et de la motion, je dirai simplement ce qui suit. J'ai fait des déclarations en mai 1994, je les ai répétées en septembre 1994. Je mets quiconque au défi de trouver une seule incartade à cette volonté manifestée au nom du Conseil d'Etat.
Bien plus, pendant toute cette période, nous n'avons eu que des contacts fructueux avec les milieux caritatifs, avec parfois de rudes séances, les cas étant pesés, présentés et discutés. A ce jour, pas un seul des cinq cent soixante Kosovars en attente de refoulement n'a quitté notre territoire. Il n'y a aucune plainte de qui que ce soit sur la gestion du problème de l'asile. Ce n'est pas mon mérite, mais le mérite d'une administration qui fait ce qu'on lui dit, qui a reçu des directives extrêmement claires et qui les applique !
J'en arrive maintenant au texte de la motion. Ce texte de règlement transitoire n'est pas que le fruit du travail de mon département. C'est le fruit d'une concertation entre le département de justice et police et des transports, les organisations caritatives, représentées par l'un de ceux qui connaît le mieux ce problème, et, surtout, les représentants de la justice genevoise. Bien plus, ce travail a été conduit sous l'égide de la délégation du Conseil d'Etat aux réfugiés formée des présidents des départements de l'instruction publique, de l'action sociale et de la santé et de moi-même. Toutes les critiques que ce gouvernement avait exprimées au sujet de la loi de contrainte ont donc été prises en compte, ainsi que celles émanant des milieux caritatifs. Simplement, le règlement transitoire a été conçu de manière à ne pas se trouver en porte-à-faux par rapport à la législation fédérale. Je rappelle la primauté du droit fédéral sur le droit cantonal.
Le climat qui a prévalu à ce travail n'a pas changé. En décembre de l'année passée, le service cantonal de la population s'est trouvé face à un problème difficile : le départ programmé et annoncé des ressortissants du Kosovo. Nos collaborateurs, à titre individuel et plusieurs fois, ont reçu une bonne partie des personnes censées quitter la Suisse. Ce travail n'a pas reçu l'agrément total des organes caritatifs qui ont demandé qu'un bilan soit effectué, ce qui a été fait au mois de janvier, en totale honnêteté et en essayant de corriger encore ce qui pouvait être amélioré.
L'invite de cette motion ne rencontre évidemment pas mon agrément. L'exposé des motifs m'amène à vous renvoyer aux engagements pris par le gouvernement publiquement hier. Lorsqu'un gouvernement prend la peine de faire une déclaration telle celle effectuée par M. Vodoz, il faut admettre qu'elle a valeur d'engagement. C'est d'ailleurs au nom d'une autre déclaration que la presse alémanique, ce soir, se déchaîne à notre égard, mais cela ne change pas notre motivation.
Nous avons dû libérer vingt délinquants en raison du vide juridique. Tant que cette situation persistera, des juges diront que, faute de base légale, il faut remettre les délinquants en liberté, alors même qu'ils viennent de pays où on peut les refouler.
Les mesures de contrainte, je le confirme, concernent essentiellement ces délinquants et non pas les requérants d'asile. Il faut donc savoir à qui s'adresse notre sollicitude.
La collaboration est remise en cause dans l'exposé des motifs. Pourtant, elle existe, de même que la transparence. Elle est rigoureuse de part et d'autre, et les organes caritatifs représentés par trois voire quatre personnes responsables sont régulièrement en contact avec nous.
En conclusion, le peuple s'est prononcé, mais ce n'est pas parce qu'une loi est votée qu'on ne peut pas chercher, si la possibilité existe, à l'améliorer. C'est dans cet esprit que nous en débattrons en commission et que nous chercherons les meilleures pistes. Je remercie le député Unger d'avoir rappelé que si les hommes passent, les écrits restent. C'est bien dans cet esprit que nous voulons travailler.
La motion n'aurait pour résultat que de recréer le vide juridique qui était le nôtre pendant douze jours, et c'est un risque que l'on ne peut pas prendre. Je m'oppose donc à cette motion.
Il est relativement facile de dire : «Après tout, on se demande si...» ! J'ai fait, dans ce travail qui était totalement nouveau pour moi, l'impossible pour que les choses aillent dans le sens de vos souhaits. J'ai pris la peine de consulter des députés de bancs qui ne sont pas ordinairement les miens, et je m'en suis personnellement bien porté; j'espère qu'il en a été de même pour eux ! Jusqu'à maintenant, à Genève, tout a bien fonctionné. Permettez que cela continue, c'est le voeu que je forme !
PL 7214
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.
M 982
Mise aux voix, cette motion est rejetée.
La présidente. Je vous signale d'ores et déjà, Mesdames et Messieurs les députés, que nous aurons probablement une séance supplémentaire à la fin du mois de mars.
M. John Dupraz(R). Je demanderai au Grand Conseil de renvoyer en commission les points 44, 45, 46, 47 et 48 concernant le département des travaux publics. Ce sont des projets techniques concernant la modification du régime des zones que nous aurons tout loisir d'étudier en commission. Si on ne les renvoie pas, cela reporte nos travaux d'un mois, voire deux mois !
La présidente. Y a-t-il une opposition à cette proposition ?
M. Christian Ferrazino(AdG). Monsieur Dupraz, il n'y a aucune raison de traiter ces projets de lois différemment des autres projets qui nous sont soumis. Le rôle de la préconsultation, je vous le rappelle, est de pouvoir donner dans cette enceinte les grandes lignes de critique de ces projets, afin que le travail se fasse, ensuite, dans le cadre des commissions. Je ne vois donc pas la nécessité de traiter ces projets de lois différemment de l'ensemble des autres objets. Je ne peux que m'opposer à cette manière particulière de procéder
La présidente. Bien, M. Dupraz demande que l'on vote sur ces projets. Adoptez-vous la proposition de modification de l'ordre du jour ?
Mme Fabienne Bugnon(Ve). Nous avons pris la décision tout à l'heure d'arrêter nos travaux, à l'exception du projet de loi concernant les mesures de contrainte. Nous avons déjà voté à ce sujet. (L'oratrice est chahutée et contestée.)
La présidente. Le parlement est malheureusement, en tout temps, maître de son ordre du jour !
M. Claude Blanc (DC). Madame la présidente, le parlement est maître de son ordre du jour, seulement vous ne pouvez pas, purement et simplement, suivre M. Dupraz ! Vous êtes obligée d'ouvrir le débat de préconsultation.
La présidente. Mais, bien entendu; c'est ce que j'allais faire ! Je voulais d'abord faire voter la modification de l'ordre du jour, Monsieur Blanc.
Mise aux voix, la modification de l'ordre du jour proposée par M. Dupraz est rejetée.
La présidente. Je vous souhaite une bonne rentrée chez vous ! (Applaudissements entremêlés d'une forte contestation des députés de l'Entente.)
La séance est levée à 23 h 45.