République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7195
7. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4 B destinée à des activités sans nuisances). ( )PL7195

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan no 28713-515, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 16 septembre 1994, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, à La Pallanterie-Nord) est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

Si la société Reuters renonce à son projet, ou si elle n'entreprend pas l'exécution de celui-ci dans un délai de cinq ans à compter de l'approbation, par le Grand Conseil, du plan visé à l'article 1, les terrains faisant l'objet de la présente modification du régime des zones de construction seront restitués à la zone agricole, conformément à la procédure instituée par la loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de modification du régime des zones fait suite à la demande conjointe de la société Reuteurs et de la commune de Collonge-Bellerive d'implanter, au lieu-dit La Pallanterie, le centre informatique de ladite société.

Dès 1980, Reuteurs, agence de presse et spécialiste d'informations et services financiers, a renforcé sa présence à Genève, en devenant propriétaire d'un bâtiment situé au 1, place de Jargonnant. Aujourd'hui, cette société loue également des bâtiments à l'avenue du Pailly et à la rue de Montchoisy 40, et emploie plus de 250 personnes à Genève.

Actuellement, le centre genevois de Reuters dirige les opérations de Suisse romande et assure la direction des activités couvrant l'ensemble de l'Europe, à l'exception du Royaume-Uni, de l'Irlande, de la Turquie et de Chypre. Il regroupe également des activités telles que conférences, expositions et démonstrations destinées à la clientèle, ainsi que des activités de formation, accueillant environ 2800 collaborateurs étrangers par année. La présence et l'activité de Reuters à Genève ont par conséquent des retombées économiques directes et indirectes (notamment sur le plan hôtelier: en 1993, plus de 3000 personnes venues à Genève pour suivre des cours, et plus de 2300 spécialistes financiers présents lors d'une conférence internationale, ont été accueillis dans les hôtels genevois; sur le plan commercial et de la sous-traitance; sur le plan du transport aérien: en 1993, environ 1000 réservations sur les vols Genève/Londres).

Afin d'assurer une sécurité et une fiabilité optimales, Reuters doit dédoubler son centre informatique de Londres en créant un nouveau centre informatique international. Ce nouveau centre traitera 50% du trafic mondial, mais devra être capable de répondre immédiatement aux 100% des besoins en cas de défaillance de l'autre centre.

Deux solutions sont à l'étude: soit l'agrandissement du centre existant de Singapour, soit la création d'un nouveau centre à Genève. Cette dernière option sera préférée dans la mesure où Genève peut offrir le terrain et les infrastructures nécessaires à l'implantation du projet.

Le nouveau siège genevois de Reuters est destiné à abriter, dans l'immédiat, les centres informatiques affectés au trafic tant international que régional, ainsi que le centre de formation européen. A long terme, il devra répondre aux besoins d'expansion et permettre d'intégrer les surfaces qui seront abandonnées à Jargonnant. Ce projet créera une centaine de nouveaux postes de travail dans les trois ans à venir. A long terme, profitant de l'essor donné par le nouveau projet, le nombre d'employés devrait continuer à s'accroître.

Dans le but de trouver une localisation idéale, Reuters a entrepris une recherche d'implantation sur le territoire genevois, en souhaitant que celui-ci permette de restreindre tant les délais que les coûts d'implantation. Les conditions générales en sont:

 un site agréable et calme, propice aux activités de formation;

 une localisation idéalement située dans un cadre de verdure et favorable à l'image de marque de la société;

 la proximité de l'actuel site de Jargonnant;

Mais c'est surtout la compatibilité avec les normes de sécurité Reuters qui est déterminante, soit:

 un environnement particulièrement sûr, à l'abri de risques d'accidents tels qu'incendie dans un bâtiment adjacent, explosions, etc.;

 une haute capacité et fiabilité des télécommunications (fibre optique), alimentées par deux réseaux distincts et accédant à deux centraux distincts;

 l'installation d'antennes satellites émettrices et réceptrices à l'écart de sources d'interférence.

Parmi tous les sites considérés par la société Reuters, un seul répond à l'ensemble des critères susmentionnés. Il se situe sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive, au lieu-dit La Pallanterie, soit entre la route de Thonon, le chemin des Prés-Galland et le chemin de la Dame.

Ce périmètre, d'une superficie d'environ 42 000 m2, est actuellement situé en zone agricole. Il fait partie de l'ancien domaine de Saint-Maurice. Il est constitué de la parcelle no 5685 et d'une partie de la parcelle no 7127, sises sur la feuille 11 du cadastre de ladite commune. La parcelle 7127, propriété de l'Etat de Genève, est inscrite dans les surfaces d'assolement. Elle est louée à un exploitant agricole qui est au bénéfice d'un bail à ferme expirant en 2001.

Face à l'enjeu économique que représente pour Genève un tel projet d'envergure internationale, il est néanmoins nécessaire de peser les intérêts en présence et de tenir compte en particulier des critères propres à l'aménagement du territoire. C'est pourquoi le département a procédé à l'étude d'autres localisations envisageables dans le canton. La dizaine de sites retenus a été examinée tant du point de vue des contraintes propres à la société Reuters que du point de vue de l'aménagement du territoire. Il s'avère qu'aucun d'entre eux ne présente les avantages que revêt le site de La Pallanterie.

Il faut souligner, en outre, l'intérêt d'implanter une société de services dans une commune de caractère essentiellement résidentiel, à proximité immédiate de la zone de développement industriel de La Pallanterie. Ce pôle d'activités sera consolidé par le projet de création d'une zone de développement industriel et artisanal, à la route de Compois, mis simultanément à l'enquête publique.

Le projet du centre Reuters propose deux types de bâtiments d'un étage sur rez-de-chaussée, gabarit imposé par des impératifs techniques et conforme à celui retenu pour la future zone de développement industriel et artisanal mentionnée ci-dessus. Le premier est destiné à l'informatique: il est principalement composé, à chaque niveau, de quatre salles d'ordinateurs distinctes. Le second abritera l'administration; d'une architecture modulable, il comprendra, outre les bureaux, des salles de cours, de conférences, des zones de démonstration et des ateliers.

Conformément au plan directeur cantonal et suite à une concertation avec les associations genevoises de protection de la nature et les milieux agricoles, soit l'Association genevoise pour la protection de la nature, le WWF-Genève, la Société d'Art Public et la Chambre genevoise de l'agriculture, il a été convenu que des mesures de compensation écologiques et agricoles seront prises en charge par la société Reuters. Une étude agro-environnementale complète devra définir ces mesures compensatoires, dans le but de maintenir et améliorer les fonctions agricoles et écologiques de cette partie du canton, ainsi que d'en préserver la valeur paysagère. Les formes prises par cette compensation restent encore à déterminer en concertation avec les milieux de la protection de la nature et les milieux agricoles. D'ores et déjà, un groupe de travail a été formé, composé de représentants des associations susmentionnées et de l'Etat (service de l'agriculture-DEP, direction générale de l'environnement-DIER et direction de l'aménagement-DTPE) dans le but d'élaborer un cahier des charges définissant le cadre de l'étude agro-environnementale et de suivre la mise en oeuvre des mesures compensatoires.

En tout état, Reuters assurera ainsi une contribution s'élevant à 1% du coût total de l'opération à concurrence d'un montant maximum de 1 million de francs. Le plan directeur cantonal sera complété d'une nouvelle fiche de coordination mentionnant cet objet.

Pour assurer la mise en oeuvre de ce projet, une modification du régime des zones s'avère nécessaire. Il est ainsi proposé la création d'une zone 4B destinée à des activités sans nuisances d'une surface d'environ 46 000 m2. Le plan de modification du régime des zones porte le no 28713-515.

Il est, toutefois, précisé que dans l'hypothèse où la société Reuters renoncerait à son projet, ou n'entreprendrait pas l'exécution de celui-ci dans un délai de cinq ans dès la décision du Grand Conseil approuvant la présente modification du régime de zones, les terrains faisant l'objet de cette modification seront restitués à la zone agricole, selon la procédure prévue par l'article 16 LaLAT. Le déclassement fait ainsi l'objet d'une affectation spéciale, ce qui en souligne encore le caractère exceptionnel.

Le projet de plan localisé de quartier no 28699-515, mis simultanément à l'enquête publique, définit plus précisément l'aménagement de ce périmètre.

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le présent projet de loi.

L'enquête publique qui a lieu du 10 octobre au 9 novembre 1994 a provoqué quelques observations, notamment de la part des habitants du village voisin de Saint-Maurice. Le Conseil municipal de la commune de Collonge-Bellerive a préavisé favorablement, à l'unanimité moins une abstention, tant le projet de modification de zones que le projet de plan localisé de quartier, le 14 novembre 1994.

Un référendum a été lancé contre la délibération du Conseil municipal. Ce référendum n'a pas abouti, la moitié seulement des signatures ayant été réunies dans le délai légal.

Tels sont, en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons le présent projet de loi à votre bienveillante attention.

Cette page sera une page blanche.

Préconsultation

La présidente. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que nous sommes en débat de préconsultation, et qu'une seule personne par groupe peut s'exprimer !

M. Christian Ferrazino (AdG). (Accueilli par des soupirs et des commentaires.) Ça a l'air de réjouir nos amis libéraux ! Attendez au moins de m'entendre avant de manifester votre mécontentement.

Je vais vous expliquer les raisons pour lesquelles notre groupe s'opposera, bien entendu, à ce projet de loi. (Le chahut augmente, et l'orateur hausse le ton.) Les arguments que je vais vous donner...

M. Michel Balestra. Non ! Encore ?

La présidente. Monsieur Balestra !

M. Christian Ferrazino. ...devraient vous permettre de vous retrouver exactement dans les conclusions que nous allons prendre. Pourquoi ?

Première observation. Eh bien, parce qu'il existe déjà à Genève - et je ne pense pas que M. Joye me contredira - de très nombreux terrains situés en zone à bâtir qui pourraient accueillir de nouvelles activités. De nombreux bâtiments existants, ou en projet, pourraient abriter certaines activités, puisqu'il s'agit de dizaines de milliers de mètres carrés vacants. Il est nécessaire de rappeler que, relativement récemment, un certain nombre de terrains ont été déclassés, précisément pour abriter certaines activités. Je pense au terrain de Caterpillar, à Veyrier; je pense également à l'extension de la zone industrielle de Plan-les-Ouates.

Pour trouver des zones constructibles, il n'est pas nécessaire du tout de déroger au plan directeur cantonal qui prévoit que l'on doit utiliser toutes les surfaces actuellement situées dans les zones à bâtir avant de procéder à des déclassements, à moins que l'on considère - mais je ne pense pas, Monsieur Joye, que ce soit le cas - que le plan directeur cantonal soit un chiffon de papier que l'on utilise quand on en a besoin et que l'on néglige quand ça nous arrange. Monsieur Joye, par rapport au plan directeur cantonal que nous connaissons aujourd'hui, y a-t-il oui ou non une priorité absolue d'utiliser toutes les zones à bâtir existantes avant de procéder à des déclassements de zones agricoles ? Nous connaissons tous la réponse ! Effectivement, nous devons faire en sorte d'utiliser ces terrains avant de proposer des projets de lois du type de celui qui nous est soumis ce soir.

Deuxième observation. Nous savons, contrairement à ce qui a été dit, que c'est le Conseil d'Etat lui-même qui a proposé à Reuters les terrains agricoles de Collonge-Bellerive. Reuters avait initialement projeté de construire ou d'utiliser des locaux ailleurs, et notamment - Monsieur Joye, vous le savez - les bâtiments de l'Institut Battelle à Carouge, ce qui d'ailleurs aurait été une excellente solution. En effet, des mesures de déclassement ont été prises récemment pour les terrains de l'Institut Battelle.

Troisième observation que je voulais formuler ce soir. Nous considérons qu'il est inadmissible que le Conseil d'Etat ait essayé de tromper les associations de protection du patrimoine. Monsieur Joye, vous affirmiez qu'il s'agissait pour Reuters d'une contrainte d'installer ses futurs locaux à Collonge-Bellerive. Pourquoi était-ce une contrainte, selon vous ? Parce que - avez-vous prétendu - il fallait trouver une zone particulièrement dégagée pour installer un double réseau de fibres optiques. Voilà l'argument technique avancé par M. Joye, notamment aux associations de défense du patrimoine ! C'est une nécessité qui échappe à la volonté du gouvernement. Eh bien, Monsieur Joye, je vous le dis, c'est une supercherie de faire une telle affirmation !

Je me suis renseigné auprès de Télécom... (Vive manifestation.) J'ose espérer que vous l'avez fait, ou, si ce n'est pas le cas, que vous le ferez. Les dirigeants de Télécom nous ont répondu, Monsieur Joye, que non seulement... (L'orateur est interpellé par M. Lombard.) ...Mais, oui, Monsieur Lombard, cela vous dérange peut-être, mais écoutez-moi, vous aurez l'occasion de me répondre ! Les dirigeants de Télécom nous ont affirmé tout à fait le contraire de ce que M. Joye a prétendu, à savoir que non seulement il était possible de dresser des doubles réseaux de fibres optiques à peu près partout dans ce canton, mais qu'il était encore plus facile de le faire en ville que dans la région de Collonge-Bellerive. Voilà, Monsieur Joye, l'argument que vous avez avancé. C'est inadmissible dans la mesure où il est totalement erroné !

Il est tout autant inadmissible de la part du Conseil d'Etat d'invoquer le chantage aux emplois. (Manifestation.) Dans le cadre de ce projet, il est particulièrement possible d'abriter la centaine d'emplois prévue dans les multiples endroits du canton existant dans les zones à bâtir. Il n'y a donc aucune nécessité, mais vraiment aucune, Monsieur Vaucher, de procéder à des déclassements de zone agricole. Cet argument, comme le précédent, est totalement inadmissible !

La présidente. Monsieur Ferrazino, il vous reste une minute. Mais si vos collègues continuent à vous interrompre, je prolongerai votre temps de parole d'autant ! (Cette remarque est accueillie avec une grande satisfaction sur les bancs de la droite et quelques bravos.)

M. Christian Ferrazino. Je vous remercie, Madame la présidente, de me prévenir avant la fin de mon temps de parole que vous avez déjà décidé de m'accorder une prolongation.

Une voix. Servette !

M. Christian Ferrazino. Je l'utilise précisément pour vous dire que, pour nous, cette affaire, en tant que telle et au vu des observations que nous venons de formuler, serait totalement inexplicable si Reuters ne devait retirer des avantages financiers en bénéficiant d'un terrain bon marché, car situé en zone agricole. (Les remarques vont bon train.) Madame la présidente, je vous laisse décompter le temps de parole pendant que M. Vaucher se livre à ses invectives. C'est à peu près la seule chose qu'il sache faire dans ce parlement ! Nous nous sommes tous habitués à l'entendre. Je vous propose de laisser M. Vaucher grogner quelques secondes et je continuerai lorsqu'il aura fini !

Une voix. Vaucher, au placard !

M. Christian Ferrazino. Ce projet serait inexplicable si Reuters n'avait pas effectivement l'intérêt de retirer des bénéfices de l'acquisition de ces terrains particulièrement bon marché. Ce sujet semble vous intéresser, Monsieur Brunschwig, malgré le fait que vous tourniez les pages de votre journal ! Mais vous savez que ces terrains sont...

La présidente. Monsieur Lombard !

M. Christian Ferrazino. Ça fait à peu près deux minutes ! Je crois que j'ai le bonus. (Remarques et quolibets redoublent.)

La présidente. Mesdames et Messieurs, si cela continue sur ce ton, je suspends la séance !

M. Christian Ferrazino. Dans deux minutes, Madame la présidente, puisque c'est le temps qu'il me reste !

Les terrains étant propriété de l'Etat, je demande ce soir au Conseil d'Etat, parce que je pense que tout le monde ici a le droit de connaître la réponse à cette question, à quelles conditions ce projet pourra se concrétiser avec Reuters. Je demande également au Conseil d'Etat de nous donner les montants de la rente de superficie qui sera demandée à Reuters. En effet, je n'arrive pas à croire que cette question n'ait pas été réglée dans le cadre des pourparlers qui ont amené le Conseil d'Etat à nous proposer ce projet de loi. Je vois que M. Maitre discute très activement avec M. Joye !

M. Armand Lombard. Mais, laisse-les tranquilles ! (Remarques et manifestations.)

M. Christian Ferrazino. (L'orateur continue, imperturbable.) La moindre des choses est que le Conseil d'Etat rende compte publiquement du montant de la rente de superficie pour les terrains concernés.

Mme Sylvie Châtelain (S). Oui, nous sommes favorables à la création de quelques centaines d'emplois à Genève ! Oui, nous souhaitons que la société Reuters reste dans notre canton et puisse y développer ses activités !

Cela dit, venons au déclassement des quelque 42 000 m2 de zone agricole à Collonge-Bellerive que l'on nous propose ce soir pour concrétiser cet objectif. Dans quelle logique d'aménagement ce déclassement s'inscrit-il ? Le Conseil d'Etat a-t-il l'intention de développer un nouveau pôle d'activité à Collonge-Bellerive ? Si c'est le cas, nous attendons avec impatience la nouvelle mouture du plan directeur cantonal en cours d'élaboration pour y découvrir les autres surprises que le Conseil d'Etat nous y réserve !

Lorsque l'on sait que de nombreux terrains ne nécessitant aucun déclassement sont à disposition, je pense à La Suzette au Grand-Saconnex, à la zone de développement de Plan-les-Ouates ou au site de Battelle à Carouge, pour ne citer que trois exemples, lorsque l'on sait encore que des milliers de mètres carrés de locaux sont disponibles ou vont se libérer, on se demande immanquablement ce qui a guidé le choix du Conseil d'Etat.

Pour minimiser le déclassement projeté, ce dernier fait miroiter la contribution de la société Reuters d'un million de francs pour des mesures de compensation écologiques et agricoles. Ce montant représente 1% du coût total de l'opération, un «pour-cent environnemental» qui n'est pas sans rappeler le principe proposé par le comité de candidature valaisan pour les jeux olympiques de 2002. Eh bien, je dis que ce n'est pas cher payé pour obtenir la complaisance des associations de protection de la nature et de la Chambre genevoise d'agriculture, quand on pense aux économies ainsi réalisées en évitant de nombreux recours et des retards dans la réalisation du projet !

Il a été dit que ce grand déclassement de zone agricole était le dernier envisagé. En imaginant les difficultés auxquelles l'agriculture genevoise va être confrontée ces prochaines années, je prétends, pour ma part, que ce déclassement n'est qu'un maillon de plus d'une longue chaîne qui marque une étape décisive dans le démantèlement de la zone agricole.

Dans l'exposé des motifs, il est dit que près de trois mille collaborateurs étrangers fréquenteront ce centre. Le Conseil d'Etat peut-il me dire quel moyen de transport, à la fois respectueux de l'environnement et adapté aux usagers, a été prévu pour faire transiter tous ces visiteurs de l'aéroport à Collonge-Bellerive ? Ou s'agit-il là d'un jalon de plus vers la future traversée de la rade ! (Rires.)

Toujours dans l'exposé des motifs, on peut lire que les critères de sécurité et de fiabilité technique ont été déterminants dans le choix de la société Reuters pour ce site parmi tous ceux envisagés. J'ai cependant de la peine à croire que cet emplacement soit le seul qui réponde à ces exigences dans notre canton. Il serait d'ailleurs intéressant d'entendre l'avis des PTT à ce sujet.

Le critère déterminant n'a-t-il pas plutôt été celui, je cite : «d'une localisation idéalement située dans un cadre de verdure et favorable à l'image de marque de la société.» ? (Vive manifestation.) Enfin, est-il acceptable qu'une société puisse ainsi imposer son lieu d'implantation après avoir décliné plus d'une dizaine de propositions respectant le plan directeur cantonal en vigueur ?

Et tout cela contre quoi ? En échange de quelque quatre cents emplois ? (Chahut, l'oratrice hausse le ton.) Mais quelles garanties avons-nous sur la création de ces postes de travail et surtout seront-ils destinés à des personnes résidant dans notre canton et actuellement sur le marché du travail genevois ? A ce propos, il sera important d'aborder ce projet de loi sous ses deux angles : l'aménagement et l'emploi.

Autant de questions, autant de réponses qu'il conviendra de nous fournir en commission. Il est à craindre que le Conseil d'Etat aura fort à faire pour nous justifier son choix. Mais sa tâche sera plus difficile encore - et y parviendra-t-il ?- pour nous le faire partager !

M. Michel Ducret (R). Ce n'est pas sans satisfaction que le groupe radical a appris que Reuters souhaitait développer ses activités à Genève. (Rires, commentaires et quolibets.) L'ambiance est merveilleusement détendue ce soir...

La présidente. Vous aurez droit à une minute de plus, Monsieur Ducret ! (Eclat de rire général et applaudissements.)

M. Michel Ducret. Merci, Madame la présidente ! Je la mets dans mon escarcelle !

A nos yeux, c'est important pour l'emploi mais aussi en tant qu'investissement important dans notre pays. Je vous rappelle qu'il y avait 300 millions de déficit dans la balance des investissements en 1993, par rapport à nos échanges internationaux, et cette situation ne va pas s'arranger au vu de notre position dans l'Europe. Cet investissement étranger dans notre pays est donc un fait particulièrement bienvenu en regard de ce problème. Pour ce qui est de l'emploi, outre les études et la réalisation, cette entreprise de haute technologie, si elle ne crée pas directement beaucoup d'emplois, est par contre génératrice de nombreuses retombées indirectes, tout comme c'est le cas du CERN, par exemple, tant sur le secteur secondaire que sur les services, cela sans parler de l'impact sur le maintien à Genève de l'exposition mondiale Télécom. C'est donc une très bonne chose et il importe de ne pas tergiverser pour de bons ou de mauvais prétextes.

Chantage à l'emploi ? Je ne crois pas. Mais il ne faudrait pas que l'on en arrive à une affaire «Swatchmobile» bis. En effet, il n'y a pas de bons ou de mauvais emplois, selon l'endroit où ils s'exercent. Si Reuters ne va pas s'installer à Singapour, ce sera peut-être tout simplement pour jeter son dévolu sur Nyon, sur Ferney ou sur quelque autre site, combinant les avantages de notre canton et de son équipement avec ceux offerts par nos voisins. Le site retenu nous a paru de prime abord quelque peu bizarre, mais, finalement, à l'examen il comporte aussi quelques avantages. Je ne reviendrai pas ici sur les choix techniques mis en avant par les mandataires, des demandeurs, mais sur d'autres aspects qui découlent du choix de ceux-ci.

Tout d'abord, nous voyons ici une occasion de rééquilibrer quelque peu la répartition habitants/emplois en direction de la rive gauche, ce qui, à terme, va dans le sens d'un allégement des problèmes liés aux déplacements pendulaires et d'un rééquilibrage de la répartition habitat/activité dans notre canton. En ce sens, d'ailleurs, différents projets d'implantation d'activités sans nuisances dans d'autres secteurs que ceux qui sont déjà surchargés ne devraient pas être rejetés sans un examen approfondi. Ensuite, il faut considérer que la plus grande part de cette parcelle à déclasser, bien que située en zone agricole, est en fait constituée des remblais d'anciens marigots, remblais composés de caillasses si peu propices à la culture que l'observateur attentif y repérera chaque printemps un retard de la végétation, situation qui justifie sans doute le fait qu'une part est actuellement utilisée comme parking pour les poids lourds. D'ailleurs, il y a là déjà, à quelques mètres, le silo de La Pallanterie, la Boulangerie industrielle SA, ainsi que quelques autres activités. Au vu de cette situation, il nous faut donc considérer comme une véritable cerise sur le gâteau offert à la collectivité genevoise le fait que le principe de compensation en faveur de la protection de la nature et de l'environnement, ainsi que des milieux agricoles, ait déjà pu être admis et obtenu. Ce sont des moyens qui seront bienvenus en ces temps de disette dans les fonds publics.

C'est tout en restant attentif au développement de ce dossier et en souhaitant s'assurer que le déclassement ne pourra s'effectuer qu'en faveur d'une implantation présentant un réel intérêt qualitatif pour notre canton que le groupe radical accueille favorablement cette proposition.

La présidente. Monsieur Michel Halpérin, vous avez la parole !

M. Jean-Pierre Lyon. Oh, là, ils ont sorti la grosse artillerie ! (La gauche s'écroule de rire au moment où M. Halpérin se lève.)

M. Michel Halpérin (L). On peut s'étonner parfois de trouver les mêmes oppositions dans les mêmes rangs ! L'acharnement que certains mettent à empêcher l'aboutissement de tout projet, quel qu'il soit... (Commentaires et quolibets.) ...l'acharnement de quelques-uns à faire en sorte que tout ce qui serait susceptible de redonner à notre économie sinistrée un peu d'allant serait inexplicable si les racines de cette façon de voir ne se trouvaient pas, précisément, dans le dessein répété depuis de très nombreuses années qui consiste d'abord à affirmer, avec une arrogance qui serait digne d'une puissance plus considérable que la nôtre, que chacun, s'il veut avoir l'honneur de passer par notre Cité, doit d'abord s'incliner et passer sous les fourches Caudines de nos systèmes réglementaires... (Manifestation d'admiration de l'assemblée.)

Je suis de ceux qui pensent qu'il n'est pas forcément extraordinaire de vouloir respecter les textes, et si nous en adoptons quelques-uns, y compris des plans, c'est en principe pour qu'ils soient appliqués. Seulement je ne peux pas m'empêcher de marquer de l'étonnement lorsque je vois que certains de nos textes sont d'une valeur - faudrait-il dire sacrée ? - plus grande que d'autres ! Pourquoi faut-il que M. Ferrazino brandisse comme une bible le plan d'aménagement dans l'affaire Reuters, alors que, dans d'autres circonstances où l'on voudrait prouver que la loi mérite des assouplissements ou qu'il faut l'appliquer avec des ménagements, elle aurait moins d'importance à ses yeux ? (Vive manifestation.) Pourquoi ne pas comprendre que, en définitive, tout ce qui relève d'un raisonnable début de consensus et de liberté agace ceux qui ont la manie persistante de la «réglementarite aiguë» ? Comment faire en sorte de ne pas céder à ce piège systématique ? C'était la question sous-jacente de ce débat.

Pour y répondre, on entend sur les bancs de l'Alliance de gauche une masse d'invectives ou de sous-entendus dirigés contre le Conseil d'Etat qui sont assez insupportables, parce qu'à bien les entendre il faudrait imaginer que le Conseil d'Etat a peut-être agi par intérêt personnel. (Manifestation.) Or, nous avons adopté une politique au début de cette législature qui consiste à privilégier l'emploi. C'est la première priorité ! Et je ne crois pas qu'il en serait beaucoup sur vos bancs qui pourraient le contester. Et puis, nous avons également voulu redonner à la Ville et à l'Etat de Genève la priorité pour le développement des organisations internationales. (M. Jean-Pierre Lyon lance des invectives à M. Halpérin.)

La présidente. Monsieur Clerc, s'il vous plaît !

Des voix. C'est Lyon, c'est Lyon !

M. Michel Halpérin. Depuis des années, l'on nous répète que, pour résister à la concurrence internationale, il faut privilégier dans ce canton ce que l'industrie de haute technologie peut lui apporter. Et voilà que nous avons un projet qui réunit cette double qualité d'être créateur d'emplois, d'amener ou de recentrer ou de concentrer à Genève une des entreprises qui, au niveau des médias et des services, est la plus importante d'Europe ou du monde à l'heure actuelle. Nous avons cette chance dans des domaines de haute technologie de pointe, et il faudrait y renoncer sous prétexte que, pour M. Ferrazino, le plan directeur ne pourrait pas souffrir d'exception !

M. Christian Ferrazino. Pour vous, c'est le plan directeur !

M. Michel Halpérin. Alors, Monsieur Ferrazino, Mesdames et Messieurs les députés, la situation est tout simplement la suivante : le canton de Genève souhaite accueillir Reuters avec des égards et avec empressement, parce que la situation le commande. Reuters souhaite venir à Genève et a jeté son dévolu sur une parcelle qui serait à son goût et apte à répondre à son attente. Enfin, la commune de Collonge-Bellerive souhaite également accueillir cette entreprise à cet endroit, et pour cela il faut que nous dérogions à nos idées aménagistes.

M. Jean-Pierre Lyon. Arrête !

M. Michel Halpérin. Et sauf à considérer que ce plan d'aménagement est figé à jamais, nous pouvons, nous qui l'avons adopté, y apporter la modification ponctuelle qui nous est demandée. L'idée même que l'on puisse refuser un projet de ce genre est pratiquement insensée ou, alors, elle relève, encore une fois, de cette manie qui a conduit ceux qui nous ont gouvernés un certain temps à détruire l'essentiel de notre capacité d'accueil jusqu'à maintenant !

M. Christian Grobet. C'est vous les destructeurs !

M. Michel Halpérin. Si vous voulez continuer dans cette voie, Messieurs, faites-le ! (L'orateur est chahuté, mais il continue imperturbable, pendant que la présidente agite vainement sa cloche.) Notre choix, Monsieur Grobet, c'est de renverser la vapeur, c'est de casser cette machine infernale que vous avez construite à Genève et c'est avec des projets comme celui de Reuters que, peut-être, nous y réussirons ! Je comprends que cela vous contrarie, que vous combattiez pour vos vieilles idées - cela va de soi - mais, nous, nous irons jusqu'au bout pour les nôtres ! (Vifs applaudissements de l'Entente.)

M. Jean-Pierre Lyon. Le fric !

M. Andreas Saurer (Ve). Nous, les «Verts», nous nous réjouissons de la future installation de Reuters à Genève...

L'assemblée en choeur. Mais ! (Charivari mêlé d'applaudissements et de sifflets.)

M. Andreas Saurer. Vous nous permettrez cependant de poser quelques questions, et nous espérons que le fait de les poser ne sera pas tout de suite taxé d'acharnement, comme M. Halpérin l'a laissé entendre tout à l'heure. Ensuite, je tiens à vous signaler que les «Verts» ne sont pas opposés, par principe, à tout déclassement de terrains agricoles, à condition, évidemment, que la compensation soit équivalente en surface. C'est notre position.

Comme l'a dit M. Ferrazino ainsi que la représentante du parti socialiste, il semble qu'une dizaine de sites ont été envisagés par Reuters. Je crois savoir que Reuters était même prête à s'installer à Battelle, et cela au mois de février de l'année dernière. Mais que s'est-il passé ? Pour des raisons que j'ignore, la commune de Collonge-Bellerive lui a suggéré de venir s'installer sur la commune. Le choix de cette commune découle donc des souhaits exprimés, dans un premier temps, par les autorités de la commune et non pas par Reuters. Pourquoi Reuters a-t-elle été d'accord ? Est-ce le taux d'imposition extrêmement faible dans cette commune ? Est-ce la rente foncière dont M. Ferrazino parlait tout à l'heure ? Je l'ignore, mais nous aimerions avoir quelques informations supplémentaires à ce sujet.

On nous dit, y compris dans l'exposé des motifs, que l'un des critères de Reuters est la sécurité de l'environnement. Or, je viens d'apprendre hier matin qu'il y a un couloir de passage d'hélicoptères au-dessus de La Pallanterie... (Rires et quolibets de l'Entente.)

M. Michel Balestra. Un couloir pour hélicoptères !

M. Andreas Saurer. Est-ce le signe d'un endroit particulièrement sûr ? Je l'ignore ! (L'orateur ne peut plus parler, tant l'assemblée est déchaînée.) Jusqu'à nouvel avis, Monsieur Kunz, les camions ne volent pas ! Peut-être que M. Balestra vole, ou tout du moins son esprit, mais sa chute ne crée par de dégâts ! En revanche, les hélicoptères, à en croire les récents événements survenus à Zurich, peuvent tomber. Ce n'est donc pas un endroit très sûr ! (Rires.)

L'exposé des motifs évoque les commodités. Trois mille personnes, voire davantage, doivent se déplacer chaque année. Il me semble que le déplacement de l'aéroport à La Pallanterie n'est pas particulièrement rapide. (Chahut. L'orateur a beaucoup de mal à s'exprimer.) En hélicoptère, c'est possible, mais ce n'est pas un moyen de locomotion très sûr ! (Les rires redoublent.) Vous me donnez une minute de plus, Madame la présidente ?

La présidente. Tout à fait, Monsieur le député.

M. Andreas Saurer. Je vous remercie !

J'ai presque l'impression, étant donné que M. Joye connaît quelques difficultés avec la traversée de la rade, que l'installation de Reuters à Collonge est un argument supplémentaire pour motiver la population à voter la traversée de la rade. En tout cas, pour nous les «Verts», l'installation de Reuters à La Pallanterie n'est pas envisageable, mais nous voudrions mieux comprendre le pourquoi de cette fixation sur ce site. Le fait que M. Maitre, M. Joye et le directeur de Reuters habitent au même endroit est certainement une pure coïncidence... (Exclamations diverses.) ...et seuls des esprits malveillants pourraient transformer cette coïncidence en une relation causale ! Ce n'est pas notre point de vue. Malgré tout, nous voudrions comprendre le pourquoi de cette fixation presque pathologique... (Rires.) ...et nous nous réjouissons d'avoir des renseignements, si possible ce soir, mais c'est peut-être un peu trop demander à M. Joye, sinon en commission !

M. Jean Opériol (PDC). En guise de préambule, je dirai simplement - c'est personnel et cela n'engage que moi - qu'en entendant le négativisme de l'Alliance de gauche et plus spécialement celui de M. Ferrazino, je me dis que ses membres ne sont pas fichus d'avoir une idée sympathique pour l'emploi, pour les chômeurs, pour le développement économique...

Des voix de l'Alliance de gauche. Ouhh !

M. Jean Opériol. Et s'ils avaient une telle idée, finalement, cela se saurait peut-être ! (Rires et applaudissements.)

M. Jean Opériol. Monsieur Ferrazino, lorsque vous êtes négatif comme cela en parlant de communication, je vous assure, j'ai envie de zapper ! Sincèrement ! (Rires.)

M. Christian Ferrazino. Zappe ! Zappe !

M. Jean Opériol. Bien entendu, le groupe démocrate-chrétien soutiendra ce projet de loi dont l'importance pour Genève et son rayonnement international dépassent de loin le seul aspect du maintien à tout prix de la zone agricole. Il est heureux que, de temps en temps, un canton comme le nôtre soit placé devant la nécessité d'un choix d'importance, un choix qui le force à réfléchir sereinement sur son destin, un choix qui oppose courage et frilosité. Ainsi, nous avons l'occasion de procéder entre nous à une pesée d'intérêts particulièrement importante et subtile, puisque, ce faisant, nous pourrons vérifier si, au-delà de tout clivage politique, nous voulons que Genève reste une ville, un canton ouverts au monde, conscients de leur charisme international, dignes de l'intérêt que leur portent toutes les sociétés et institutions étrangères qui, depuis le début du siècle, s'y installent et cherchent à s'y installer. Nous pourrons vérifier en passant si nous avons bien fait de nous battre jusqu'aujourd'hui pour attirer et maintenir à Genève des sociétés et des institutions qui font le renom de Genève et celui de la Confédération helvétique. Notre groupe fera confiance à la commission de l'aménagement, qui devra étudier ce projet de loi. Nul doute que celle-ci saura apprécier les enjeux engagés et vous en démontrer l'intérêt.

Notre canton, qui se bat courageusement pour juguler la crise, devrait recevoir Reuters comme un prince charmant. D'abord, une centaine d'emplois supplémentaires, suivie d'autres emplois attachés au développement de cette société, puis des contrats de sous-traitance nombreux conclus avec des sociétés locales, notamment informatiques et électroniques, puis un flux réjouissant au niveau du tourisme d'affaires et, enfin, une impulsion salutaire en faveur du commerce local. La commission d'aménagement s'emploiera aussi à vérifier la justesse du choix du site, puisque seul cet endroit est réputé capable de satisfaire Reuters.

La sécurité, qui constitue son principal paramètre d'option, est garantie par l'éloignement de l'axe d'atterrissage/décollage de Cointrin et de toutes les nuisances aéroportuaires et par l'absence à La Pallanterie de toute ligne à haute tension, absence d'émetteurs radio dans toute la région. La sécurité des télécommunications sera également garantie grâce aux deux boucles de fibres optiques dont Reuters a d'emblée décelé la présence en cette zone. (Les discussions vont bon train et le brouhaha est intense.) La première fibre venant du canton de Vaud traverse le lac à hauteur de Bellevue et prend pied sur la commune de Collonge-Bellerive. La seconde venant de la ville parvient également dans cette zone, via le central PTT de Vésenaz. Ces deux boucles sont autonomes. L'une d'elles peut tomber en panne sans empêcher Reuters de fonctionner grâce à l'autre. Tout cela existe déjà et raccourcit le délai de redéploiement.

Monsieur Ferrazino, Battelle ne dispose pas de cette facilité qui concerne l'existence de fibres optiques. Les premiers débats qui ont eu lieu dans le cadre de la préparation de ce projet de loi sont de nature à rassurer les sceptiques : la Chambre genevoise d'agriculture ne s'y oppose plus, le WWF non plus, la Société d'art public non plus, l'Association genevoise pour la protection de la nature pas davantage, cela grâce aux compensations écologiques et agricoles négociées, promises et financées par Reuters.

En fait, nous souhaitons véritablement que le débat s'élève. En étudiant le dossier Reuters notre Grand Conseil doit rester attentif et fidèle à cette longue tradition d'accueil dont Genève a toujours su faire preuve dans tous les cas où l'honneur d'accueillir lui est échu. Car c'est bien d'un honneur qu'il s'agit, doublé en cette période de crise économique et d'hésitations européennes des multiples retombées positives dont j'ai parlé précédemment. Ne craignons donc pas le précédent, Monsieur Ferrazino ! Des dizaines d'entreprises souvent étrangères sont situées sur d'anciennes zones agricoles, qui sont devenues entre-temps nos zones industrielles, et nous nous félicitons tous aujourd'hui de leur présence chez nous, plutôt qu'ailleurs. Du reste, gardons-nous bien de l'hypocrisie qui consiste à occulter le fait qu'à Collonge-Bellerive le CESCO, le centre de soins continus, et le cycle d'orientation de Bois-Caran se trouvent depuis de nombreuses années en zone agricole sans que cela ne gêne personne.

Un refus de ce projet de loi ou référendum contre son acceptation sera probablement un non au Conseil d'Etat, mais ce sera surtout, et de manière beaucoup plus grave, un rejet de Reuters et, avec lui, de notre vieille tradition d'ouverture. En un mot, et ce sera le mot de la fin, ce sera la honte !

La présidente. Je vous rappelle que le débat de préconsultation a pour but essentiel de faire connaître la position de nos partis respectifs sur un projet de loi. Le débat de préconsultation n'a pas pour but de se prononcer sur les propos tenus de part et d'autre. Je mets donc sur le compte d'un manque de connaissance du règlement les mises en cause qui pourraient être interprétées comme telles des propos de M. Opériol, et je passe la parole à M. Jean-Philippe Maitre. (Forte contestation de toute la droite.)

M. Christian Ferrazino (AdG). (Brouhaha indescriptible.) Madame la présidente, vous mettez la mise en cause dont j'ai fait l'objet sur le compte de l'inexpérience de M. Opériol. J'en prends acte. Mais, au-delà de cette inexpérience, je crois que d'autres éléments viennent malheureusement s'ajouter à celle-ci. La honte, Monsieur Opériol, ce sont les milieux que vous représentez qui l'incarnent ! (L'Entente empêche l'orateur de s'exprimer. La présidente tape sur sa cloche.) Les trois mille suppressions d'emplois dans la fonction publique, c'est vous et les milieux que vous représentez qui en êtes responsables ! (Grand chahut. La présidente crie pour se faire entendre.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je suspends la séance ! (La présidente est interpellée par M. Ferrazino.) Non, Monsieur Ferrazino, j'ai toujours fait preuve d'équité. Vous avez mis en cause M. Opériol. La séance est suspendue pendant cinq minutes. 

La séance est suspendue à 21 h 25.

La séance est reprise à 21 h 35.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. En tant que président de la FIPA, je peux vous dire que nous étudions le dossier Reuters depuis environ dix-huit mois. A cette époque, Reuters nous a approchés pour nous faire part de son projet et de la volonté de trouver un site propre à recevoir le développement de cette entreprise remarquable à tous égards. Je reviendrai sur ce point dans un instant.

Dans le cadre de la FIPA, nous avons, bien évidemment, été amenés à examiner un certain nombre d'implantations possibles. Nombre de sites évoqués ont fait l'objet d'études approfondies par les services compétents et par Reuters, sur notre initiative. Alors, pour que les choses soient claires, n'imaginez pas que l'emplacement qui fait l'objet du projet de loi soumis ce soir à votre attention est sorti comme cela, tout d'un coup. Nous avons proposé d'autres sites, mais Reuters n'a pas pu les retenir.

Dans la zone industrielle de Praille-Acacias, la FIPA aurait souhaité accueillir Reuters, car c'était notre intérêt. Nous avons également proposé des sites dans la zone de Plan-les-Ouates. J'ai moi-même mis en contact Reuters avec les partenaires de la zone de Veyrier qui a fait l'objet d'un déclassement, terrain sur lequel se trouvait l'entreprise Caterpillar. J'ai fait de même avec l'Institut Battelle, parce qu'il me semblait que c'était une zone qui pouvait intéresser Reuters. J'ai invité Reuters à examiner les hypothèses d'implantation au Grand-Saconnex dans la zone dite de La Suzette, etc. C'est au moins une douzaine de possibilités qui ont été étudiées. Reuters, à la suite d'examens approfondis, pour des raisons qui tiennent soit au souhait de l'entreprise, soit à des raisons techniques objectives, n'a pas retenu ces sites.

C'est in fine que la situation de Collonge-Bellerive a été évoquée - je voudrais que vous le sachiez - dans un contexte tout à fait précis. Ayant sur nos pupitres le projet de loi de déclassement de la petite zone de La Pallanterie, direction Meinier, route de Compois, où se trouve le Cercle des agriculteurs, j'ai dit, à un moment donné, que c'était une hypothèse envisageable, et Reuters a été amenée à prendre contact avec la commune de Collonge-Bellerive dans ce contexte.

Cette dernière intéressée, bien évidemment, à accueillir cette entreprise sur son sol n'a pas pu répondre favorablement à Reuters pour que la localisation s'effectue là où c'était prévu. Cela aurait été beaucoup plus simple, pour la bonne raison que cette zone est en partie une mise à jour d'un état de fait existant, puisque des entreprises s'y trouvent déjà, en particulier des artisans de la commune, qui sont des gens concernés par la réalisation de l'opération dite du «triangle de Vésenaz». Malheureusement, il ne restait pas assez de place, voire plus de place pour y accueillir Reuters.

C'est alors que la commune de Collonge-Bellerive, par son Conseil administratif, a suggéré à Reuters d'examiner la possibilité de s'installer sur le site qui fait l'objet de vos délibérations en préconsultation et qui implique évidemment un déclassement. La commune de Collonge-Bellerive a attiré l'attention de Reuters sur le fait qu'une implantation ne pouvait être réalisée que moyennant le déroulement normal des procédures qui l'ont alors amenée à entrer en contact - cela est légitime - avec le département des travaux publics. Voilà comment les choses se sont passées. J'aimerais donc bien que vous soyez conscients que le site qui fait l'objet du projet de loi que vous avez sous les yeux vous est proposé non pas comme un premier choix mais comme une mesure ultime, après examen de toute une série de situations. Il faudra approfondir cette question en commission et que vous ayez bien sous les yeux les différents arguments qui ont conduit au choix de Reuters.

Je vais maintenant parler du choix de Reuters, et je vais expliquer pourquoi il est légitime à nos yeux que nous nous intéressions au choix et aux décisions d'une entreprise de cette qualité. Je vais donc vous donner quelques explications sur ce qu'est Reuters, sur son rôle et les implications économiques directes que cette entreprise engendre d'ores et déjà dans notre canton.

Vous le savez, Reuters est une des entreprises les plus importantes du monde dans les activités qui consistent à mettre, par des moyens de transmissions électroniques, des informations de toute nature à destination d'un certain nombre de récepteurs, de clients. Cette entreprise a un certain nombre de spécialités. Elle est très connue dans le domaine de l'information. Vous avez dans vos journaux, chaque jour, un certain nombre de dépêches d'agences qui portent le label «Reuters». Elle travaille dans le monde entier, en temps réel vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour la transmission d'informations qui sont utilisées par des chaînes de télévision.

M. Jean-Pierre Lyon. Avec la CIA !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. C'est ainsi, en particulier, qu'une partie très importante du volume d'informations traitées...

(M. Lyon continue à invectiver M. Maitre.)

La présidente. Monsieur Jean-Pierre Lyon, s'il vous plaît, n'interrompez pas le Conseil d'Etat !

M. Jean-Pierre Lyon. On ne peut pas prendre la parole !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Monsieur Lyon, vous avez un droit absolu que je respecte, c'est celui d'avoir un avis différent ! Moi, j'essaye simplement de vous donner, de manière tout à fait dépassionnée, un certain nombre d'éléments d'informations que vous traiterez dans le cadre des séances de commission. L'approche doit se faire avec un minimum de recul, parce que - me semble-t-il - les enjeux sont d'une importance telle qu'ils impliquent un minimum de dignité dans ce débat.

Par exemple, CNN est une des chaînes de télévision très importante dont le volume d'informations... (M. Lyon continue à amuser la galerie, et M. Maitre fait une pause.) Vous savez, j'ai un tempérament sportif comme M. Ferrazino. Nous allons faire comme les hockeyeurs; je pratiquerai aussi les arrêts de jeu si vous le voulez, et nous pourrons nous exprimer pendant très longtemps !

La présidente. Tout à fait, Monsieur le conseiller d'Etat, vous aurez également droit à deux minutes de plus ! (Commentaires.)

Une voix. Une !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je vais essayer de reprendre le fil de la discussion.

Certaines informations sont traitées par les médias, qu'elles soient écrites, télévisuelles ou radiophoniques. Reuters est l'une des sociétés les plus importantes du monde dans ce domaine. L'information électronique de données bancaires est également une spécialité extrêmement importante pour notre place bancaire et financière; dont vous pouvez imaginer les retombées considérables pour la Suisse et pour Genève en particulier.

Cette société représente treize mille collaborateurs dans le monde, plus de 4 milliards de chiffre d'affaires et, aujourd'hui, elle est déjà présente dans notre canton, ce qui est à la fois une chance et ce qui nous oblige à réfléchir. Elle y assure la direction des opérations pour la Suisse romande et le siège de direction opérationnel pour l'Europe, à l'exception, bien entendu, du Royaume-Uni où est installé le siège principal de Reuters, de l'Irlande et de certains pays tels que la Turquie ou Chypre. A Genève, elle emploie environ deux cent quatre-vingts personnes. La société est répartie sur trois sites, ce qui rend ses opérations relativement malcommodes et, à ce titre, une réorganisation devrait de toute façon intervenir.

Quel est le projet de Reuters pour Genève ? Je voudrais tellement vous convaincre de la chance exceptionnelle qui s'offre à nous et qui doit nous inviter, au moins, à avoir la volonté claire d'aborder le problème en toute objectivité. Le projet de Reuters vise à créer un nouveau centre mondial du traitement de l'information, de télécommunications, ce qu'ils appellent dans leur jargon un «centre jumeau» de celui de Londres. Leur objectif est d'avoir deux centres complètement équipés, chaque centre travaillant à 50% de sa charge de telle manière qu'en cas de défaillance, ne serait-ce que de quelques instants de l'un des deux centres, l'autre puisse par commutation reprendre le traitement immédiat, ce qui permet à Reuters d'effectuer son travail avec plus de sécurité. Lorsqu'on transmet des données au moyen de l'électronique, dans le monde entier, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il ne peut pas y avoir une seconde de défaillance, sinon c'est le système en tant que tel qui est mis en péril et qui est interrompu.

Vous devez savoir que Reuters a également pour projet - et tel est l'objet de notre débat - de créer à Genève son centre de formation, ce qui est très important pour nous. En termes de retombées directes, aujourd'hui, la masse salariale de Reuters représente 35 millions. C'est donc un contribuable de qualité qu'il ne faut pas négliger. C'est également une activité de toute première importance pour Genève, car cela donne à notre canton la possibilité - nous ne pratiquons pas la méthode Coué - de devenir un centre d'excellence en matière de télécommunications. Nous avons des capacités industrielles, des entreprises de services très demanderesses de ce type de prestations, un réseau et des infrastructures qui peuvent faire de Genève un lieu privilégié de ce point de vue.

Quel est le choix qui s'offre à nous ? Alors que je conçois volontiers que, a priori, cela ne puisse pas nécessairement plaire - et personnellement cela ne me plaît pas forcément de procéder à des déclassements de terrains agricoles - il faut soupeser les intérêts en présence. Le site qui a été choisi par la commune de Collonge-Bellerive et à propos duquel Reuters a déclaré être particulièrement intéressée représente 40 000 m2 de terres agricoles pour lesquelles une partie importante est déjà occupée dans les conditions que vous savez. Des camions y sont entreposés : ce n'est pas «folichon» ! De plus, certaines terres sont en jachère.

Les retombées de ce rapport sont exceptionnelles pour Genève, directement par l'activité même de Reuters, indirectement par les effets induits dans le domaine de la sous-traitance et des télécommunications. S'agissant des retombées indirectes, j'attire votre attention sur le fait que nous nous sommes tous battus - le Grand Conseil nous a beaucoup aidés et le gouvernement lui en sait gré - pour faire en sorte que Télécom conserve sa présence à Genève et qu'un Télécom 1999 puisse succéder au Télécom 1995, contrat que nous avons réussi à arracher grâce à de nouveaux efforts d'infrastructures. Vous savez quelle est la compétition pour ce type de manifestation d'importance mondiale que chaque pays voudrait obtenir. Vous pouvez imaginer qu'un non à Reuters aurait également des conséquences au niveau de notre image de marque dans le monde, au niveau de l'emploi, au niveau des activités liées à la sous-traitance, et qu'un certain nombre de projets ne pourraient pas voir le jour.

Alors, Mesdames et Messieurs, le gouvernement tient simplement à vous dire ce qui suit. Le jeu institutionnel fait qu'un certain nombre de partis ne sont pas représentés au gouvernement, et nous comprenons bien - cette tentation s'est déjà exprimée - que ces partis ne souhaitent pas nécessairement faire la vie belle à ce gouvernement et tentent de s'opposer à ses projets. Raisonnablement, il ne faut pas se tromper d'adversaires. Il est tout à fait légitime de faire de l'opposition au gouvernement. Mais dire non à Reuters, ce n'est pas faire de l'opposition au gouvernement, c'est de l'opposition à l'emploi, ce qui est grave !

Nous devons vraiment prendre le temps d'en discuter et d'en débattre. Le gouvernement est déterminé sur ce projet, mais il l'est sans arrogance; il a simplement l'ambition de vous expliquer, si possible de vous convaincre, de vous amener à soupeser correctement les intérêts en présence. Lorsque vous connaîtrez les tenants et les aboutissants qui vous seront fournis en commission, vous aurez à coeur de dire oui à Reuters, car, en l'occurrence sur le plan économique, compte tenu de l'importance des effets induits, dire oui à Reuters c'est dire oui à Genève et oui à l'emploi ! (Vifs applaudissements et quelques sifflets.)

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Beaucoup de choses ont été dites et les appréciations qui ont été portées témoignent d'une connaissance partielle des dossiers. Je vous recommande donc de vous munir des textes qui ont été déposés, textes intéressants au demeurant, parce que très complets.

Je reviendrai sur certains points. M. Ferrazino a cru pouvoir dire que le gouvernement avait essayé de tromper les associations du patrimoine. Il faut se lever tôt, Monsieur Ferrazino, pour tromper l'AGPN, la Chambre genevoise d'agriculture - dont le président est présent - la Société d'art public et le WWF ! J'ai assisté personnellement à certaines discussions avec les milieux agro-environnementaux, discussions très fructueuses bien que conflictuelles qui ont été très difficiles à mener. Nous avons débouché sur un accord unanime des quatre associations après avoir soupesé les arguments pour ou contre l'installation de Reuters et dont mon collègue, M. Maitre, vient de parler. Nous connaissons la proposition de cahier des charges faite par l'étude agro-environnementale et la prise de position de l'AGPN, de la CGA, de la SAP et du WWF concernant le projet d'implantation d'un centre international de Reuters à La Pallanterie.

Les éléments que certains d'entre vous ont mentionnés sont véritablement partiels, ce qui est normal. Nous les compléterons donc en commission. Dans les critères évoqués, on a parlé de Télécom à haute capacité, de la zone à risques réduits, de la représentativité du site, du temps de parcours du site principal. Mais il faut savoir que nous ne nous sommes pas limités à l'étude des sites qui avaient été considérés par Reuters, nous avons également étudié d'autres possibilités : par exemple, le champ du Château à Bellevue, la campagne Rielle, La Suzette, le Petit Saule et le Grand Morillon et d'autres emplacements encore, dont nous avons pu vérifier qu'ils ne correspondaient malheureusement pas aux critères de Reuters.

Ces critères sont les mêmes que ceux exigés par Mercedes pour la Swatchmobile quand ils ont renoncé à s'implanter à Vienne. Ils demandaient de restreindre les délais et les coûts d'implantation. Ils désiraient également une disponibilité foncière. Cet élément n'a pas été mentionné ce soir, pourtant il est vital. Où trouve-t-on un terrain qui soit en main de l'Etat, d'un seul tenant, facile à mettre à disposition, dont la dimension est adaptée au programme de construction...

Une voix. Pas cher surtout !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. ...et pas cher - Monsieur, c'est tout à fait juste - parce que, vous le savez, le prix des terrains agricoles est contrôlé et que la rente sera calculée en fonction du pourcentage usuel à 6% du prix du terrain. Toutes ces informations vous seront fournies ultérieurement. (M. Ferrazino conteste les propos de M. Joye.)

La présidente. Monsieur Ferrazino, cessez d'interrompre le Conseil d'Etat ! Vous serez informé en commission, Monsieur Ferrazino ! (Contestation et réprobation des députés de l'Alliance de gauche.)

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Vous saurez le prix du terrain en commission ! Je ne cache rien, vous le savez ! Je vous donnerai tous les détails de la négociation !

Une voix. Vous n'osez même pas nous dire le prix du terrain !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. C'est un prix qui est de l'ordre de 100 F et certainement pas de 1 000 F, Monsieur Ferrazino ! J'en suis content pour Reuters, j'en suis content pour l'économie genevoise, j'en suis content...

M. Christian Ferrazino. C'est inadmissible !

La présidente. Monsieur Ferrazino ! (La présidente fait sonner sa cloche.) Je regrette, mais je vous rappelle, Monsieur Ferrazino, qu'il existe des articles dans la loi portant règlement du Grand Conseil. Si vous les connaissez, Monsieur, ne m'obligez pas à les utiliser, je vous en prie !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. S'agissant des critères, la notion du site favorable à l'image de marque de la société est une notion, qu'elle nous plaise ou non, qui est une notion extrêmement importante d'un site proche du siège et d'un environnement sûr. Lorsque vous parlez de la fiabilité des télécommunications et des fibres optiques, vous oubliez qu'il faut non seulement deux réseaux distincts mais aussi deux centraux distincts. Les possibilités d'implantation des antennes satellites émettrices-réceptrices à l'égard de sources d'interférences jouent aussi un rôle. Du point de vue des critères, nous sommes, malheureusement, plutôt demandeurs, et, comme l'a dit M. Maitre, si cet objet ne convient pas à Reuters, celle-ci ne fera pas une deuxième offre. Elle nous dira : «Merci et au revoir !» et c'est là que nous pourrons essayer de constater la qualité des interventions effectuées.

Par ailleurs, les études en cours vont bien au-delà de la simple compensation des surfaces dans le domaine agricole. On parle de compensations écologiques des principaux axes, on parle de fonction de répartition des cultures, on parle de la fonction paysagère, on parle des couloirs destinés à la faune. Toute l'appréciation qui est faite dans le projet d'implantation d'un centre international de Reuters à La Pallanterie, et que vos présidents ont reçue, c'est la préétude agro-environnementale qui est d'une haute qualité. Je crois que l'agriculture et l'environnement du bassin autour de Collonge-Bellerive en sortiront gagnants.

D'autre part, pour aller dans le sens des demandes des milieux de l'Association genevoise de la protection de la nature et de la Chambre genevoise d'agriculture, nous avons préparé les textes pour déplacer, dans le projet de loi et non pas dans l'exposé des motifs, tous les éléments portant sur l'étude agro-environnementale qui permettent de dire que c'est Reuters qui assurera le financement de cette étude dont le prix de revient est d'un million. Ces éléments annoncent également le programme à suivre et que l'autorisation de construire portant sur le projet de construction envisagé par Reuters ne sera délivré qu'après le dépôt de l'étude agro-environnementale. Les mesures compensatoires seront mises en oeuvre dès l'ouverture du chantier, cela figure dans la loi et non pas dans l'exposé des motifs.

Enfin, du point de vue de l'aménagement du territoire, c'est la première fois, à ma connaissance, que l'on prévoit une clause de réversibilité, à savoir que, si la société Reuters renonce à son projet ou si elle n'entreprend pas l'exécution de celui-ci dans un délai de cinq ans à compter de l'approbation par le Grand Conseil du projet, les terrains seront restitués à la zone agricole, conformément à la procédure instituée par la loi. Il est tout à fait normal, lorsqu'on se penche sur un problème de ce genre, que l'on ne puisse pas apprécier un projet à sa juste valeur, puisqu'on n'a pas tous les éléments en main. Il est faux de dire que le plan d'aménagement n'est pas respecté, cela pour deux raisons :

1) les différents éléments du plan d'aménagement, comme vous le verrez, sont pris en compte dans notre appréciation;

2) notre plan d'aménagement est en pleine mutation et nous vous en présenterons les axes de réflexion prochainement.

Pour en finir avec les fixations pathologiques de M. Saurer qui pense que nous «roulons» pour la rade, je tiens à le rassurer, il y a encore passablement de personnes qui ont l'air d'estimer que la traversée de la rade est possible. Il n'y a en tout cas aucun lien avec la société Reuters. Pour ce qui est de l'habitat, j'ai le plaisir de vous annoncer que je suis domicilié dans le jardin potager de ma belle-mère qui habitait à Collonge-Bellerive bien avant Reuters ! (Rires.)

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.

La présidente. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que deux documents sont à votre disposition dans la salle des Pas-Perdus. Il s'agit de l'étude de la société Ecotec et de la position de l'AGPN, de la CGA, de la SAP et du WWF-Genève.

Je vous rappelle également, comme l'a signalé le chef du département des travaux publics et de l'énergie, que nous avons le plaisir d'avoir à la tribune notre ancien collègue Charles Bosson, président de la Chambre d'agriculture. (Bravos et applaudissements.)