République et canton de Genève

Grand Conseil

I 1917
10. Interpellation de M. René Longet : Quelle est la position du Conseil d'Etat sur la procédure pénale fédérale ? ( )I1917

M. René Longet (S). L'objet de cette interpellation est de connaître la position de notre canton, et plus spécialement du Conseil d'Etat qui aura la charge de le représenter, par rapport au débat sur la procédure pénale fédérale.

Comme chacun le sait, quelques citoyens suisses, et plus particulièrement genevois, ont fait, tout récemment, la douloureuse expérience de cette procédure. Cette situation a permis de mettre en évidence l'existence d'un droit qui semble tout à fait particulier. Quand on regarde cette procédure d'un oeil nouveau, on se rend compte qu'elle est effectivement tout à fait curieuse et qu'elle permet un certain nombre de situations qui, en comparaison avec notre procédure cantonale, sont autant extraordinaires qu'insoutenables.

Si vous comparez le code de procédure fédérale avec celui de notre canton, que ce Grand Conseil a voté en 1977, on ne peut aucunement accepter la manière dont les choses se passent dans la procédure pénale fédérale. Et s'il y a un canton qui doit se manifester, c'est tout particulièrement le nôtre. En effet, la procédure pénale fédérale permet, entre autres anomalies et incongruités, au Procureur de la Confédération de charger pratiquement n'importe qui de n'importe quel soupçon, de mettre sous les verrous cette personne le temps qu'il lui plaira pour procéder à l'instruction policière. Tout dans cette procédure reflète une ambiance que l'on croyait révolue. N'oublions pas que celle-ci date de 1934 !

Une lecture approfondie de ce code de procédure pénale fédérale nous replonge dans le débat sur les fiches et les droits discrétionnaires et l'on y retrouve une forte ambiance policière. Il y a vraiment un pan d'Etat policier incontrôlé qui subsiste dans la démocratie, et tous les démocrates sont appelés à appuyer la réforme de cette procédure.

Les réformes s'imposent, à mon sens, sur les points suivants :

- Premièrement, il est indispensable que, pendant la période durant laquelle un intimé - je n'ose pas dire un inculpé - est sous le coup d'une instruction, il y ait accès plein et entier de ses défenseurs au dossier.

- Deuxièmement, il faut que non seulement la défense ait accès aux dossiers, mais qu'elle puisse intervenir et porter assistance efficacement, tout au long de la procédure.

- Troisièmement, il est absolument indispensable que les charges soient définies de manière beaucoup plus précise. Il est essentiel de cerner la définition de ce qui peut être reproché à quelqu'un, parce que cela est une des sources majeures des abus que l'on a constatés.

- Quatrièmement, il est nécessaire, également, que la durée de détention dans un stade préliminaire pour les besoins de l'instruction soit, elle aussi, très précisément réglementée.

- Enfin - cela semble aussi une évidence - que l'on puisse en tout temps recourir auprès d'un juge contre les actes du Procureur de la Confédération.

D'ailleurs, dans l'intervalle, depuis que j'ai déposé cette interpellation, vous avez peut-être lu dans la presse que le Tribunal fédéral est également intervenu et déclare qu'il y a lieu de limiter la détention préventive à quatorze jours dans un certain nombre de situations. Néanmoins, cette jurisprudence semble limitée à des cas précis et ne pas remettre en question l'entièreté des mauvaises habitudes prises et de la latitude que laisse cette loi de 1934 au Procureur de la Confédération.

A partir des faits que j'ai rappelés, un certain nombre d'interventions parlementaires ont été déposées à Berne. Il nous semble important que notre canton, à travers le Conseil d'Etat, connaissant la lenteur de ce type de réforme, les difficultés que l'on a pour faire aboutir ces propositions, les conséquences qu'il faut tirer de cette affaire, plaide très fermement dans le sens d'une transformation de cette procédure en une procédure ressemblant à celle que nous connaissons.

Par rapport à cette situation, j'ai deux questions précises à poser au Conseil d'Etat. Premièrement, a-t-il une position par rapport à la procédure pénale fédérale et par rapport aux propositions de révision ? Deuxièmement, est-il disposé à intervenir fermement auprès des autorités fédérales dans le sens que j'ai rappelé qui est celui de notre propre code de procédure cantonale ?

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le débat sur la procédure pénale fédérale peut effectivement être ouvert et la Conférence romande des chefs de départements de justice et police en sera prochainement chargée.

Néanmoins, Monsieur le député, vous faites état d'abus du Procureur de la Confédération et vous formulez des critiques me paraissant vives, voire excessives, si j'en juge par ce que je sais des dossiers auxquels vous vous référez. Permettez-moi, Monsieur le député, sur la base du texte que je lirai ultérieurement dans le Mémorial, de vous répondre au cours d'une prochaine séance. Je répondrai tant à votre exposé qu'aux deux questions précises que vous avez formulées. Je vous remercie néanmoins d'avoir ouvert ce débat.

La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera donc à l'ordre du jour d'une prochaine séance.