République et canton de Genève

Grand Conseil

IU 65
16. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Micheline Calmy-Rey concernant les bistrots des lieux alternatifs. ( ) IU65
Mémorial 1995 : Développée, 22.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. En préambule, Mme Calmy-Rey a fait allusion à mes discours. J'aimerais juste rappeler, pour que l'on soit tout à fait au clair, que la conférence de presse a été convoquée par les squatters eux-mêmes. Je n'y ai pas participé et je n'ai pas convoqué de conférence de presse, mais ce n'est pas là l'important.

Le problème squat est issu du problème du logement. Les besoins des squatters ont, en leur temps, été examinés avec respect. C'était, d'une part, les contrats de confiance que la Ville de Genève avait initiés, et c'est, d'autre part, l'usage établi avec le procureur général visant, en particulier, à aucune évacuation par la manière forte tant qu'il n'y a pas de projets immobiliers concrets. Il est clair qu'aucune autorisation, de quelque ordre que ce soit, puisque l'on évolue en contexte résolument illégal, ne saurait être donnée.

Le problème squat du logement a connu une évolution : c'est la naissance des squats attirant un certain public. Certains présentent un aspect culturel, d'autres pas. La préoccupation de mon département a été consacrée, en priorité et dès l'été 1994, à la sécurité des locaux dans lesquels se trouve du public. En automne, j'ai reçu des rapports qui étaient tous négatifs, voire très négatifs. Ils émanaient, d'une part, du département des travaux publics chargé des bâtiments - je rappelle que c'est ce département qui peut demander la fermeture de lieux et de locaux - et, d'autre part, du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, qui est chargé du problème de l'incendie.

Notre volonté d'intervention sous forme de mise en garde existait dès octobre, mais nous avons renoncé à l'automne à intervenir, sous la forme indiquée de mise en garde, à la demande du département des travaux publics qui nous a demandé d'y surseoir dans l'attente d'une enquête en cours à propos des squats de la région de Chêne. Avant l'hiver est paru un article de presse faisant état du problème de sécurité. Une conférence de presse a été convoquée par les milieux squats le 10 janvier. Le 16, nous avions déjà agendé une entrevue avec M. le Procureur général.

Il est ressorti de cette séance, à laquelle assistaient MM. les conseillers d'Etat Joye et Haegi, d'une part, la volonté d'actualisation des rapports avec en priorité les sept squats publics les plus dangereux et, d'autre part, un examen, à mon niveau et celui de M. le Procureur général, de ces rapports, des propositions concernant la sécurité et, éventuellement, de la prise de mesures, si nécessaire. Entre-temps a été créé le CLACC, organe devenu pour nous un interlocuteur. Je mentionne que, dans le phénomène squat, il n'y a en fait pas d'interlocuteurs, sauf cas rares et exceptionnels, parce que, simplement, il n'y a pas de responsables désignés dans les immeubles squattés. Avec cette structure, nous viserons à traiter de sécurité, de voisinage et des conditions d'exploitation des lieux publics. La sécurité sera, comme je viens de vous l'indiquer, prioritaire. Mais je porte à votre connaissance qu'aujourd'hui, aux alentours de midi, un bâtiment squat a pris feu à la rue Vautier et que, par conséquent, est démontré une fois de plus le problème de la sécurité.

J'aimerais dire ici, de manière claire et non équivoque, le respect que j'ai pour la culture alternative et l'aspect social reconnu de certains de ces établissements. J'aimerais dire, Madame la députée, qu'il n'y a pas d'amalgame avec un établissement que vous avez vous-mêmes cité, à savoir celui de l'Usine, dans la mesure où cet établissement jouit, lui, d'un contrat en bonne et due forme et qu'il présente une structure directrice bien établie.

Mais j'aimerais, en conclusion, et pour bien insister sur l'aspect sécurité de notre action, vous rappeler ce qui s'est passé dans les squats situés aux 2 et 4 du boulevard des Philosophes. Le 15 décembre 1993, l'architecte responsable de ce chantier alertait le département des travaux publics. Il écrivait cela :

«La précarité matérielle de certaines parties des bâtiments, entre autres dans les combles et la cage d'escalier de l'immeuble sis boulevard des Philosophes 4, nous oblige à attirer votre attention sur les conditions de sécurité.».

Ce même architecte insistait sur les systèmes de chauffage qui ne satisfaisaient pas aux normes élémentaires de sécurité et, également, sur la cage d'escalier de l'immeuble d'à-côté. Il écrivait au nom de ses clients :

«Les sociétés propriétaires des biens-fonds entendent décliner toute responsabilité à l'égard de qui que ce soit.».

Il a reçu, comme réponse, une lettre du département des travaux publics et de l'énergie disant que le meilleur moyen de régler la situation était d'ouvrir le chantier, mais il ajoutait légitimement cette phrase :

«Mon département n'a pas la compétence de dégager vos mandants de la responsabilité de propriétaires d'immeuble qui leur incombe en vertu du droit civil fédéral.».

Vous avez donc bien compris la problématique. Un propriétaire d'immeuble squatté dit que celui-ci présente des risques certains et prie l'Etat soit de prendre des mesures, soit de le dégager de sa responsabilité et, en fait, le département, et c'est une application toute normale de la législation, n'a pas cette faculté. Or il se trouve, Madame la députée, qu'à 23 h 15, le 7 mai 1994, cet immeuble a pris feu. Les combles se sont embrasées sous l'action de la bise, trente squatters ont échappé à l'incendie. Il se trouve que le 20 octobre 1994, alors que l'on commençait le chantier, l'escalier du 4, boulevard des Philosophes s'est effondré et qu'un ouvrier a échappé de justesse à cet accident.

La réalité qu'affronte mon département est claire. Il y a un problème de sécurité, quelques pétitions d'habitants du voisinage qui se plaignent des nuisances, et puis il y a, évidemment, l'égalité de traitement nécessaire entre exploitants d'établissements publics. Il n'y a, de la part de mes services, de la police genevoise et de ma part aucune atteinte à la culture alternative dans le débat qui s'ouvre au sujet de ces éléments.

Ce dialogue est ouvert, j'y suis pour quelque chose et j'en suis fier et heureux. Ce dossier a maintenant été lancé. En fait, la seule question urgente qui m'aurait embarrassé, voire vexé, c'est une question du type : «Jusqu'à quand allez-vous rester les bras croisés devant cette situation ?». Telles ne sont ni ma volonté ni mon envie. Je pense qu'il était nécessaire que nous puissions agir. Je suis persuadé que nous l'avons fait avec raison, avec nuance pour le bien de tout le monde.

Cette interpellation urgente est close.