République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 231-A
14. Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil pour l'année 1994. ( -)RD231
Rapport de Mme Michèle Mascherpa (L), commission des visiteurs officiels

I. Introduction

Pratiquement renouvelée intégralement à la suite des élections cantonales de fin 1993, la commission des visiteurs officiels (ci-après: commission) a été présidée en 1994 par Mme Elisabeth Häusermann, assistée de M. Gilles Godinat, vice-président, et de Mme Michèle Mascherpa, rapporteur. Le bureau du Grand Conseil a été représenté par Mme Fabienne Blanc-Kuhn.

Du 14 décembre 1993 au 22 novembre 1994 - période que couvre le présent rapport -, la commission a visité à Genève la prison préventive de Champ-Dollon à 2 reprises, 4 postes de police, 2 maisons d'arrêt, l'ancien CERA, ainsi que 3 établissements concordataires. Elle a tenu en tout 10 séances de travail.

La commission tient à remercier vivement M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, chef du département de justice et police et des transports (ci-après: DJPT), et M. Rémy Riat, secrétaire adjoint, de lui avoir fourni les documents, explications et informations utiles à l'accomplissement de sa mission. Elle dit également un grand merci aux personnes suivantes et à leurs collaborateurs pour leur accueil, leur disponibilité et les renseignements fournis:

- MM. André Vallotton, chef du service pénitentiaire du canton de Vaud, Frédéric Chevallay, directeur des Etablissements pénitentiaires de la plaine de l'Orbe, et Gérald Ramel, directeur de la Tuilière à Lonay;

- MM. Joseph Jutzet, chef du service pénitentiaire du canton de Fribourg, Henri Nuoffer, directeur des Etablissements de Bellechasse, Andreas Von Känel et Paul-André Morandi, adjoints du directeur, Claude Neuhaus, responsable des services sociaux et thérapeutiques;

- M. Timothy Harding, professeur, directeur de l'institut universitaire de médecine légale;

- MM. Laurent Walpen, chef de la police, René Gambazzi, commissaire de police (aéroport), et Hug Pochon, capitaine de gendarmerie;

- MM. Denis Choisy et Guy Savary, respectivement directeur et directeur adjoint de Champ-Dollon, Henri Thomet, gardien-chef, Richard Bloch et Michel Speck, gardiens-chefs adjoints;

- MM. Jacques Reymond, directeur du service de l'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM), et Georges La Praz, directeur adjoint; Claude Linker, chef de service de la Maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc, et Mme Véronique Ecabert, cheffe de service adjoint; Jean-Pierre Gaillet, chef de service de la Maison d'arrêt de Villars, et Laurent Rudaz, chef de service adjoint.

La commission exprime également sa reconnaissance au service du Grand Conseil, en particulier à M. Jean-Michel Sallin, adjoint du chef de service, et à Mme Germaine Magnin qui tient avec beaucoup de tact les procès-verbaux.

II. Rappel du rôle de la commission

Au début d'une nouvelle législature, il n'est pas inutile de rappeler brièvement les compétences de la commission.

a) Les visites prescrites ou habituelles

La commission est chargée d'examiner les conditions d'incarcération:

- des personnes séjournant dans des lieux de détention genevois;

- des personnes subissant leur peine dans un établissement pénitentiaire soumis au concordat sur l'exécution des peines et mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons romands et du Tessin, du 22 octobre 1984, à la suite de jugements pénaux rendus par les tribunaux genevois.

Chaque année, elle visite au moins:

- à deux reprises, la «prison genevoise», soit Champ-Dollon;

- une fois, les établissements concordataires qui reçoivent des personnes condamnées par les tribunaux genevois.

Elle procède également à la visite des établissements où sont placés des adolescents par une autorité pénale genevoise.

La commission entend les détenus et adolescents qui en font la demande et examine toute requête écrite. En revanche, elle n'est pas compétente pour étudier les demandes ou griefs relatifs à des procédures judiciaires, que ce soit au sujet de l'instruction de celles-ci ou des jugements rendus.

Enfin, la commission recherche tout complément d'information qui lui paraît utile, avant de présenter son rapport annuel. Outre le rappel de ses activités, elle formule à l'intention du Conseil d'Etat et du procureur général toute recommandation ou observation qu'elle estime justifiée (art. 225 à 230 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985).

b) Les visites non annoncées des établissements et des postes de police

Les compétences de la commission ont été étendues, en 1993, aux violons des postes et de l'Hôtel de police, de même qu'aux dortoirs de l'aéroport international de Cointrin. En cas de nécessité et à titre exceptionnel, une délégation de la commission peut se rendre sur place à l'improviste, conformément à une procédure acceptée par les commissaires le 14 septembre 1993 et inspirée des règles appliquées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Le Grand Conseil a pris acte du rapport de la commission le 7 octobre 1993.

Les règles adoptées sont les suivantes:

1. Pour chaque visite, la présidence de la commission réunit au minimum 3 députés de partis différents (ci-après: délégation).

2. La délégation se rend dans l'établissement choisi, après avoir avisé:

 - pour la prison de Champ-Dollon, le directeur ou son remplaçant, voire le membre du conseil de direction consigné;

 - pour les autres lieux de détention situés à Genève, soit les maisons d'arrêt de Favra, de Villars, de Riant-Parc, les maisons Le Vallon, Montfleury et de Pinchat, le responsable de l'établissement ou son remplaçant, ainsi que le directeur ou le directeur adjoint du SAPEM;

 - pour la Clairière, le responsable de l'établissement ou son remplaçant, ainsi que le président du Tribunal de la jeunesse.

Pendant la visite, la délégation est accompagnée par l'une des personnes indiquées ci-dessus. S'agissant des établissements situés hors du canton, elle informe à l'avance la direction.

3. Pour la visite des violons, elle informe immédiatement le chef de la police ou, à défaut, l'officier de police de service. Elle est ensuite accompagnée par un officier de gendarmerie ou un chef de section de la sûreté.

 Seules et à leur demande peuvent être entendues les personnes mises aux violons, sous mandat d'amener.

4. La délégation a accès au registre des personnes placées dans les dortoirs du poste de police de l'aéroport.

5. Les visites peuvent aussi être organisées à la demande d'un membre de la commission, du chef de la police, du directeur ou du responsable d'un établissement ou encore de la direction du SAPEM.

6. Le procès-verbal est tenu par un membre de la délégation.

Qu'il s'agisse de visites d'établissements ou de postes de police, le rôle de la commission consiste à réunir objectivement le maximum d'informations. En aucun cas, elle ne saurait mener des enquêtes en lieu et place de la police et des magistrats désignés par le code de procédure pénale.

III. Activités de la commission en 1994

a) Les visites d'établissements

1. La Maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc (1er février 1994)

Depuis janvier 1993, la Maison d'arrêt de Riant-Parc reçoit des femmes condamnées, ainsi que des mineures placées par le Tribunal de la jeunesse. Auparavant, ces détenues occupaient une villa vétuste et inconfortable, «Le Sapey», située au Bachet-de-Pesay. L'aménagement du réseau autoroutier a entraîné la démolition de ce bâtiment.

En partie concordataire, la Maison d'arrêt de Riant-Parc comporte 17 places, dont 5 pour des mineures. Son personnel est composé de 10 personnes. En 1993, elle a accueilli 30 détenues majeures et 18 mineures. Une chambre permet de loger une mère avec son enfant. La plupart des condamnées viennent de pays lointains.

L'établissement connaît le régime ordinaire de détention jusqu'à 10 jours de privation de liberté, la semi-détention pour des peines de 6 mois au maximum et la semi-liberté en fin de peine. La semi-détention et la semi-liberté permettent aux condamnées de travailler pendant la journée à l'extérieur et de ne passer que les nuits et leur temps libre à Riant-Parc. Les femmes placées en semi-liberté ont la plupart du temps séjourné auparavant à Hindelbank ou à la Tuilière.

La commission a pu constater que Riant-Parc était bien aménagée, tant du point de vue des activités internes que des locaux pour les loisirs.

Les repas sont préparés par une surveillante et des détenues. Il est prévu également que Riant-Parc fasse la cuisine pour la Maison d'arrêt de Villars. Actuellement, le linge de cet établissement et des institutions de la Fondation des Foyers Feux-Verts est traité à Riant-Parc. En raison de la difficulté à trouver à l'extérieur du travail pour toutes les détenues, le SAPEM entend développer encore les ateliers au sein de l'établissement, notamment grâce à l'agrandissement de la buanderie et à la culture des fleurs.

La Maison d'arrêt de Riant-Parc bénéficie d'une sécurité moyenne. Divers régimes de détention peuvent y être pratiqués sur la base d'une autorisation fédérale. Cette solution est justifiée par le petit nombre de femmes condamnées et par des raisons d'économie.

2. La Maison d'arrêt de Villars (3 mai 1994)

Les hommes condamnés qui étaient précédemment placés à Riant-Parc ont été transférés en décembre 1992 à la Maison d'arrêt de Villars qui connaît:

- le régime ordinaire de détention jusqu'à 5 jours;

- la semi-détention pour des peines de 6 mois au maximum;

- l'exécution par journées séparées pour des peines inférieures à 14 jours de privation de liberté, ainsi que

- le rachat par le travail.

La Maison d'arrêt de Villars compte 27 places. Son personnel comprend 6 surveillants, un chef de service et son adjoint.

Les chambres sont en majorité à un lit. Une salle d'arrêt de 3 places a été aménagée pour les condamnés qui ne répondent pas aux convocations du SAPEM et qui sont arrêtés par la police. Cette détention ne dure pas plus de 5 jours. Une chambre est en principe réservée pour des condamnés qui désirent accomplir leur peine pendant le week-end.

De nombreux détenus apprécient cette nouvelle maison d'arrêt dont les chambres sont pour la plupart individuelles et qui est située à proximité des transports publics, ce qui constitue un avantage important pour ceux qui bénéficient de la semi-détention.

Les repas seront prochainement préparés par la Maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc qui s'occupe déjà du linge de Villars.

Cet établissement ne reçoit pas de travail de l'extérieur. En revanche, et dans toute la mesure du possible, les détenus et les surveillants exécutent eux-mêmes les travaux d'entretien de l'établissement.

La Maison d'arrêt de Villars est très utile et bien exploitée, malgré l'exiguïté des locaux. Son personnel, de même que celui de Riant-Parc, sont apparus actifs et bien motivés.

3. La prison de Champ-Dollon (8 mars et 1er novembre 1994)

Champ-Dollon est une prison préventive qui compte en permanence quelques dizaines de condamnés, du fait que les pénitenciers de Suisse romande n'offrent pas assez de places pour l'exécution des peines.

En 1993, le taux d'occupation a été de 120 à 140%. Il a même atteint le chiffre de 146%, Champ-Dollon ayant accueilli au mois d'avril jusqu'à 394  personnes, alors que le nombre de places est de 270 (voir ci-dessous chiffre IV, Statistiques et informations diverses, lettre a, La situation à Champ-Dollon).

Avec quelque 50 nationalités et 60 langues étrangères, la population carcérale est très hétéroclite. On constate une augmentation des détenus en provenance des pays de l'Est. Environ 50% des détenus qui arrivent à la prison sont des consommateurs de drogue et de médicaments.

La surpopulation de Champ-Dollon engendre une grande promiscuité et ne permet pas à la direction d'opérer une répartition judicieuse et un classement des détenus conforme aux normes pénales et réglementaires. Tout détenu est reçu dans les 24 heures dès son arrivée par un membre de la direction.

Le sport a été bien développé et a fortement diminué les explosions de violence à l'intérieur de l'établissement.

En raison de la brièveté des séjours de la plupart des détenus et de l'affectation de Champ-Dollon, aucune formation professionnelle n'est prévue. En revanche, la prison possède plusieurs ateliers et les détenus ont la possibilité de s'inscrire, s'ils veulent être occupés. On relèvera qu'en préventive ceux-ci ne sont pas obligés de travailler. La liste d'attente est parfois longue et le délai pour obtenir un travail peut être de plusieurs semaines. Le service pédagogique met du matériel à disposition et organise des cours d'informatique.

La direction travaille de façon homogène et a le grand mérite d'assurer la tranquillité d'un établissement surpeuplé. Elle est très active et consacre beaucoup de temps au personnel et aux détenus. La commission entend souligner la bonne tenue de Champ-Dollon et tient à féliciter la direction et son personnel.

4. La Tuilière (17 mai 1994)

Ouverte en mai 1992 et située à Lonay, à proximité de Morges, la Tuilière a une capacité de 82 places, mais accueille parfois jusqu'à 98 personnes condamnées ou en détention préventive. Elle est divisée en 2 secteurs, rigoureusement séparés, l'un pour hommes, l'autre pour femmes.

Le secteur des femmes comprend notamment:

- une section d'exécution des peines pour 28 condamnées;

- des locaux pour 2 mères avec leur enfant;

- une section de 5 places pour la semi-liberté.

L'organisation de la journée est prévue par unité de 7 personnes. Chaque unité a son coin salon et son coin salle à manger. Le déroulement de l'existence en prison s'articule autour de 3 axes essentiels: vie communautaire, travail et contacts avec les familles.

Divers ateliers offrent du travail et des possibilités de formation (coiffure, cartonnage, bibliothèque, cuisine, bois). Des cours de langues et d'informatique sont dispensés par des professeurs de l'extérieur.

Le service médical est très bien développé et la plupart des détenues peuvent recevoir des soins en prison, ce qui évite à la gendarmerie d'organiser de nombreux transports.

Réalisée avec soin et avec goût, la Tuilière est susceptible de rendre de grands services sur le plan concordataire, puisqu'elle accueille depuis 1992, en permanence, entre 10 et 15 femmes condamnées par les tribunaux genevois.

La commission a particulièrement apprécié l'attitude positive du directeur et de son personnel, ainsi que leur volonté d'inciter les détenues à se consacrer à des activités revalorisantes et à préparer petit à petit leur retour à la liberté.

5. Les Etablissements de la plaine de l'Orbe (28 juin 1994)

Destinés essentiellement aux délinquants dangereux et aux récidivistes, les Etablissements de la plaine de l'Orbe (ci-après: EPO) comptent au total 272 places dont 140 au pénitencier, 120 à la colonie et 12 à la section ouverte. Ils accueillent en permanence 40 à 50 hommes condamnés par les tribunaux genevois.

En moyenne, les détenus placés au pénitentier purgent des peines de 9 à 10 ans. Ils sont astreints au travail.

En 1994, des décisions importantes ont été prises:

- De nouveaux dispositifs de sécurité ont été installés au pénitencier.

- L'évaluation des détenus se fera désormais en équipe. Chacune d'elles sera composée de surveillants, de thérapeutes et d'assistants sociaux.

- Afin notamment de décharger le quartier de sécurité renforcée, certains détenus dangereux seront placés dès le début de l'année 1995 dans un secteur spécialement aménagé pour 28 condamnés. Ces derniers connaîtront un régime préparatoire et d'évaluation, avant d'être mis au bénéfice du régime ordinaire de détention, appelé régime de responsabilisation. Il s'agit en fait d'un régime intermédiaire entre la section de sécurité renforcée et la détention ordinaire du pénitencier. Dans le nouveau secteur, les détenus vivront et travailleront en commun. Ils effectueront des promenades et du sport à l'extérieur du bâtiment.

Depuis environ 3 ans, la direction s'est efforcée d'améliorer constamment les conditions de détention, en dépit de la vétusté des EPO, et la formation des surveillants, sans négliger les mesures de sécurité. L'introduction du régime préparatoire et d'évaluation mérite d'être saluée tout spécialement. La commission ne peut que féliciter et encourager MM. A. Vallotton et F. Chevallay à poursuivre leurs réformes et à réaliser leurs projets.

6. Les Etablissements de Bellechasse (27 septembre 1994)

Bellechasse est un établissement de droit public qui a à sa tête une commission administrative et une direction.

Les Etablissements de Bellechasse (ci-après: EPB) ont un caractère semi-ouvert et reçoivent des détenus qui sont des condamnés primaires et qui paraissent les moins dangereux, même s'ils doivent subir de longues peines. En moyenne et en permanence, le SAPEM place aux EPB une cinquantaine de condamnés. On rappellera que les EPB disposent de 135 places au total pour les hommes condamnés.

L'agressivité de la population carcérale est en augmentation. Le nombre de condamnés de nationalités différentes (plus de 70%) pose de sérieuses difficultés.

Les travaux de transformation et de rénovation des EPB se poursuivent systématiquement et avec grand soin. Ils sont exécutés à 90% par les détenus et les membres du personnel qui sont à la fois des surveillants et des artisans.

La direction a exposé à la commission ses priorités à court terme. Il s'agit de:

- poursuivre les efforts pour former les surveillants;

- compléter les moyens de prise en charge des condamnés;

- améliorer encore leurs possibilités de resocialisation;

- transformer toutes les anciennes cellules (6 sections ont déjà été refaites; 2 restent à rénover).

De façon unanime, la commission a apprécié les efforts consentis par la direction et le personnel tant pour améliorer les conditions matérielles d'incarcération et augmenter les possibilités d'occupation que pour essayer d'insuffler aux détenus de nouvelles règles de vie et faciliter leur réintégration dans la société. Elle tient également à souligner l'excellente collaboration entre les cantons de Fribourg et de Genève dans le domaine pénitentiaire.

b) Les visites des postes de police de l'aéroport, de la Servetteet de Pécolat (12 avril 1994)

1. La commission s'est rendue à l'aéroport international de Cointrin et a visité le poste de police, ses violons et ses 2 dortoirs.

Le poste de police de l'aéroport dessert aussi les agglomérations de Meyrin et du Grand-Saconnex. Ses cellules sont utilisées de la même façon que les violons des autres postes de police. Elles ne sont pas destinées à recevoir les personnes refoulées, sauf si celles-ci posent des problèmes de conduite ou de sécurité. Quant aux dortoirs, ils hébergent des personnes expulsées de Suisse ou dans l'attente d'une réponse à leur demande d'asile. Peuvent également être logées dans l'un des dortoirs des personnes qui ne sont pas admises en Suisse et qui sont démunies de ressources financières.

Pour le surplus, on se référera à la visite effectuée par la commission le 28 mai 1993 dans les mêmes conditions (voir rapport de la commission pour 1993, Mémorial des séances du Grand Conseil 1993, p. 5371-5372).

2. Le poste de police de la Servette compte 42 agents et une secrétaire.

Les locaux de ce poste sont particulièrement vétustes, souvent sans lumière du jour. En cas de nécessité, le bureau du chef de poste sert de lieu d'accueil. Les conditions de travail des gendarmes sont plus que précaires.

Deux violons ont été aménagés, mais, faute d'isolation, ils ne peuvent pas toujours être utilisés. En effet, le poste de police est situé au rez-de-chaussée d'un immeuble locatif et, si les personnes appréhendées sont trop bruyantes, elles doivent être transférées le plus rapidement possible à l'Hôtel de police par égard aux locataires.

Le DJPT a porté à la connaissance de la commission que les locaux de ce poste seraient agrandis prochainement. Celle-ci en prend note avec satisfaction.

3. L'effectif du poste de police de Pécolat est de 46 gendarmes et de 2 secrétaires.

La surface de ses locaux est un peu plus grande que celle du poste de la Servette. Toutefois, ceux-ci ne sont absolument pas accueillants; les salles d'audition sont pratiquement borgnes.

Les portes des 3 violons ne sont équipées d'aucun dispositif d'alarme. Le 12 avril dans la soirée, seule une personne ivre reprenait ses esprits dans l'une des cellules.

c) Les autres visites

1. L'ancien CERA (13 mai 1994)

Ayant appris à l'époque que la réouverture de l'ancien Centre d'enregistrement de requérants d'asile de l'aéroport international de Cointrin était d'actualité, une délégation de la commission a procédé à sa visite et a constaté sur place le mauvais état des locaux, ainsi que l'absence d'un dispositif efficace de sécurité.

Par lettre du 20 mai 1994, la présidente de la commission a fait savoir au chef du DJPT que «l'ancien CERA ne saurait d'aucune façon être utilisé comme centre de détention en raison, d'une part, de l'état déplorable des locaux, d'autre part, du danger présenté par un bâtiment sans sécurité suffisante et situé à proximité immédiate des pistes et de la frontière française».

Répondant à une demande du directeur de l'Office fédéral des réfugiés, M. Gérard Ramseyer, chef du DJPT, a informé, le 7 juin 1994, M. Urs Scheidegger qu'il partageait l'avis de la présidente de la commission. Par ailleurs, il a souligné que le Conseil d'Etat n'entendait pas entrer en matière sur la construction d'une prison affectée exclusivement à l'exécution de la détention en phase préparatoire et de celle en vue du refoulement de ressortissants étrangers.

2. L'audition d'un détenu à Champ-Dollon (22 juin 1994)

Une délégation de la commission a entendu à Champ-Dollon un détenu qui, par l'entremise d'un tiers, avait indiqué avoir été battu lors de son arrestation par la police, quelques semaines auparavant.

D'une façon générale, la présidente de la commission s'est assurée que les allégations de mauvais traitements portées à sa connaissance avaient été signalées au DJPT, afin que ce dernier y donne suite.

3. Les violons du poste de police du Bourg-de-Four (21 octobre 1994)

Une délégation de la commission s'est rendue à l'improviste au poste de police du Bourg-de-Four le 21 octobre 1994, à 23 h 45. La permanence était assurée par un seul gendarme. Deux de ses collègues étaient retenus à l'Hôpital cantonal universitaire afin de surveiller un détenu de Champ-Dollon.

La délégation a inspecté les 2 violons du poste qui étaient propres et inoccupés. Chaque cellule est équipée d'un dispositif d'alarme, d'un matelas et de 2 couvertures.

IV. Statistiques et informations diverses

a) La situation à Champ-Dollon

1. Le nombre de places

Entre les 2 principales unités, les places se répartissent comme suit:

Au total, le nombre de places prévu à l'origine est de 270. En raison de la surpopulation de Champ-Dollon depuis plusieurs années, 133 lits superposés supplémentaires ont été installés. S'agissant de la dimension des cellules, les installations sanitaires ne sont pas comprises dans les surfaces indiquées.

2. Les effectifs de 1977 à 1993

L'effectif moyen de la prison a légèrement diminué en 1993, tandis que l'effectif maximum est resté pratiquement constant depuis 1991. A divers points de vue, cette situation est malsaine et source de graves inconvénients.

On relèvera que la Pâquerette n'est plus comptée dans l'effectif de Champ-Dollon depuis le 1er janvier 1990.

3. Le nombre de détenus le 18 octobre 1994 à 12 heures

A cette date, la prison a compté 284 personnes détenues, dont 28 femmes, réparties selon leur nationalité comme suit:

Autres statistiques:

4. La durée de la détention

En relation avec la surpopulation de Champ-Dollon, le calcul de la durée de la détention donne pour les années 1990 à 1993 des indications intéressantes:

- 25,7% des détenus ont été relaxés dans les 24 heures en 1990; 25,2% en 1991; 23,8% en 1992; 21,7% en 1993.

- 52,4% des détenus sont restés moins de 8 jours à la prison en 1990; 51% en 1991; 46,9% en 1992; 46% en 1993.

- Le séjour moyen par personne s'est élevé à 45,4 jours en 1990; à 50,5 jours en 1991; à 57,5 jours en 1992 et à 52,5 jours en 1993.

5. Les constats de lésions

Depuis 1984, l'institut universitaire de médecine légale (ci-après: IUML) tient des statistiques des constats effectués non seulement à l'entrée à la prison, mais aussi en cas d'incidents entre détenus et entre ceux-ci et des gardiens:

Constats de lésions traumatiques lors de la détention: gardiens-détenus

Constats de lésions traumatiques lors de la détention: détenus-détenus

b) Le taux d'occupation des établissements genevois de détention

c) Le placement des personnes condamnées par les tribunaux genevois

d) Le travail d'intérêt général et les astreintes au travail

Placée sous la direction du SAPEM, la section «travail d'intérêt général» organise le placement des personnes qui sont d'accord de subir, totalement ou partiellement, leur peine privative de liberté sous forme de travail d'intérêt général. Pour 1992 et 1993, on citera les chiffres suivants:

Seules les peines de courte durée, soit de 30 jours au maximum, peuvent être subies sous forme de travail d'intérêt général; un jour de privation de liberté équivaut à 8 heures de travail effectif d'intérêt général.

Depuis le 1er juillet 1992, la section «travail d'intérêt général» est aussi chargée de l'exécution des astreintes au travail frappant les objecteurs de conscience. En 1992, 33 dosssiers lui ont été transmis; 6 placements ont pu avoir lieu. En 1993, ces chiffres ont été respectivement de 67 et de 36. La procédure est sensiblement la même que celle appliquée pour les condamnés qui effectuent un travail d'intérêt général; toutefois, la durée du placement a varié entre 20 et 495 jours.

e) Les congés

Selon le Tribunal fédéral, les autorités cantonales jouissent d'un pouvoir d'appréciation étendu en matière d'octroi de congés et doivent peser sérieusement l'intérêt au respect de la sécurité publique et celui lié à la réinsertion sociale des condamnés. En fait, la pratique du SAPEM est très large et les échecs sont restés en moyenne peu nombreux.

Les statistiques suivantes se rapportent aux demandes de congés présentées par des personnes condamnées par les tribunaux genevois et placées aux EPO, aux EPB, à Hindelbank, à la Colonie pénitentiaire de Crêtelongue, à la Maison d'arrêt de Favra et à la prison de Champ-Dollon:

f) Le déplacement du quartier cellulaire de l'Hôpital cantonal universitaire

Sur l'initiative de Mme Annie Stroumza, directrice générale de la santé publique, le chef du département de l'action sociale et de la santé, avec l'accord de son collègue du DJPT, a donné son feu vert, en été 1994, à la constitution d'un groupe de travail qui est présidé par le Dr Dominique Bertrand de l'IUML et qui comprend des représentants des 2 départements concernés, de l'Hôpital cantonal universitaire et du département des travaux publics et de l'énergie. La constitution de ce groupe de travail a été entérinée par le Conseil d'Etat en date du 23 novembre 1994.

La commission ne peut que saluer cette initiative et encourager les membres du groupe de travail à mener rapidement à chef leurs travaux. Depuis des années, elle a réclamé un transfert du quartier cellulaire dans les étages de l'Hôpital cantonal universitaire non seulement pour des raisons de sécurité, mais également pour assurer des conditions de travail décentes pour le personnel et une hospitalisation des détenus malades conforme aux règles pénitentiaires européennes.

g) «EEP 2000»

En janvier 1992, le Conseil d'Etat vaudois a constitué un groupe de planification des constructions pénitentiaires qui a déposé ses conclusions en été 1994. Un représentant du DJPT a été associé aux travaux.

Ce groupe de travail a constaté que la population carcérale avait évolué ces 10 dernières années de la façon suivante: «La durée des peines est en constante augmentation et le nombre des jours de détention a presque doublé. A la suite de l'explosion des problèmes liés à la drogue, la santé psychique et physique des personnes incarcérées a empiré. En outre, les cliniques psychiatriques refusent de prendre en charge de nombreux condamnés dangereux souffrant de troubles psychiques graves. La dangerosité et le professionnalisme de certains détenus sont toujours plus grands. Le nombre important de détenus étrangers qui, pour la plupart, ne résidaient pas en Suisse de manière légale avant leur incarcération, oblige le personnel à tenir compte de modes de vie très différents du nôtre.»

Pour faire face à cette situation, le groupe de travail a proposé le remplacement du pénitencier actuel des EPO par un nouvel établissement plus grand, fractionné en petites unités spécialisées dans la prise en charge de tous les cas difficiles de la Suisse romande. Il s'agirait de construire un pénitencier moderne de 324 places pour un montant de 150 millions de francs.

Le groupe de travail a aussi constaté qu'aucune base légale ne permettait l'exploitation privée d'un tel établissement, qu'il était illusoire d'imaginer une meilleure rentabilité par le biais d'organisations non étatiques et qu'une délégation à des privés d'une des missions fondamentales de l'Etat, sous sa forme la plus contraignante, ne pouvait être envisagée. En revanche, une collaboration avec des privés ou des institutions extérieures n'était pas exclue en vue de l'exploitation de certains secteurs du nouvel établissement.

Dans le domaine de l'exécution des peines, il faut admettre que ni le canton de Vaud, ni Genève ne sont à même d'assumer pleinement leurs obligations concordataires. C'est pourquoi, le canton de Vaud a approché, dans un premier temps, les autorités cantonales dans le cadre du concordat romand sur l'exécution des peines, en particulier le DJPT. Puis, le gouvernement vaudois a décidé, à fin novembre 1994, de consulter les milieux intéressés et d'entrer en contact officiellement avec le Conseil d'Etat genevois dans le but de définir des formes de collaboration possibles entre les 2 cantons. Il envisage de présenter au Grand Conseil vaudois, au printemps prochain, une demande de crédit d'étude.

Le DJPT a pris l'engagement de tenir la commission et le Grand Conseil au courant des pourparlers et de l'évolution du projet «Etablissement d'exécution de peines 2000».

V. Droits de l'homme

Dans son rapport pour l'année 1992, la commission a longuement évoqué les visites du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après: Comité ou CPT), ainsi que la procédure applicable. On se souvient qu'une délégation du CPT s'est rendue en Suisse du 21 au 29 juillet 1991 et a inspecté à l'improviste des lieux de détention dans les cantons de Berne, de Zurich et de Vaud. A Genève, elle a vu, outre le Centre d'enregistrement des requérants d'asile géré par l'administration fédérale, le poste de police de l'aéroport, le commissariat et les violons de l'Hôtel de police, ainsi que les postes de Carouge, d'Onex et de Pécolat.

Le rapport du CPT relatif à sa visite effectuée en Suisse en juillet 1991 et la prise de position du Conseil fédéral (ci-après: CF) ont été rendus publics en même temps à Berne, le 25 janvier 1993.

a) Le rapport du CPT du 7 février 1992

D'une façon générale, la délégation du CPT n'a recueilli en Suisse aucune allégation de torture et n'a fait dans ce sens aucune constatation. Elle a précisé avoir reçu, avant son déplacement en Suisse, communication de nombreuses allégations de mauvais traitements par la police qui visaient en fait indistinctement la situation des 4 cantons en question. «En ce qui concerne Genève, les passages à tabac ont été décrits comme quasiment routiniers». En revanche, les détenus rencontrés dans les postes de police à Genève ont tous déclaré n'avoir pas été maltraités.

Le CPT a suggéré diverses améliorations des conditions matérielles de détention, notamment dans les postes de police genevois. Puis, estimant que le risque d'être maltraité pendant la garde à vue ne pouvait être écarté, il a proposé aux cantons d'instaurer, en faveur de toute personne privée de liberté par la police,

- le droit d'informer de son arrestation un proche ou un familier;

- le droit de bénéficier de la présence et de l'assistance, si possible gratuite, d'un avocat, ainsi que

- le droit de consulter le médecin de son choix.

Le CPT a également proposé que la police tienne un registre unique et complet de la garde à vue et procède à l'enregistrement électronique des interrogatoires.

b) La prise de position du Conseil fédéral du 14 décembre 1992

Le gouvernement suisse a apprécié de façon positive la visite du CPT en Suisse. Toutefois, il a constaté que le CPT avait interprété sa mission de façon très extensive. «En effet, certaines recommandations et remarques ne sont que très indirectement liées au mandat confié au Comité, à savoir la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. De plus, le Comité prend en considération, lors de son inspection, les diverses situations historiques, sociales et économiques des différents pays. Bien que le Comité n'entende pas considérer son rapport comme un jugement définitif, mais comme une invitation au dialogue, son activité pourrait gagner en efficacité si elle se concentrait sur les aspects essentiels de la prévention» (prise de position du Conseil fédéral, page 2, n° 6).

En ce qui concerne les recommandations du CPT, le Conseil fédéral s'est exprimé de la façon suivante:

- Toute personne arrêtée par la police a le droit d'informer, sans délai, de son arrestation, ses proches ou des tiers. Lorsqu'il n'y a pas de danger de collusion, la personne placée en garde à vue a généralement la faculté de prendre contact elle-même avec un proche, voire avec un tiers.

- On ne saurait souscrire à la recommandation tendant à l'institution du droit pour la personne arrêtée d'être assistée d'un avocat dès le début de la garde à vue. Il serait paradoxal d'autoriser la présence de l'avocat lors de l'interrogatoire de police pour l'exclure ensuite, comme c'est le cas dans plusieurs cantons, devant le juge d'instruction. D'une part, la durée maximale de la garde à vue, mesure qui doit respecter les principes de légalité et de proportionnalité, n'excède généralement pas 24 heures. D'autre part, le droit à l'assistance d'un avocat dans la phase préparatoire du procès n'est garanti ni par la Constitution fédérale, ni par la jurisprudence de la Commission européenne et de la Cour européenne des droits de l'homme fondée sur l'article 6, alinéas 1 et 3, lettre c, et sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Enfin, il y aurait lieu de craindre qu'involontairement, l'avocat, de par les contacts qu'il est appelé à entretenir avec les proches et les relations de son client, ne compromette, en assistant ou après avoir assisté celui-ci, le résultat de l'enquête.

- Il n'est pas envisageable de reconnaître le droit pour une personne placée en garde à vue d'être examinée par le médecin de son choix. Le droit, pour toute personne arrêtée, de recevoir les soins que son état de santé exige et d'être examinée par un médecin, à sa demande, est reconnu en Suisse sans restriction. La garde à vue est une mesure urgente et de courte durée. Il est par conséquent nécessaire que le médecin appelé à intervenir soit immédiatement disponible. Dans chaque cas, celui qui est chargé de prodiguer des soins à une personne arrêtée est un médecin à part entière dont la seule préoccupation est la santé de son patient. Le cas échéant, il pourra prendre contact avec le médecin traitant de la personne en question. Un autre motif s'oppose à reconnaître à cette dernière le droit d'être examinée par un médecin de son choix: il s'agit du risque éventuel de collusion déjà évoqué à propos de l'assistance d'un avocat.

- La recommandation tendant à prescrire l'enregistrement électronique constant des interrogatoires de police ne saurait pas davantage être acceptée. Il convient de préciser que l'usage du magnétophone est peu répandu en Suisse, en matière pénale, où il rencontre de fortes réticences. Les codes de procédure pénale de 7 cantons, dont Berne, le prévoient à titre exceptionnel dans le cadre de l'instruction ou de la phase de jugement. Au demeurant, l'enregistrement électronique ne dispense pas de la tenue d'un procès-verbal écrit qu'il ne saurait remplacer.

- Enfin, le Conseil fédéral est aussi opposé à la recommandation du CPT tendant à l'étude de la possibilité d'élaborer un registre unique et complet de la garde à vue. Dans son esprit, cette recommandation est déjà appliquée pratiquement dans la plupart des cantons, à des degrés divers et sous des formes différentes; les phases et circonstances importantes de l'enquête de police, et par conséquent de la garde à vue, doivent être impérativement relatées, que ce soit dans un registre particulier du poste ou du commissariat de police, dans le procès-verbal d'interrogatoire ou dans le rapport adressé à l'autorité judiciaire.

c) Les réactions des autorités genevoises

Le DJPT a précisé que le rapport du CPT du 7 février 1992 avait été accueilli de façon positive par ses services. D'emblée, il a souligné que les visites du CPT avaient leur utilité et étaient susceptibles de favoriser ou d'accélérer l'adoption de mesures destinées à améliorer le régime des personnes privées de liberté, compte tenu des conditions de vie d'un niveau que les autorités cantonales s'efforçaient constamment d'élever. D'une façon générale, le DJPT est disposé à suivre les recommandations du CPT, pour autant que celles-ci ne remettent pas en cause la sécurité du public et des lieux de détention, ne contrecarrent pas la politique criminelle des autorités judiciaires et n'empiètent pas sur les compétences du pouvoir législatif. En ce qui concerne les remarques de nature procédurale, le DJPT est d'accord, pour l'essentiel, avec la prise de position du Conseil fédéral du 14 décembre 1992 dont il partage entièrement les réserves. En particulier, il est d'avis que l'uniformisation des procédures pénales cantonales excède manifestement les limites de la mission du CPT.

Le DJPT a été surpris que cette autorité ait pu rapporter que les «passages à tabac» étaient fréquents à Genève. Or, cette «présomption» est en complète contradiction avec les constatations faites sur place en juillet 1991 par la délégation du CPT. Lors de ses inspections à Genève, celle-ci a rencontré des détenus qui ont tous déclaré n'avoir pas subi de mauvais traitements. En outre, dans la mesure où de telles accusations restent anonymes et vagues, elles ne permettent pas aux autorités de faire contrôler leur véracité et d'apporter des éléments objectifs, ce qui est regrettable. Enfin, les statistiques démontrent que la remarque du CPT est injustifiée. Quant aux recommandations du CPT, elles appellent encore, compte tenu de la prise de position du Conseil fédéral, les quelques remarques suivantes:

 S'agissant du confort et de l'aménagement des cellules des postes de police dans lesquelles les personnes appréhendées ne restent que quelques heures, le DJPT a ordonné que les améliorations préconisées par le CPT soient réalisées dans la mesure où elles étaient compatibles avec les bâtiments existants.

 Selon la pratique de la police, antérieure à la visite du CPT, la personne placée sous mandat d'amener a la faculté de prendre contact par téléphone avec un membre de sa famille, un proche ou son employeur, avocat excepté. Cette possibilité n'est pas accordée en cas de danger de collusion et pour préserver le cours de l'instruction.

 En cas d'interrogatoire d'un mineur, le représentant légal, le gardien ou la personne qui exerce l'autorité domestique sont, en règle générale, immédiatement avisés qu'ils peuvent y assister, sauf s'ils sont impliqués eux-mêmes dans le délit sur lequel porte l'enquête.

 Le système du code de procédure pénale mis en place par le législateur s'oppose à l'intervention de l'avocat et à une information des tiers en général au stade de l'enquête de police. La durée de la garde à vue qui est de 24 heures au maximum ne devrait pas être prolongée inutilement par des mesures formelles et être portée, par exemple, à 48 heures. Par ailleurs, il ne saurait être question d'enlever toute efficacité à la poursuite des infractions graves, commises souvent par plusieurs personnes, et du crime organisé. Le droit actuel et les mesures prises par le DJPT depuis 1991 offrent, dans le domaine considéré, des garanties suffisantes aux personnes retenues pendant quelques heures seulement dans les locaux de la police, avant d'être déférées au juge d'instruction.

 Exiger qu'une personne retenue dans les locaux de la police soit examinée par le médecin de son choix constitue une prétention excessive, souvent irréalisable. Par ailleurs, un grand nombre d'étrangers appréhendés ne connaissent pas de médecins à Genève.

 Depuis octobre 1992, la permanence médicale de la police, organisée par l'IUML, fonctionne à satisfaction et cette initiative a été accueillie favorablement par le CPT. Lorsque les médecins de l'IUML ne sont pas disponibles ou qu'une personne se plaint de maladie ou de douleurs, la police fait appel, comme par le passé, à des praticiens de S.O.S. Médecins.

 Les rapports de police contiennent déjà pratiquement la plupart des indications réclamées par le CPT.

 Les articles 106 A, 107, 108 à 110 du code de procédure pénale (ci-après: CPP) prescrivent à la police la façon dont elle doit mener une enquête. Le dossier est constitué essentiellement de déclarations écrites. La police judiciaire dresse aussi un rapport des opérations auxquelles elle a procédé et le transmet sans retard au procureur général. Ce rapport doit être accompagné du procès-verbal des opérations et de l'inventaire détaillé des objets saisis (art. 112 CPP).

 Ces dispositions excluent un enregistrement électronique, en particulier des interrogatoires. Au demeurant, si le procureur général ouvre une information, le juge d'instruction est chargé de poursuivre et de contrôler l'enquête de police, compte tenu aussi des contestations et dénégations éventuelles du détenu.

 Enfin, on précisera que la police tient un «livre des violons» en voie d'informatisation. Elle prendra en considération les suggestions faites par le CPT et compatibles avec le code de procédure pénale. Un registre spécial de garde à vue ne paraît ni souhaitable, ni utile. Chaque dossier relate déjà les éléments essentiels de l'enquête de police, incidents y compris, permettant aux magistrats du Parquet et de l'Instruction de se déterminer sur les suites de la procédure.

d) Le rapport de suivi du département fédéral de justice et policedu 1er juin 1994

L'autorité fédérale a relevé que des démarches avaient déjà été entreprises pour remédier au plus vite aux insuffisances incontestées et urgentes. Elle a aussi remarqué que seuls les cantons d'Argovie et de Genève disposaient de directives en matière de détention et de conduite des interrogatoires pendant la garde à vue. En conclusion, affirme l'autorité fédérale: «Les résultats de l'enquête indiquent que les détenus vivent en Suisse dans des conditions qui sont en principe conformes à la Convention. Les dimensions réduites d'un nombre considérable de cellules et l'équipement insuffisant de certaines d'entre elles sont en effet problématiques. Toutefois, il s'agit avant tout de cellules de police et, dans des cas rares, de cellules de prisons et d'établissements pénitentiaires. Le chef du département fédéral de justice et police a demandé aux cantons concernés qu'ils fassent état d'ici l'automne 1994 des possibilités d'assainissement de ces cellules à moyen terme».

e) Le rapport d'Amnesty International du 19 mars 1994

Intitulé «Suisse: allégations de mauvais traitements pendant la garde à vue», le rapport d'Amnesty International (ci-après: A.I.) fait état d'accusations extrêmement graves et relatives à des sévices infligés délibérément et de façon injustifiée par des policiers, en particulier du canton de Genève, pendant la garde à vue. A.I. a indiqué avoir reçu depuis 1990 un grand nombre d'informations concernant des mauvais traitements qui auraient été infligés par la police genevoise. Les allégations émanaient d'avocats, de médecins, de représentants d'institutions religieuses et de groupes locaux de défense des droits de l'homme, ainsi que de détenus eux-mêmes. Bon nombre de ces allégations concernaient des étrangers, en particulier d'origine non européenne.

A.I. a également insisté sur le rapport et les recommandations du CPT. Elle a mentionné diverses procédures pénales et a décrit nommément une dizaine de cas.

f) La mise au point du DJPT du 2 novembre 1994

Dans sa réponse destinée au Comité anti-torture de l'ONU, le DJPT a reproché à A.I. de n'avoir pas contrôlé la véracité des informations recueillies et d'avoir exposé les «cas genevois» sans tenir compte des décisions judiciaires et administratives intervenues. Il a indiqué quel était le rôle de l'IUML et a insisté sur le fait que des détenus faisaient parfois des déclarations incomplètes ou fausses. Il a insisté sur les mesures et dispositifs à caractère préventif mis en place depuis 1991 et a fourni des statistiques. On reproduira ci-après les chiffres V et VI de la réponse du DJPT (pages 45 à 50):

«Les mesures et les dispositifs mis en place depuis 1991

C'est au printemps 1991, soit avant la visite du CPT et la publication de son rapport, que des représentants du DJPT et du département de l'action sociale et de la santé ont tenu des séances de travail en vue d'instituer une collaboration étroite entre la police et l'IUML. D'une façon générale et depuis juillet 1991, diverses mesures et dispositifs ont été mis au point afin de mieux prévenir et, le cas échéant, de réprimer efficacement tout emploi excessif ou injustifié de la force de la part de policiers, de gardiens de prison ou encore du personnel de maisons d'arrêt. Ils ont fait l'objet d'une conférence de presse du DJPT le 5 mars 1993. N'en déplaise à A.I., les contrôles et moyens mis en oeuvre ont exercé sans aucun doute des effets positifs sur une situation qui, au demeurant, n'a jamais été inquiétante.

-  La sélection et la formation des policiers:

La sélection des candidats est affinée le plus possible, en particulier grâce à une évaluation psychologique, à des tests d'aptitude...

Les gendarmes et les agents de sûreté fréquentent ensuite pendant 7 mois une école de formation. Ils suivent des cours, par exemple, sur les notions de droit, le code de procédure pénale, la médecine légale, la psychologie et la technique de l'arrestation et des interrogatoires, le principe de proportionnalité .... Ils sont, à plusieurs reprises, rendus attentifs au fait qu'ils doivent éviter tout mauvais traitement. Ils savent que la force ne saurait être utilisée que s'ils y sont absolument obligés et que des aveux obtenus sous la contrainte n'ont aucune valeur.

Les policiers effectuent ensuite un stage pratique de 3 ans. Chaque année, des cours spéciaux leur sont dispensés. Des cours de perfectionnement sont également donnés par l'Institut suisse de police à Neuchâtel. Enfin, les cadres et futurs cadres suivent en plus des cours de formation continue.

Les droits de l'homme ne font pas l'objet d'exposés spécifiques, mais sont constamment évoqués. L'état-major de la police est conscient de l'importance du sujet et le traite sous des aspects et à des degrés divers, dans le cadre de différentes conférences données aux aspirants gendarmes et inspecteurs. Le chef de la police et les officiers de police, dont plusieurs sont juristes, reçoivent toutes les informations publiées en la matière qui est également développée par l'Institut suisse de police. Le département introduira encore des cours spéciaux pour les écoles de formation des policiers et des gardiens de prison. Son but est d'intensifier la formation de ces derniers relative aux cultures étrangères et aux droits de l'homme.

A cet égard, on remarquera en passant que, par lettre du 12 septembre 1994, la section suisse d'A.I. a vivement félicité le chef de la police genevoise qui a été pressentie pour former les policiers de la République de Guinée. Et la section suisse d'A.I. d'ajouter: «La réputation de la Suisse, sa modération, sa neutralité et son sens du droit, mais aussi la renommée internationale de Genève, ne sont certainement pas étrangers à ce choix».

- La mention de l'usage de la force dans les rapports de police:

Depuis le 3 juillet 1991, tous les rapports de police doivent mentionner:

 - si une personne interpellée ou arrêtée s'est opposée à l'intervention des policiers;

 - si ces derniers ont été dans l'obligation de recourir à la force, pourquoi et de quelle façon celle-ci a dû être utilisée;

 - quel genre de lésions, respectivement à quel endroit du corps, la personne en question a ou aurait pu subir dans le cadre de l'usage nécessaire de la force pour la faire obtempérer aux ordres des policiers;

 - d'une façon générale, les lésions et dégâts causés au préjudice des uns et des autres.

Au printemps 1993, les officiers de police ont en outre reçu pour consigne de demander systématiquement aux personnes arrêtées si elles avaient des doléances à formuler sur la manière dont elles avaient été traitées par les policiers.

 - Les rapports entre la Ligue suisse des droits de l'homme et la police:

Depuis de nombreuses années, des représentants de la Ligue suisse des droits de l'homme sont en contact avec des détenus et entreprennent pour eux diverses démarches. Afin de faciliter leur tâche, le procureur général a autorisé, le 27 janvier 1992, la section genevoise de la Ligue suisse des droits de l'homme à visiter d'une façon permanente, à la prison de Champ-Dollon, les détenus qui en font la demande. Si des plaintes sont recueillies par ses représentants, elles sont désormais transmises au chef de la police qui ordonne une enquête. Basée sur le principe de confidentialité, cette coopération, qui a lieu dans un climat constructif et non polémique, mérite d'être soulignée et est susceptible d'aboutir à des résultats positifs.

- L'assistance et les conseils d'un psychologue:

Un psychologue est au service de la police depuis octobre 1992. Ancien inspecteur de sûreté, il a obtenu sa licence en psychologie de l'université de Genève et est chargé notamment:

 - d'évaluer psychologiquement les candidats aux postes d'apprentis, de gendarmes et d'inspecteurs de sûreté;

 - de développer des programmes pédagogiques, spécifiques à la profession de policier avec étude du comportement, du stress, de la violence...;

 - de gérer les situations de détresse et les crises que peuvent vivre les membres du corps de police.

-  La création d'une permanence médicale de la police:

Le 15 octobre 1992, et sur décision du Conseil d'Etat, une permanence médicale a été mise en place à la police. Gérée par l'IUML, elle intervient chaque fois qu'il est nécessaire de constater des lésions sur des personnes retenues par la police ou sur des policiers. Si, dans les locaux de la police, une personne est blessée ou prétend avoir reçu des coups, il est fait appel immédiatement à un médecin de l'IUML. Le constat médical est joint au dossier qui est transmis au procureur général.

 - L'ouverture d'enquêtes et la transmission des dossiers au procureur général:

Si une personne se plaint expressément de mauvais traitements de la part des agents de la force publique, le chef de la police ordonne une enquête, qu'un constat médical ait été effectué ou non. Puis, il communique le dossier au procureur général.

Lorsqu'une personne est transférée à Champ-Dollon, le service médical de la prison établit, s'il y a lieu, un constat de lésions. Si la personne détenue attribue ses lésions à des policiers ou à des gardiens de prison, cette pièce est envoyée - avec son accord - au chef de la police qui, après enquête, transmet le dossier au procureur général.

-  La communication des rapports au département:

Lorsque de mauvais traitements de la part de policiers, de gardiens de prison ou du personnel de maisons d'arrêt sont allégués ou que des certificats médicaux sont établis, les rapports de police doivent être adressés sans délai au DJPT.

-  La mission confiée à un ancien magistrat du pouvoir judiciaire:

Depuis avril 1993, les rapports et doléances concernant des mauvais traitements reprochés à des policiers, à des gardiens de prison ou à des membres du personnel de maisons d'arrêt sont envoyés à M. A.-D. Schmidt, ancien juge de la Cour de justice, qui est chargé de donner son avis sur l'ouverture éventuelle d'enquêtes préalables ou administratives. Il est prévu que ces enquêtes soient menées par M. A.-D. Schmidt. En cas d'ouverture d'une information pénale et d'une enquête préalable ou administrative, il appartient à ce dernier de dire si, et pendant combien de temps, l'enquête peut être suspendue. Dans tous les cas, cet ancien magistrat est chargé de prendre contact lui-même avec le Parquet, les juges d'instruction et les tribunaux pénaux.

La teneur de la mission confiée à M. A.-D. Schmidt le 13 juillet 1993 par le département a été complétée en date du 31 mai 1994.

 - La visite des violons des postes de police et des dortoirs de l'aéroport international de Cointrin par la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil:

D'entente avec le département, les compétences de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil ont été étendues, en 1993, aux violons des postes et de l'Hôtel de police, de même qu'aux dortoirs de l'aéroport. En cas de nécessité et à titre exceptionnel, une délégation de la commission peut se rendre sur place à l'improviste, conformément à une procédure adoptée par les commissaires le 14 septembre 1993 et inspirée des règles appliquées par le CPT lors de ses visites.

Pour l'année 1993, le Grand Conseil a pris acte du rapport de la commission des visiteurs officiels le 7 octobre 1993 (voir Mémorial des séances du Grand Conseil 1993, pages 5363, 5364 et 5378). Il appartiendra à celle-ci de faire état de ses expériences, si elle le juge utile.

-  Les directives sur la détention dans les locaux de la police:

Depuis 1963, la police dispose de directives relatives à l'interrogatoire des enfants. Le 14 avril 1994, le chef de la police a édicté des directives sur la détention dans les locaux de police qui sont essentiellement basées sur la loi sur la police et le code de procédure pénale. En ce qui concerne les fouilles, les soins médicaux et les avis à des tiers, ces directives prévoient que:

 - La personne détenue aux violons doit subir au préalable une fouille complète de sécurité. Cette opération s'exécute en deux temps et doit être aussi prévenante que possible. A moins que la sécurité ne l'exige immédiatement, la personne en question est fouillée par un fonctionnaire de police du même sexe.

 - La fouille intime du corps de toute personne recherchée pour un crime ou un délit peut être ordonnée, lorsque de fortes présomptions font penser qu'elle a dissimulé dans son corps des objets ou substances qui sont le produit ou le résultat d'une infraction, qui ont été l'objet d'une infraction ou qui ont servi à la commettre ou qui étaient destinés à la commettre. Seul un médecin peut procéder à la fouille intime du corps et aux actes propres à la saisie de tout objet ou substance destinés à l'établissement des faits.

 - La personne détenue qui se plaint de maladie ou de douleurs peut requérir la visite d'un médecin de permanence. Si elle est blessée ou prétend avoir reçu des coups, elle est en plus examinée par un médecin de l'IUML. La personne qui doit recevoir des soins d'urgence est immédiatement conduite à la policlinique de médecine.

 - S'il n'y a pas de risque de collusion, l'officier de police peut autoriser la personne détenue à prendre contact par téléphone avec un membre de sa famille, un proche ou son employeur. Un étranger peut demander que son consulat soit informé de sa détention. Aucun renseignement n'est donné par la police, sans l'accord de la personne détenue.

Les statistiques

Au prix d'investigations fastidieuses et de longue durée, les services de police ont pu récolter un certain nombre de données remontant jusqu'en 1984. Des recherches pour les années antérieures auraient nécessité un investissement sans proportion avec le but ou l'effet recherché par ceux qui réclament des statistiques.

Quant au ministère public, il ne disposait jusqu'en 1988 d'aucun instrument statistique capable de comptabiliser le genre de plaintes reçues. La base de données informatique en exploitation depuis 1989 permet uniquement de déterminer la nature des plaintes reçues en fonction des dispositions légales dont la violation est invoquée, sans indication spécifique quant à la personne mise en cause. C'est à l'occasion de l'enquête menée à Genève par le CPT que le Ministère public a fait procéder à un pointage manuel de tous les dossiers concernant des policiers. Cette recherche rétrospective qui a pris un temps considérable a nécessité l'examen une à une de toutes les causes concernant le «champ probable». Depuis 1993, un registre manuel est tenu pour cette catégorie de poursuites. L'effort fourni par le Ministère public est d'autant plus méritoire que ce dernier estime disposer de forces insuffisantes pour assumer sa mission première qui consiste à lutter contre la criminalité.

Comme le montre le tableau ci-après, le département s'est efforcé de rassembler le maximum de données:

Les chiffres des colonnes 1, 2, 4 et 6 ont été communiqués par la police, ceux de la colonne 3 par l'IUML. Quant aux nombres des plaintes déposées contre des policiers en 1991, 1992 et 1993, ils émanent du Parquet et englobent toutes les plaintes dirigées contre des agents de police pour des faits accomplis dans l'exercice de leurs fonctions; seule, une petite partie des plaintes concerne des mauvais traitements allégués au stade de l'interrogatoire dans les locaux de la police.

Annuellement, la police procède à plus de 200 000 interventions de nature répressive; en revanche, on compte en moyenne, de 1991 à 1993, et par année:

 - 4634 arrestations;

 - 147 arrestations avec emploi de la force;

 - 65 constats de l'IUML;

 - 24 policiers blessés;

 - 20 plaintes déposées contre des policiers;

 - 17 à 18 plaintes de policiers pour motifs autres que l'opposition aux actes de l'autorité.

Alors qu'A.I. semble s'étonner que des policiers déposent également plainte, on rappellera que le CPT lui-même a souhaité connaître les statistiques des années 1991 et 1992 non seulement des plaintes pour mauvais traitements allégués, mais aussi pour dénonciation calomnieuse. Les données publiées montrent que les cas d'intervention ayant nécessité le recours à la force sont peu nombreux, compte tenu du chiffre élevé des arrestations. A cet égard, il faut souligner que de plus en plus de personnes, armées ou non, en particulier des trafiquants de drogue, opposent une vive résistance lors de leur arrestation. Les policiers doivent utiliser la contrainte pour empêcher une fuite, séparer des antagonistes ou même repousser une attaque.

Quant au nombre des constats de l'IUML, il a diminué pratiquement de moitié par rapport à 1991, année où la visite du CPT en Suisse avait été prévue et annoncée ! Ainsi, les affirmations selon lesquelles les mauvais traitements policiers seraient fréquents à Genève sont dénuées de fondement et relèvent d'une campagne de dénigrement.

Sur le plan disciplinaire, 16 sanctions ont été prononcées depuis 1984, dont 2 suspensions avec privation de salaire, respectivement pendant 10 jours et 1 mois. Une procédure en révocation s'est terminée par la démission de l'intéressé».

VI. Conclusions et recommandations

A. Au cours de la première année de cette législature, la commission a pu se convaincre - si besoin était - de la volonté déterminée et avérée du DJPT et du Conseil d'Etat de respecter et de promouvoir les droits de l'homme, ainsi que de pratiquer la transparence.

Elle ne peut que les encourager à poursuivre dans cette voie. Encore ne faudrait-il pas que «des rapports dénués d'objectivité, comme celui d'A.I. sur la Suisse, minimisent systématiquement la volonté des autorités cantonales d'améliorer la situation des personnes privées de liberté et leur fassent finalement regretter de jouer cartes sur table» (réponse du DJPT au rapport de mars 1994 d'A.I., page 52).

B. Lors de ses visites et des auditions auxquelles elle a procédé, la commission a constaté que les conditions de détention étaient normales, voire bonnes. Elle n'a recueilli aucune déclaration ou plainte au sujet d'éventuels mauvais traitements qui auraient été infligés à des détenus par le personnel des établissements.

Les griefs émis ressortissaient principalement aux domaines matériel et médical. Ils ont été transmis et discutés avec les responsables des établissements, respectivement de l'IUML. La commission a reçu des réponses et des explications satisfaisantes et a constaté que les cas médicaux soumis avaient été rapidement suivis d'effet.

Elle a toutefois relevé que, dans quelques établissements visités, son rôle n'était pas parfaitement compris par certains détenus qui avaient demandé à être entendus. Elle recommande donc, qu'à l'instar de ce qui se fait à Champ-Dollon, ses visites soient annoncées, avec un rappel de ses compétences et de ses limites. Elle invite le département à mettre au point un formulaire d'information dans ce sens, en plusieurs langues.

C. Au cours de cette année, la commission n'a pas encore pleinement utilisé les compétences élargies qui sont les siennes depuis 1993, notamment en ce qui concerne la visite des violons des postes de police. Elle se fixe pour prochain objectif de développer ce style de visites «à l'improviste».

La commission veillera également à ce que les locaux de détention soient conformes aux prescriptions du CPT et aux règles pénitentiaires européennes du 12 février 1987, édictées en annexe à la Recommandation n° R (87) 3 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe.

D. La situation des finances cantonales ne permet pas d'espérer la réalisation à court terme de tous les grands projets recommandés les années précédentes (p. ex. construction d'un bâtiment pour femmes à Champ-Dollon, agrandissement du quartier carcéral psychiatrique).

Toutefois, c'est avec satisfaction que la commission enregistre la constitution du groupe de travail interdépartemental mentionné plus haut, qu'elle encourage à mener avec diligence ses travaux en vue de réaliser le transfert du quartier cellulaire dans un étage de l'hôpital, réclamé depuis des années.

De même, suivra-t-elle avec intérêt le développement des négociations Vaud-Genève dans le cadre du projet «Etablissement d'exécution de peines 2000».

E. L'état de vétusté et d'exiguïté des locaux, constaté lors de la visite de certains postes de police, amène la commission à recommander au département de procéder sans trop tarder à des rénovations et améliorations. Il lui paraît en effet indispensable que les policiers aient des conditions de travail plus acceptables que celles qui prévalent encore trop souvent eu égard notamment à l'accueil des visiteurs. Si l'on songe notamment aux personnes venant déposer plainte (dans le cadre de la loi fédérale sur l'aide aux victimes), on se doit de leur offrir un minimum de confidentialité, et donc d'avoir un local prévu à cet effet.

F. Enfin, la commission félicite encore M. Gérard Ramseyer, chef du DJPT, ainsi que ses collaborateurs, pour l'esprit de transparence dont ils font preuve et pour les mesures et dispositifs mis en place - notamment les directives sur la détention dans les locaux de la police - en vue de mieux prévenir, voire de réprimer plus efficacement tout emploi excessif ou injustifié de la force publique.

** *

En date du 22 novembre 1994, la commission a accepté ce rapport à l'unanimité. Elle invite le Conseil d'Etat et M. le procureur général à porter une attention particulière à ses conclusions et recommandations.

PLAN DU RAPPORT

I. Introduction

II. Rappel du rôle de la commission

 a) Les visites prescrites ou habituelles

 b) Les visites non annoncées des établissements et des postes de police

III. Activités de la commission en 1994

 a) Les visites d'établissements

  1. La Maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc (1er février 1994)

  2. La Maison d'arrêt de Villars (3 mai 1994)

  3. La prison de Champ-Dollon (8 mars et 1er novembre 1994)

  4. La Tuilière (17 mai 1994)

  5. Les Etablissements de la plaine de l'Orbe (28 juin 1994)

  6. Les Etablissements de Bellechasse (27 septembre 1994)

 b) Les visites des postes de police de l'aéroport, de la Servette et de Pécolat (12 avril 1994)

 c) Les autres visites

  1. L'ancien CERA (13 mai 1994)

  2. L'audition d'un détenu à Champ-Dollon (22 juin 1994)

  3. Les violons du poste de police du Bourg-de-Four (21 octobre 1994)

IV. Statistiques et informations diverses

 a) La situation à Champ-Dollon

  1. Le nombre de places

  2. Les effectifs de 1977 à 1993

  3. Le nombre de détenus le 18 octobre 1994 à 12 heures

  4. La durée de la détention

  5. Les constats de lésions

 b) Le taux d'occupation des établissements genevois de détention

 c) Le placement des personnes condamnées par les tribunaux genevois

 d) Le travail d'intérêt général et les astreintes au travail

 e) Les congés

 f) Le déplacement du quartier cellulaire de l'Hôpital cantonal universitaire

 g) «EEP 2000»

V. Droits de l'homme

 a) Le rapport du CPT du 7 février 1992

 b) La prise de position du Conseil fédéral du 14 décembre 1992

 c) Les réactions des autorités genevoises

 d) Le rapport de suivi du département fédéral de justice et police du 1er juin 1994.

 e) Le rapport d'Amnesty International du 19 mars 1994

 f) La mise au point du DJPT du 2 novembre 1994

VI. Conclusions et recommandations

Débat

Mme Michèle Mascherpa (L), rapporteuse. On a pu lire récemment, sous la plume d'une journaliste, que ce rapport était laudatif à l'égard du département de justice, police et des transports. On peut effectivement en faire une telle lecture dans la mesure où la commission, lors de ses travaux et visites, à recueilli des informations de nature plutôt satisfaisante et encourageante.

Pour ma part, je considère ce rapport comme factuel, car il est le reflet objectif des travaux des commissaires et le constat fidèle de ce qu'ils ont vu et entendu. Ainsi que le lui confère l'article 230 du règlement du Grand Conseil, la commission recherche tout complément d'information qui lui paraît utile avant de présenter son rapport annuel au Grand Conseil. En l'occurrence, il nous a paru utile de compléter notre rapport annuel par un chapitre consacré aux droits de l'homme. En effet, après le rapport d'Amnesty International sur les prétendus mauvais traitements pendant la garde à vue en Suisse, et à Genève en particulier, il nous a semblé important de mettre en exergue les mesures et dispositifs mis en place par le DJPT depuis 1991 aux fins de prévenir, voire de réprimer, l'emploi abusif de la force par la police.

C'est la raison pour laquelle nous avons reproduit les passages les plus significatifs à cet égard de ce que l'on appelle le «rapport Riat». Je vous rappelle que la commission est compétente depuis peu pour faire des visites à l'improviste dans les violons des postes de police. Toute allégation de mauvais traitement pendant cette période de détention sous contrôle de la police la concerne donc au premier chef et elle compte bien, au cours de cette année, user plus largement qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent de ce «droit d'initiative».

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Premier point. J'aimerais dire ma satisfaction de voir que ce que nous avons mis si longtemps à mettre en place, à savoir la possibilité pour la commission d'aller à l'improviste visiter un certain nombre de lieux de détention, commence à fonctionner, et je remercie la commission d'avoir contribué à ce début de travail.

Deuxième élément. Il est fait état, dans ce texte de la commission des visiteurs officiels, du rapport d'Amnesty International. Ce n'est pas le lieu pour en parler maintenant, mais j'annonce, d'ores et déjà, que je viens de déposer une interpellation sur ce rapport d'Amnesty International ainsi que sur la réponse du Conseil d'Etat qui a suivi.

M. Gilles Godinat (AdG). Je ne ferai pas de commentaires précis sur le rapport. Il est de tradition, dans la commission des visiteurs officiels, de travailler avec un état d'esprit allant au-delà des divergences politiques. Les références habituelles de cette commission sont les valeurs essentielles dont nous avons débattu hier soir, en particulier sur la motion concernant la pédagogie des valeurs et contre la violence en milieu scolaire.

Les critiques faites à Amnesty étaient principalement d'ordre de la rigueur intellectuelle faisant défaut dans les accusations d'Amnesty, mais nous aurons l'occasion de débattre de ces questions. J'interviens aujourd'hui, parce que je suis scandalisé de l'attitude adoptée par les partis de l'Entente dans la procédure de nomination dans la commission des visiteurs officiels. J'ai été vice-président l'année dernière, et il semblait de tradition que les vice-présidents passent à la présidence. Or, les motifs invoqués pour refuser le tournus habituel des présidences de commissions, les accusations portées à mon égard, sont suffisamment graves pour que je m'exprime dans cette enceinte.

Il m'a été reproché, en effet, de participer à une manifestation publique au cours de laquelle le code de procédure pénale fédéral était vivement critiqué, notamment concernant la détention de détenus genevois, que nous avons appelé les «séquestrés de la police fédérale». Il y a eu deux manifestations de mille personnes qui sont descendues dans la rue pour protester contre cette procédure fédérale très critiquable qui est actuellement en discussion au Parlement fédéral. J'estime non seulement de mon droit mais de mon devoir de manifester, lorsque j'estime que les droits démocratiques dans ce pays sont bafoués. Or, on me reproche d'avoir participé à une telle manifestation pour pouvoir accéder au poste de la présidence de cette commission. J'estime, Mesdames et Messieurs de l'Entente, que c'est un choix politique aberrant et inacceptable. (Bravos et applaudissements.)

M. Chaïm Nissim (Ve). Je veux appuyer fermement les propos de M. Godinat.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je reviens au rapport pour me féliciter de l'activité particulièrement importante de la commission des visiteurs officiels. Je l'ai dit, mais je le répète avec plaisir, plus cette commission visitera de postes, plus elle sera active et plus mon département en sera satisfait, car c'est le garant du bon fonctionnement de notre système de police.

J'aimerais ensuite insister sur deux remarques de la commission. C'est d'une part le déplacement du quartier cellulaire de l'hôpital cantonal universitaire, un projet important auquel nous devons nous attacher, et, d'autre part, la réalisation à terme d'un établissement d'exécution de peine sur territoire vaudois. Je rappelle ici que, si le Conseil d'Etat - ce sera fait en principe lundi - donne son accord de principe à cette réalisation, il va de soi que le parlement genevois sera intéressé de manière très étroite, d'une part, à la conception de cet établissement, d'autre part à sa réalisation et, enfin, à son exploitation.

Dans ce rapport figure en page 35 une invite visant à mettre au point, au niveau du département, un formulaire d'information en plusieurs langues relatif au droit des détenus d'être auditionnés par cette commission. Je remercie la commission de cette suggestion à laquelle nous donnerons suite aussi rapidement que possible.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.