République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 20 janvier 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 3e session - 3e séance
P 1051-A
PÉTITION
concernant la demande d'asile de M. Abaz Kryeziu et sa famille
Mesdames etMessieurs les députés,
Par la présente, nous nous permettons d'appuyer la demande d'asile en Suisse de M. Abaz Kryeziu pour l'obtention d'un permis humanitaire pour lui, et son fils et toute sa famille.
Ayant côtoyé cette famille pendant trois ans et demi lors de son passage au foyer AGECAS de Presinge, nous avons pu constater la façon exemplaire dont les parents éduquent leurs enfants.
De même leur volonté de travailler pour se rendre autonome. La rigueur, l'honnêteté, la ponctualité et la gentillesse sont les traits marquants de toute cette famille.
Nous ne pouvons que cautionner leur demande pour que tous les membres de cette famille puissent trouver refuge dans notre pays, terre d'asile pour les femmes et les hommes qui ont leur patrie déchirée par les conflits et menacée par les Serbes.
Nous vous remercions de prendre en considération notre demande, nous Suisses qui sommes privilégiés.
Nous vous prions d'agréer, Mesdames et Messieurs les députés, l'expression de nos considérations distinguées.
N.B. : 48 signatures
M. .
Rte de la Louvière 3
1243 Presinge
La commission des pétitions s'est réunie pour étudier l'objet sus-mentionné les 7, 14, et 28 novembre 1994, sous la présidence respectivement de M. B. Lescaze (7 et 14 novembre) et de Mme L. Johner (28 novembre).
Auditions
Le 14 novembre 1994, la commission a auditionné MM. Pellaud et Frésard. Il ressort de ces auditions que la famille Kryeziu, originaire du Kosovo, vit en Suisse depuis trois ans et demi. Il s'agit d'une famille de9 personnes: le père, la mère et 7 enfants âgés de 6 à 17 ans. La famille est restée au foyer de l'AGECAS à La Louvière pendant un an puis a trouvé un logement aux Pâquis. Le père avait été engagé comme aide de cuisine à La Louvière et continue à y travailler. Actuellement la famille entière vit du travail du père de façon indépendante.
MM. Pellaud et Frésard témoignent tous deux de la bonne éducation de l'ensemble de la famille et de la qualité de l'intégration des enfants dans leur milieu scolaire.
La décision de renvoyer cette famille au Kosovo (au 31 octobre 1994) émane de l'Office fédéral des réfugiés. La famille Kryeziu s'est ainsi vue privée de ses documents d'identité.
Il s'avère cependant que Mme Kryeziu est diabétique et qu'elle ne pourrait pas bénéficier de soins adéquats si le retour au Kosovo était effectif.
La commission décide d'auditionner un représentant du département de justice et police et des transports afin de mieux s'informer de la situation précise de cette famille, mais aussi de celle des Kosovars en général, ainsi que des possibilités d'intervention au niveau cantonal lors de décisions prises au niveau fédéral.
M. Gut est auditionné à cet effet le 14 novembre 1994.
M. Gut apporte un certain nombre de précisions d'ordre technique concernant les demandes de prolongation, le droit de recours, le droit de famille, l'admission provisoire, les considérations médicales. Il précise qu'en l'occurrence tous les délais humanitaires sont respectés, et que, suite à l'envoi, par le Centre social protestant, d'un certificat médical concernantMme Kryeziu, la commission de recours a restituté le droit de recours qui avait été précédemment rejeté. M. Gut précise également que si le renvoi ne peut être exécuté pour les raisons médicales susmentionnées, il pourrait être prononcé une admission provisoire.
Discussions de la commission
Plusieurs députés d'indignent du possible renvoi de la famille Kryeziu au Kosovo, considérant l'insécurité politique qui y règne et le risque encouru. Ils souhaitent entendre une personne connaissant plus précisément la situation actuelle du Kosovo, mais cette proposition est rejetée par 7 voix contre(5 pour, 1 abstention). Par ailleurs, plusieurs députés estiment que le problème est général et déborde du cadre particulier de cette pétition et souhaitent avoir des précisions émanant du Conseil d'Etat sur la politique cantonale en matière de réfugiés. La proposition est faite d'auditionner à ce sujet le conseiller d'Etat. D'autres députés cependant estiment que l'information devrait plutôt se faire en plénière. Ils considèrent que, dans le cas particulier, l'affaire est close et n'est pas du ressort de la commission des pétitions, mais ils n'écartent pas la possibilité d'une autre action parlementaire sur le sujet en général. La proposition d'audition est rejetée par 6 voix contre (5 pour, 2 abstentions).
Relevons encore que la possibilité d'entreprendre d'autres actions parlementaires semble s'être concrétisée par le récent dépôt d'une motion, émanant d'un groupe de députés ne siégeant pas dans la commission, et allant dans ce sens, c'est-à-dire, une demande d'information sur la politique cantonale générale en matière de réfugiés.
Par ailleurs, il faut également mentionner qu'au vu des problèmes politiques actuels, il aurait été décidé, au niveau fédéral, de surseoir à toute expulsion au Kosovo jusqu'à fin janvier 1995.
La commission débat alors de la destination de la pétition: le renvoi au Conseil d'Etat est refusé par 6 voix (4 lib., 1 pdc, et le président, rad.), avec6 voix pour (1 éco., 2 soc., 2 adg, 1 pdc) et 1 abstention (rad.).
Finalement, la commission, dans sa majorité, vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, le dépôt de cette pétition sur le Bureau du Grand Conseil à titre d'information.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.