République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 décembre 1994 à 17h
53e législature - 2e année - 2e session - 49e séance
PL 7189
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:
Art. 84, alinéa 1, lettres f et g (nouvelle teneur)
f) 10% lorsqu'il l'a été pendant 10 ans et plus;
g) abrogé.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Tenant compte des déclarations faites par le Conseil d'Etat à la suite du scrutin du 4 décembre 1994, selon lesquelles il convient de trouver des économies supplémentaires, l'Alliance de Gauche considère qu'il faut aussi rechercher des recettes.
Ainsi, le Grand Conseil est invité à revenir sur la décision qu'il a prise le 23 juin dernier afin de rétablir l'imposition de 10%, sans limitation de temps, sur les bénéfices et gains immobiliers.
Cette proposition, qui vise à annuler les exonérations fiscales accordées le 22 juin 1994 par le Grand Conseil en matière de gains immobiliers, retient un taux d'imposition particulièrement modeste, en comparaison du taux retenu dans d'autres législations cantonales (25% à Zurich, 18% dans le canton de Vaud, notamment).
Il ne nous paraît en effet pas admissible de maintenir des cadeaux fiscaux de cette nature et leur annulation s'impose, vu les circonstances, avant de procéder à de nouvelles coupes dans les prestations de l'Etat.
Pour ces motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.
Préconsultation
M. Christian Ferrazino (AdG). Je n'entrerai pas directement en matière sur les raisons qui nous amèneront cet après-midi à refuser ce budget, puisque nous aurons l'occasion de le faire tout à l'heure.
Simplement, j'expliquerai très brièvement, puisque nous sommes en préconsultation et que je n'ai que cinq minutes pour le faire, les raisons pour lesquelles notre groupe a été amené à déposer ce projet de loi, ainsi que le suivant qui va être abordé tout à l'heure. En effet, nous estimons qu'avant de procéder à des coupes dans les prestations de l'Etat pour faire des économies, il convient, en premier lieu, d'annuler certains cadeaux fiscaux qui ont été récemment accordés par ce Grand Conseil à ceux qui font de bonnes affaires immobilières. Il me paraît, Monsieur Vaucher, tout à fait paradoxal de vouloir régler ces problèmes budgétaires, comme vous prétendez vouloir le faire, en proposant d'alléger la fiscalité immobilière. Il y a un problème au niveau du raisonnement que vous m'expliquerez tout à l'heure et je me réjouis déjà de vous entendre à ce sujet !
C'est d'ailleurs particulièrement choquant de prétendre vouloir le faire dans une période de crise telle que celle que nous traversons aujourd'hui. Pour cette raison, nous proposons, par le biais de ce projet de loi, de supprimer les cadeaux fiscaux qui ont été accordés en juin dernier par ce Grand Conseil en matière de biens immobiliers. Nous proposons - vous avez pu le constater - de retenir un taux de 10%; c'est donc un taux particulièrement modeste. Nous avons cité, à l'appui du projet de loi, les taux retenus par les cantons voisins. Celui du canton de Vaud est à 18% et celui de Zurich atteint 25% !
Ce taux très modeste est applicable lorsque l'objet vendu a été propriété de l'aliénateur pendant une période de plus de dix ans. Un élément n'était pas apparu dans le débat que nous avons eu en juin dernier, et je tiens donc à le relever. Une lecture attentive de la Feuille d'avis officielle vous amènera à constater que, contrairement à ce que certains semblent penser, ces ventes ne sont pas si rares que cela et pas si insignifiantes qu'on pourrait le croire.
Je ne citerai que deux exemples récents, intervenus postérieurement d'ailleurs à l'adoption de ce projet de loi, en juin dernier. Une grande propriété bien connue, située à la route de Malagnou - vous le savez - a été vendue il y a peu pour 26 millions. Une autre grande propriété, tout aussi connue, située à la route de Ferney, a été vendue récemment pour 8 millions.
Ces deux exemples vous montrent deux choses : contrairement à ce que certains avaient voulu nous faire croire à l'époque, d'une part, ces ventes ne sont pas si rares qu'on peut le penser, et, d'autre part, elles portent très souvent sur des montants très importants. Voilà la contradiction qui est apparue au moment où ces discours se multipliaient pour nous dire qu'il fallait trouver partout des économies ! Je me rappelle les propos de M. Segond nous expliquant que si les 5 millions pour Montana n'étaient pas trouvés, ce serait la catastrophe de notre budget. Regardez, M. Segond a aujourd'hui un sourire détendu, car il a trouvé 17 millions ailleurs ! Ce que nous vous disions, nous, lorsque nous débattions de Montana, c'est que l'argument qui avait été développé n'était pas très sérieux de la part du Conseil d'Etat.
Mais surtout restons logiques et cohérents ! Il me semble que c'est un point sur lequel nous pouvons être d'accord. Si nous voulons obtenir un budget, le plus équilibré possible - il semble que ce soit l'objectif - il faut en priorité ne pas supprimer les recettes fiscales de l'Etat. Ces gains immobiliers que le Grand Conseil a voulu supprimer, il y a quelques mois de cela, ne sont pas acceptables dans la situation que nous connaissons, ce d'autant plus - et nous le disions à l'époque - que ces gains pourraient rapporter plusieurs millions, voire plusieurs dizaines de millions. Aucun chiffre précis n'a été avancé, mais nous pouvons affirmer un tel ordre de grandeur, lequel n'est d'ailleurs pas contredit par le représentant du département des finances !
Cela étant, nous pensions demander la discussion immédiate sur ce projet de loi, car - vous l'avez compris - il concerne directement le budget que nous allons aborder tout à l'heure. Certains députés des bancs d'en face nous ont fait part de leurs souhaits de vouloir examiner plus attentivement les incidences financières qui résulteraient de ces projets de lois dans le cadre d'un travail en commission. Notre groupe a toujours été favorable - vous le savez et nous avons eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises - au renvoi en commission pour l'étude de ces projets. Dans cet esprit, nous accepterons ce renvoi en commission, à la double condition qu'il ne s'agisse pas d'une mesure dilatoire et que ce projet de loi soit rapidement examiné par la commission fiscale qui sera amenée à le traiter.
M. Michel Balestra (L). Je trouve tout à fait regrettable que nos collègues de l'Alliance de gauche présentent deux projets sur lesquels ils ont été battus, il y a quelques mois seulement !
Certes, aucun règlement ne l'interdit. Certes, nous sommes maîtres de notre ordre du jour, et, à ce sujet, je trouve également regrettable qu'il n'y ait pas eu de majorité pour refuser cette adjonction à cet ordre du jour. Ces projets sont, somme toute, mineurs par rapport à l'importance du budget que nous allons aborder et voter aujourd'hui. Je trouve tout à fait aberrant de recommencer un débat de technique fiscale aujourd'hui ! Mais, toutes ces erreurs ayant été commises, ce Grand Conseil doit être cohérent et refuser ces deux projets de lois en discussion immédiate, sans entrer sur le fond, mais pour la forme !
M. Bénédict Fontanet (PDC). Après avoir amplement discuté de ces problèmes de fiscalité immobilière, mon avis rejoint celui de mon collègue, M. Balestra, même si durant ces discussions nous avons échangé quelques noms d'oiseaux !
Le problème est le même pour les deux projets : revoir l'imposition de la vente d'immeubles lorsque le propriétaire l'a été pendant plus de dix ans ! Il me semble que cette question a été pleinement et largement débattue, et il n'y a donc pas de raison de revenir sur cette affaire.
Cela étant, nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission. En effet, nous estimons que, plutôt que d'en discuter dans le cadre passionnel d'un budget et d'y passer des heures, il vaut mieux en débattre sereinement en commission, quand bien même le groupe que je représente souhaite que la décision prise en juin passé soit confirmée.
S'agissant du projet qui porte sur la liquidation des sociétés immobilières, le problème est intéressant. Nous en avions débattu un peu rapidement, me semble-t-il, en juin passé. C'est une question qui mérite d'être réexaminée et mon groupe souhaite effectivement que ce projet soit renvoyé en commission.
De grâce, que ces deux affaires ne soient pas débattues en discussion immédiate ! Nous avons assez à faire dans le cadre du débat budgétaire et ces projets méritent bien qu'on les examine pendant une ou deux séances en commission, sereinement et à tête reposée.
Mme Christine Sayegh (S). J'ai l'impression que l'on parle conjointement des deux points 31 bis et 31 ter.
Nous sommes également favorables au renvoi en commission. Nous avions, effectivement, déjà discuté des problèmes et des implications fiscales en commission du point 31 bis. Il serait peut-être bon de le revoir. Quant au point 31 ter, nous avons déjà soutenu l'amendement qui avait été présenté par l'Alliance de gauche, dans la séance du 23 septembre dernier. Nous persistons à soutenir ce projet de loi qui paraît tout à fait pertinent.
D'ailleurs, si on reprend le Mémorial de cette séance, on peut se rendre compte que le risque de voir les sociétés immobilières ne pas se liquider pendant le délai de cinq ans est grand, puisqu'il serait possible d'utiliser ce délai pour économiser des impôts. Je pense que la révision de la taxation des actionnaires est tout à fait possible et qu'il serait bon de revoir plus sereinement cette question en commission.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est rejetée
Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.