République et canton de Genève

Grand Conseil

M 771-B
22. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et M. Vesca Olsommer et Roger Beer demandant à l'Etat de Genève - dans son rôle de maître d'oeuvre - de promouvoir très sérieusement le bois indigène (suisse ou étranger) dans la construction. ( -) M771
 Mémorial 1992 : Lettre, 6. Développée, 280. Commission, 294.
 Mémorial 1993 : Rapport, 4282. Motion, 4284.

Rappel du texte

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 l'effort important entrepris par l'économie du bois et des forêts, appuyé par les instances fédérales compétentes, pour augmenter l'utilisation du bois suisse sous toutes ses formes, notamment dans la construction ;

 que cet effort de promotion a conduit à la naissance de Lignum-Genève, communauté genevoise d'action en faveur du bois, dont l'Etat est un des membres fondateurs ;

 qu'il faut constater que chaque année la forêt suisse produit 6,8 millions de m3 de bois, dont seuls 4,5 millions sont exploités ;

 que le bois représente une de nos seules matières premières renouvelable et non polluante ;

 qu'une exploitation plus intensive pourrait contribuer à l'amélioration de l'état de nos forêts tout en assurant leur pérennité ;

 qu'enfin l'économie forestière représente un secteur important de notre économie, assurant un revenu à des régions marginalisées,

invite le Conseil d'Etat

 à mener une politique plus active envers l'utilisation du bois indigène (suisse ou étranger) dans la construction et l'aménagement des bâtiments publics ;

 à faire procéder, au besoin, à des études comparatives portant sur les coûts globaux et avantages réels du bois et des autres matériaux de construction tels que béton ou acier.

REPONSE DU CONSEIL D'ETAT

Cette motion a été présentée le 7 janvier 1992 au Grand Conseil.

Elle a été étudiée par la commission des travaux en date du 18 mai 1993, selon son rapport M 771-A, commission qui a rappelé que cette motion n'était pas particulièrement liée au chantier de la halle 7 de Palexpo mais qu'elle se situait dans un contexte plus général.

A l'unanimité, la commission des travaux a invité les députés à approuver cette motion ; cette dernière a été approuvée par le Grand Conseil dans sa séance du 24 juin 1993 et renvoyée au Conseil d'Etat.

Il y a lieu de relever qu'elle a donné lieu à la loi n° 6936, du 12 février 1993, octroyant un crédit supplémentaire de 600 000 F pour couvrir une partie du surcoût de la charpente en bois de la halle 7 de l'extension de Palexpo.

D'autre part, une proposition de motion 930, concernant la rénovation du Palais Wilson, déposée le 6 juin 1994 au secrétariat du Grand Conseil, invite le Conseil d'Etat à poursuivre une politique plus active envers l'utilisation du bois dans la construction des bâtiments publics, suite au vote de lamotion 771.

Débat

M. Roger Beer (R). Il est toujours un peu difficile - et j'en suis gêné ce soir - d'exprimer un avis mitigé sur une réponse de notre conseiller d'Etat préféré, pour reprendre les termes de M. Schneider !

Une voix. Encore ! Ça va faire des jaloux !

Une autre voix. Harcèlement !

M. Roger Beer. Malgré tout, je dois vous avouer que la réponse du Conseil d'Etat, qui tient en vingt lignes - eh oui - est un peu frustrante !

La réponse est vraiment plus que succincte par rapport aux invites de la motion.

L'invite demandait au Conseil d'Etat d'avoir une politique plus active pour promouvoir l'utilisation du bois indigène dans la construction et l'aménagement des bâtiments publics. Eh bien, aujourd'hui, je me demande où est cette politique active ! J'avoue avoir quelque difficulté à trouver la liste des projets du Conseil d'Etat ou de la République et canton de Genève qui promeuvent le bois. C'est pourtant une matière renouvelable utilisable pour d'autres affectations que portes, fenêtres, pupitres et parquets.

Enfin, malgré ces remarques, je remercie vivement le Conseil d'Etat d'avoir répondu à une motion du Grand Conseil pour que la Halle de Palexpo se fasse en bois. Il faut le dire : tout le monde de la construction en Suisse parle de cette réalisation genevoise, et le canton pourra en être très fier.

Madame, Messieurs du Conseil d'Etat, dans le dernier paragraphe, vous vous référez à la motion 930 concernant la rénovation du Palais Wilson. Cette référence me paraît cavalière, voire indélicate, lorsqu'on sait que le bois a été chassé du Palais Wilson !

M. Max Schneider (Ve). Je ne suis pas frustré par ce rapport, mais j'aurais bien voulu parler à M. Joye avant d'intervenir.

Du point de vue de l'économie de marché, nous devrions écouler, en Suisse, environ 7 millions de m3 de bois par année. Or, nous en écoulons 4 millions seulement. A côté de cela, nous offrons des subventions à hauteur de 400 millions de francs suisses aux producteurs de bois. Il y a un manque évident d'encouragement à l'utilisation du bois en Suisse pour le bois de chauffe comme pour le bois de construction.

Je m'adresse maintenant plus spécialement aux architectes et aux personnes qui élaborent les règlements au sein du département des travaux publics. Les règlements genevois sont en retard sur ce qui devrait être fait dans les constructions en bois. Je pense notamment aux normes genevoises dans la construction des HLM et toutes les autres constructions en bois. (Remarques et quolibets fusent.) Eh oui, il est aujourd'hui possible de faire des constructions tout en bois ! (Rires.)

Le président. J'aimerais bien que l'on arrive à la fin de ce département. Je vous ferai alors une proposition !

M. Max Schneider. Certains cantons, comme Appenzell, Valais, Berne et Zurich, appliquent déjà de tels règlements. Le professeur Wiederkehr de Lenzburg, qui est une autorité en la matière selon mes collègues spécialistes du bois, a effectué des tests scientifiques démontrant, par exemple, que l'on peut utiliser des murs en bois comme des murs coupe-feu ou résistant au feu, selon la norme F 180.

M. Michel Balestra. Des HLM en bois !

M. John Dupraz. On peut aussi faire des cure-dents ! (Fou rire général.)

M. Max Schneider. C'est dire que le bois est tout aussi résistant que d'autres matériaux de construction. Grâce aux perfectionnements technologiques, il est également possible de faire des dalles en bois pas plus épaisses que des dalles en béton. Ces possibilités pourraient être utilisées à Genève, puisque nous avons des ingénieurs et des architectes qui sont prêts à le faire. Malheureusement, nos règlements ne nous le permettent pas. Il faudrait donc apporter les modifications nécessaires à ces règlements. Cela permettrait de répondre à la demande des motionnaires de promouvoir sérieusement le bois indigène en Suisse. J'aimerais bien que M. Joye me réponde à ce sujet.

Pour la petite histoire - que je tiens d'un collègue - il pousse en Suisse 700 m3 de bois à l'heure ! La Halle de Palexpo a nécessité 5 000 m3 de bois de sciage pour réaliser la charpente. Il a donc fallu sept heures de pousse de la forêt suisse pour fournir le volume équivalent de bois de Palexpo ! Nous avons des ressources que nous gaspillons, ou plutôt que nous utilisons mal, dans notre pays. Voilà pourquoi, dans un esprit confédéré, j'invite M. Joye à modifier ces règlements pour que nous soyons à la hauteur de ce que font les suisses allemands aujourd'hui !

M. Christian Grobet (AdG). Il est un peu regrettable - c'est vrai que nous sommes au terme d'une soirée un peu fatigante - que les propos pleins de bon sens de M. Schneider suscitent plus de ricanements de la part de certains que d'intérêt ! Pourtant, le problème est extrêmement important sur le plan écologique. Moi, je rends hommage à M. Beer d'avoir été l'un de ceux qui, à Genève, a tapé sur le clou de l'utilisation du bois dans le domaine de la construction. (Charivari et brouhaha.) Je vois que cela continue à susciter le sourire.

Nous avons un retard incroyable à Genève dans ce domaine. Dans les pays scandinaves, l'utilisation du bois est très intense, comme, du reste, en Suisse alémanique - cela a été souligné tout à l'heure. Monsieur Schneider, pour moi le manque d'utilisation du bois ne tient pas aux règlements. Comme M. Büchi l'a souligné, il est plutôt dû à l'ignorance «crasse» des milieux professionnels sur les possibilités offertes par le bois dans le domaine de la construction. C'est effectivement un matériau qu'il faut utiliser impérativement dans le cadre d'une saine économie forestière de notre pays. On sous-estime le rôle joué par la forêt dans l'équilibre de notre écosystème national.

Alors, je lance un autre appel au chef du département, car je pense que c'est le rôle de l'Etat de faire preuve d'innovation. Je remercie M. Beer d'avoir rappelé que nous en avons fait preuve pour Palexpo. Nous l'avons également fait dans d'autres domaines de construction de l'Etat. Il est évident que l'Etat doit montrer l'exemple, mais, Monsieur Joye, pour cela il faut une véritable volonté politique.

Des voix. Aahhhh !

M. Christian Grobet. J'aborde le deuxième sujet, pour ne pas le faire plus tard. Je regrette que vous n'ayez pas eu cette volonté pour le Palais Wilson. Je reconnais que la partie était difficile avec les représentants de la Confédération qui ne voulaient pas prendre ce risque. Le fond du problème réside dans l'obligation, pour les mandataires, d'utiliser ce matériau. En effet, si l'Etat ne montre pas l'exemple, ce ne sont pas les règlements, Monsieur Schneider, qui changeront les choses. Le meilleur exemple est précisément celui du Palais Wilson, où des «trouillards» n'ont pas osé aller de l'avant dans ce projet...

Une voix. Grossier !

Une autre voix. Vilain !

M. Christian Grobet. (L'orateur hausse le ton pour se faire entendre.) ...qui était pourtant parfaitement étudié ! (Remarques et contestation.) Je ne critique pas le chef du département, mais les responsables de la Confédération !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je répondrai de la manière suivante.

Monsieur Beer, le thème du bois a été traité au moins quatre fois, depuis 1992, dans cet aréopage de façon assez complète dans les R 276, M 930 et M 971-B. Ce thème a été poursuivi violemment - de façon très sympathique du reste - par un lobby du bois extrêmement bien organisé, qui n'a pas manqué de se manifester et qui est descendu dans l'arène, ce qui a permis aux gens qui prônent l'utilisation du bois d'arriver à leurs fins pour le cas de la Halle no 7.

Monsieur Schneider, vous dites que nous produisons 7 millions de m3 de bois et que seulement 4 millions de m3 sont utilisés. Je ne peux pas vous donner les chiffres maintenant, mais je vous communiquerai ceux qui concernent la production des matériaux de construction : la brique, le béton et l'acier - domaines dans lesquels des produits naturels sont utilisés et qui fournissent des emplois. Vous pourrez constater que nous sommes également en surcapacité de façon dramatique. Cela a tout de même l'avantage de permettre d'utiliser le matériel adéquat, car pour cela il faut être prudent.

M. Grobet a en partie raison s'agissant de l'utilisation du bois par les ingénieurs et les architectes. Toutefois, il oublie qu'il y a à Lausanne une chaire de construction en bois tenue par le professeur haut-valaisan Nattecher, qui est très réputée. Le bois a été extrêmement bien encouragé. Certains constructeurs réalisent des villas en bois très économiques, et cela fait une très grande pression dans le domaine de la construction de maisons familiales, par exemple.

Monsieur Schneider, une étude comparative menée par M. Dormond, auprès duquel je vous prie d'aller vous renseigner, est actuellement en cours au département. Nous avons pris connaissance de tous les règlements des différents pays concernant la manière d'utiliser le bois et, à ma grande surprise - car j'étais assez convaincu du contraire - les normes qui sont les nôtres sont très proches des normes européennes. Toutefois, nous continuons les vérifications, et je souhaite que nous arrivions à une compatibilité d'utilisation du bois, dans le domaine de la construction, analogue à celle des Etats-Unis, par exemple.

M. Grobet a regretté que j'aie pris une décision contraire à la sienne au sujet du Palais Wilson. Mais vous savez que je suis arrivé à un moment où il était impossible de faire machine arrière - je vous l'ai déjà expliqué une fois. La Confédération menaçait d'interjeter recours contre le permis de construire qui avait été délivré par mon prédécesseur le lendemain de la séance que nous devions avoir avec elle si nous ne le délivrions pas, comme elle le désirait. J'ai estimé que l'intérêt général du bâtiment passait avant l'intérêt du matériau de construction. Je ne crois pas, en mon âme et conscience, vu le parti architectural qui avait été choisi, que l'usage du bois apportait grand-chose. Il aurait pu apporter quelque chose s'il avait été employé à bon escient avec un parti architectural différent, mais cela est une autre affaire.

S'agissant de l'adéquation du bois à la Halle de Palexpo, je vous rappelle qu'elle a été construite avec beaucoup d'enthousiasme. Mais, maintenant, un sinistre est survenu qui a nécessité l'intervention du professeur Guerri, pour servir d'intermédiaire entre les producteurs de bois et les industriels appelés à le mettre en oeuvre. Les contreventements présentent des fissures dues à une erreur de conception. En cas de neige, répartie de manière asymétrique sur les fermes, l'ouvrage peut être mis en péril. La qualité des bois est discutable. Nous devons renforcer et réparer le lamellé-collé par des injections de résine, par des ajouts de contreventements, et tout cela doit être fini avant la fin du mois de janvier 1995.

Le dégât a été parfaitement reconnu et tout le monde a été extrêmement sportif, mais vous constaterez avec moi qu'il n'est pas toujours facile d'insérer des constructions en bois dans un processus et dans un choix de construction qui avait plutôt été pensé en métal. Je ne fais aucune critique à l'égard des constructeurs de bois. Le constructeur principal a complètement assumé la responsabilité des erreurs de conception. Il a demandé d'entreprendre les travaux de consolidation immédiatement, sans attendre la prise de position de son assurance. Ce fait divers ne m'empêchera pas de prôner l'usage du bois partout où cela sera possible, mais cela devrait tempérer quelque peu les ardeurs de ceux qui veulent avoir du bois partout et nulle part !

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.