République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7153
10. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (augmentation de la compétence du Tribunal de police) (E 2 1). ( )PL7153

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:

Art. 28, al. 1, lettres b et d (nouvelle teneur)lettre e (nouvelle); al. 2 et 3 (nouvelle teneur)et al. 4 (nouveau)

b) des infractions au code pénal commises par négligence;

d) des infractions aux dispositions pénales du droit fédéral autre que le code pénal sous réserve de la lettre e;

e) des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants à propos desquelles le Ministère public n'entend pas requérir une peine supérieure à 5 ans de réclusion. Le Tribunal de police est lié par ce maximum de peine. Cependant, lorsqu'il estime qu'une peine supérieure devrait être infligée, il renvoie la cause au Ministère public. Cette décision n'est pas susceptible de recours.

2 Le Tribunal de police connaît, avec le consentement du prévenu, de toutes les infractions au code pénal pour lesquelles le Ministère public n'entend pas requérir une peine privative de liberté supérieure à 18 mois. Le Tribunal de police est lié par ce maximum de peine. Cependant, lorsqu'il estime qu'une peine supérieure devrait être infligée, il renvoie la cause au Ministère public. Cette décision n'est pas susceptible de recours.

3 S'il y a concours entre une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et une infraction à une autre loi, le Tribunal de police connaît également de cette autre infraction, dans les limites fixées à l'alinéa 1, lettre e. Si cette autre infraction est passible de la réclusion, le consentement du prévenu est nécessaire.

4 Le Tribunal de police exerce, en outre, les attributions qui lui sont conférées par la loi d'application du code pénal et de la loi fédérale sur le droit administratif, ainsi que par le code de procédure pénale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Introduction

1.  Introduite en décembre 1990, la «correctionnalisation» des affaires criminelles les moins graves a permis de réduire sensiblement le rôle de la Cour d'assises, en transférant à la Cour correctionnelle le jugement des infractions au code pénal passibles de plus de 5 ans de réclusion à propos desquelles le procureur général n'entend pas requérir une peine supérieure à 5 ans de réclusion (Mémorial des séances du Grand Conseil 1990, p. 1504 et suivantes, 4677 et suivantes).

C'est ainsi que les causes jugées par la Cour d'assises sont passées de 39 en 1990 à 25 en 1993.

Parallèlement, le nombre des affaires renvoyées en Cour correctionnelle, avec et sans jury, a augmenté et cette juridiction reste très chargée (84 causes en 1993).

2.  Une utilisation rationnelle de l'appareil judiciaire milite en faveur du transfert au Tribunal de police, dans le plein respect des droits de la défense, d'une partie des causes actuellement du ressort de la Cour correctionnelle.

Grâce, en particulier, à une utilisation accrue de l'ordonnance de condamnation par le Ministère public et les juges d'instruction, le rôle du Tribunal de police est en effet en nette diminution et cette tendance va encore s'accentuer à la suite du relèvement du plafond des ordonnances de condamnation intervenu récemment.

C'est le 30 avril 1993 que le Grand Conseil a adopté un projet de loi présenté par le Conseil d'Etat en vue d'augmenter les compétences du procureur général et des juges d'instruction en matière d'ordonnances de condamnation (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1993, p. 2447 et suivantes).

Ces magistrats peuvent désormais, lorsque les faits sont établis, prononcer des peines allant jusqu'à 6 mois d'emprisonnement contre 3 précédemment (art. 218 du code de procédure pénale). Rappelons que le condamné peut faire opposition à l'ordonnance de condamnation par simple déclaration au greffe du Tribunal de police (art. 218C).

L'ordonnance de condamnation avait été introduite en 1984, principalement dans le but de dégager les tribunaux pénaux des cas mineurs pour leur permettre de consacrer plus de temps aux affaires difficiles (Mémorial 1984, p. 494).

Elle s'est révélée une institution utile, permettant de traiter un nombre important de procédures à la satisfaction de la justice et de la grande majorité des justiciables concernés (Mémorial 1992, p. 6183).

3.  En outre, la nouvelle limite de l'ordonnance de condamnation se confond avec la compétence principale du Tribunal de police telle qu'elle résulte de l'article 28 de la loi sur l'organisation judiciaire.

Il se justifie par conséquent d'augmenter la compétence du Tribunal de police également pour conserver à cette juridiction une compétence distincte de celle du procureur général et des juges d'instruction en matière de condamnation.

A défaut, les compétences de cette juridiction de jugement ne se distingueront plus guère de celles des magistrats en charge de la poursuite pénale que par la cognition des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants dans les limites des articles 28 et 36 LOJ (jusqu'à 5 ans de réclusion).

Ce projet règle d'ailleurs également les cas de concours pouvant se présenter lorsque le prévenu est poursuivi pour des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et à une autre loi.

4.  Afin de décharger la Cour correctionnelle et de conserver une compétence propre au Tribunal de police, il vous est proposé de permettre au Tribunal de police de connaître, avec le consentement du prévenu, des infractions au code pénal pour lesquelles le Ministère public n'entend pas requérir une peine privative de liberté supérieure à 18 mois - contre 6 actuellement.

Les droits du prévenu ne sont aucunement prétérités par cette modification, puisque son consentement reste indispensable pour le faire juger par le Tribunal de police plutôt que par la Cour correctionnelle. Rappelons également que les jugements du Tribunal de police sont dûment motivés et peuvent faire l'objet d'un appel devant la Chambre pénale de la Cour de justice, laquelle revoit librement les faits et le droit (art. 239 et 246 CPP), alors que seule la voie de cassation est ouverte contre les arrêts de la Cour correctionnelle (art. 339 et 340 CPP).

5.  Ce projet vise à réaliser une réforme ponctuelle, demandée par le Pouvoir judiciaire, admise par les avocats et utile en toute hypothèse, c'est-à-dire indépendamment du résultat des travaux de la commission d'experts chargée d'étudier d'importantes réformes de la justice pénale, telles la réunion du Parquet et de l'Instruction. Le texte qui vous est présentement soumis a d'ailleurs été mis au point par ladite commission.

Commentaire alinéa par alinéa

Alinéa 1

lettre b): l'exception de l'homicide par négligence, actuellement soustrait à la cognition du Tribunal de police, est supprimée.

lettre d): le renvoi à la lettre e) (nouvelle) remplace celui à l'article 36, alinéa 2, lettre b).

lettre e): cette lettre, nouvelle, constitue le pendant de l'article 36, alinéa 2, lettre b. La compétence du Tribunal de police pour connaître des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants à propos desquelles le Ministère public n'entend pas requérir une peine supérieure à 5 ans de réclusion est désormais clairement énoncée, alors qu'actuellement il est nécessaire d'appliquer les articles 28, al. 1, lettre d) et 36, al. 2, lettre b) pour la déduire. La précision que le Tribunal de police est lié par ce maximum de peine correspond à la jurisprudence de la Cour de cassation (SJ 1992, p. 562). La faculté offerte au Tribunal de police, comme dans le cadre de l'alinéa 2, de décliner sa compétence lorsqu'il estime qu'une peine supérieure devrait être infligée répond à une exigence du Tribunal fédéral (SJ 1994, p. 241).

Alinéa 2

Il s'agit du principal objet de ce projet de loi: «18 mois» remplace «6 mois» afin d'augmenter la compétence du Tribunal de police. Pour le reste, cet alinéa demeure inchangé, sous réserve de sa dernière phrase, les termes «cette décision n'est pas susceptible de recours» remplaçant «cette décision est sans appel». La Cour de cassation a en effet jugé qu'une telle décision «d'avant dire le droit» ne pouvait être attaquée par des voies de recours ordinaires ou extraordinaires (SJ 1987, p. 321). Il ne s'agit donc là que d'un changement de terminologie et non de la suppression d'une voie de droit.

Rappelons également que le Tribunal de police n'est pas en droit de renvoyer la cause au Ministère public sans avoir au préalable entendu toutes les parties, afin qu'elles puissent s'expliquer sur le problème de la compétence (SJ 1986, p. 268).

Alinéa 3

Cet alinéa règle la compétence du Tribunal de police pour les cas de concours d'infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et à d'autres lois. A l'instar de l'alinéa 2 actuel, il réserve le consentement du prévenu (si l'autre infraction est passible de la réclusion) et prévoit que le Tribunal de police est lié par ce maximum de peine (5 ans, conformément à la lettre e)).

Alinéa 4

Il s'agit de la reprise de l'alinéa 3 actuel.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver le présent projet de loi.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.