République et canton de Genève

Grand Conseil

M 939
18. Proposition de motion de Mme et MM. Sylvia Leuenberger, Roger Beer, Dominique Belli et Chaïm Nissim concernant les CFC et la couche d'ozone. ( )M939

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- que le problème de l'amincissement de la couche d'ozone stratosphérique devient de plus en plus aigu, en Europe également;

- qu'une étude détaillée, parue dans le bulletin de l'office fédéral de la santé publique, fait état d'une dégradation de 2% tous les 10 ans de la couche d'ozone, entraînant une augmentation de 26% des cancers cutanés d'ici l'an 2000;

- que le département de l'action sociale et de la santé a pris les devants en publiant une petite brochure, «Mon enfant au soleil», pour prévenir les problèmes de cancers de la peau qui peuvent résulter d'une exposition trop importante aux UVB;.

- qu'en Nouvelle-Zélande, pays où le problème est le plus aigu, on en est à tatouer le mufle des vaches pour leur éviter le cancer, et à recommander aux enfants de ne pas sortir plus de 20 minutes par jour (Temps présent: «L'arnaque des vieux frigos»);

- qu'en Allemagne le recyclage des CFC 11 et 12 (les plus nocifs, ils durent 250 ans) est interdit (à cause des fuites toujours possibles), seule leur destruction immédiate étant une solution véritablement écologique;

- que la Ville de Lausanne a déjà suivi l'exemple allemand,

invite le Conseil d'Etat

à étudier les possibilités pour Genève à faire comme Lausanne et l'Allemagne, c'est-à-dire à imposer la destruction des CFC 11 et 12, plutôt que leur recyclage.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les CFC 11 et 12 sont les composants les plus toxiques pour la couche d'ozone stratosphérique, c'est la raison pour laquelle le premier protocole de Montréal en 1987 déjà a interdit leur production. Mais leur recyclage restait autorisé, les alternatives n'étant pas encore au point à l'époque pour les gros frigos industriels.

Le Conseil d'Etat, dans son excellent rapport M 542-B du 8 septembre 1993, précise que l'office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEPF) prévoit qu'avec les interdictions actuelles (interdiction de produire et d'importer) la consommation suisse devrait diminuer de 90% environ, et que pour la fin de la décennie l'interdiction de recycler entrera en force par un durcissement de l'Osubst (= ordonnance sur les substances dangereuses).

Cette position de l'OFEPF peut sembler raisonnable à première vue: «Laissons 10 ans aux frigoristes pour trouver une bonne alternative pour le froid industriel, pendant ces 10 ans ils emploieront les CFC traditionnels recyclés des vieux frigos.» Mais dans les faits elle n'est pas opérationnelle. En effet, dans les faits la plus grande partie des CFC des vieux frigos se perd dans l'atmosphère, et tend ainsi à augmenter vertigineusement les problèmes de la couche d'ozone. On peut s'en convaincre en visionnant l'excellente émission de Temps présent «L'arnaque des vieux frigos». Dans les faits, seule la solution allemande proposée par la maison Hoechst près de Francfort, c'est-à-dire l'incinération à 2800 8C de TOUS les CFC est valable écologiquement. C'est ce qu'a bien compris la municipalité de la Ville de Lausanne. C'est ce que cette motion propose au pharmacien cantonal, à l'écotox et à l'OCIRT.

Au niveau des alternatives, les dérivés du R134a sont maintenant assez au point pour les frigos de petite taille. Pour les frigos industriels, l'alternative est chère, elle demande souvent une modification de la tuyauterie, des pompes et des habitudes de travail des frigoristes, qui renâclent comme on peut le comprendre. Mais devant l'urgence qu'il y a à protéger les générations futures il vaut la peine d'investir quelques sous pour aider les frigoristes à se reconvertir vers des techniques moins polluantes. Il en va de la survie de l'humanité sur cette planète. Aujourd'hui déjà le public doit payer 70 F une vignette pour le soi-disant «recyclage» des CFC des vieux frigos. Sachant que cette solution est inefficace, à cause des fuites qui se produisent à tous les échelons, aussi bien dans les frigos que lors du transport ou du recyclage lui-même, pourquoi ne pas affecter le même argent, le produit des 70 F de la vignette, à la destruction pure et simple des CFC dans les fours de chez Hoechst, et à l'aide aux frigoristes pour leur reconversion industrielle à d'autres agents réfrigérants moins toxiques?

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je rappelle brièvement le fond du problème.

L'être humain, pour augmenter son confort personnel à court terme, c'est-à-dire pour se faciliter la vie en utilisant certains gadgets comme les aérosols, les réfrigérants, la climatisation dans les voitures ou la mousse synthétique, a favorisé la production industrielle des CFC. Les CFC sont ces fameuses substances chimiques à base de chlore qui sont si stables - car non solubles - qu'elles montent jusque dans la stratosphère, qu'elles peuvent y rester pendant des centaines d'années et qu'elles finissent par être décomposées par les rayons UV en dégageant des atomes de chlore et de brome, qui détruisent cette fameuse couche d'ozone si indispensable pour nous protéger des rayons ultraviolets.

Il s'agit d'un problème mondial, mais lié au mode de consommation des Occidentaux. Il a été reconnu et pris en considération par tous les gouvernements, qui ont mis sur pied un programme pour diminuer l'usage des CFC. A Genève, une petite brochure a été publiée par le DIP et le DASS, intitulée «Mon enfant au soleil», et qui a été distribuée aux élèves. Elle explique les dangers d'une exposition au soleil, soit les risques de développer un cancer de la peau. Distribuer ce genre d'information est certes indispensable, mais il est encore préférable que les adultes, responsables de la destruction de la couche d'ozone par leur mode de consommation, tentent de faire marche arrière et d'éliminer la cause de la destruction de cette couche protectrice. Si nous proposons, ici à Genève, une petite action pour essayer de limiter davantage les dégâts provoqués par les CFC, c'est que nous pensons que nous sommes tous concernés par ce danger et que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour contribuer à leur diminution, voire à leur destruction.

Le dernier paragraphe de l'exposé des motifs de notre motion explique très clairement ce que nous demandons. Si détruire les CFC des vieux frigos au lieu de les recycler est une mesure plus efficace et qu'il suffit pour cela d'affecter la taxe de recyclage à leur destruction, il n'y a aucune raison de s'opposer à l'étude de cette mesure.

C'est pourquoi nous vous proposons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Chaïm Nissim (Ve). Je vais compléter les propos de ma collègue Sylvia.

Vous avez donc compris que certaines de ces molécules lourdes de CFC montent dans la stratosphère. Elles se décomposent au bout de cent, voire quatre cents ans. Elles détruisent une centaine de milliers de molécules d'ozone pendant leur durée de vie.

Dans l'hémisphère sud, où les printemps austraux sont beaucoup plus froids - au moins -70 degrés suivant les années - un tiers voire la moitié de la couche d'ozone a déjà disparu.

Dans l'hémisphère nord, les chiffres sont moins inquiétants, mais on évalue à environ 10% la perte de notre couche d'ozone. Néanmoins, le phénomène s'amplifie.

Le risque d'attraper un cancer est beaucoup plus grand dans l'hémisphère sud que dans l'hémisphère nord. Il n'en reste pas moins que, par exemple en Norvège, durant les dix dernières années, le nombre de mélanomes malins a doublé dans la population. Un mélanome malin se manifeste par une petite pustule brune sur votre main, ou ailleurs. Il est déjà trop tard, dans la plupart des cas, lorsque vous allez consulter le médecin, car le foie, le cerveau, les poumons sont déjà envahis de métastases. Les mélanomes malins sont véritablement des «animaux» dont il faut se méfier terriblement !

Le but de notre motion est de limiter, autant que faire se peut, la production, la consommation et le recyclage des CFC. En Allemagne, ce recyclage a été vigoureusement interdit, et il a été décidé de brûler tous les CFC récupérés. On pensait que c'était la seule manière de se débarrasser définitivement de ces molécules terriblement nocives. En Suisse, nous avons une politique plus souple en la matière et nous avons décidé que pendant dix ans nous allions permettre le recyclage. Ce recyclage a été autorisé, car nous n'avons pas encore de substituts faciles à mettre en oeuvre pour les gros frigos industriels. Il faut faire encore pas mal de recherches à ce niveau, dans les tuyaux, les pompes, etc. si l'on veux s'abstenir de recycler les CFC.

Nous proposons, comme les Allemands, de brûler tous les CFC récupérés et d'utiliser la taxe de recyclage de 70 F, que vous payez chaque fois que vous jetez un vieux frigo, pour aider les frigoristes à se reconvertir. Je parle du froid industriel, puisque, dans les autres domaines, les dérivés du R 134 A sont déjà bien au point et fonctionnent. En effet, le recyclage pose des problèmes de fuite, malgré toutes les précautions que l'on peut prendre. Il y a des fissures et les CFC se perdent dans l'atmosphère, ce qui est regrettable. En les brûlant - il y a déjà un four qui fonctionne bien, près de Francfort - on évite ces problèmes.

Je vous invite à regarder l'émission «Temps Présent» dont j'ai commandé la vidéo et qui explique tout cela beaucoup mieux que je ne saurais le faire, en raison du manque de temps. Je vous engage donc à accueillir notre motion favorablement.

M. Roger Beer (R). La partie technique a été très bien expliquée par notre collègue. Le problème des frigos concerne tout le monde, d'où l'intérêt de cette motion. L'Etat, dans une politique bien sentie de l'environnement - notamment, du département de l'environnement - devrait essayer de mettre en place un système adéquat en la matière.

C'est pour cela que je vous invite à renvoyer cette motion à la commission de l'environnement. Cela nous donnera l'occasion d'obtenir des explications supplémentaires. Nous pourrons ainsi voir dans quelle mesure cela n'a pas déjà été envisagé.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Il me semble que Mme Leuenberger a demandé que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.

J'allais intervenir pour vous suggérer de la renvoyer en commission, comme vient de vous le proposer votre collègue, M. Beer. On demande au Conseil d'Etat d'étudier les possibilités pour Genève de faire comme Lausanne et l'Allemagne. Il y aurait déjà quelque chose à dire en ce qui concerne l'application qui en est faite à Lausanne. En renvoyant cette motion en commission, nous pourrons donner des explications plus complètes que nous ne pouvons le faire dans le cadre de ce Grand Conseil. C'est la raison pour laquelle je vous suggère de la renvoyer à la commission de l'environnement.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adoptée.