République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6920-A
a) Projet de loi constitutionnelle de Mme et M. Philippe Fontaine et Françoise Saudan modifiant la constitution de la République et canton de Genève (députés-suppléants) (A 2 1). ( -) PL6920Rapport de la majorité de M. Jean-Luc Ducret (DC), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
 Mémorial 1993 : Projet, 73. Commission, 104.
Rapport de majorité de M. Olivier Lorenzini (DC), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de minorité de Mme Michèle Wavre (R), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
PL 6921-A
b) Projet de loi de Mme et M. Philippe Fontaine et Françoise Saudan modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (députés-suppléants) (B 1 1). ( -) PL6921Rapport de la majorité de M. Jean-Luc Ducret (DC), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
 Mémorial 1993 : Projet, 73. Commission, 104.
Rapport de majorité de M. Olivier Lorenzini (DC), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de minorité de Mme Michèle Wavre (R), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

15. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier les objets suivants :

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Déposés le 15 novembre 1992, les projets de loi 6920 et 6921 ont pour but d'améliorer la qualité du service parlementaire en instaurant des postes de députés suppléants.

1. Travaux de la commission

La commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil, successivement présidée par M. Claude Blanc et Mme Fabienne Bugnon, s'est réunie à quatre reprises pour étudier lesdits projets de loi.

1.1 Audition

Le 15 septembre 1993: audition de M. Puippe, président du Grand Conseil valaisan, et de M. Montavon, vice-chancelier du Parlement de la République et canton du Jura.

M. Puippe a décrit la situation des députés suppléants du Parlement valaisan. Ceux-ci sont élus par le peuple. En Valais le suppléant a le même droit que le titulaire, il peut venir sans se faire annoncer. Lorsqu'il entre en salle, il est député de plein droit. La présence de députés suppléants «à part entière» permet une meilleure représentativité des différents secteurs d'activités, avec 260 représentants au lieu de 130, ainsi que la présence d'un plus grand nombre de jeunes et de femmes (il y a d'avantage de femmes suppléantes car il y a moins d'obligations). Les partis politiques sont mieux motivés et le relais d'information s'élargit, le désavantage est le dédoublement de la distribution d'information. Autre point négatif, cette façon de faire peut offrir au député une possibilité de se défiler. Seules les commissions permanentes ne sont pas ouvertes aux suppléants puisque l'on n'y est pas remplaçable. Le suppléant vote en s'annonçant au nom du député.

En Valais, le suppléant n'est jamais un conseiller personnel du député ni un membre du bureau. Le député et le député suppléant ne forment pas un couple, un député qui doit se faire remplacer cherche une personne ayant les mêmes compétences.

M. Montavon a expliqué qu'au Parlement du Jura, il y a 60 députés et27 suppléants; il se compose donc de 87 membres puisque les suppléants ont les mêmes droits que les députés.

2. Débat général

Sur le plan financier, la charge supplémentaire que représenteraient des députés suppléants serait de plus ou moins 175 000 F par année, sans compter l'équipement informatique de ceux-ci.

Il apparaît, à la suite de ces discussions, que les projets de loi 6920 et 6921 (élection de députés suppléants) viendraient compliquer l'organisation et le fonctionnement de notre Grand Conseil sans garantir pour autant une plus grande efficacité. Il faut relever que l'origine de la fonction de suppléant remonte à une époque où les déplacements (en calèche...) posaient problème, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Ceci dit, l'ensemble des commissaires est unanime quant à la nécessité d'une restructuration de notre Parlement visant à rationaliser et à améliorer le travail des députés.

Par 6 voix (lib., pdc) contre 5 (rad., soc., écol.) et 3 abstentions (adg), la commission n'est pas entrée en matière sur ces projets de loi et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les conclusions de la majorité de la commission.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

La familiarité avec l'adversaire rend celui-ci plus vulnérable et, souvent, plus séduisant. Hélas, cette maxime est restée ignorée de la majorité de la commission qui, pourtant, a reconnu qu'un réel problème se pose aux députés. Leur labeur est bien malcommode, semé d'embûches, rempli de doutes et d'interrogations. Où trouver tel renseignement? Comment rédiger tel texte? Quel financement? De quels appuis pouvons-nous disposer? Y a-t-il des moyens pour augmenter l'efficacité des députés, tout en limitant les coûts?

Mme Françoise Saudan et M. Philippe Fontaine avaient, en 1992, déposé un projet de loi dans le but d'introduire dans la constitution genevoise la fonction de député suppléant. L'idée n'en est pas nouvelle: on la voit déjà appliquée en Valais et dans le canton du Jura, à la satisfaction des intéressés, si l'on en croit les auditions pratiquées par la commission des droits politiques dans son ancienne composition. Le projet des députés Saudan et Fontaine était un des éléments du train de mesures proposées dans le manifeste radical «Des idées qui décoiffent», qui comporte également des modifications du mode d'élection au Conseil d'Etat ainsi qu'une solution moderne et eurocompatible au problème des incompatibilités.

Sans doute, la solution du député suppléant n'est-elle pas la panacée. Les auteurs du projet n'y prétendaient pas, du reste. Elle comporte même, nous l'admettons, certains inconvénients dont les principaux touchent à la notion de partage du mandat des députés, à la répartition du travail entre le député et son suppléant, et aussi un coût supplémentaire devisé à environ 172 000 F par année, ce qui ne paraît pas insurmontable.

Mais le projet était surtout un prétexte à une réflexion en profondeur, qui demeure indispensable - et urgente - de l'aveu de tous, et à une analyse fouillée de la fonction de député. Celui-ci éprouve souvent un sentiment d'impuissance à assumer efficacement son rôle de législateur et de garant du bon fonctionnement de notre démocratie. Il doit, pour faire correctement son travail, disposer de suffisamment de temps, d'informations, de contacts, de moyens financiers. Et, en fait, il manque de tout cela. Les députés unanimes le reconnaissent et le déplorent. Ils se plaignent d'être débordés, de n'avoir plus le temps d'étudier les dossiers toujours plus complexes, de prendre du recul par rapport aux problèmes, de trier le bon grain de l'ivraie politique. Nos parlementaires de milice sont fatigués. Si las, même, qu'au moment de s'attaquer enfin à ce qui entrave leur action, ils préfèrent renoncer à entrer en matière pour courir des lièvres plus ... tactiques.

On pourra, si on le veut, recourir à quelques artifices de procédure pour faire entrer par la fenêtre ce à quoi on a claqué la porte. La minorité se refuse à employer ce procédé car elle pense qu'il faut traiter de façon ouverte et claire un problème non seulement réel mais qui présente également une menace pour le respect des droits des citoyens.

En conséquence, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer le projet de loi à la commission des droits politiques.

6920

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

modifiant la constitution de la République et canton de Genève(députés suppléants)

(A 2 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:

Art. 49, al. 1 (nouvelle teneur)

Entrée en fonction

1 Les députés au Grand Conseil, les députés suppléants, les membres du Conseil d'Etat, les magistrats du pouvoir judiciaire, les conseillers municipaux et les magistrats communaux entrent en fonction après avoir prêté serment. La prestation de serment a lieu au plus tard dans les 30 jours qui suivent la date de leur élection, sauf en cas d'impossibilité justifiée.

Art. 70 (nouvelle teneur)

Généralités

1 Le pouvoir législatif est exercé par un Grand Conseil de 100 députés et 100 députés suppléants élus par le Conseil général au scrutin de liste, en un seul collège, d'après le principe de la représentation proportionnelle tempéré par un quorum de 7%.

2 Les députés suppléants élus sont les premiers «viennent ensuite» après les députés.

Art. 70 A (nouveau)

Fonction des députés suppléants

1 Les députés suppléants remplacent les députés dans l'exercice de leur fonction.

2 Lorsqu'il est fait mention des députés dans la présente loi, cela concerne également les députés suppléants.

Art. 76, lettre e (nouvelle)

e) aux réglementations de la fonction de député suppléant.

Art. 86, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)

b) soit sur la demande écrite de 30 députés et de 30 députés suppléants;

Art. 87, al. 2 (nouveau)

2 Les membres du bureau ne peuvent se faire remplacer par des députés suppléants.

Art. 89, al. 2 (nouveau)

2 Les députés suppléants exercent leur droit d'initiative en présentant:

a) une demande d'interpellation;

b) une question écrite;

c) un projet de loi, une proposition de résolution, une motion avec au moins un député titulaire.

Art. 89, al. 2 (nouveau)

2 Les députés suppléants peuvent assister aux séances à huis clos.

Art. 2

La présente loi entre en vigueur après les élections cantonales, du 17 octobre 1993.

6921

PROJET DE LOI

modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la Républiqueet canton de Genève

(B 1 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:

Article 1 (nouvelle teneur)

Définition

1 Le Grand Conseil est l'organe législatif du canton. Il est composé de 100 députés et de 100 députés suppléants.

2 Lorsqu'il est fait mention des députés dans la présente loi, cela concerne également les députés suppléants.

Art. 3, al. 2 (nouveau)

2 Les députés suppléants exercent leur droit d'initiative en présentant:

a) une demande d'interpellation;

b) une question écrite;

c) un projet de loi, une proposition de résolution, une motion avec au moins un député.

Art. 10, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)

b) soit sur la demande écrite de 30 députés et 30 députés suppléants;

Art. 12, al. 3 et 4 (nouveaux)

3 Le député empêché de prendre part à une séance désigne son remplaçant et en informe le bureau du Grand Conseil le jour précédant la séance.

4 Le député suppléant exerce sa fonction pour la totalité d'une séance.

Art. 14, al. 2 (nouveau,

les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4)

2 Les membres de ce bureau ne peuvent se faire remplacer par des députés suppléants.

Art. 27, al. 3 (nouveau,

l'al. 3 ancien devenant l'al. 4)

3 Le député suppléant qui quitte son groupe doit démissionner.

Art. 29, al. 2 (nouveau,

l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)

2 Les membres du bureau ne peuvent se faire remplacer par des députés suppléants.

Art. 124, al. 2 (nouveau,

l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)

2 Un député suppléant doit présenter un projet de loi avec au moins un député titulaire.

Art. 144, al. 2 (nouveau,

l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)

2 Un député suppléant doit présenter une motion avec au moins un député titulaire.

Art. 151, al. 2 (nouveau,

l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)

2 Un député suppléant doit présenter une résolution avec au moins un député titulaire.

Art. 2

La présente loi entre en vigueur après les élections cantonales, du 17 octobre 1993.

Premier débat

M. Jean-Luc Ducret (PDC), rapporteur ad interim. Je tiens à exprimer à Mme le rapporteur de la minorité que nous partageons, évidemment, son souci.

Le travail parlementaire est effectivement devenu très lourd, et la qualité des textes proposés pourraient s'en ressentir. Je rassure toutefois Mme Wavre, car, me référant à son rapport : nous ne sommes pas fatigués ! Notre travail est simplement mal organisé. Nous manquons de moyens financiers pour équiper le secrétariat de nos partis, notamment. Nous manquons également de moyens intellectuels... (Rire général.)

Une voix. Surtout à gauche !

M. Jean-Luc Ducret, rapporteur ad interim de la majorité. Je parle, bien sûr, des archives, de la bibliothèque et de toute la documentation qui pourraient aider le parlementaire. Mais je considère - et mon groupe avec moi - que les remèdes suggérés sont pires que le mal !

Le système des députés-suppléants a été mis en vigueur dans les cantons du Jura et du Valais, mais il m'apparaît totalement inadapté au travail parlementaire de notre canton. Il est tout d'abord coûteux, compliqué et il ne se justifie pas par les distances entre le siège du parlement et le domicile des députés, comme c'est le cas dans certains cantons.

En conclusion, je vous demande de ne pas entrer en matière et de refuser l'entrée en considération de ce projet.

Mme Michèle Wavre (R), rapporteuse. Le projet sur les députés-suppléants a pu sembler à certains un peu extravagant. En technique commerciale, on appellerait cela un «produit d'appel». En fait, l'objectif était d'attirer l'attention sur un problème qui mérite, justement, qu'on s'y intéresse et qui nous concerne tous très directement. Dans notre esprit, il voulait proposer une base de discussions.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Notre Grand Conseil est arrivé à la limite des capacités de fonctionnement d'un parlement de milice. Qui d'entre nous ne se plaint pas d'être débordé ? Un politicien qui veut faire du bon travail doit y passer un trop grand nombre d'heures.

Le rapport de majorité qui traite des projets de lois 6920 et 6921 en est, par ailleurs, la parfaite illustration. Je mets la minceur et l'insignifiance du rapport de M. Lorenzini sur le compte de sa surcharge de travail et sur le fait qu'il a tout simplement été dépassé par les débats qui ont eu lieu en commission !

Nous sommes d'accord avec la rapporteuse de la minorité quand elle affirme que la solution de député-suppléant n'est pas la panacée. Mais c'est au moins une proposition qui devrait amener la commission des droits politiques à avoir une réflexion plus poussée pour tenter de faire jaillir d'autres propositions.

Les discussions concernant la réforme du parlement reviennent régulièrement. Nous fonctionnons, encore aujourd'hui, pratiquement avec les mêmes moyens qu'il y a cent ans, alors que notre travail a considérablement augmenté. En effet, la législation devient de plus en plus complexe et technique. L'Etat libéral du XIXème siècle, qui se contentait de jouer au gendarme, est devenu un Etat interventionniste qui règle moult domaines de notre vie. Pour que cet Etat fonctionne bien, il faut que les institutions s'adaptent. Il peut être dangereux pour notre démocratie de laisser se détériorer les conditions de travail des députés. D'une part, le principe de la séparation des pouvoirs souffre de la faiblesse du Grand Conseil. Ce n'est plus le Grand Conseil qui fait les lois, mais les hauts fonctionnaires de l'administration, et il n'est pas du tout certain que les députés votent ces lois en parfaite connaissance de cause. D'autre part, le Grand Conseil ne peut plus exercer le contrôle des autres institutions comme l'exécutif et le pouvoir judiciaire, alors que c'est son rôle constitutionnel.

Selon mon groupe, un autre aspect, par rapport aux conditions de travail des députés, doit être souligné. En effet, vu que les députés travaillent quasiment gratuitement, ils ou elles n'ont aucune infrastructure à disposition, ou alors très peu. Une sélection automatique des personnes pouvant assumer cette tâche se fait dès le départ. En effet, seules les personnes aisées ou bien les hommes ou les femmes au foyer, dont le conjoint assume seul le travail lucratif, ont accès au parlement et peuvent faire leur travail correctement. Cela est nuisible à une bonne représentativité du parlement. Celui-ci devrait donc devenir plus professionnel et avoir à disposition des moyens plus considérables.

La réflexion doit être menée sérieusement. Faut-il aller vers un partage du travail au sein du parlement ? Je vous rappelle qu'une initiative parlementaire pour le «job-sharing» au niveau de l'exécutif et du législatif avait été lancée dans le canton de Zurich. Faut-il allouer aux députés un montant leur permettant d'avoir un collaborateur ou une collaboratrice, afin de mieux faire face au travail administratif sous lequel ils croulent ? Faut-il réfléchir à un autre moyen de financement des partis politiques, afin que les jetons de présence soient réellement la rémunération du député ?

Toutes ces questions sont, malheureusement, restées sans réponse. Le fait que même l'entrée en matière ait été refusée nous donne l'impression que la majorité de ce parlement trouve ces questions inintéressantes. Il y a eu refus de discussion, ce que le groupe socialiste déplore vivement.

C'est pour cette raison que nous demandons le renvoi en commission de ces deux projets de lois.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le groupe écologiste partage le souci des auteurs du projet de loi concernant la surcharge de travail incombant aux députés, et fort bien rapportée par Mme Roth-Bernasconi. Ce d'autant plus que, depuis que le Bureau nous demande de siéger assez régulièrement à 14 h 30, beaucoup d'entre nous ont un réel problème pour organiser leur vie professionnelle ou familiale. Malgré cela, nous n'avons pas caché en commission notre scepticisme par rapport à la proposition de députés-suppléants, aux coûts engendrés par cette proposition et aux problèmes d'organisation qu'elle pose.

Néanmoins, nous en avons voté l'entrée en matière, car il en va de la manière dont nous souhaitons traiter les projets de lois dans ce parlement. Avant de voter l'entrée en matière de ce projet, la commission a souhaité procéder à des auditions. Elle a dérangé le président du Grand Conseil du Valais, ainsi que le vice-chancelier du parlement de la République et canton du Jura. Après une timide ébauche de discussions, la majorité de la commission a refusé l'entrée en matière. Il eût peut-être mieux valu la voter d'entrée, car, dans ce cas précis, ce ne sont pas les auditions qui nous ont convaincus, puisqu'elles étaient plutôt favorables aux projets de lois.

Il en va de notre manière de fonctionner et permettez à une représentante de la minorité permanente, qui a si souvent vécu des désaveux semblables et infondés, de voler au secours du parti radical, peu habitué à un tel traitement, en demandant le renvoi de ce projet de loi en commission. Je rappelle que nous ne le soutiendrons pas dans sa version actuelle. Nous estimons toutefois que ce projet de loi représente une bonne base de discussion, afin de voir de quelle manière nous pouvons améliorer l'efficacité de notre travail de député.

Je demande donc formellement le retour de ce projet de loi à la commission des droits politiques et du règlement, d'autant plus que nous avons été saisis la dernière fois d'une série d'amendements.

M. Armand Lombard (L). Il est bien vrai que les parlementaires du Grand Conseil ne jouissent pas des meilleures conditions pour fournir un bon travail. Les moyens mis à disposition sont dérisoires. Les parlementaires sont totalement sous-équipés et ils sont surchargés de projets et d'idées. Finalement, l'équilibre qui devrait exister entre l'exécutif et le législatif ne peut être maintenu dans ces conditions, car le parlement, vu ces insuffisances, ne peut pas faire face aux excellents instruments dont dispose l'exécutif, lui-même.

Doubler le nombre de députés est une solution peu judicieuse, qui comporte de graves inconvénients. Le député n'est déjà pas assez compétent, ce n'est pas en en doublant le nombre que cela réglera le problème. Il y aura plus d'incompétents, c'est tout !

Le chiffre de cent a été fixé par la constitution de façon arbitraire, mais le problème ne sera pas résolu en le modifiant à 130, selon l'amendement qui nous a été soumis. Cent personnes doivent fournir un travail, et elles doivent s'organiser pour y arriver.

Mme Roth-Bernasconi nous dit que la commission a évoqué d'autres solutions éventuelles. Je regrette qu'elle n'ait pas proposé de contreprojet, ce qui aurait été très utile.

Je vais vous en citer quelques-uns, avec déjà le sentiment qu'il est présomptueux de le faire, puisque, pour être efficaces, il faudrait proposer des projets, comme Mme Saudan s'est donné la peine de le faire. Plusieurs pistes me paraissent importantes et il faudrait les sonder rapidement.

Tout d'abord, la répartition des tâches au niveau de la Cité, avec une meilleure assise régionale et davantage de commissions cantonales. Certaines responsabilités seraient ainsi transférées à d'autres instances.

Deuxièmement, une plus grande autonomie des services publics. Cela déchargerait le Grand Conseil de leur contrôle, tout en le laissant maître des grandes décisions. Le projet de loi sur l'université, tellement décrié par certains, en est un exemple.

Troisièmement, un soutien ad hoc aux députés, soit par la chancellerie, soit par une structure formée d'aides ou d'experts. Je note, quand bien même ce n'est pas un exemple et que la comparaison est audacieuse, qu'à la Chambre des représentants des Etat-Unis les députés disposent du soutien de dix-sept personnes et les sénateurs de vingt-huit personnes ! Bien entendu, je ne veux pas dire que c'est ce qu'il nous faut. Je pense néanmoins que les parlementaires devraient disposer d'un groupe de soutien à la chancellerie, ou ailleurs. De la même manière, des groupes de soutien aux commissions pourraient être créés. Pour reprendre l'exemple américain, la commission du budget du parlement dispose d'un énorme soutien pour «checker» le budget.

Dans les moyens plus simples, il y a également la diminution du nombre de députés par commission. Les députés sont surchargés, car ils participent à trop de commissions. Cela les disperse et ne leur permet pas de réfléchir suffisamment à tous les problèmes posés. Chaque député pourrait ainsi se concentrer davantage.

Par ailleurs - ce point avait été évoqué lors de la précédente révision de la loi portant règlement du Grand Conseil - les pouvoirs du président pourraient être élargis. Il pourrait, par exemple, avoir une responsabilité accrue sur les temps de parole alloués, sur les renvois pour une meilleure préparation, dans les cas de projets manifestement pas suffisamment structurés, ou autres.

Enfin - c'est la piste sur laquelle nous avons travaillé - les députés doivent disposer d'une meilleure information avec un soutien informatique plus important. Ce soir, nous avons reçu un livre explicatif sur les médias genevois. Cependant, pour n'avoir pas à chercher pendant une demi-heure où se trouve le document «qui contient la liste des documents», ces informations devraient être informatisées !

La proposition de Mme Saudan nous paraît inopérante sur plusieurs plans. Un caucus de deux cents personnes rend les choses très compliquées. Cela implique un système de convocations très complexe et très coûteux. Pour l'anecdote, six cents pages environ sont distribuées par député à chaque session, cela fait soixante mille pages. Si on devait les doubler, cela en ferait cent vingt mille ! Les efforts de lecture seront multipliés par deux, puisque les suppléants devront également lire toute la documentation. Cela me paraît totalement exagéré pour notre Cité. Diluer la fonction de député déresponsabiliserait ce dernier. Il ne faut donc pas accepter cette idée. En effet, elle n'améliore pas le fonctionnement du travail parlementaire, mais elle l'alourdit. Elle n'améliore pas la démocratie, au contraire, pas plus qu'elle n'améliore l'efficacité politique !

Pour toutes ces raisons, nous sommes opposés à ce projet de loi. Par contre, nous devrions nous prendre par la peau du cou pour proposer au Grand Conseil, aussi vite que possible, un certain nombre de pistes concrètes !

M. Christian Ferrazino (AdG). A la dernière séance, nous avons déposé des amendements sur ces projets de lois visant à maintenir l'idée d'un député-suppléant, mais d'en réduire le nombre, puisque la formule proposée est d'un député-suppléant pour cinq députés, soit vingt au total pour l'ensemble du Grand Conseil.

Monsieur Ducret, le manque de moyens intellectuels, dont vous sembliez vous plaindre tout à l'heure, ne devrait quand même pas nous empêcher d'avoir quelques idées ! M. Lombard en a suggéré un certain nombre, mais son parti - faut-il le rappeler - s'est tout de même opposé à l'entrée en matière de l'examen de ce projet de loi, qui posait justement les problèmes auxquels nous sommes confrontés ce soir.

Il faut donc être cohérents. Si nous nous accordons tous - ce qui semble être le cas - à reconnaître les difficultés rencontrées dans le cadre de l'exercice de notre mandat et si nous souhaitons tous trouver des moyens pour y remédier, je pense que la moindre des choses serait d'accepter d'entrer en matière sur le projet qui nous est soumis, tout en sachant - c'est précisément la position de mon groupe - que la proposition, telle qu'elle est formulée dans ce projet de loi, n'est certainement pas la bonne. Comme vous l'avez dit, elle est démesurée. Le principe même du député-suppléant peut valablement être envisagé selon nous, non seulement pour le travail qui peut être effectué au sein des différentes commissions, mais également, le cas échéant, dans le cadre des travaux en plénière.

L'amendement que nous avons déposé n'a pas l'ambition d'être voté ce soir. Son objectif est d'être examiné dans le cadre des débats en commission. C'est la raison pour laquelle mon groupe soutiendra le renvoi de ces projets en commission, pour trouver des solutions à ce problème que tout le monde s'accorde à reconnaître. A part la proposition de ce soir et les amendements qui ont été formulés, personne n'a jusque-là envisagé d'autre alternative. Ce sera l'occasion de le faire dans le cadre d'une commission chargée d'examiner ces différentes questions.

Nous vous demandons donc de renvoyer ces projets en commission.

M. Roger Beer (R). La lecture de ce rapport m'a désolé, mais je suis heureux d'avoir entendu les différents intervenants, notamment M. Lombard. Je me suis ainsi rendu compte que vous avez analysé le sujet de façon plus approfondie que ne peut le laisser supposer cette misérable page de rapport, dont le seul argument pour refuser ce projet invoque les 170 000 F par année et les déplacements en calèche ! En arriver à ce maigre résultat au bout de quatre séances me semble assez regrettable, vu les développements des uns et des autres. Je regrette que M. Lorenzini, le rapporteur, soit absent. J'aurais en effet aimé le lui dire de vive voix. Je soutiens, pour ma part, les arguments de Mme Roth-Bernasconi et de M. Ferrazino.

Ce projet mérite d'être étudié en commission pour y être approfondi et modelé en fonction de tout ce qui a été dit ce soir.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ces projets en commission est adoptée.