République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 juin 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 8e session - 28e séance
R 277
EXPOSÉ DES MOTIFS
Aujourd'hui, tout le monde le reconnaît, la récente loi sur les mesures de contrainte envers les étrangers, votée par le Conseil national au mois de mars, n'a pas fait l'objet d'une réflexion assez poussée et n'est qu'une mauvaise réponse à un problème ponctuel et limité, la situation zurichoise.
La nouvelle loi sur l'asile, qui doit prendre le relais de l'arrêté fédéral urgent de 1990, n'aura pas le temps d'être étudiée de manière approfondie et sérieuse. En effet le calendrier n'en laissera pas le loisir aux députées et députés qui devront voter cette loi en mars déjà. On risque donc de se retrouver dans une situation identique à celle qui entoure la loi sur les mesures de contrainte.
Le nouveau texte proposé est une refonte totale de la loi sur l'asile, et n'est donc pas simple à aborder. Un exemple: il y a deux jours, le préposé fédéral à la protection des données, Monsieur Odilo Guntern, a critiqué le traitement prévu envers les étrangers et demandeurs d'asile. Au sein même de l'administration et en haut lieu même, les remarques sont donc déjà extrêmement négatives.
Après deux traitements de loi en urgence, il serait judicieux pour cette nouvelle loi de donner le temps à tous les partenaires de faire un travail de fond. On évitera ainsi les risques de référendum, les révisions urgentes ultérieures et une situation de genre de celle que l'on connaît aujourd'hui concernant la loi sur les mesures de contrainte: quasi tout le monde la critique, et pourtant une majorité l'a votée ! On retrouve même des partis qui ont soutenu la loi et qui aujourd'hui découvrent leur erreur et appuient le référendum.
La validité d'un arrêté fédéral urgent peut faire l'objet d'une prolongation, et c'est ce que nous souhaitons que le Conseil d'Etat sollicite auprès des autorités fédérales. Le climat qui entourera tous les travaux de cette nouvelle révision, sur un sujet aussi délicat, ne pourra en être qu'amélioré.
Débat
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Une nouvelle loi sur l'asile est actuellement à l'étude au niveau fédéral. Elle devra remplacer l'arrêté fédéral urgent actuellement en vigueur. Cette nouvelle loi est une refonte totale, elle contient plus de cent articles et représente vraiment un gros travail. Il est d'ores et déjà prévu que cette loi sera votée aux Chambres fédérales en une seule session, au mois de mars, en procédure accélérée.
L'une des deux dernières lois concernant l'asile et les étrangers a été votée sous forme d'arrêté fédéral urgent et l'autre a pour nom «les mesures de contraintes envers les étrangers». Je crois que l'on est presque unanime ici pour dire que ce n'était pas la meilleure loi votée par le Conseil national ces derniers temps ! Dès lors, il semblerait judicieux de se donner le temps, pour cette nouvelle loi qui s'annonce, de travailler correctement et à fond.
Je n'ai rien à dire sur le contenu de cette loi. Ce n'est pas l'objet de la discussion, simplement il s'agit de demander aux autorités fédérales de prolonger la validité de l'arrêté fédéral urgent d'une année, de manière à pouvoir travailler en profondeur sur la nouvelle loi sur l'asile.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Cette intervention rencontre notre agrément. Quelques remarques néanmoins concernant l'exposé des motifs. Il est possible, pour les auteurs de cette résolution, que la réflexion sur l'asile n'ait pas été assez poussée et que les textes pondus soient de mauvaises réponses. C'est un point de vue. J'ai malheureusement très peur, Madame, que ce ne soit pas forcément l'avis du peuple, comme il vient, hélas, de nous le prouver il y a peu.
Ma seconde remarque, c'est de dire qu'effectivement il serait judicieux, sur un sujet aussi douloureux que celui de l'asile, que l'on se donne le temps de la réflexion et, au moins, du dialogue. Dans ce sens, je peux comprendre la résolution.
Une dernière remarque. Que Mme Reusse-Decrey me pardonne, mais vous voilà dans la nécessité de demander la prolongation d'un arrêté fédéral urgent que vous avez en son temps combattu. Ce qui me fait dire, Madame, que souvent en politique la défense d'un idéal nous amène à pouponner des idées qui lui sont contraires !
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RÉSOLUTION
concernant la nouvelle loi sur l'asile
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que la nouvelle loi sur l'asile devrait entrer en vigueur le 1er janvier 1996 (fin de la validité de l'arrêté fédéral urgent du 22 juin 1990);
- que la procédure de consultation auprès des cantons a lieu durant cet été, période peu propice pour mener un travail de fond et de concertation;
- que cette nouvelle loi va devoir être adoptée en procédure accélérée, en une seule session du parlement fédéral, au début 1995;
- qu'à deux reprises déjà le sort des étrangers et des demandeurs d'asile a été discuté dans l'urgence et la précipitation (arrêté fédéral urgent et mesures de contrainte, tout récemment)
invite le Conseil d'Etat
à intervenir auprès du Conseil fédéral afin qu'il propose une prolongation de la validité de l'arrêté fédéral urgent sur l'asile, afin d'élaborer une nouvelle loi sans précipitation et en menant une réflexion approfondie.