République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7085-A
a) Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant au Conseil d'Etat divers crédits supplémentaires pour l'exercice 1993. ( -) PL7085
Mémorial 1994 : Projet, 1332. Commission, 1346.
Rapport de majorité de M. Daniel Ducommun (R), commission des finances
Rapport de première minorité de Mme Christine Sayegh (S), commission des finances
Rapport de deuxième minorité de Mme Sylvia Leuenberger (E), commission des finances
Rapport de troisième minorité de M. Jean Spielmann (AG), commission des finances
PL 7086-A
b) Projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le compte administratif de l'Etat et la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1993. ( -) PL7086
Mémorial 1994 : Projet, 1346. Commission, 1360.
Rapport de majorité de M. Daniel Ducommun (R), commission des finances
Rapport de première minorité de Mme Christine Sayegh (S), commission des finances
Rapport de deuxième minorité de Mme Sylvia Leuenberger (E), commission des finances
Rapport de troisième minorité de M. Jean Spielmann (AG), commission des finances
PL 7087-A
c) Projet de loi du Conseil d'Etat concernant le bouclement de diverses lois d'investissement. ( -) PL7087
Mémorial 1994 : Projet, 1360. Commission, 1375.
Rapport de majorité de M. Daniel Ducommun (R), commission des finances
Rapport de première minorité de Mme Christine Sayegh (S), commission des finances
Rapport de deuxième minorité de Mme Sylvia Leuenberger (E), commission des finances
Rapport de troisième minorité de M. Jean Spielmann (AG), commission des finances

4. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants :

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Commission des finances du Grand Conseil

Présidence : M. Nicolas Brunschwig (lib.)

Vice-présidence : Mme Claire Torracinta-Pache (soc.)

Rapporteur : M. Daniel Ducommun (rad.)

Membres : M. Bernard Annen (lib.)

 M. Michel Balestra (lib.)

 M. Claude Basset (lib.)

 M. Claude Blanc (pdc)

 M. Bernard Clerc (ag.)

 M. René Ecuyer (ag.)

 M. Jean-Pierre Gardiol (lib.)

 M. Bernard Lescaze (rad.)

 Mme Sylvia Leuenberger (peg.)

 M. Jean Montessuit (pdc.)

 Mme Christine Sayegh (soc.)

 M. Jean Spielmann (ag.)

(A participé : Mme Nelly Guichard (pdc)).

SOMMAIRE

Pages

1. Introduction du rapporteur général  2716

2. Présentation des comptes par le Conseiller d'Etat chargé

 du Département des Finances et Contributions  2720

3. Méthode de travail de la Commission des Finances  2722

4. Comptes de l'Etat  2723

5. Chancellerie, Département des Finances et Contributions,

 Département Militaire  2740

6. Département de l'Instruction Publique  2750

7. Département de Justice et Police  2767

8. Département des Travaux Publics  2776

9. Département de l'Intérieur, de l'Agriculture

 et des Affaires Régionales  2783

10. Département de l'Economie Publique  2795

11. Département de la Prévoyance sociale et santé publique  2805

12 Discussions finales et vote  2818

ANNEXEANNEXEANNEXEANNEXEANNEXEANNEXE

ANNEXE

ANNEXE

ANNEXE

(7085)

PROJET DE LOI

ouvrant au Conseil d'Etat divers crédits supplémentaires

pour l'exercice 1993

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Il est ouvert au Conseil d'Etat, pour l'exercice 1993:

a)

divers crédits supplémentaires (fonctionnement) pour un montant de

93 672 362, 35F

b)

divers crédits supplémentaires (investissement) pour un montant de

15 732 167,30 F

soit au total

109 404 529,65 F

2 Conformément à l'article 12, alinéa 6, de la loi sur les dépenses et les recettes du canton de Genève pour l'année 1993, du 18 décembre 1992, des crédits supplémentaires ne sont pas ouverts pour les travaux d'utilité publique et des lois d'investissement dont les tranches annuelles de trésorerie, prévues au budget, sont dépassées.

Art. 2

Il est justifié de ces crédits au compte rendu financier de 1993.

(7086)

PROJET DE LOI

approuvant le compte administratif de l'Etatet la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1993

LE GRAND CONSEIL,

vu les articles 80 et 82 de la constitution;

vu la loi sur les dépenses et les recettes du canton de Genève pour 1993, du 18 décembre 1992;

vu le compte administratif de l'Etat, soit République et canton de Genève, précédé du rapport sur la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1993,

Décrète ce qui suit:

Compte administratif

Article 1

1 Le compte administratif de l'Etat pour 1993 est annexé à la présente loi.

2 Il comprend les comptes de fonctionnement, d'investissement, de financement et de variation du découvert au bilan.

Fonction-nement

Art. 2

1 Les charges de fonctionnement, sont arrêtées au montant de 5 025 209 692,33 F et les revenus au montant de 4 527 527 292,05 F.

2 Le déficit s'élève à 497 682 400,28 F.

Investissements

Art. 3

1 Les dépenses d'investissement sont arrêtées à 562 427 353,65 F et les recettes à 138 729 867,80 F.

2 Les investissements nets s'élèvent à 423 697 485,85 F.

3 La prise de participation de l'Etat de Genève au capital actions de la Banque cantonale de Genève s'élève à 147 040 314,50 F selon la loi du 24 juin 1993.

4 L'avance au fonds de compensation de l'assurance chômage fédérale s'élève à 240 230 000 F (loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance chômage obligatoire).

Financement

Art. 4

1 Les investissements nets de 423 697 485,85 F sont autofinancés à raison de 179 488 659,70 F, contrepartie des amortissements, le solde restant à couvrir étant de 244 208 826,15 F.

2 Le déficit du compte de fonctionnement, les investissements nets diminués de l'autofinancement, la prise de participation au capital-actions de la Banque cantonale de Genève et l'avance au fonds de compensation de l'assurance chômage fédérale sont financés par le recours à l'emprunt qui s'élève à 1 139 161 540,88 F.

Découvert du bilan

Art. 5

1 L'excédent des dettes nouvelles sur les avoirs nouveaux au montant de 497 682 400,28 F, auquel s'ajoutent 100 615 000 F, amortissements à rattraper et 16 795 868,45 F, indemnités à amortir versées selon loi d'encouragement aux départs anticipés, portent le découvert du bilan à 1 170 671 005,25 F.

Gestion

Art. 6

La gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1993 est approuvée.

(7087)

PROJET DE LOI

concernant le bouclement de diverses lois d'investissement

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

Les lois énumérées ci-après, relevant des trains annuels de lois d'investissement, sont bouclées avec effet au 31 décembre 1993:

RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ

Il ne s'agit pas, en l'espèce, de reprocher au Conseil d'Etat une mauvaise gestion, car l'examen des comptes ne prête pas le flanc à ce genre de critique, mais bien plutôt d'affirmer notre discorde politique sur les priorités qui sont les siennes dans la gestion des deniers en fonction des réalités de notre société, des problèmes qu'elle rencontre et analyser la manière dont notre gouvernement a porté son attention sur les conséquences annoncées des problèmes économiques existants.

En effet, les comptes ont été tenus selon le mode analytique par tous les départements, ils sont clairs, toutes les explications demandées ont été fournies par les différentes autorités concernées.

Les priorités du Conseil d'Etat

Les priorités du Conseil d'Etat telles qu'elles ressortent des comptes ne sont pas celles du budget 1993 que rappelait le rapporteur général de la commission des finances:

- il n'y a pas eu de recherches pour trouver des ressources nouvelles permettant de casser la tendance à l'accroissement plus rapide des dépenses par rapport aux recettes;

- la diminution linéaire des effectifs de 2% entrave la réalisation des mesures nécessaires pour maintenir une solidarité en faveur des personnes âgées et des chômeurs;

- la diminution des investissements va à fin contraire de l'effort que l'on souhaitait consentir en faveur du logement social et notamment la mise en oeuvre de nouveaux programmes HBM.

Les charges de fonctionnement

L'objectif n'est pas tout à fait atteint puisque l'excédent des charges de fonctionnement dépasse de plus de 20 millions de francs la somme budgétée, montant compensé par une augmentation de même proportion des revenus de fonctionnement en comparaison de la somme prévue.

Ainsi, l'ensemble des charges n'a pas été maîtrisé malgré un effort évident de tous les services pour réduire leur coût de fonctionnement et respecter en cela le plan quadriennal.

L'accroissement des dépenses est avant tout motivé par les répercussions du ralentissement économique sur la population, engendrant l'ascension du taux de chômage, la prise en charge de chômeurs en fin de droit ainsi que les personnes sans emploi et sans droit.

L'Hospice général et les comptes de l'Etat

Les comptes de l'Hospice général présentent un déficit supplémentaire de presque 7 millions, qui n'avait pas été budgété alors qu'il avait été annoncé par l'Hospice général lors de la présentation du budget 1993.

En effet, le directeur de l'Hospice général a attiré l'attention sur le fait que les résultats intermédiaires 1992 confirmaient une tendance à la hausse de 10% du volume des dossiers traités par rapport au budget et à l'exercice 1991, soit au moins 500 dossiers avec un coût unitaire de 4 000 F, sans compter la prise en charge probable de 100 chômeurs supplémentaires en fin de droit avec un coût moyen par dossier de 40 000 F.

Ainsi, le déficit prévisionnel devait se situer entre 5 et 9 millions.

A l'analyse des comptes de l'Hospice général, il apparaît clairement que le déficit supplémentaire non budgété de 7 millions est constitué par les frais d'assistance publique.

Aussi, le déficit de l'Hospice général doit faire partie intégrante des comptes 1993 et non figurer à titre de provision.

Il est en effet peu raisonnable de vouloir reporter la responsabilité de ce déficit sur l'Hospice général qui, non seulement avait prévu l'ampleur de sa tâche et du coût de cette dernière, mais encore ne pouvait se permettre de ne pas jouer son rôle pleinement en des temps si difficiles tant pour les personnes fuyant les pays en guerre que pour d'autres ayant perdu leur travail.

La réforme de l'Etat

Face à cette situation, le Conseil d'Etat devait, par des moyens de restructuration, notamment le partage du temps de travail et la recherche de recettes nouvelles, trouver ou tout au moins tenter de trouver un remède:

- Le partage du temps de travail est une alternative sérieuse au chômage. Elle est respectueuse de la dignité humaine et cerne un problème réel, à savoir que la progression de la productivité n'engendre pas de nouveaux emplois dans notre monde de plus en plus informatisé. La solution ne vient pas en contestant le système, la solution vient en s'adaptant au système.

- La réduction linéaire des effectifs du personnel de l'Etat a contribué directement à diminuer le volume global de l'emploi à Genève.

- L'office cantonal de l'emploi n'a pas été renforcé face à l'augmentation des chômeurs. Tant à l'ouverture qu'au traitement des dossiers, les lacunes sont patentes et ont fait l'objet de nombreuses interpellations devant le Grand Conseil.

Le mauvais fonctionnement de l'office cantonal de l'emploi a incité la majorité à proposer d'ouvrir des bureaux privés, à engendrer ainsi des traitements différents pour les chômeurs, à favoriser, après la société à deux vitesses, le chômage à deux vitesses.

La déréglementation

- Où sont les recettes nouvelles? Où sont les réflexions en ce domaine?

- Le manque d'enthousiasme de nos autorités s'explique par la grande idée de déréglementation, mot avec lequel on pense tout résoudre, à la fois générer des recettes nouvelles et favoriser la relance économique à Genève.

La déréglementation a une définition claire, elle est source d'insécurité et surtout d'oubli conscient des couches les plus défavorisées d'une société où l'argent est thésaurisé plutôt que redistribué.

Dans l'exposé des motifs relatifs au présent projet de loi, le Conseil d'Etat déplore le refus en votation populaire de l'augmentation de la taxe personnelle. Or, la proposition d'augmentation telle que conçue était d'ores et déjà vouée à l'échec. C'est en voulant être trop gourmand, brûler les étapes, que notre gouvernement a effrayé le citoyen, lequel s'est légitimement cabré et le malaise social n'en est que plus grand.

Le logement social

- L'effort consenti en faveur du logement social n'a pas été respecté. En effet, le montant budgétisé en 1993 pour la construction de HBM était de 16 millions, seuls 3,5 millions ont été dépensés.

Conclusions

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, les priorités étaient et demeurent:

- une restructuration permettant un fonctionnement plus performant des services de l'Etat. Une attitude passive laisse la place à des propositions de privatisation qui instituent un système en parallèle avec les services publics ou s'y substituent, ce qui génère, quelle que soit l'hypothèse, un accroissement des dépenses avant d'envisager une quelconque recette;

- une évaluation réaliste de l'augmentation du coût de l'assistance publique qui peut être en partie maîtrisée par le partage du temps de travail;

- la prise en considération et non pas seulement la prise de conscience effective de nos problèmes socio-économique, laquelle doit garantir, en particulier, une vie décente à tous les habitants du canton de Genève et, plus généralement, l'ordre public de notre canton.

Le Groupe socialiste ne peut adhérer au rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1993 vu les motifs développés ci-dessus, il vous invite en conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser le projet de loi 7086.

RAPPORT DE LA DEUXIÈME MINORITÉ

Après examen des comptes de l'Etat de 1993, nous reconnaissons qu'ils correspondent au budget 1993. Tous les départements ont fait des efforts pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement comme cela leur avait été demandé.

Nous avions refusé le budget 1993, car le Conseil d'Etat n'avait pas tenu compte de nos demandes suivantes:

1. Nous voulions un bilan écologique et social de l'environnement (M 448) à Genève, afin que le canton prenne les mesures nécessaires pour la sauvegarde de notre milieu naturel vital.

2. Nous voulions une politique d'économie d'énergie efficace en demandant à l'Etat d'établir une statistique des consommations énergétiques différenciées par bâtiment public (M 798).

3. Nous voulions l'introduction d'un contrôle budgétaire dans l'administration publique, afin d'améliorer le contrôle financier de l'administration et le confier à une instance indépendante de l'Etat; ainsi qu'organiser un débat public sur les problèmes de l'administration (M 822).

4. Nous voulions un plan de redressement financier sur trois ans permettant de résorber le déficit du budget de fonctionnement (avant amortissement) au plus tard pour le budget de 1995, des priorités politiques d'économies et non des coupes linéaires, une restructuration du système fiscal et l'introduction des taxes d'incitations écologiques affectées, l'instauration de la transparence fiscale (ce qui a été refusé par le peuple en votation), l'élaboration d'une politique globale de concertation et de participation des fonctionnaires et usagers des services de l'Etat, l'augmentation de la mobilité interdépartementale des fonctionnaires, liée à un plan de formation (M 776).

5. Nous voulions une réduction du temps de travail des fonctionnaires, afin de maintenir le nombre des emplois pour une même masse salariale (M 810).

Voici les réponses que nous avons obtenues:

1. concernant le bilan écologique et social

Un fascicule intitulé «les cahiers de la santé» a été publié en septembre 1993 par le département de la prévoyance sociale. Il établit l'inventaire des problèmes environnementaux à Genève et propose des solutions. Solutions que le Conseil d'Etat s'engage, dans sa préface, à appliquer malgré les restrictions budgétaires. Il est intéressant de relever que les champs de nuisances étudiés (air, eau, sol, milieux naturels et paysages, bruit et risques majeurs), qui ont une étroite interdépendance avec les champs d'activités humaines (agriculture, activités économiques secondaires et tertiaires, occupation du sol et construction, transports, énergie et déchets), présentent tous une situation actuelle de problèmes environnementaux cataloguée comme «pas acceptable». Mais les prévisions pour l'avenir sont que cette situation devrait s'améliorer, si le Conseil d'Etat applique les mesures proposées.

Ce qui signifie que l'amélioration des problèmes environnementaux doit être une priorité budgétaire 1995 du Conseil d'Etat, malgré les déficits.

2. concernant les économies d'énergie

Les remarques contenues dans le rapport de gestion des comptes 1993 ne nous satisfont pas du tout. On est frappé par l'aspect «lisse» et impersonnel de cette prose. Aucun aspect critique ne peut être relevé, rien où l'on peut se raccrocher pour avoir une idée de ce qui a été réalisé en matière d'économies d'énergie.

En voici les raisons:

On lit dans ces comptes qu'un groupe de travail s'est réuni, comportant des gens de l'OCEN, du DTP et des SIG, pour «traiter l'ensemble des données disponibles au sein des SIG et du DTP». On apprend aussi que pour répondre à la motion 798 (concernant la consommation énergétique des bâtiments de l'Etat) «un logiciel a été réalisé et les informations y ont été introduites».

Ce sont de belles phrases ! Et nous devons faire un rappel des faits historiques à ce sujet:

- à la fin 1991, le conseiller d'Etat chargé du département de l'économie publique annonçait que «la facture» annuelle de la consommation d'électricité des bâtiments de l'Etat avait augmenté de près de 4 millions de francs. Ce fut l'occasion d'annoncer 2 programmes complémentaires visant à maîtriser cette consommation, AURELA et AURORE;

- après 4 mois d'enquête, les membres de la coordination-énergie se sont aperçus que les chiffres ci-dessus étaient faux et ils obtenaient un démenti formel du DTP. L'augmentation n'était pas de 57 %, mais... de 4%!

- aussi, nous avons déposé une motion, la motion 798, pour que l'Etat connaisse enfin ses consommations par bâtiment. Chose qu'il n'était jusqu'alors pas en mesure de faire. Seul le total gaz+eau+électricité était connu.

A noter que la ville dispose depuis longtemps d'un tel logiciel qui lui donne le détail des consommations différenciées par bâtiment. Il s'agit du minimum si l'on veut gérer rationnellement ses consommations énergétiques.

Il est particulièrement difficile d'informer les gens sur ce sujet technique qu'est l'énergie. D'autant plus que le prix très bas de celle-ci n'incite guère à l'économie.

Mais l'OCEN, en plus des difficultés intrinsèques de ce genre de tâche, en rajoute une supplémentaire, idéologique celle-là et qui le bloque presque complètement: en effet, à cause des options délibérément pronucléaires de son chef, l'OCEN s'interdit de parler du nucléaire dans son discours d'information. Alors que c'est l'un des seuls points d'ancrage stables pour un lecteur non averti (voir son dernier bulletin d'information «l'énergie» ou brochures explicatives publiées à grands frais par l'OCEN).

«Pourquoi ferais-je l'effort d'éteindre mon PC si l'énergie est bon marché et que je ne vois aucun lien avec le cortège de misères liés à un accident toujours possible d'une centrale nucléaire et de déchets encore impossibles à gérer?»

En évitant d'aborder la question du nucléaire, l'OCEN se prive d'arguments de fond, ce qui enlève toute force de persuasion à son discours sur les économies d'énergie.

3. concernant l'introduction d'un contrôle budgétaire de l'administration publique

Suite à l'initiative 100, la commission des finances s'est penchée avec le Conseil d'Etat sur l'amélioration du statut de la commission de contrôle de gestion et le Conseil d'Etat vient de nous présenter un projet de loi qui instaurerait un système de contrôle de gestion interne (par rapport à un système de référence), un inspectorat cantonal des finances qui s'occuperait de la révision et de la surveillance administrative et financières de l'Etat, ainsi qu'un organe d'évaluation des politiques publiques, sorte d'audit externe.

Ces propositions ne sont encore qu'au stade de discussion, mais paraissent répondre de façon appropriée à nos préoccupations en la matière.

Car, actuellement, il faut relever que le rapport de gestion des comptes donne lieu à un exposé des motifs impressionnant, environ 250 pages, et qu'il décrit de façon détaillée le travail fourni par tous les services de l'Etat.

Mais il s'agit avant tout d'un descriptif. Il y a peu ou pas d'aspect critique ni de propositions pour l'avenir. Seul le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales parle d'objectifs et de perspectives pour 1994, mais évoqués en quelques paragraphes.

S'il est certain que les services de l'Etat s'adaptent à la demande et aux besoins de la population, qui varient en fonction de la situation conjoncturelle économique, le rôle du Conseil d'Etat est de mener une analyse critique constante en fixant les priorités d'intervention à maintenir, à supprimer ou à restructurer.

Aussi, nous souhaitons et espérons que ce futur «outil» de réflexion qui sera mis en place sous forme de loi réponde très précisément à ces préoccupations.

Qu'enfin le Grand Conseil puisse se prononcer, en meilleure connaissance de cause, sur le choix des priorités politiques à adopter !

Par contre, si pour les points ci-dessus, nous avons obtenu des réponses, ne serait-ce que théoriques, mais allant dans le bon sens, nous sommes, par contre, restés sur notre faim quant au leitmotiv de notre rapport de minorité sur le budget 1993, à savoir les deux points suivants:

4. concernant la restructuration de l'Etat

Pratiquement rien n'a été fait ou amorcé pour répondre à:

- une politique globale de concertation et de participation des fonctionnaires et des usagers des services publiques;

- l'introduction de taxes écologiques incitatives;

- les priorités politiques d'économies.

Il y a encore beaucoup de choses à faire dans ces domaines, et si l'on ne tient pas compte de ces options pour un redressement financier, la situation ne va pas s'améliorer.

5. concernant la réduction du temps de travail

Nous n'avons toujours pas reçu de rapport du Conseil d'Etat à ce jour, mais selon le chef du département des finances, nous devrions être en sa possession d'ici la fin du mois de juin.

A ce sujet, il nous paraît indispensable et fondamental de rappeler que le partage du travail doit être un objectif du Conseil d'Etat afin de répartir la masse salariale entre un plus grand nombre de personnes. Nous sommes persuadés que la crise économique n'est pas que conjoncturelle, mais plus profonde, et que c'est notre façon de voir les choses qui doit être remise en cause.

Il ne faudrait pas baisser les effectifs en période de chômage, mais réduire la durée du temps de travail avec un baisse modulée des salaires. Sinon, tout poste supprimé à l'Etat, hormis les départs anticipés à la retraite, signifie un chômeur de plus à la charge de la collectivité (assurance-chômage), donc il ne s'agit en fait qu'un transfert de charge.

Et si je disais tout au début de mon texte que le résultat des comptes respectait le budget 1993, cela est vrai, sauf pour un dépassement de crédit d'environ 7 millions qui concerne l'Hospice général, montant justement destiné principalement aux chômeurs en fin de droit...

Nous acceptons que ce crédit supplémentaire figure encore dans les comptes 1993, sous forme de provision de l'Etat. Il est évident que l'Hospice général n'est pas responsable de l'augmentation du nombre de chômeurs en fin droit et qu'il incombe à l'Etat de prévoir quelle politique il veut mener à ce sujet et d'en accepter les conséquences.

Si nous devons rationaliser le travail afin que les heures de présence par fonctionnaire diminuent avec une baisse de salaire proportionnelle (mais en épargnant les classes inférieures dans l'échelle des salaires), ceci devrait être compensé par une plus grande responsabilité des employés dans la gestion de leur service, donc une déhiérarchisation (MOINS DE PETITS CHEFS). Le plaisir d'être plus libre dans l'organisation journalière de son travail peut à long terme pour un fonctionnaire être plus intéressante que la perte d'un léger pourcentage de salaire.

C'est cette liberté, cette responsabilité et la solidarité avec les sans-emploi qu'il faut négocier avec les syndicats et non se bagarrer sur des «calculs d'épiciers».

En conclusion, nous nous abstiendrons sur les comptes et la gestion de l'Etat pour l'année 1993, vu que certaines de nos demandes ont été prises en considération, même si elles n'ont pas encore porté leurs fruits.

Mais nous ne saurions accepter le prochain budget si le Conseil d'Etat ne tient pas compte pour l'année 1995 d'une politique du réduction des heures de travail afin de ne pas augmenter le chômage, d'une politique de concertation, d'une politique de lutte contre les atteintes à notre environnement selon son programme décrit dans les «cahiers de la santé», d'une politique au service de la population avant tout.

RAPPORT DE LA TROISIÈME MINORITÉ

Dans son exposé des motifs du budget 1993 le Conseil d'Etat avait manifesté sa volonté de parvenir à redresser les finances publiques. Les objectifs à atteindre figuraient en tête des priorités du budget 193 avec les quatre axes suivants:

1. maintien des obligations de solidarité à l'égard des personnes âgées et des chômeurs;

2. effort accru en faveur du logement social;

3. contributions significatives à la promotion du tourisme et de l'industrie de Genève;

4. niveau des investissements publics important destiné à soutenir l'activité économique et l'emploi.

Ces déclarations qui accompagnaient la présentation du budget 1993 démontrent, une fois de plus, que les résultats ne correspondent pas aux objectifs visés. Et il serait vain de rechercher dans le rapport de gestion des réponses aux propositions formulées lors du budget. Les résultats du compte 1993 et du rapport de gestion démontrent que sur les axes principaux énumérés les résultats vont, hélas, dans une direction diamétralement opposée par rapport aux promesses formulées.

Les comptes de l'Etat de Genève se bouclent avec un déficit qui s'élève à 497,6 millions de francs. Ce déficit est inférieur et très proche des estimations budgétaires qui prévoyaient un déficit de 499,5 millions de francs. Les comptes 1992 se soldaient par un déficit de 467,9 millions de francs. Les revenus sont en hausse de 22 millions de francs par rapport aux prévisions budgétaires.

Dépenses par habitant

Les dépenses de fonctionnement par habitant ont passé de 12 677 F en 1992 à 12 829 F en 1993. En franc constant ces dépenses sont pour la première fois depuis 1980 en diminution par rapport à l'année précédente: 4 985 F contre 5 108 F en 1992. En ce qui concerne les dépenses d'investissement par habitant la hausse de 1 353 à 2 453 F résulte avant tout de la prise en compte dans le budget des investissements de la participation de l'Etat au capital de dotation de la banque cantonale 375 F par habitants et aux avances faites par le canton en faveur de l'assurance-chômage fédérale 639,60 F par habitant.

Les écarts entre le budget et les comptes sont minimes en raison de l'augmentation des recettes qui ont augmenté de 23 millions de francs pour les recettes de fonctionnement et de 24 millions de francs pour les recettes du compte des investissements. Les dépenses ont poursuivi leur progression: plus 14 millions de francs pour le compte de fonctionnement, mais moins 18 millions de francs pour les dépenses d'investissements. Une réduction des investissements particulièrement malvenue dans la situation conjoncturelle actuelle. Des dépenses importantes ont été prélevées sur le compte de fonctionnement pour être consacrées à la constitution d'un prêt à l'assurance-chômage de 240,3 millions de francs et 147 millions ont été versés à la banque cantonale pour la constitution de son capital-actions.

Les investissements publics principales victimes de la politiquedu Conseil d'Etat

L'an dernier les milieux de la droite et le patronat de choc ont choisi de lancer une offensive contre la tour Baudet. Ces manifestations visaient principalement le manque de dynamisme du Conseil d'Etat en matière d'investissement et les blocages politiques qui empêchaient, selon eux, la réalisation des projets d'investissements. Le Conseil d'Etat étant, à leurs yeux, le principal responsable de la grave crise que traversent les métiers du bâtiment à Genève.

Depuis que la composition du Conseil d'Etat correspond mieux à leurs aspirations politiques et qu'il est enfin composé de véritables représentants des «milieux économiques» les représentants patronaux sont devenus plus que discrets sur les vertus de la relance économique par les investissements publics! Pourtant, en lieu et place de la politique d'investissement dynamique tant réclamée, le volume total des investissements a été réduit de moitié. Et la réalisation de projets pourtant jugés utiles et urgents est désespérément en attente de crédits et de décisions politiques!

En dépit de cette politique catastrophique pour l'emploi et la relance l'on n'aura pas revu le patronat du bâtiment venir déployer des calicots et descendre dans la rue pour combattre la politique, ou plutôt l'absence de politique économique du Conseil d'Etat en matière d'investissements publics.

La politique fédérale

Les comptes d'Etat subissent aussi les contrecoups de la politique conduite au niveau fédéral. Sans revenir sur l'ensemble de la politique de transfert des charges de la Confédération vers les cantons, il faut relever qu'en 1993 des modifications importantes de l'imposition du droit de timbre ont été introduites sous la pression de la majorité réactionnaire des Chambres fédérales. Si cette révision de la loi a permis aux banques d'économiser plus de 500 millions de francs, ces mesures ont provoqué des charges supplémentaires pour les collectivités publiques. En ce qui concerne le canton de Genève ces nouvelles dispositions et les frais d'emprunts ont fait quadrupler les charges du compte d'Etat depuis le 1er avril 1993. Ces dispositions provoquent une augmentation de 6,6 millions de francs pour les huit mois concernés de l'année 1993.

Les sommes versées par notre collectivité aux banques sont, elles, en constante progression: + 13,3% en une année. Ces quelques exemples témoignent aussi des dispositions complaisantes prises par le pouvoir politique de notre pays en faveur du secteur bancaire. Ces derniers réalisent pourtant des bénéfices record sur le dos de ceux qui, par leur travail intellectuel et manuel, produisent les richesses. L'année 1993 a vu une nouvelle fois le fossé se creuser entre les millionnaires et les trop nombreuses familles qui sont aux prises avec les difficultés de la vie quotidienne et les multiples hausses qui rongent leur pouvoir d'achat.

L'offensive antisociale

Dans le contexte politique actuel caractérisé, d'une part, par la grave crise économique et l'explosion d'un chômage de masse et durable qui en résulte et la situation financière et de plus en plus préoccupante qui frappe l'ensemble des collectivités publiques de notre pays, d'autre part, la politique financière et la gestion des affaires publiques dépassent de loin les enjeux de la seule politique budgétaire des collectivités publiques. Elles concernent en fait la capacité de nos sociétés de trouver de nouvelles voies permettant de tracer d'autres perspectives que celles qui ont déjà été appliquées depuis plus d'une dizaine d'années aux Etats-Unis et en Angleterre. Une politique dont les conséquences peuvent être mesurées aujourd'hui. L'enjeu s'inscrit dans une stratégie politique visant à préparer les privatisations et à favoriser le démantèlement social. Une démarche qui est dans la continuité de l'offensive menée depuis plusieurs années par les milieux économiques et la droite de notre pays.

Fonction publique

Le nouveau Conseil d'Etat a proposé, sur la base de travaux préparatoires engagés par l'ancien Conseil d'Etat, la privatisation d'une série d'activités de l'Etat dont le service des automobiles et de la navigation. L'exposé des motifs et les débats de la commission démontrent clairement que ces propositions s'inscrivent dans une volonté de démantèlement et de revanche sociale. Les extraits suivants de l'étude analytique du service des automobiles et de la navigation démontrent bien ces intentions: «L'administration est trop hiérarchisée»; «Le droit des fonctionnaires impose des restrictions importantes... voire l'octroi de privilèges tels que vacances, jours de congés, etc.»; «Il est impossible de motiver les fonctionnaires engagés». Voilà dans quel contexte le Conseil d'Etat a engagé la lutte contre les prestations du service public et contre les employés de l'Etat. Ces exemples ne sont pas isolés, ils s'inscrivent parfaitement dans la logique d'affrontement décidée par la majorité du Conseil d'Etat sous la pression des libéraux.

Les multiples décisions prises par le Conseil d'Etat en ce qui concerne la rémunération ont provoqué depuis 1991 une importante réduction du pouvoir d'achat des employés. Ainsi, par exemple, un employé situé en classe 10, échelon 15, aura perdu en trois ans la somme 7 701 F dont 291 F pour la prime de fidélité, 1 329 F pour l'annuité et 6 081 F au titre de l'indexation.

Fait encore plus grave: alors que le chômage s'est installé de manière si dramatique dans notre canton qu'il est devenu le principal sujet de préoccupation des Genevois, le Conseil d'Etat a réduit une nouvelle fois et de manière drastique de nombre d'emplois. En trois ans, l'Etat de Genève aura ainsi réduit le nombre d'emploi de près de 6%, soit 1 500 postes, contribuant ainsi de manière importante au développement du chômage à Genève.

De nouveaux droits

Nous l'avons déjà dit et répété à de multiples reprises, une réforme de l'administration ne peut se réaliser sans la participation active des acteurs du service public. En choisissant délibérément la voie de la confrontation le Conseil d'Etat fait fausse route et va à l'encontre du but visé. Les conflits ouverts coûteront en définitive bien plus cher à la collectivité genevoise qu'une politique d'ouverture et de dialogue portant sur les questions de fond avec la fonction publique. Une politique qui implique aussi le respect des partenaires sociaux et de la parole donnée.

L'impasse budgétaire des collectivités publiques n'est pas fatale. Les solutions et les moyens financiers existent, pour trouver les moyens financiers nécessaires pour que l'Etat puisse assurer son indispensable rôle social et de redistribution. Pour cela il s'agit d'assurer le financement des activités par de nouvelles ressources et de maîtriser les dépenses de fonctionnement. Cet objectif exige la mise en oeuvre de mesures de rationalisation et de restructuration de l'administration, mais aussi une redéfinition des prestations à la population, ainsi que la recherche et la suppression des tâches réalisées à double; l'abandon des tâches désuètes et inadaptées; une meilleure utilisation des ressources humaines et la recherche d'économie dans les équipements et la gestion.

Le coût de l'assistance

L'explosion des coûts de l'assistance met une nouvelle fois en évidence les lacunes de la politique actuelle en matière de prévoyance sociale. Des lacunes qui ont encore été aggravées par la crise économique et le chômage. Les citoyens contribuables paient en définitive beaucoup plus cher cette politique d'assistance qu'une véritable politique de prévoyance sociale.

C'est ainsi qu'entre 1991 et 1993 le nombre de personnes prises en charge a augmenté de 32% et le coût moyen par personne de 18% durant la même période. C'est contre le budget de l'Hospice général que la droite a manifesté sa mauvaise humeur face à l'explosion des coûts qui ne sont en définitive que le fruit le plus visible de la politique néfaste qu'ils conduisent depuis des années. Mais dans ce domaine comme dans ceux de la vie économique, de la politique d'aménagement du territoire et de la politique du logement social, la majorité a fait le choix de la déréglementation et de la revanche sociale. C'est dans cette perspective que s'inscrivent les diminutions drastiques imposées aux budgets sociaux des collectivités publiques. Une politique qui renforcera encore le nombre des victimes de l'austérité sélective qui frappe notre pays. Ce sont les chômeurs, de nombreuses personnes âgées, des femmes et des jeunes qui sont les principales victimes de la politique de bas salaires et des lacunes de notre système de prévoyance. Et pour bien marquer cette volonté de revanche sociale contre les femmes l'on propose d'augmenter de 62 à 64 ans l'âge donnant droit à la retraite pour les femmes!

Logements

Les chiffres suivants illustrent parfaitement la politique de l'Etat en matière de logement: année après année, la proportion de logements sociaux est en constante diminution par rapport au nombre total de logement. En un peu plus de dix ans le nombre total de logements sociaux s'est réduit de plus de 40 000 à 27 944 et la proportion qui était encore de 23% en 1980 est tombée à 14,3% en 1993.

Le logement est un domaine essentiel pour la vie des familles, or c'est sur la politique du logement que l'austérité du Conseil d'Etat déploie ses effets les plus néfastes.

Ainsi, depuis quelques années, la part de logements aidés ou construits par les pouvoirs publics est en constante diminution.

Le tableau ci-dessous démontre quels sont les fruits de cette politique:

Années Total HLM HCM HBM Total en % des    des logements logements    aidés par l'Etat

1980 172 071 29 857 7 369 3 154 40 373 23 %

1985 180 534 25 309 5 309 3 559 34 177 19 %

1991 188 657 22 129 2 787 3 679 28 595 15,1%

1992 190 743 21 717 2 840 3 703 28 260 14,8%

1993 194 128 21 576 2 644 3 724 27 944 14,3%

Les hausses exorbitantes des surtaxes HLM décidées par la majorité de droite du parlement ont permis à l'Etat d'augmenter de manière spectaculaire les recettes des surtaxes. En 1993, le montant total des surtaxes facturées était de 19,7 millions de francs contre 8 millions de francs au compte 1992 et les hausses vont se poursuivre puisque c'est la somme de 27 millions qui figure au budget 1994!

Conclusions

En conclusion de ce rapport nous rappelons encore au Grand Conseil les multiples désaccords exprimés par les élus du Parti du travail au cours de l'année 1993 avec la gestion du Conseil d'Etat. Des désaccords amplifiés par la nouvelle attitude de blocage et de provocation adoptée par la majorité automatique face aux élus de l'alliance de gauche. Une majorité automatique composée des partis radical, démocrate-chrétien et libéral que plus rien ne distingue et qui ont systématiquement rejeté les multiples propositions que nous avons présentées dans tous des domaines aussi sensibles que l'emploi et l'aménagement du territoire, la fiscalité ou le logement, autant de propositions qui ont été pour la plupart systématiquement rejetées en discussion immédiate sans même que le parlement prenne la peine d'en examiner le contenu.

Lorsque nous aurons encore rappelé nos vives inquiétudes sur les conséquences désastreuses qu'aura l'actuelle politique de déréglementation et de revanche sociale conduite par la majorité automatique sur l'emploi, l'avenir économique et industriel de notre canton, la politique sociale, les prestations du service public, et notre opposition déterminée à la politique ultralibérale conduite par la majorité du Grand Conseil et le Conseil d'Etat ainsi que du manque de perspectives et d'ouvertures sur le monde et les questions culturelles, nous vous aurons exprimé, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels les élus de l'Alliance de gauche refuseront de cautionner la gestion du Conseil d'Etat pour 1993 et ne voteront pas des comptes qui traduisent une politique qui ne répond pas aux exigences de la situation économique actuelle et encore moins aux besoins de la population de notre canton.

Premier débat  

M. Daniel Ducommun (R), rapporteur. Tout d'abord, j'aimerais réitérer mes remerciements à M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, pour sa présence permanente lors de tous nos travaux, pour son ouverture et sa transparence, ainsi qu'aux collaborateurs du département faisant preuve avec compétence de l'évolution des travaux. J'aimerais dire également qu'il a régné dans cette commission des finances un excellent état d'esprit et je relancerai encore un clin d'oeil amical pour une heureuse retraite à M. Guy Chappuis, le seigneur des budgets de l'Etat.

Je souhaiterais aussi faire une remarque concernant la qualité de lecture du rapport. On constate que les lettres sont très petites et que, sans la présence d'une bonne loupe, on a quelquefois des difficultés à suivre tout cela. Je vous fais une suggestion, Monsieur le président, c'est que deux fois par année, au moment du budget et des comptes, nous présentions nos travaux sur un format A4. Cela permettrait également de joindre des tableaux originaux et de pouvoir les lire, car il y a des chiffres et des graphiques que nous n'arrivons pas à suivre. Cela étant, au niveau de l'archivage et du Mémorial, nous pourrions revenir, bien entendu, à un format A5. Il me semble que pour le budget et les comptes, alors que nous parlons d'un total de dépenses de 5 milliards, il y a peu d'entreprises dans le monde qui présentent un rapport de gestion de cette importance dans ce format-là.

Pour les puristes de la langue française, j'ai pris la liberté d'utiliser à quelques reprises le mot «restructure». J'en suis désolé, je ne crois pas qu'il figure dans le dictionnaire. A plusieurs reprises, on a parlé de revoir les structures des divers services de l'Etat et il m'a semblé qu'une bonne contraction était le mot «restructure». Je m'excuse auprès des «Toubonistes» !

Je vous avoue que c'est avec plus de préoccupations que d'enthousiasme que l'on présente un compte de fonctionnement faisant apparaître un déficit de 498 millions. Toutefois, si l'on en reste aux références objectives, on peut faire deux constatations que j'estime positives. La première, c'est que le budget mis à disposition du Conseil d'Etat a été respecté à concurrence de 499,5 millions, car nous bouclons les comptes avec 498 millions. Au-delà de ce respect, les conditions ont été tenues également, les prestations sociales assurées sans remise en question, soit 700 millions pour l'action sociale et d'autres interventions, dont 250 millions vraisemblablement à fonds perdus à la Caisse fédérale de compensation de chômage.

Au niveau des effectifs, selon les directives, s'il y a 461 postes supprimés, il n'y a aucun licenciement. Les dépenses générales ont été maîtrisées. Je ferai peut-être juste une petite remarque concernant la rigueur et l'application de ce célèbre article 12 qui demande aux départements de passer par la commission des finances lorsqu'il y a un dépassement de crédit de fonctionnement. Cela n'a pas toujours très bien marché mais, dans l'ensemble, c'était satisfaisant. D'une façon générale, les prestations offertes à nos citoyens sont restées complètes et de qualité.

La deuxième constatation a trait aux moyens mis en oeuvre, d'une part, dans le cadre de l'exercice qui nous préoccupe et, d'autre part - cela me paraît très important de le dire - pour une utilisation dans le cadre du budget 1995 dont la presse évoque déjà quelques scoops tonitruants.

Dès 1989, nous avons vu apparaître des déficits de l'Etat. Il y a eu des influences conjoncturelles, pas seulement à Genève, mais sur l'ensemble de notre planète, et surtout des conséquences d'ordre structurel. Il y a eu après cela deux ou trois années d'interrogations. On constate que l'exercice 1993, tel que nous le présentons aujourd'hui, fait part d'une réaction importante. Il y a tout d'abord des outils législatifs nouveaux, une loi de finance qui est un appui incontournable en référence au nouveau modèle de comptes, ensuite, un plan de redressement quadriennal, un tableau de bord, un fil rouge vers lequel nous devons tendre. Enfin, pour lutter efficacement contre le surdimensionnement de l'Etat, nous avons constaté de nombreuses et encourageantes réformes structurelles. J'en ai mentionné une douzaine en page 4 du rapport.

A ce sujet, si l'on prend en référence les deux départements que j'appellerai les plus dépensiers de notre République, on constate que de nombreuses réformes touchent le département de l'action sociale et de la santé, puisque environ 50% des réformes de l'Etat touchent ce département. On perçoit, en contrepartie, une relative timidité et discrétion dans les actions du département de l'instruction publique dont le total des dépenses s'élève à 1,35 milliard. Des réformes et des réactions importantes s'imposent. Laissons toutefois la nouvelle cheffe agir sans précipitation, mais une remise en question me paraît nécessaire.

Pour le surplus, le Conseil d'Etat et la commission des finances poursuivent leurs travaux pour tendre à une meilleure gestion des coûts. Nous planchons actuellement sur la révision de la loi sur le contrôle de l'Etat qui sera liée à une évaluation des politiques publiques et qui me paraît aussi un élément de référence important. Nous faisons également quelques réflexions sur des études comparatives de coûts intercantonaux touchant d'égales prestations. Voilà les éléments de réaction bien présents qui méritent notre confiance et notre soutien au Conseil d'Etat.

En lisant les rapports de minorité, je n'ai pas trouvé d'éléments de référence sur les projets de lois qui nous occupent aujourd'hui relatifs aux comptes de l'Etat pour 1993. Les questions que nous devons nous poser sont, d'une part, le respect du bouclement par rapport au budget et, d'autre part, de savoir si les besoins prépondérants de la population ont été couverts. De toute évidence, à notre avis, les réponses sont deux fois affirmatives. De voter non ou de s'abstenir relève d'une étrange irresponsabilité.

Pour le reste du texte, la plupart des éléments de réflexion tels que les avantages et inconvénients d'un système de partage du travail restent effectivement à l'étude. Ce sujet est traité actuellement au Conseil d'Etat. La commission des finances est prête à en débattre et je pense que cela doit se faire plutôt dans le cadre budgétaire de cet automne. Mme Sayegh, dans son rapport, nous dit qu'il faut rechercher des recettes nouvelles. De grâce, Madame, dites-nous lesquelles ! Monsieur Spielmann, plutôt que d'écrire qu'il faut abandonner des tâches désuètes et inadaptées, dites-nous lesquelles ! La réduction du déficit de l'Etat reste un élément de référence incontournable.

Nous le répétons : l'Etat doit cesser d'emprunter plus d'un milliard par année, le service de la dette empêche tout développement de prestations sociales nouvelles. Quand on considère que l'on dépense près de 400 millions de francs d'intérêts et qu'en contrepartie l'impôt total versé par les sociétés ascende au même montant, il y a là un dysfonctionnement important dans l'organisation de notre système social. Nous sommes dans une situation demandant de la réaction, de la rigueur, des sacrifices, mais, s'il vous plaît, pas d'idéologie et de dogmatisme, tout cela n'est bon que pour les doux rêveurs. Je vous remercie de soutenir le rapport de majorité, en totale harmonie avec les efforts entrepris en vue du redressement des finances publiques.

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Il est intéressant de constater que le rapporteur général, rapporteur de majorité, s'est inspiré de Napoléon 1er pour conclure son introduction. Il est tout aussi intéressant de savoir que le futur Napoléon en 1787, quelque peu avant la Révolution, concourait pour entrer à l'Académie de Lyon et devait, ainsi que les autres candidats, répondre à la question suivante : quels sont les sentiments qu'il faut inculquer aux hommes pour leur bonheur ? Sachez que le futur empereur des Français fut classé dernier ! (Murmures.)

Cela étant, le groupe socialiste est très préoccupé par la situation sociale de notre canton, d'autant plus préoccupé que les priorités, telles qu'elles ressortaient du budget 1993, lui paraissaient tout à fait négociables et adaptées, à quelques modifications près, mais qu'elles n'ont pas été suivies. Nous déplorons que, dans la population genevoise, il y ait toujours plus d'exclus, soit parce qu'au sortir de l'école obligatoire ils n'ont pas trouvé de débouchés, soit parce qu'ils sont sans emploi. Ce nombre a plus que triplé durant l'année 1993. Il est inquiétant de constater l'augmentation des requêtes de mise au bénéfice de l'assurance-invalidité. Cela traduit un malaise social à ne pas négliger. Ainsi, la Genève humaine est en train de perdre.

L'explosion du coût des prestations sociales est certes difficile à maîtriser, mais ce n'est pas faute de moyens financiers. C'est faute d'un système solidaire. Selon l'OCDE, la Suisse serait au deuxième rang des pays ayant le niveau de vie le plus élevé du monde après les USA. Ce classement s'établit en divisant, par le nombre d'habitants, le revenu total de l'activité de ces derniers. Ce classement démontre à l'évidence que nous avons des richesses et démontre aussi qu'elles ne sont pas redistribuées. Il prouve également que l'épargne, le profit et la rentabilité sont des buts en soi. Preuve en est que nos banques préfèrent transférer leurs bureaux à l'étranger et créer ainsi des emplois là où les salaires sont moins élevés.

Pour répondre aux différentes mesures à prendre dans notre canton, de nombreuses commissions sont mises sur pied pour évaluer ce qu'il faut faire, comment renforcer les services sociaux, comment organiser l'office cantonal de l'emploi. Le temps de la réflexion est certainement salutaire mais il ne doit pas empêcher l'action, et maintenant il faut agir. On ne court pas plus de risques en agissant qu'en réfléchissant. Nous avons proposé la création d'entreprises tremplins; au lieu d'essayer on a refusé deux ans plus tard. Le partage du temps de travail a reçu le même sort. N'attendons pas une solution miracle, la relance économique n'est pas la seule réponse. Je viens de démontrer que l'accroissement des richesses n'engendre ni redistribution spontanée des deniers, ni prestations sociales.

Les prévisions 1995 sont alarmistes. Ne nous contentons pas de faire de beaux projets, mettons-nous concrètement à la tâche ! Certains s'opposent à toutes recettes nouvelles en refusant systématiquement tout nouvel impôt et préférant attirer les services incombant à l'Etat vers des organismes privés. Or, cette manière d'agir provoque des inégalités évidentes. Voulons-nous une société à l'américaine, un Etat policier qui consacrera son énergie à tenter de maintenir l'ordre public ? Je ne saurais y adhérer, et je suis convaincue que je ne suis pas la seule. Des prévisions de l'Hospice général démontrent, à l'évidence, que les priorités sociales sont impératives, et tant qu'elles ne seront pas prioritaires nous ne pourrons approuver la gestion de l'Etat.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse. Nous avions refusé le budget 1993, car sur plusieurs de nos préoccupations : bilan écologique et social, économies d'énergie, contrôle budgétaire, politique de concertation, réduction du temps de travail, taxe incitative nous n'avions pas obtenu de réponse du Conseil d'Etat. Toutefois, au cours de l'année précédente et au début de cette année, le Conseil d'Etat est revenu sur ces points sous forme de rapport de projets de lois. Comme les comptes respectent le budget 1993 et que nous avons obtenu quelques promesses allant dans notre sens, nous nous abstiendrons sur ce rapport de gestion.

Le seul but du débat sur les comptes de l'Etat devrait être de tirer des orientations pour le prochain budget à travers l'analyse de la situation financière actuelle, car, comme l'a déjà dit M. Ducommun, les premières estimations fiscales de 1994 laissent entrevoir une forte augmentation du déficit pour 1995. Il faut donc absolument que l'Etat prenne des mesures, établisse des priorités, surtout si l'on considère que ce déficit n'est pas supportable financièrement. Il me paraît important de rappeler que l'Etat est un service public à la disposition des citoyens et n'est viable que grâce aux versements des contribuables. Il ne doit en aucun cas devenir un but en soi ou l'occasion pour certains d'en tirer profit. C'est pour cela que nous réaffirmons que la charge financière la plus lourde, à savoir les salaires, doit absolument être stabilisée et redistribuée plus équitablement.

Il faut réduire le temps de travail, diminuer les hauts salaires pour conserver les emplois, voire débloquer des postes si cela s'avère nécessaire. Il y a également un autre point à considérer : c'est le fait que la reconduction systématique de certaines lignes budgétaires, sans savoir si la prestation est réellement nécessaire et justifiée, n'est plus possible. Il faut motiver les chefs de service à se sentir responsables financièrement de leur secteur en les impliquant dans la gestion financière. Mais ce n'est pas parce que les déficits s'aggravent qu'il faut prendre des mesures hâtives de restriction qui, à long terme, nous coûteront beaucoup plus cher. La protection de l'environnement, de l'air, de l'eau, les économies d'énergie, la modération du trafic pour lutter contre l'effet de serre, le tri, le recyclage des déchets, doivent forcément rester une priorité. Ce sont des questions de survie à long terme.

Un autre exemple concerne l'enseignement. En effet, la qualité de l'enseignement doit rester le premier objectif du DIP. On peut imaginer que l'on pourrait réduire des salaires trop élevés, on pourrait supprimer des prestations annexes, construire des écoles moins luxueuses, mais surtout ne pas toucher au nombre des enseignants sur le terrain. Il serait bon également de penser que l'on pourrait les augmenter s'il y a plus d'élèves. Ce sont les enseignants qui forment la génération future et ce sont les élèves qui devront à l'avenir résoudre les problèmes importants.

Voilà ce que je voulais dire et je laisserai le soin à mes autres collègues de compléter.

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Tout d'abord, suite à l'intervention du rapporteur concernant la présentation du document. Il est vrai que les entreprises ont l'habitude de travailler avec des documents un peu plus grands, mais je dirai que, pour ce Grand Conseil, heureusement que nous avons un rapport de gestion permettant d'analyser les comptes et les dépenses parce que, s'il fallait compter sur votre rapport pour se faire une idée de la situation financière et de la gestion de l'Etat, nous aurions quelques difficultés.

Je me pose une autre question, à savoir s'il ne serait pas judicieux, Monsieur le président, que tous les documents annexes soient distribués sur format A4 et insérés dans les rapports; les textes et les interventions permettant d'apporter quelque chose de nouveau aux documents. Nous avons ici près de 120 pages de documents annexes qui nous ont été distribués à la commission des finances. Je ne suis pas persuadé que ce soit complètement indispensable de les imprimer pour tout le monde, ce sont, la plupart du temps, des instruments de travail. Nous avons un rapport de gestion important et peut-être faudrait-il revoir ces questions. Je vois que, année après année, les annexes prennent de plus en plus d'ampleur et que les textes rédigés diminuent quasiment dans la même proportion.

En ce qui concerne la situation générale, je pense qu'il est intéressant de revoir les comptes et la gestion, même si certains pensent qu'il n'y a plus rien à changer. Si l'on fait un travail prospectif et que l'on analyse dans quelle direction s'oriente la politique de l'Etat au travers des comptes de l'année passée, on peut tracer quelques perspectives d'avenir ou essayer d'en tirer les enseignements pour tenter d'influer et de modifier la gestion de l'Etat. On sait qu'il s'agit - on l'a dit à plusieurs reprises - d'un immense bateau, et dès que l'on commence à tourner le gouvernail, il faut quelques années pour que le cap sur lequel on est orienté se modifie.

Dans le cadre de cette année de gestion, une série de problèmes importants sont apparus et, à la lumière de la situation politique et économique du canton, il est intéressant de voir quelles réponses nous avons apportées, au travers de la gestion de l'Etat, à quelques questions essentielles. Je pense notamment à la situation économique et politique du canton. S'il est vrai que l'on ne peut pas, au travers de l'activité de l'Etat, modifier ou changer le cours de l'économie, on a quand même quelques possibilités d'intervenir sur le développement conjoncturel, notamment par l'investissement dans les grands travaux. J'ai insisté dans mon rapport sur la contradiction extraordinaire entre le fait d'avoir vu nombre de députés, sur les bancs qui me font face, participer à des manifestations et intervenir de façon très véhémente pour que l'Etat investisse davantage et le fait que ces mêmes députés, tout à l'heure, applaudiront la gestion de l'Etat qui a réduit, comme jamais encore, ses investissements.

En ce qui concerne l'emploi, il y a effectivement une volonté du Conseil d'Etat d'intervenir dans ce domaine-là, mais c'est une politique conduisant à réduire des emplois pouvant être utiles et l'on voit que la diminution importante du nombre de fonctionnaires intervient au plus mauvais moment. Est-il plus utile de payer des gens au chômage plutôt que de continuer à leur donner des activités rendant service à l'ensemble de la collectivité ? Ici se pose tout le problème du rôle de l'Etat dans notre société. Il y a là, effectivement, Monsieur Ducommun, une série de tâches désuètes que l'on pourrait supprimer et l'on a passé à côté d'une restructuration importante et nécessaire des activités de l'Etat, car, au lieu de le faire avec les acteurs du service public, on est intervenu contre eux, dans une volonté d'affrontement aboutissant à des blocages stériles. Des exemples ont démontré que si l'on faisait participer les gens de manière intelligente aux activités du service public et aux activités les concernant directement, on pourrait trouver des outils permettant d'aller vers une gestion plus économe des deniers publics, ce qui est quand même un but souhaitable.

Tout aussi important est le point concernant le domaine social. Il y a là également, dans la politique que nous conduisons, des possibilités d'intervenir. On a vu, dans les rapports présentés sur la situation politique de notre pays sur l'investissement fait dans le domaine social, que l'on est quasiment - proportionnellement aux dépenses en faveur de l'activité sociale - parmi les derniers pays. Là se pose le problème de ce démantèlement en cours, qui s'est accéléré en 1993 à cause de la manière dont sont gérées les affaires de l'Etat.

Dans quelle situation nous trouverons-nous demain ? Continuerons-nous à nous satisfaire de la réduction importante des dépenses de couverture sociale et de voir, parallèlement, exploser les charges d'assistance sans que personne ne puisse trouver des solutions allant dans cette direction ? Je l'ai dit à plusieurs reprises dans mon rapport, je trouve que, dans le cadre de la politique sociale plus générale, on se trouve devant le dilemme de savoir s'il vaut mieux dépenser pour se prémunir et assurer une bonne couverture sociale à la population, ou réduire, comme on le fait aujourd'hui, cette couverture et ensuite voir exploser des charges d'assistance ne pouvant plus, à long terme, être couvertes par le budget de l'Etat. Vous serez un jour aux prises avec des contradictions auxquelles vous aurez à répondre. Pour le moment, on voit ces charges exploser, car près de la moitié des investissements, soit 220 millions, sont investis non pas pour construire ou pour réaliser quelque chose, mais simplement pour faire des réserves pour le chômage. Je ne crois pas que ce soit le meilleur avenir que l'on puisse réserver à une société, si la plus grande partie des investissements servent à se prémunir contre le chômage de demain plutôt que de trouver des formules permettant de relancer l'activité, d'établir une couverture sociale et, parallèlement, répondre aux besoins de la population.

Il y a encore une autre série de problèmes importants que l'on n'a pas résolus aujourd'hui, ce sont les déficits de l'Etat. La présentation comptable nous permet aujourd'hui de faire une analyse précise, favorisée par les nouvelles lois de finance. Il y a des questions importantes sur le déficit de l'Etat, notamment savoir ce qui est structurel, ce qui est conjoncturel et voir sur quel axe nous pouvons adapter et faire jouer l'un et l'autre de ces paramètres pour tenter de réduire ce qui, dans notre budget, est d'ordre structurel et aller au fond des questions pour trouver les financements nécessaires à la couverture des tâches de l'Etat. Je l'ai dit et répété, nous ne sommes pas de ceux qui considèrent qu'il faille tout donner à l'Etat. Sur le plan des déficits, les imputations internes, la présentation comptable du budget de l'Etat nous donnent des axes sur lesquels nous devrions davantage déterminer notre politique et tenter d'influer sur la conjoncture de ce canton. Je crois que nous n'avons pas les moyens suffisants pour permettre de répondre à l'attente de la population. Voilà les quelques observations que je voulais faire.

En ce qui concerne les recettes, M. Ducommun en a parlé tout à l'heure. Je rappelle simplement que, au sujet des nouvelles recettes, nous pourrions déjà maintenir celles que nous avons. Or, hier soir, ce Grand Conseil a supprimé une série de recettes importantes dans le budget de l'Etat - il en va de quelques millions de francs - en supprimant tout impôt sur les bénéfices immobiliers. Cela est d'ailleurs assez incompréhensible pour la population. Quand vous parlez de nouvelles recettes, essayez au moins de maintenir une partie d'entre elles, car il est plus facile pour vous de pleurer sur la situation de l'Etat que, simultanément, au coup par coup, de réduire les possibilités de recettes. Or personne ne peut se satisfaire d'une société à deux vitesses. On n'a jamais vu autant de richesses présentées avec autant d'arrogance, notamment les bénéfices d'un grand nombre d'entreprises et de banques et, parallèlement, un Etat aussi pauvre.

Je conclurai en disant que si quelqu'un arrivait dans cette ville et voyait la situation dans les rues, les commerces, où il n'y a bientôt plus que des diamantaires et des bijoutiers, et qu'on lui racontait que, dans ce pays, des gens au gouvernement pleurent misère, qu'ils n'ont plus d'argent pour l'école, plus d'argent pour faire fonctionner l'Etat, il se dirait : «Mais que font-ils et comment gèrent-ils cette société alors qu'ils ont beaucoup plus de moyens que d'autres ?». Cela a été dit par un des rapporteurs : l'OCDE nous classe parmi les pays les plus riches du monde et il s'agit d'adapter notre politique à cette situation pour répondre à l'attente de la population.

Il faut mettre en place une véritable politique sociale qui évitera à l'avenir que les frais d'assistance créent des difficultés grandissantes à un nombre de personnes et de familles plus important chaque année. Ces gens-là sont actuellement les plus mal lotis et ont quelques raisons de se faire du souci sur leur avenir immédiat quand on voit l'évolution de la politique du Conseil d'Etat et de la majorité de ce Grand Conseil.

M. Nicolas Brunschwig (L). Permettez-moi tout d'abord, en ma qualité de président de la commission des finances, de remercier tous les membres de la commission pour le travail effectué et pour la qualité des débats que nous avons eus.

Le groupe libéral est aujourd'hui partagé entre l'appréciation extrêmement positive sur la qualité de la gestion du Conseil d'Etat, pour l'année 1993, et l'inquiétude profonde que suscitent la complexité et l'ampleur du problème financier que rencontre notre République. Exprimons tout d'abord notre satisfaction sur l'exercice passé avec un certain nombre de chiffres et de faits concrets, à notre avis indiscutables : un déficit de 498 millions, inférieur de quelque 2 millions au budget voté. Surtout, un parfait contrôle des charges de fonctionnement dépendant du Conseil d'Etat, soit les charges de personnel qui baissent de quelque 20 millions par rapport à l'exercice 1992, ainsi que les dépenses générales, elles aussi inférieures au budget voté.

Nous constatons également une diminution d'effectif correspondant à l'effort demandé par le plan de redressement quadriennal voté par notre parlement, puis ratifié par une large majorité de la population. Enfin, nous pouvons voir que les revenus fiscaux correspondent aux prévisions faites par le département des finances. Ces chiffres ont donc été contestés à tort par certains députés. Cependant, un élément contraste fortement avec le contrôle des dépenses et les bonnes prévisions fiscales que je viens de mentionner. Il s'agit de la forte progression des dépenses sociales, en augmentation de quelque 14% en deux ans, soit plus du double de l'inflation et qui correspondent à un montant de 703 millions en 1993. Cette progression importante provient en grande partie de la crise conjoncturelle, avec plus 31 millions pour l'aide aux chômeurs, au vieillissement de la population, plus 47 millions, et aux locataires, plus 16 millions.

C'est donc dire que le démantèlement des prestations sociales que certains osent évoquer est une contrevérité. Nous devons, de plus, constater la forte augmentation des intérêts à 394 millions, en progression de 50% en deux ans. Ce montant représente bien plus, par exemple, que la somme allouée aux personnes âgées qui, elle, se situe à 282 millions. C'est dire que les charges financières liées à l'augmentation de notre endettement, dues principalement à nos importants déficits, absorbent une grande partie de nos ressources. Comme l'a déjà dit M. Ducommun, c'est l'équivalent des 80% des impôts des personnes morales.

Fondamentalement, ces comptes correspondent tout à fait aux axes décidés dans le budget. Priorité à l'assistance, contrôle des dépenses de fonctionnement. Comment, dès lors, comprendre ou expliquer les rapports de minorité des partis de gauche ? S'agit-il d'une stratégie de contestation pure et dure ? Certainement en ce qui concerne l'Alliance de gauche qui confirme depuis de nombreuses années cette volonté d'opposition, de combat, en se référant à un modèle de société nous semblant dépassé, pour ne pas dire plus.

En ce qui concerne le parti socialiste, même une réflexion importante et objective ne permet pas de comprendre les motivations de cette opposition qui nous semble stérile. La lecture du rapport de notre estimée collègue Sayegh ne nous éclaire pas davantage. Que veut dire, je cite : «affirmer notre discorde politique sur les priorités qui sont celles du gouvernement.» ? Le parti socialiste estime-t-il que l'augmentation des dépenses sociales est trop importante ou, au contraire, trop faible, ce qui semble plus vraisemblable, mais totalement irréaliste lorsque l'on considère le déficit que nous connaissons, les charges financières que j'ai évoquées et l'impossibilité d'accroître la charge fiscale comme les dernières votations nous l'ont démontrée de manière très claire. Cela nous semblerait, d'ailleurs, totalement contreproductif.

A ce propos, je crois, Madame Sayegh, que vous vous trompez lorsque vous pensez que la population refuse des augmentations de fiscalité en raison d'avis qui seraient donnés par des partis. La population ne veut plus d'augmentation sur la fiscalité en tant que telle et l'ensemble des dernières votations, non seulement à Genève mais en Suisse, l'a montré. C'est donc sans doute le fait de n'être plus un parti gouvernemental qui permet au parti socialiste ce manque de réalisme en se cantonnant dans des abstractions et des formules théoriques.

Enfin, le groupe écologiste reste fidèle à lui-même, répétant ses principes qui, malheureusement, n'évoluent que peu ou, tout au moins, ne s'adaptent pas aux problèmes prioritaires de notre époque et de notre canton.

Le Conseil d'Etat a atteint les objectifs que nous lui avions fixés et cela dans un contexte extrêmement difficile. La première partie du plan de redressement a été respectée, mais la route est encore longue et semée d'embûches. Il s'agit aujourd'hui de confirmer les prochaines étapes conformément à la volonté populaire, même si vous la niez, et d'apporter notre soutien au Conseil d'Etat en votant massivement ces comptes 1993.

M. Jean Montessuit (PDC). Le budget de l'exercice 1993 prévoyait un déficit de 499,6 millions et se confirme à 497,7 millions, soit un écart de 0,5%. Ce résultat, même s'il est négatif par son ampleur, est remarquable de précision et démontre combien le Conseil d'Etat, avec l'appui de la fonction publique, parvient peu à peu à dominer le débordement des finances cantonales et à inscrire, pour l'instant tout du moins - nous en reparlerons cet automne - celui-ci dans un plan directeur d'assainissement. Il est vrai que le Conseil d'Etat reçoit l'appui de la commission des finances avec l'application rigoureuse de l'article 12, même si, comme le relevait tout à l'heure le rapporteur de majorité, il y a eu quelques petits écarts.

Le groupe démocrate-chrétien remercie le Conseil d'Etat de tous ses efforts et souligne encore que ces résultats ont été obtenus tout en maintenant, voire en augmentant, les moyens pour l'aide aux plus démunis, qu'il s'agisse du chômage, de l'aide aux personnes âgées sans revenu ou de l'aide au logement social. Même le rapport de la première minorité - premier et deuxième paragraphe - salue les bonnes gestions du Conseil d'Etat. Il est vrai que, quelques phrases plus loin, on peut lire que l'excédent des charges de fonctionnement dépasse de plus de 20 millions la somme budgétée - ce qui, en fait, est faux, puisqu'il y a 2 millions de moins - et que l'ensemble des charges n'a pas été maîtrisé malgré un effort évident de tous les services pour réduire leur coût de fonctionnement et respecter ainsi le plan financier quadriennal. Comprenne qui pourra !

En vérité, je pense qu'il n'est pas facile d'argumenter pour refuser les comptes et que vous devriez peut-être, Mesdames et Messieurs les socialistes, y réfléchir à deux fois. Voyez-vous, j'ai l'impression, en vous lisant que vous vous sentez débordés par l'Alliance de gauche et que vous vous démenez maladroitement pour justifier vos positions. Franchement, la qualité de vos prestations individuelles mérite mieux, mais je reconnais que votre position n'est pas facile.

Le rapport de la deuxième minorité, à l'ordinaire, ne manque pas de conseils, de théories, voire de contradictions. Je cite en page 129, concernant les économies d'énergie : «Les remarques contenues dans le rapport de gestion des comptes 1993 ne nous satisfont pas du tout.». Alors que la même députée Leuenberger écrit dans son rapport commun avec M. Gardiol sur le département des travaux publics en page 63 : «Pour le surplus, Mme Leuenberger souligne que le budget a été bien respecté dans ce département. Elle relève notamment les efforts faits en ce qui concerne les dépenses d'énergie.» ! On retrouve également dans ce rapport les blocages intellectuels habituels contre l'OCEN et les diatribes surannées sur le partage du temps de travail, pour terminer courageusement par un appel à l'abstention ! En passant, il m'intéresserait, Madame Leuenberger, que vous nous expliquiez tout à l'heure comment vous pensez qu'il y aurait lieu de répartir plus équitablement la masse salariale.

Reste le rapport de la troisième minorité. Là, la phraséologie, par ailleurs habile mais connue, de M. Spielmann, recouvre tous les problèmes de société aux niveaux communal, cantonal et fédéral, cela pour nous faire croire que nous sommes tombés dans le péché et qu'il est grand temps de nous repentir ! Non, Monsieur Spielmann, nous ne changerons pas nos orientations ! Nous poursuivrons notre recherche de finances saines tant nous avons conscience qu'une certaine justice sociale n'est possible que dans un Etat financièrement fort et que celui-ci ne peut l'être que dans le cadre d'une économie saine et prospère avec des recettes fiscales librement consenties.

Merci encore au rapporteur de majorité pour son travail. Merci aux autres rapporteurs également et, comme nous sommes à la veille des vacances, je vous souhaite un bon été à tous.

M. Laurent Rebeaud (Ve). M. Nicolas Brunschwig a dit tout à l'heure que les écologistes étaient fidèles à eux-mêmes, ce qui est un compliment et je l'en remercie. Il a dit une autre chose avec laquelle je ne suis pas d'accord, c'est qu'ils proposent des idées dépassées et qu'ils ne se sont pas adaptés à la réalité. Je réponds également à M. Montessuit qui pense que le partage du travail est une recette surannée. Il faudrait au moins l'avoir essayée avant de dire qu'elle est surannée. (Remarque de M. Montessuit. Les écologistes réagissent.)

Au niveau des généralités et des grands problèmes sociaux que nous avons affrontés en tant que collectivité publique, il y a une erreur constamment répétée consistant à comparer la gestion de l'Etat avec la gestion d'une entreprise. Or, on ne peut pas les mettre en parallèle. Lorsqu'une entreprise doit assainir ses comptes parce qu'elle fait des déficits, qu'elle doit trop emprunter, elle peut réduire sa masse salariale, elle peut licencier du personnel et elle est effectivement débarrassée d'une charge. Vous savez très bien que, si l'Etat fait de même, il ne se débarrasse pas d'une charge : il la transfère. Il avait des travailleurs qu'il devait payer et il a des chômeurs qu'il doit rémunérer via le fonds de compensation de l'assurance-chômage. Les 250 millions dont souffre M. Vodoz, qui sont la contribution de l'Etat de Genève au fonds de compensation de l'assurance-chômage, résultent en partie du fait que l'Etat fonctionne comme une entreprise, c'est-à-dire qu'il prétend équilibrer ses comptes en réduisant ses charges de personnel.

Je ne dis pas que c'est faux de réduire les charges de personnel en termes financiers, je dis qu'il est faux de réaliser cette réduction en réduisant le nombre de postes de travail. Il y a environ mille emplois de moins dans la fonction publique, et on entend des gens se glorifier d'avoir réussi à serrer la vis, à rationaliser, etc. C'est très bien de rationaliser, mais ce n'est pas bien de supprimer des fonctions utiles à la société, d'abord parce que ces services ne sont plus disponibles pour la société et, ensuite et surtout, parce que ce sont des économies de gribouille. On supprime des postes de travail pour avoir des charges salariales en moins et on retrouve les mêmes frais au niveau de l'assurance-chômage. Je sais bien qu'il faut les partager avec la Confédération, mais au niveau global cela revient au même. D'ailleurs la Confédération fait la même erreur, en se disant que, les cantons payant la moitié, on peut licencier. Cela représente toute une série de frais à l'avenir et vous en parlerez à propos du budget de M. Segond, car des chômeurs en plus, cela crée des problèmes sociaux et des problèmes sanitaires supplémentaires. De plus, chez les jeunes surtout, la progression de la délinquance en relation avec le chômage est constante, ce qui ajoutera des dépenses au budget de M. Ramseyer.

C'est pour cela que je me permets de rompre une lance, la dernière en ce qui me concerne dans cette enceinte, pour que l'on prenne plus au sérieux la proposition souple et moderne de répartition du temps de travail, spécialement dans les administrations publiques, du fait que celles-ci sont les mieux placées et les plus motivées par leur situation pour réaliser quelque chose dans ce sens.

Monsieur Montessuit, vous me demandez comment faire pour réduire la masse salariale. Bien évidemment, cela demande du courage à tout le monde, à la gauche comme à la droite. Le problème que nous avons, c'est d'avoir vécu trente ou quarante ans au-dessus de nos moyens réels, car dans notre société, on a accumulé des profits résultant d'un certain nombre de déséquilibres : spéculation sur l'avenir, exploitation de ressources, provenant pour une large part du tiers-monde et de pays du Sud, qui nous permettaient d'accumuler des richesses. Tout cela maintenant n'est plus possible ou, en tout cas, plus dans les mêmes proportions.

La solution est nécessairement dans une réduction des salaires. Evidemment, ce n'est pas très agréable de le constater, mais, si les ressources ne sont plus là et si vous voulez faire fonctionner cette société, il faut qu'à tous les niveaux on commence par accepter cette idée. Il est fondamental de se donner une discipline et c'est aussi le rôle de l'Etat de faire admettre l'idée que le travail soit payé un peu moins. Si l'on peut partager le travail, c'est-à-dire si l'on peut réduire le temps de travail nécessaire au lieu d'avoir une augmentation du chômage, on pourrait avoir aussi - c'est moderne, Monsieur Montessuit, ce n'est pas suranné - un gain de liberté. Le temps libre peut aussi être vu en termes positifs. Quand vous me montrez ces magnifiques photos de vacances, oui, pourquoi pas ! Si nous avions la semaine de quatre jours, on pourrait être, quand il fait beau, un jour de plus à la plage.

Je ne pense pas que, sur le principe, le Conseil d'Etat ait grand-chose à objecter; c'est l'application qui est difficile. J'entends déjà M. Vodoz me dire que les syndicats ne seront pas d'accord avec les conditions que poserait le partage du temps de travail tel que les écologistes le proposent. Il n'empêche que le Conseil d'Etat pourrait le dire et le faire plus rapidement. On nous a dit que l'idée du partage du temps de travail était à l'étude, et si elle est si pénible, c'est que ni d'un côté ni de l'autre on est d'accord d'entrer en matière sur l'idée qu'il faut réduire partout le niveau des salaires. Si l'on peut en même temps gagner du temps libre et se faire à cette idée, alors on sortira de l'engrenage. N'essayez pas de nous faire croire qu'une simple relance de l'économie va nous permettre de retrouver le plein-emploi. Aucun analyste sérieux ne peut, en considérant globalement les problèmes internationaux et la situation internationale de la Suisse, vous faire avaler des bourdes pareilles. Nous aurons en Suisse à lutter avec des pays étrangers où les salaires sont inférieurs de moitié aux nôtres. Le Conseil d'Etat le sait très bien quand il se bagarre pour maintenir à Genève les institutions internationales : une des difficultés que nous avons en Suisse c'est le niveau des salaires, ce n'est pas seulement le prix des terrains.

Cela dit, M. Vodoz a dit en commission que le financement de l'assurance-chômage devrait se faire par la TVA. J'ai peur que ce soit encore une fois une solution de facilité. Ce serait une augmentation de la TVA. Tout le monde louche vers la TVA. Les vieux louchent dessus, car il faut trouver des financements pour l'AVS étant donné le vieillissement de la population et on connaît les courbes catastrophiques que nous dessinent les démographes. Dans le domaine de la santé, assurance-maladie, assurance-maternité, c'est la même chose. M. Vodoz dit, à propos de l'assurance-chômage : «La TVA, ce serait mieux, car l'on éviterait de financer le fonds de compensation de l'assurance-chômage avec le budget cantonal.». M. Brunschwig a dit tout à l'heure que le peuple ne voulait pas d'augmentation d'impôts. Je suis d'accord également et je suis sûr que du côté des consommateurs... (Exclamations.) ...on ne sera pas d'accord d'accepter si facilement une augmentation du taux de TVA de 7, 8, 10 ou 15% telle que pourrait l'exiger l'évolution des besoins de financement des assurances sociales. Techniquement, c'est juste, il faudrait pouvoir fiscaliser le financement de l'assurance-chômage, mais il faut simultanément faire en sorte que l'assurance-chômage cesse de coûter d'année en année plus cher, c'est-à-dire diminuer le chômage.

Pour diminuer le chômage, il faut entre autre - ce n'est pas la panacée ni une recette miracle - travailler sérieusement sur une réduction généralisée du temps de travail, accompagnée d'une réduction proportionnelle du salaire pour les hauts revenus et inférieure à la proportion pour les bas salaires. Si vous diminuez les bas salaires, vous retrouvez exactement les mêmes charges au niveau du budget social et vous mettez les gens à l'assistance. Il faut donc qu'un effort particulier soit demandé aux personnes bénéficiant de hauts salaires. C'est normal ! Si vous voulez qu'un employé de la classe moyenne accepte une réduction de son salaire, il faut qu'il y soit motivé et encouragé moralement par le fait que ses supérieurs et ses «sur-supérieurs» - je pense au Conseil d'Etat et aux hauts fonctionnaires qui gagnent 200 000 F et plus - fassent eux-mêmes un effort supplémentaire.

Si cet effort n'est pas fourni et si l'exemple n'est pas donné par les gens ayant les moyens de le faire, personne ne sera d'accord de faire les sacrifices nécessaires. Vous ne pouvez, Monsieur Vodoz, partir de l'idée que personne n'est d'accord. Vous ne pouvez pas ! Par contre, si vous trouvez que cette idée est juste, vous devez le dire en espérant convaincre les autres, car, si vous renoncez à défendre une idée juste sous prétexte que tout le monde n'est pas d'accord d'avance, vous vous enlevez toute possibilité de sortir une fois de l'auberge. (Applaudissements.)

M. Bernard Lescaze (R). La situation n'est peut-être pas bonne, elle pourrait cependant être pire. C'est pourquoi le groupe radical se félicite des comptes qui lui sont présentés dont tous les partis, sur tous les bancs, ont reconnu la parfaite tenue quant au plan comptable, la parfaite gestion des intérêts de l'Etat et nous nous étonnons des refus annoncés, voire des abstentions.

On prétend que, sur le plan du fonctionnement de l'Etat et des investissements, on assiste à un démantèlement. Cela est évidemment erroné. C'est même une contrevérité éhontée. Dans le rapport de la troisième minorité, on trouve que les dépenses de fonctionnement de l'Etat se sont élevées, en 1993, à 12 829 F par habitant. Ce chiffre considérable montre bien qu'on est loin d'un démantèlement des fonctions principales de l'Etat. D'ailleurs, le même rapporteur de minorité constate une explosion des dépenses sociales rendues nécessaires par la situation économique et qui montre bien que, dans son fonctionnement, l'Etat a décidé de consacrer une partie accrue de ses ressources afin de couvrir les besoins prépondérants de la population et, précisément, de la partie la plus défavorisée de la population. Si l'on analyse d'une autre manière les chiffres de l'Etat, on constate malheureusement un déficit de 497,7 millions, mais, sur ce déficit, 394 millions représentent le coût financier de la dette. Ce chiffre risque hélas de s'accroître ces prochaines années.

Sur la centaine de millions restante, on constate que, par exemple, le déficit de l'Hospice général se monte à 6,7 millions et que, contrairement à ce que dit la rapporteuse de première minorité, ce chiffre n'est pas entièrement à mettre sur les dépenses d'assistance mais également sur des prestations plus élevées à Genève que dans les autres cantons, et le parti socialiste le sait parfaitement ! Alors il faudra nous dire, dans les économies que vous voulez faire, si vous comptez là aussi prendre vos responsabilités. Nous nous intéressons beaucoup à connaître votre réponse. On prétend que le volume des investissements est insuffisant, voire démantelé. Ce volume s'élève à 562 millions bruts, à 424 millions nets, et en réalité la prétendue réduction, le prétendu démantèlement a fait que par habitant, entre 1992 et 1993, on est passé de 1 353 F à 2 453 F. Ce sont là, de nouveau, les chiffres cités par M. Spielmann.

M. Spielmann a quelques bonnes notions d'économie. Il en est resté à la théorie keynésienne du rôle de l'Etat. Cette théorie n'est pas entièrement fausse mais il ne faut pas oublier que l'Etat de Genève ne dispose pas d'une planche à billets. En conséquence, la théorie keynésienne ne peut pas entièrement s'appliquer dans ce cas-là. Enfin, il faut le répéter, quand on entend dire qu'au niveau social l'Etat de Genève, et peut-être même la Suisse entière, se trouvent dans les derniers rangs mondiaux, c'est véritablement s'abuser, s'illusionner et nous faire croire que nous ne pouvons pas voir la réalité qui nous entoure. En vérité, l'Etat de Genève offre parmi les meilleures prestations sociales au monde; nous pouvons en être fiers, et d'ailleurs nous le sommes, mais qu'on ne vienne pas ensuite le dénigrer.

J'aimerais encore rappeler, à propos du rapport et du commentaire du parti écologiste concernant le partage du temps de travail, que celui-ci impliquera nécessairement une baisse du niveau de vie des gens, c'est-à-dire une baisse des ressources fiscales et que l'on est entraîné, à ce moment-là, dans une spirale dont on ne sait pas exactement où elle nous mènera. Si, à titre purement personnel, je peux être favorable au partage du temps de travail, force m'est de constater que, dans le climat actuel genevois, ceux qui, dans la fonction publique, pourraient le plus facilement l'accepter en raison du haut niveau de leur salaire et de la répartition de leur temps de travail, ce sont bien les enseignants. Pourtant, ceux-ci s'y refusent obstinément et ne tiennent absolument pas à ce partage du temps de travail, désirant, et c'est finalement bien compréhensible, conserver le plus longtemps possible le maximum de ressources possibles.

Il y a là un gros effort d'éducation à faire. Nous nous réjouissons de voir le parti écologiste l'entreprendre, mais pour l'instant, il faut bien le dire, nous n'avons encore rien vu. Dans ces conditions, nous remercions le Conseil d'Etat d'avoir tenu le cap, d'avoir suivi tant bien que mal la ligne qu'il s'était fixée. Nous savons bien que les véritables échéances, les véritables problèmes se trouvent devant nous et non pas derrière. A ce moment-là, nous verrons si les nombreux donneurs de leçons que nous pouvons lire dans ces pages - et je vous rappelle que les conseilleurs ne sont pas les payeurs - sauront être là pour nous aider, aider toute la communauté genevoise à poursuivre sa tâche d'assainissement des finances publiques.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je ne vais donner de leçon à personne. Je ne vais pas faire comme mes préopinants, c'est-à-dire passer en revue les différents rapports et donner des notes : bon, moins bon, mauvais, pourrait mieux faire. Je vais simplement essayer de vous expliquer la position du groupe socialiste.

Réduire les effectifs de la fonction publique de 2% par année, réduire parallèlement le pouvoir d'achat du personnel de la fonction publique, réduire encore le volume des investissements publics, réduire, réduire et encore réduire, c'est le leitmotiv de la politique engagée par le Conseil d'Etat en vue d'assainir les finances publiques. Certes, de telles mesures sont à première vue à même de diminuer le montant du déficit budgétaire, mais à court terme seulement et en faisant fi des effets pervers, voire contraires au but poursuivi par de telles mesures appliquées en période de crise.

En effet, réduire les effectifs, même sans licenciement, c'est, d'une certaine manière, réduire d'autant le volume global de l'emploi dans notre canton, donc contribuer à augmenter le chômage, et qui dit chômage dit prestations, allocations, assistance donc charges supplémentaires. Réduire le pouvoir d'achat des employés de la fonction publique c'est, certes, diminuer les charges de personnel, mais c'est, en même temps, réduire indirectement la masse fiscale. Réduire les investissements publics, c'est refuser de contribuer à la relance économique, renoncer à donner du travail à certaines entreprises, donc, encore une fois, contribuer à aggraver le chômage.

J'ai pris ces trois exemples, mais il y en aurait d'autres, pour vous dire pourquoi nous ne pouvons pas suivre le Conseil d'Etat dans sa politique. Certes, les comptes 1993 de l'Etat sont corrects, certes, les chiffres laissent apparaître, à première vue et à court terme, une diminution de certaines charges et un résultat encourageant vis-à-vis du plan d'assainissement des finances publiques comme l'écrit le rapporteur de majorité. Mais qu'en sera-t-il demain lorsque ce que l'on aura gagné d'un côté par de telles mesures sera réabsorbé de l'autre par l'aggravation de la situation économique et, partant, par l'augmentation des charges sociales, prestations aux chômeurs, assistance aux plus démunis, etc. ?

Voilà les véritables raisons de l'opposition du parti socialiste à ce rapport sur les comptes. Maintenant, Monsieur Ducommun, en ce qui concerne la recherche de recettes nouvelles, nous maintenons que nous avons l'impression qu'il n'y a pas de véritable volonté politique d'aller dans ce sens. Combien de temps pour faire aboutir notre projet d'imposition des personnes morales ? Nous avions proposé une imposition des gains mobiliers, celle-ci a été refusée. A-t-on véritablement exploré l'idée des taxes écologiques, de la taxe sur la deuxième voiture ? Quelle volonté se manifeste-t-elle pour taxer davantage les bénéfices incroyables annoncés, année après année, par les grandes banques ? Quant au partage du travail - on vient d'en parler très longuement - qui permettrait de freiner la diminution des effectifs, on en parle régulièrement mais on ne voit rien venir. J'ai parfois un peu l'impression que c'est l'Arlésienne de ce Grand Conseil ! On en parle, on en parle, on ne le voit jamais. Lassés de ne voir rien venir, nous avons d'ailleurs décidé de prendre le taureau par les cornes et de vous faire prochainement des propositions en collaboration avec les autres partis de gauche de cette enceinte et les syndicats.

Encore plus incompréhensible, on décide de se séparer d'une activité qui pourrait être rentable, si mieux gérée, telle que le SAN. Le groupe socialiste ne pense pas que la politique engagée permettra d'atteindre les objectifs visés, à savoir le redressement des finances publiques pour 1997. Nous avions déjà souligné à l'époque que cette date était irréaliste au vu de la crise économique que nous traversons. On ne nous a pas écoutés et on a fait croire au peuple que tout se déroulerait sans problème. Nous avons hélas bien peur qu'il ne déchante d'ici peu. C'est pour ces raisons seulement, raisons d'ordre politique et non comptable, que notre groupe refusera le rapport de gestion du Conseil d'Etat et les comptes pour 1993.

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Quelques réponses aux questions posées sur mon rapport de minorité. Je dirai tout d'abord à M. Lescaze qu'il devrait lire les chiffres plus attentivement, ça lui éviterait de dire le contraire de ce qui est écrit dans mon rapport. Je n'ai jamais dit que les dépenses d'investissements étaient en diminution, j'ai simplement précisé - vous auriez pu avoir l'honnêteté de le dire aussi - que l'augmentation des dépenses par habitant résultait avant tout de la prise en compte, dans ce budget et pour la première fois, de la participation au capital dotation de la Banque cantonale dans les dépenses d'investissements par habitant et que cette augmentation se montait à 375 F par habitant. Vous auriez pu dire également qu'elle fait partie de l'avance faite en faveur du fonds fédéral pour l'assurance-chômage, soit 639,60 F par habitant et que, si vous aviez lu cela, vous vous seriez aperçu qu'en définitive les dépenses d'investissements par habitant sont réduites par rapport à ce qu'elles étaient les années précédentes. C'est la conclusion à laquelle, je pense, vous auriez pu arriver, mais il est toujours plus facile de polémiquer plutôt que d'analyser des chiffres.

Quant au dogme de Keynes, on pourrait effectivement y revenir, mais je ne crois pas que ce serait la solution, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Il y a, dans la gestion de l'économie, des réalités desquelles vous ne pouvez pas vous écarter et on ne peut pas, comme ça, lancer à la cantonade toute une série de propositions sans qu'elles aient des conséquences directes sur le développement économique et social de notre société. Il en va ainsi d'une série de propositions avancées tout à l'heure et qui ont suscité beaucoup d'applaudissements. Je pense, notamment, à celle du partage du temps de travail avec diminution du salaire proportionnelle. Il ne faut pas oublier que, si l'on fait cela aujourd'hui, on pourrait - ce serait un bon moyen - utiliser les sommes dégagées pour créer de nouveaux emplois, mais je vous rends attentifs au fait qu'une baisse de 10% des salaires dans la conjoncture actuelle n'est certainement pas le meilleur moyen de relancer l'économie.

Par conséquent, le développement économique passe aussi par le maintien du pouvoir d'achat, si ce n'est par l'amélioration du travail et des richesses produites. Je dirai également à M. Rebeaud qu'il aurait été plus crédible dans ses argumentations économiques si, hier soir, il avait voté pour le maintien de la loi sur le prélèvement d'impôts sur les bénéfices immobiliers. Je trouve dommage qu'il n'ait même pas accepté le dernier amendement prévoyant de taxer seulement la moitié de ce que l'on a taxé jusqu'à présent sur les bénéfices immobiliers. Quand on parle des questions économiques de fond, je crois que, pour nous, entre une baisse généralisée des salaires et le maintien de l'imposition sur les bénéfices et sur les activités ne produisant aucune richesse pour la collectivité, notre choix est clair, et le faire concrètement c'est aussi rentrer dans une série de contradictions dont je comprends qu'il faille des explications touffues pour essayer de s'en sortir.

En ce qui concerne de manière plus générale les développements des dépenses sociales - je reviens à l'intervention de M. Lescaze - je vous rappelle qu'il y a une définition un peu différente de notre analyse des dépenses sociales. Je l'ai dit et répété dans ce parlement, une des conséquences de l'explosion des dépenses sociales est l'accroissement de l'assistance. Je considère qu'il n'est pas satisfaisant pour une société de payer des gens pour qu'ils ne travaillent pas, de payer des chômeurs. Il s'agit de trouver les moyens pour assurer un emploi aux gens, pour qu'au niveau personnel ils se sentent utiles à la société en participant à la production des richesses. Dans un deuxième temps, il n'est pas admissible de voir que, sur l'ensemble des statistiques et sur le développement de la politique sociale, on soit au niveau le plus bas des pays industrialisés et que l'on n'ait pas de politique sociale pour la protection de la famille ou en faveur des retraites.

Je pourrais parler ici des méandres de la dixième révision de la loi sur l'AVS et des conséquences qu'elle a sur les dépenses, y compris sur les dépenses des budgets cantonaux. Tout cela pour vous dire que l'explosion sociale, comme vous l'appelez, c'est de l'assistance. L'assistance, nous n'en voulons pas, et ce n'est pas non plus une façon intelligente de dépenser l'argent de la collectivité que d'assumer des dépenses d'assistance parce que la politique de prévoyance sociale est totalement insuffisante. Cette politique résulte d'une politique des bas salaires conduisant des gens à être sous-assurés, à ne pas pouvoir assurer leur survie avec leur retraite et ne pas pouvoir non plus trouver un logement décent.

Ces dépenses d'assistance devront vous conduire à réfléchir sur le fait que l'assistance coûte beaucoup plus cher qu'une véritable protection sociale. Cela me semble tellement évident sur le plan économique. Il ne me semble pas acceptable de voir se développer cette société à deux vitesses où les uns sont condamnés à l'assistance et à la charité simplement en raison du manque de politique sociale. Vous pouvez voir au travers des différents comptes que c'est une préoccupation et, si vous ne l'aviez pas aujourd'hui, vous seriez contraints de l'avoir demain, parce que vous vous enfoncez dans une voie sans issue avec cette politique de démantèlement social. Des exemples plus lointains devraient vous inciter à réfléchir un petit peu sur la poursuite d'une politique ayant démontré qu'elle ne conduisait qu'à des échecs et à des rectifications nécessaires.

Pour le surplus, dans les différents arguments développés, j'ai trouvé peu de prétextes pouvant justifier la poursuite de la politique actuelle. Je n'ai pas entendu les entrepreneurs qui manifestaient pour les investissements. Que pensez-vous aujourd'hui de l'activité de votre Conseil d'Etat ? Vous êtes certainement contents de le voir en place. Verra-t-on bientôt à nouveau des calicots pour le féliciter d'avoir réduit de moitié les investissements de la construction ? Peut-être avez-vous complètement changé et que ce ne sont pas toujours ceux que l'on croit qui font de la politique politicienne dans ce parlement.

M. Bernard Lescaze (R). J'aimerais juste, très brièvement, d'abord m'étonner face à la représentante du parti socialiste de l'oubli complet qu'elle semble faire du fait que nous sommes en train, aujourd'hui, Madame, d'approuver les comptes de 1993, alors que votre parti comptait jusqu'au 6 décembre 1993 deux magistrats et qu'ils ont donc pleinement participé à la gestion de ce Conseil d'Etat. En conséquence, les éloges que nous avions faits à la gestion du Conseil d'Etat en 1993 s'appliquaient également à vos deux magistrats et nous nous réjouissons de vous les voir désavouer tout à l'heure.

La phraséologie de M. Spielmann est beaucoup plus labile qu'habile. (Rires. Quolibets.) J'aimerais lui répondre en lui citant ses propres chiffres en ce qui concerne les investissements. D'après les chiffres cités tout à l'heure par M. Spielmann et, les connaissant, bien entendu, parfaitement, l'augmentation des investissements par habitant - il n'y a qu'à savoir faire une addition et une soustraction - se monte à 85,40 F, soit 0,7%. A l'époque où la construction, notamment, subit une contraction extraordinaire de 10 à 20%, si ce n'est plus, le fait que les investissements réels soient restés stables, Monsieur Spielmann, montre bien que l'Etat a continué à maintenir son investissement et qu'en réalité lorsque vous parlez de démantèlement, vous jouez sur les mots.

En ce qui concerne vos remarques sur le domaine social, personne ne trouve satisfaisant de payer un chômeur plutôt que quelqu'un qui travaille. Toutefois, tout le monde, dans cette enceinte, trouve particulièrement satisfaisant qu'à Genève chacun puisse payer son loyer, se nourrir... (Protestations de la gauche. L'orateur hausse le ton.) ...et qu'on n'en soit plus, Monsieur Spielmann, au XIXème siècle. Lorsque vous parlez de l'explosion des dépenses sociales...

M. Jean Spielmann, rapporteur de la troisième minorité. L'assistance, l'assistance !

M. Bernard Lescaze. ...vous parlez d'assistance. Il n'y a pas que les chômeurs, il y a aussi les personnes âgées, et vous savez très bien que ce problème n'est pas un problème de nature conjoncturelle économique mais bien un problème structurel de notre société puisque les personnes âgées, et c'est heureux, peuvent vivre plus longtemps. Alors, vous nous donnerez vos solutions pour résoudre ce problème, car je ne les connais pas personnellement... (Brouhaha.) Je ne pense pas que vous soyez en faveur de mesures drastiques pour éliminer les personnes âgées, je n'aurais pas l'outrecuidance de le dire ! En conséquence, Monsieur Spielmann, ces dépenses sont nécessaires et celles-ci, malheureusement, continueront à exploser, car Genève fait un effort tout particulier en faveur de ces personnes. Laissez là votre rhétorique et regardez la situation en face. (Applaudissements.)

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Il me semble que, puisque nous parlons beaucoup d'économies, M. Lescaze aurait pu faire l'économie de son dernier discours. (Manifestations diverses.) M. Lescaze regrette que l'on donne des leçons. Je crois que le plus beau donneur de leçons de cette enceinte c'est vraiment lui. Il vient d'en faire une nouvelle démonstration. J'aimerais préciser à M. Lescaze, qui n'était pas dans cette enceinte à l'époque, qu'il devrait avoir quelque modestie quand il s'exprime sur le passé et que, malgré deux magistrats au Conseil d'Etat, nous n'avions pas voté le budget 1993.

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. M. Lescaze a un peu de peine à assimiler les différentes interventions que je fais...

Une voix. C'est pas le seul !

M. Jean Spielmann, rapporteur de la troisième minorité. ...et je le comprends ! (Rires.) Ça devrait toutefois lui permettre de faire l'économie de dire n'importe quoi dans cette enceinte ! Monsieur Lescaze, je dis qu'au niveau social nous avons des charges d'assistance découlant d'une politique de prévoyance sociale insuffisante. Puisque vous prenez l'exemple des personnes âgées, je vais vous répondre sur ce terrain. Il y a dans ce pays une AVS faite contre l'avis de vos milieux politiques de l'époque. Il y a eu un vote en 1972, appuyé de manière importante par le parti radical, visant à supprimer une initiative concernant une véritable retraite populaire pour tous en posant le problème des trois piliers pour la retraite. Vous avez jugé préférable de bâtir la retraite sur trois piliers, et l'on voit aujourd'hui dans quelle impasse nous conduit cette politique.

On voit aussi quels sont les problèmes inhérents au deuxième pilier. Malgré toutes les promesses, malgré le vote de 1972, on n'a toujours pas réalisé le libre-passage intégral et les gens sont en train de s'apercevoir qu'ils ont été grugés et que l'on doit revoir l'ensemble du problème. Si aujourd'hui les coûts de l'aide complémentaire aux personnes âgées explosent, c'est bien parce que, depuis dix ans, on laisse traîner dans les tiroirs la dixième révision de l'AVS. Je vous rappelle, à ce titre, que la huitième et neuvième révision de l'AVS avaient privé 60 000 bénéficiaires de ces aides du fait que l'on avait amélioré les revenus de base et que l'explosion des dépenses d'assistance, sur lesquelles j'insiste dans ce débat, est précisément provoquée par une insuffisance au niveau des recettes de la prévoyance sociale.

Si je prolonge cette argumentation en examinant quelles sont les dépenses dans nos budgets, je constate aussi que les lois sur l'assurance-chômage et sur l'assurance-maladie sont en panne de projets réels, de solutions, que l'on nous propose des «multipacks» insatisfaisants et ne permettant pas de trouver de solutions à long terme. Comme je le disais tout à l'heure, le manque de prévoyance sociale se vérifie sur l'ensemble de ces dossiers et vous nous conduisez dans une impasse.

Vous avez dit que je ne parlais pas d'une politique structurelle. Si ce n'est pas ça, alors, qu'est-ce qu'une crise structurelle ? Nous avons besoin de davantage de politique sociale. Cela coûtera un peu plus cher mais beaucoup moins que la politique d'assistance, et cela évitera le développement d'une société à deux vitesses.

M. René Ecuyer (AdG). Je suis assez étonné d'entendre cette affirmation qui revient sans cesse, à savoir que c'est le vieillissement de la population qui provoque une grosse augmentation des dépenses. Chacun sait - vous êtes bien placés pour le savoir puisque vous êtes les dignes représentants des milieux immobiliers - que la hausse spectaculaire des loyers ces dernières années a provoqué une augmentation des dossiers à l'OCPA, à tel point que c'est maintenant l'Etat de Genève qui subventionne les propriétaires pour qu'ils réalisent de confortables bénéfices sur le marché !

Entre également en ligne de compte le transfert des charges de la Confédération vers les cantons et les assurés. L'augmentation des cotisations de l'assurance-maladie a également entraîné une augmentation des dossiers de l'OCPA, ce qui alourdit les charges de l'Etat. On s'indigne parce que l'on parle de démantèlement social. Mais écoutez ! Dans ces comptes, on a supprimé les allocations pour les élèves infirmières, assisté à un transfert de charges vers les communes, par exemple pour les patrouilleuses scolaires et le parascolaire. L'avenir qui se présente aux salariés ainsi qu'aux retraités n'est pas mirobolant. N'est-ce pas un démantèlement social que de vouloir faire travailler les femmes jusqu'à 64 ans ? De vouloir limiter les allocations de chômage à 2 300 F comme l'ont dit les milieux patronaux ? Diminuer les allocations de chômage à 70% pour les jeunes chômeurs... (Coupure de micros.) ...c'était la diminution ou la suppression de la rente AVS pour les gens qui gagnaient plus de 100 000 F par année. J'ai entendu cela à la radio l'autre jour.

Alors, je crois qu'il ne faut pas rêver. Un démantèlement social se met en place et nous nous battrons avec la population.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Après la correction apportée par la commission des finances, du point de vue comptable, les comptes de l'Etat de Genève sont bouclés exactement selon les prévisions. Ce résultat illustre la rigueur des temps à un double titre : la rigueur de la gestion du gouvernement et la rigueur de la situation économique et ses conséquences sur le budget de l'Etat.

Rigueur de la gestion du gouvernement qui, il faut le souligner ici, avec l'appui de l'administration, a pratiquement stoppé net la croissance des charges d'exploitation. Par rapport à 1991, ces charges d'exploitation imputables au fonctionnement des services publics n'ont augmenté que de 2,1% alors que, comme vous le savez, l'inflation progressait durant la même période de 8,4%. La masse salariale de l'Etat a même diminué en termes absolus entre 1992 et 1993, ce qui constitue une véritable démonstration de l'effet des restructurations en cours. En trois ans, l'Etat a maigri de 1 103 postes atteignant presque ainsi son objectif de réduction de 5% de ses effectifs.

A cet égard, j'aimerais vous dire qu'au-delà de tout ce que j'ai entendu depuis 8 h., le problème essentiel auquel nous sommes en réalité tous confrontés, c'est de savoir comment redresser nos finances en essayant de ne pas toucher à des actions et à des prestations que nous considérons comme prioritaires. C'est la raison pour laquelle, indépendamment d'un certain nombre d'effets induits que nous avons aussi analysés, il nous était apparu beaucoup plus important, dès 1992, de toucher au fonctionnement de l'Etat lui-même pour permettre, par ces économies, non seulement de respecter la cible du plan de redressement, mais également d'assurer le financement des priorités sociales, indispensables en cette période de crise.

Du côté des subventions, et notamment des dotations de fonctionnement aux hôpitaux, aux TPG et aux autres institutions publiques et privées, celles-ci n'ont virtuellement pas augmenté entre 1992 et 1993, démontrant là aussi l'effet des mesures prises par le gouvernement. En revanche, et d'aucuns l'ont signalé, les charges financières en intérêts et amortissements poursuivent une croissance explosive. C'est notamment le cas des intérêts passifs qui ont atteint le montant de 394 millions en 1993, soit 46 millions de plus en un an. Cette augmentation représente autant que le budget des soins à domicile. C'est la démonstration de ce que je répète depuis longtemps dans cette enceinte, à savoir que le danger d'un endettement accru fait que, à terme, c'est la politique sociale - parce que nous ne pourrons plus financer l'ensemble des charges que vous souhaitez pourtant garantir - qui en pâtira.

Quant aux amortissements, ils augmentent également, malgré la décision de réduire jusqu'en 1997 le taux d'amortissement normal de 10 à 6%. Cette augmentation est la conséquence du volume des investissements de l'Etat de Genève qui en francs constants, par habitant, ont presque retrouvé ces quatre dernières années leur niveau exceptionnel, contrairement à ce qu'affirmait M. Spielmann, de la période des grands travaux des années 70 alors financée par des centimes affectés. Je rappelle les montants des investissements bruts de l'Etat depuis 1991 qui montrent que, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, l'Etat n'a pas réduit ses investissements pendant le gros de la tempête conjoncturelle : 1991, 569 millions; 1992, 523 millions; 1993, 562 millions.

Charges financières, dépenses sociales, lourds investissements, recettes déprimées, forment ce cocktail qui n'a qu'un nom : emprunt, c'est-à-dire, dettes.

Les besoins d'emprunt ont ascendé à 1,132 milliard en 1993. La dette publique moyenne a atteint 6,6 milliards de francs. Le découvert au bilan se monte à 1,164 milliard, et ce découvert est en quelque sorte la dette de consommation. Combien de temps un commerçant peut-il accepter l'ardoise d'un client qui chaque jour s'endetterait à cette allure ? Le fardeau de cette dette est lourd et promet d'être écrasant si nous ne parvenons pas à ramener nos déficits progressivement. Certes, il est juste et même indispensable, quand on parle de la dette, d'évoquer aussi les actifs de l'Etat. A fin 1993, l'actif productif se montait à 3,9 milliards de francs. C'est loin d'être négligeable. Quant au reste, il serait faux de le qualifier d'improductif sous prétexte qu'il ne produit pas un rendement monétaire direct. Cette vision, en effet, méconnaît la nature particulière de l'Etat, des biens et des prestations qu'il met à disposition de la population. C'est la raison pour laquelle, depuis deux ans, nous avons clairement distingué les charges d'exploitation du fonctionnement de l'Etat, des tâches de transfert ou de redistribution qui constituent aujourd'hui une part importante de notre budget de fonctionnement.

Rigueur de la situation économique maintenant. Elle frappe de plein fouet les entreprises et bon nombre de nos concitoyens dans leurs moyens d'existence. L'Etat n'échappe pas au phénomène; il en supporte les effets multiples et sévères, ce qui explique en grande partie la difficulté de réduire davantage ou plus rapidement, comme le souhaiteraient certains, le déficit public. Pour l'essentiel, la situation conjoncturelle amplifie les déséquilibres de nature structurelle que connaissent tous les cantons : le vieillissement de la population et la réduction de l'assiette fiscale avec pour conséquence que les dépenses sociales prioritaires continuent leur progression, alors que les recettes fiscales croissent moins vite que l'inflation.

Quant au chômage, il touchait 16 310 personnes à la fin de l'année, soit 4 200 de plus qu'un an auparavant. Dans le même temps, le chômage de longue durée prenait une dimension inconnue jusqu'alors. Genève, d'ailleurs, a développé à l'intention de ces personnes des programmes d'occupation temporaire exemplaires. 1 877 personnes en ont bénéficié durant l'année. L'ensemble de ces programmes a coûté 65 millions de francs, dont 44 millions en 1993 pour les seules occupations temporaires, 10 millions de plus que la dépense budgétaire. Mais le chômage s'accompagne de toute une série d'incidences que les chiffres de la comptabilité publique ne restituent qu'imparfaitement ou pas du tout. Le chômage a un coût psychologique, social et culturel; le marasme économique incite les jeunes à rester un peu plus longtemps dans le circuit de formation et force les entreprises et les travailleurs à recourir aux assurances-maladie et invalidité, le tout venant grever in fine les budgets publics. Nous voyons, à titre d'exemple, déjà pour 1994 et surtout dans la préparation du budget 1995, que la part du canton à l'AVS/AI, et tout particulièrement AI, est en grosse augmentation; c'est un des phénomènes de la situation que je décris à l'instant.

Quant aux revenus sans imputation. Dans l'ensemble, les revenus de fonctionnement de l'Etat n'ont augmenté en 1993 que de 1,9% par rapport aux comptes 1992. Du côté des recettes fiscales, la production de l'année 1993 a finalement été dans la cible, les plus et les moins s'équilibrant presque exactement. Mais - c'est important pour le débat qui suivra à la fin du deuxième débat de ces comptes, lorsque j'aborderai comme vous le souhaitez, semble-t-il, l'état de la situation 1994 et l'état de préparation du projet de budget 1995 - depuis 1991, l'impôt sur les personnes physiques, qui représente à lui seul plus de la moitié des revenus de l'Etat, croît au même rythme que l'inflation. C'est dire qu'en termes réels, le pouvoir d'achat de l'Etat stagne. Quant à l'impôt sur les personnes morales, il a fortement reculé en 1993 par rapport à 1992 et affiche, depuis 1991, une croissance négative de 10% environ. Les autres impôts sont toujours déprimés par les piètres performances des impôts immobiliers et des droits d'enregistrement, à peine compensés par les droits de succession.

J'aimerais en conclusion, au niveau des comptes 1993, avant de soulever quelques points sur les rapports de minorité, vous dire que l'Etat - comme l'a rappelé le rapporteur de majorité et je l'en remercie - a rempli ses obligations sociales prioritaires, c'est indiscutable, comme il s'y était d'ailleurs engagé, bien que ses charges sociales croissent à un rythme trois fois supérieur à l'inflation.

Deuxièmement, l'Etat a pu maintenir un volume d'investissements important qui a généré un volume de travail tout aussi important, voire davantage au niveau des entreprises.

Je rappelle - et vous avez aussi trouvé ce chiffre dans le rapport - qu'en trois ans, de 1991 à 1993, l'Etat a investi 1,6 milliard, sans compter les investissements propres des autres collectivités publiques sur le territoire de notre canton. C'est la raison pour laquelle, au-delà de l'aspect comptable - et je remercie l'ensemble des groupes d'avoir souligné la rigueur du gouvernement sur la tenue des comptes - la rigueur politique, par rapport aux priorités que nous vous avions avancées et indiquées, a été, elle aussi, respectée et on ne peut que s'en féliciter, non pas pour nous mais par rapport à la population.

A propos des rapports de minorité, je ne peux pas résister à l'envie de vous donner cette définition de Veraldy à propos de la désinformation : «La désinformation, c'est l'art de présenter une fausse réalité de façon suffisamment convaincante pour que l'adversaire se trompe en résonnant juste.».

A propos du rapport de Mme Sayegh, un point - d'ailleurs repris également par Mme Leuenberger - concernant l'Hospice général. Le budget 1993 de l'Hospice général, présenté à fin 1992 à la commission des finances, affichait un déficit prévisible de 1 million et non pas de 7 millions. L'audition du directeur de l'Hospice n'a donné lieu à aucune proposition d'amendement de la part des commissaires délégués au DASS, dont Mme Sayegh, ni même de la commission des finances. Il est donc facile d'écrire a posteriori au moment des comptes et en extrapolant que l'on aurait dû faire attention.

A propos du déficit constaté et de la mise en provision. Il ne s'agit pas du tout de rendre responsable l'Hospice général, ce d'autant qu'une partie du déficit est due aux tâches que nous avons confiées à l'Hospice général avec l'obligation corollaire de l'Etat de couvrir ce déficit. A cet égard, j'aimerais dire ici que si, en définitive, la commission des finances, après un vote, a souhaité comme je l'ai suggéré, constituer une provision au compte 1993, c'est pour nous permettre non seulement d'étudier ce déficit-là, mais également ceux qui vont venir pour essayer de tirer un certain nombre de conclusions que nous espérons positives. Mais il y a plus, parce qu'à la limite nous aurions pu être dispensés en réalité de faire cette constitution de provision, parce qu'il ne faut pas oublier que les établissements autonomes présentent des comptes qui ne sont connus généralement qu'après que les comptes de l'Etat ont été bouclés.

Par conséquent, les bénéfices ou pertes figurent aux comptes de l'Etat de l'année suivante. Si nous prenons la liste des différents plus et des différents moins, on constate que les bénéfices de la FIPA et des TPG, par exemple, viennent couvrir largement les déficits d'autres établissements publics. Si l'on mentionne le montant net, il est évident que nous n'aurions pas besoin de constituer globalement une provision. Néanmoins, vu l'importance du déficit prévisible au niveau de l'Hospice général pour 1994, nous avons voulu nous donner le temps de cette analyse, c'est la raison pour laquelle la commission des finances a accepté la solution de constituer une provision, ce qui ne veut pas dire que celle-ci devra forcément être libérée dans son intégralité après son examen.

J'aimerais maintenant, à propos du rapport de M. Spielmann, dire deux toutes petites choses. Cela a trait tout d'abord aux investissements. Certes, Monsieur le rapporteur de la troisième minorité, les investissements 1993, malgré leur volume important en chiffres bruts, sont inférieurs de 18 millions au montant budgétisé. Mais ils sont supérieurs de 39 millions par rapport à 1992. Par conséquent, parler de réduction, pour utiliser le terme de M. Spielmann, des investissements et aller même jusqu'à prétendre qu'ils ont été réduis de moitié, c'est contraire à la réalité et je me demande si ce n'est pas simplement le traitement de texte qui a trahi M. Spielmann.

Enfin, M. Spielmann, dans son rapport de minorité, parle de la situation d'un employé de la fonction publique, situé en classe 10, échelon 15, et qui dit qu'il voit son pouvoir d'achat diminuer drastiquement selon un calcul qui vous est présenté. J'aimerais dire, au nom de la rigueur, qu'une personne en classe 10, échelon 15, n'a plus droit à des annuités. Elle plafonne, comme on dit, et, dès lors, elle ne peut pas avoir perdu, comme indiqué dans le rapport de minorité, le montant de son annuité. Il était clair, en revanche, qu'en matière d'indexation la limitation de l'indexation, évidemment, érode le pouvoir d'achat. Mais encore une fois, c'est une question de mesure, et nous le verrons très clairement et nous l'avons vu dans les discussions avec le Cartel intersyndical et les autres organisations représentatives du personnel.

Vouloir assurer le maintien de l'annuité, de la prime de fidélité qui prend le relais grosso modo de l'annuité, et vouloir demander une pleine compensation du renchérissement indépendamment des chiffres, c'est aujourd'hui absolument insupportable pour l'Etat. Les 50 millions que le Conseil d'Etat a proposés représentent en réalité, si nous voulons les voir uniquement sous l'angle de l'indexation, une indexation de 2% par rapport à une inflation prévisible en 1995 de 1%.

Voilà ce que j'entendais vous dire. La rigueur doit impérativement rester de mise, non pas seulement à l'occasion de nos rendez-vous annuels que constitue l'examen du budget et des comptes, mais tout au long de vos actes politiques, car c'est tout au long de l'année, et je ne saurais le répéter suffisamment souvent, que se forgent les budgets de demain.

Permettez-moi enfin de remercier sincèrement les collaboratrices et collaborateurs de l'Etat. Ils ont accepté et compris, dans une très large majorité, la grave situation financière dans laquelle se débat notre canton et l'impérieuse nécessité qui est la nôtre d'en sortir par étapes, en répartissant au mieux, non sans peine, les sacrifices et les efforts d'économies. La fonction publique, qui bénéficie d'un emploi non garanti, mais sûr, montre une certaine solidarité que j'entendais relever ici.

Je remercie enfin les députés de la commission des finances qui ont, tout au long de l'année, assisté le gouvernement dans sa tâche de réduction des dépenses et qui, par le mécanisme instauré des crédits supplémentaires au travers de l'article 12, ont en réalité, Monsieur le rapporteur de majorité, bien fonctionné et contribué au respect du budget voté.

Enfin un mot par rapport au temps de travail. On a beaucoup évoqué, et cela continuera de l'être, la répartition souple du temps de travail, souhaitée notamment par M. Rebeaud. Mais c'est exactement ce que fait l'Etat au niveau de la flexibilité. Les horaires à la carte se sont multipliés, les possibilités de pouvoir travailler dans un certain nombre de secteurs sont largement utilisées et j'avais fait d'ailleurs un rapport à cet égard au Grand Conseil. Les efforts que fait l'Etat de Genève dans ce domaine sont très largement supérieurs à ce qui se fait dans d'autres administrations publiques.

Quant au partage du temps de travail, vous le savez, il y a un groupe paritaire présidé par mon collègue Guy-Olivier Segond. Si le rapport élaboré n'est pas encore sorti définitivement, c'est que, précisément, et comme on pouvait s'y attendre, les positions sont extrêmement bloquées, non pas entre une droite et une gauche, entre des représentants de l'économie, par exemple, et des représentants des salariés, mais bien à l'intérieur de ces tendances-là. C'est la raison pour laquelle il n'est pas du tout aussi évident, très concrètement, de parler de partage du temps de travail, même lié à une diminution des salaires, car pour qu'il puisse y avoir une diminution des salaires suffisamment importante pour que, dans le fond, cela permette le réengagement de personnes afin d'assurer des emplois complémentaires, encore faudrait-il que le niveau de vie baisse simultanément.

Or malheureusement, y compris sur le plan fédéral, toutes les prestations et les taxes prennent un envol, que ce soit au niveau des transports, des assurances, et j'en passe. Par conséquent, au-delà du discours, dans le concret, dans le réel auquel nous sommes confrontés nous-mêmes, il est extrêmement difficile d'échafauder un projet, si ce n'est par petites touches et par endroits, comme on essaie de le faire dans l'économie privée.

Un dernier point par rapport au financement des prestations sociales. J'ai toujours dit que notre système social a été remarquable - et remarqué - et pionnier dans bons nombres de domaines. La couverture sociale dans notre pays a été exemplaire. Le problème que nous avons, c'est le financement aujourd'hui de cette couverture, car les actifs ne veulent plus que l'on prélève davantage sur leur salaire brut et, d'autre part, la population et le contribuable ne veulent plus, quels qu'en soient les objets, que l'on prélève davantage sur leur capacité de consommation. Aujourd'hui, alors que tout le financement repose sur les actifs - nos aînés et nos retraités ne contribuant plus, bien évidemment, à l'effort collectif, si ce n'est par le paiement des impôts ordinaires - un financement par le biais de la TVA, indépendamment du fait que c'est un impôt indirect, permettrait de concerner l'ensemble de la population. Il permettrait donc de déplacer quelque peu le poids de la charge qui pèse exclusivement sur les actifs. Voilà pourquoi je souhaite, avec d'autres, que cette piste au plan fédéral puisse être explorée.

Au terme de ce premier débat sur les comptes 1993, j'aimerais vous dire que l'équation du gouvernement est d'essayer de savoir comment l'on fait pour continuer à financer nos tâches prioritaires alors que les recettes fiscales et les revenus extra-fiscaux sont en pleine diminution. Il est difficile, ou impossible, actuellement de passer devant la population, voire même devant votre parlement pour obtenir une révision de la fiscalité, alors qu'aujourd'hui le poids de la fiscalité non seulement est inéquitablement réparti, mais qu'il est trop lourd pour beaucoup et fondé sur une pyramide fiscale beaucoup trop pointue.

Je vous avais dit, en décembre 1993, au moment de l'établissement du budget 1994, que l'année 1994, et surtout la préparation du budget 1995, seraient extrêmement difficiles parce que, désormais, il ne s'agit plus de discours mais de faits. Vous devez savoir qu'au niveau des faits le gouvernement et vous devrez prendre des mesures courageuses. Nous serons très friands d'entendre vos propositions à cet égard. (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Deux observations par rapport à l'intervention de M. Vodoz. La première concerne les investissements. Non, Monsieur Vodoz, il ne s'agit pas d'un problème de traitement de texte mais simplement d'une explication que vous trouvez dans mon rapport de minorité. Quand je dis que les investissements ont été réduits de moitié, si vous lisez le paragraphe concerné, il commence comme cela :

«Depuis que la composition du Conseil d'Etat correspond mieux à leurs aspirations politiques...» - je parle bien sûr de ceux qui manifestent pour la relance des investissements - «...et qu'il est enfin composé de véritables représentants des «milieux économiques», les représentants patronaux sont devenus plus que discrets sur les vertus de la relance économique par les investissements publics !».

Nous aurons l'occasion d'y revenir de manière plus précise au moment des prochains comptes, mais c'est en tout cas l'orientation qui est prise. Je suis étonné du peu de réactions que cela engendre sur les bancs d'en face. Il s'agit bien d'une réalité et non pas d'une erreur que j'ai commise.

Il est vrai que, si l'on enlève les investissements dus au financement de la Banque cantonale et pour le fonds fédéral de la caisse de chômage, il reste 1 437 F, que c'est légèrement supérieur à l'année précédente mais inférieur à tout ce qui s'est fait les cinq années précédentes. On peut donc parler de stabilisation. J'insiste surtout sur l'orientation politique - M. Lescaze l'a dit tout à l'heure - il y a eu un changement de composition du Conseil d'Etat et ce qui m'intéresse, c'est de voir dans la gestion de ce dernier les mesures qu'il prend. Je rappelle que la première a été de réduire de moitié les investissements !

En ce qui concerne la perte qu'aurait eue le personnel de la fonction publique au titre de l'annuité, de la prime de fidélité - j'aurais pu rajouter encore du rattrapage - il s'agit bien sûr de prendre un point précis. Donc, pour arriver en position 10/15, il faut passer par la 14, et c'est bien sûr dans l'aboutissement de cette position que les gens ont mis une année de plus et ont perdu l'annuité. Je profite de l'occasion pour dire qu'il y a une erreur dans mon rapport et qu'il faut ajouter, dans le chapitre «Fonction publique», à la fin du deuxième paragraphe, qu'ils ont perdu 6 081 F «au titre de l'indexation».

Je ne reviens pas sur l'ensemble des discussions, mais je crois qu'il est important d'avoir ce chiffre à l'esprit lorsque l'on demande de faire davantage de sacrifices.

PL 7085-A

Le projet est adopté en premier débat.

PL 7086-A

Le projet est adopté en premier débat.

PL 7087-A

Le projet est adopté en premier débat.

PL 7085-A

Deuxième débat

Ce projet est adopté en deuxième et troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

ouvrant au Conseil d'Etat divers crédits supplémentaires

pour l'exercice 1993

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Il est ouvert au Conseil d'Etat, pour l'exercice 1993:

a)

divers crédits supplémentaires (fonctionnement) pour un montant de

93 672 362, 35F

b)

divers crédits supplémentaires (investissement) pour un montant de

15 732 167,30 F

soit au total

109 404 529,65 F

2 Conformément à l'article 12, alinéa 6, de la loi sur les dépenses et les recettes du canton de Genève pour l'année 1993, du 18 décembre 1992, des crédits supplémentaires ne sont pas ouverts pour les travaux d'utilité publique et des lois d'investissement dont les tranches annuelles de trésorerie, prévues au budget, sont dépassées.

Art. 2

Il est justifié de ces crédits au compte rendu financier de 1993.

 

La séance est levée à 9 h 55.