République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 juin 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 8e session - 24e séance
M 932
EXPOSÉ DES MOTIFS
On ne peut que féliciter les partenaires qui sont à l'origine de la fondation de la FONGIT-AGIT. Emmenée par M. Jean-Pierre Etter, du LEM, à Plan-les-Ouates, cette équipe formée de représentants patronaux, syndicaux, des banques et de l'Etat, conduit une expérience prometteuse.
L'industrie genevoise génère environ 8 millards de F de chiffre d'affaires annuellement et consacre 3 à 7% de cette somme pour la recherche. C'est dire que les 3 millions de F investis dans le cadre de la FONGIT-AGIT par les partenaires sont très modestes. Pourtant, l'aide consentie aux inventeurs choisis a pour objectif de créer des places de travail à terme ou, pour le moins, de préserver celles d'une entreprise à la recherche d'un second souffle. En effet, le but de la FONGIT-AGIT est de permettre de matérialiser, c'est-à-dire de commercialiser, une idée géniale et, il faut le savoir, le parcours est long et périlleux. Pour l'industriel, l'invention ne représente que 20% d'un produit commercialisé, tandis que, pour l'inventeur, les proportions sont inversées. Dès lors, trouver un terrain d'entente n'est pas chose aisée.
L'assurance-chômage laisse actuellement déjà la possibilité d'un placement de 6 mois en vue d'un perfectionnement. Il y a d'autres solutions préconisées dans l'invite qui peuvent s'adapter dans le cadre de cette proposition. Parmi les avantages, mentionnons qu'un chômeur au travail c'est un chômeur qui parfait sa formation et qui augmente ses chances de placement, sans négliger l'aspect psychologique d'un travail qui rend la dignité à celui qui l'exécute.
Il est à relever que cette motion ne s'intéresse pas qu'aux chômeurs en fin de droit, mais dès le début des prestations fédérales. Cela est important, car il y a souvent des personnes expérimentées qui sont mises au chômage pour la seule raison qu'elles ont dépassé la cinquantaine. Ces compétences et ce savoir-faire inutilisés sont un gâchis. L'autre aspect est les jeunes sans expérience professionnelle qui pourraient faire leurs premières armes dans le cadre de ces programmes d'occupation collectifs.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette motion.
Débat
M. Jean-Claude Genecand (PDC). Il y a comme un vent de crise sur la FONGIT-AGIT. Lancée dans l'enthousiasme il y a trois ans par une palette de personnalités - avec des crédits publics et privés - cette fondation se trouve confrontée à un choix décisif pour son avenir.
L'industrie genevoise génère annuellement 8 milliards de chiffre d'affaires et consacre entre 3 et 7% de cette somme à la recherche. Celle-ci contribue au maintien desdites entreprises, voire à leur développement, mais les inventeurs en puissance n'ont pas accès à ce créneau souvent fort encombré. De là est née l'idée d'une fondation pour inventeurs dont le rôle est de détecter, d'analyser et d'estimer les chances d'une invention à se transformer en une réalisation commercialisable.
Le développement d'un produit demande de longs mois, voire plusieurs années, pour sa mise au point. Il y a non seulement le produit en tant que tel, mais il y a l'outillage pour le produire, puis la mise en place du réseau de commercialisation. Selon l'avis même du président de la FONGIT, le point d'achoppement auquel se trouve confrontée la fondation est cette phase de développement qui coûte à la fois très cher et qui progresse trop lentement par manque d'investissement humain.
Après trois ans d'activité, le conseil de fondation tire un bilan : quatre cents inventions ont été présentées à l'AGIT, cent cinquante ont fait l'objet de discussions, septante l'objet d'un rapport après enquête et examen par le comité de l'AGIT et sept retenues pour présentation à la FONGIT en vue d'un financement. Ces sept innovations sont : taraudeuse, maison modulaire, simulateur de lasershot, manieuse de documents, machine à froid, digesteur/composteur pour restaurants, doseur de poudre.
Les conclusions auxquelles parviennent les membres du conseil sont doubles : soit il faut renforcer les structures actuelles, soit il faut modifier les objectifs. Dans le second cas, il s'agirait de transformer l'AGIT en un bureau conseils en faveur des inventeurs. Ce choix signifierait un renoncement aux objectifs initiaux et à l'ambition de promouvoir la concrétisation d'inventions, par le biais de la FONGIT.
La première solution est de renforcer les structures actuelles. Cette solution motive la présente motion. Pour mener à chef les sept innovations susmentionnées, la FONGIT devrait disposer d'un budget dix fois supérieur au budget actuel. L'état des finances de l'Etat et les limites financières des autres partenaires laissent à penser que ce souhait ne pourra pas être comblé.
Une autre voie peut être explorée, qui consiste à associer les chômeurs à la phase de développement de l'invention en produit fini. Cette solution n'a pas été envisagée dans le rapport et, cependant, elle est conditionnée par le président de l'AGIT.
Certes, il ne s'agit pas d'un problème simple et sans difficultés, mais les avantages sont suffisamment importants pour que des investigations approfondies soient entreprises. Il s'agit, bien sûr, d'un programme lié au développement d'inventions et d'innovations qui a pour objet de conduire des recherches susceptibles d'être commercialisées par des entreprises privées. Il n'est donc pas question de concurrencer des entreprises avec les deniers publics.
Il est également imaginable de créer, lorsque les inventions et les innovations arrivent à maturité, une nouvelle PMI rejoignant l'idée d'une société tremplin. Dans ce cas d'espèce, l'Etat peut recouvrer une part de ses investissements.
Il est évident que les choses paraissent plus simples sur le papier que dans la réalité. La fondation doit faire face à deux obstacles : il faut concilier l'autonomie de l'inventeur avec la réalité économique du développement de son invention. Il faut que l'invention, une fois sur le marché, aboutisse à un succès commercial. L'inventeur est tenaillé par le perfectionnisme; il ignore souvent les données économiques qui exigent la rentabilité des investissements consentis. De même un produit fini, aussi génial soit-il, ne rencontre pas forcément le succès. C'est dire que la tâche n'est pas aisée, mais ces inconvénients doivent, au contraire, galvaniser la volonté d'aboutir. Notre industrie, bien que vigoureuse, a perdu de nombreuses places de travail. Il faut donc retrousser les manches pour atteindre l'objectif fixé par la FONGIT. Nous possédons un instrument; le galvauder serait pire que tout. L'Etat engage sa responsabilité.
C'est une chance pour les chômeurs, qui ont un savoir-faire, et pour les jeunes, qui désirent se réaliser, que de leur mettre à disposition une infrastructure pour le développement des inventions. Concilier à la fois le développement économique, source de nouvelles places de travail, et rendre sa dignité à un chômeur, en lui permettant de s'exprimer dans un travail de recherche, sont les raisons qui ont motivé cette motion. Merci de la soutenir.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Nous remercions nos deux collègues de nous présenter cette motion. L'Alliance de gauche estime que le sujet est intéressant et que la commission de l'économie devrait étudier ce dossier très rapidement.
L'Association «Défense des chômeurs» avait déjà évoqué ce sujet lors de conférences de presse et dans ses brochures. Cette idée avait été exprimée, mais de façon plus succincte. Nous acceptons donc cette motion et son renvoi à la commission de l'économie.
Néanmoins, nous sommes un peu déçus que ce soit sur l'initiative de deux députés qu'un tel projet soit présenté. En effet, cela fait huit mois que nous sommes assis dans cette salle et le Conseil d'Etat ne nous a présenté aucun projet pour favoriser l'emploi. Pourtant, le programme des élections des partis de droite était basé sur la création d'emplois. Depuis que je suis à la commission de l'économie, depuis le début de cette législature, je n'ai pas vu de projets nouveaux; les projets étudiés sont tous anciens. Alors, j'espère que le Conseil d'Etat va se réveiller, suite à la motion de nos deux collègues sur le problème de l'emploi !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte volontiers cette motion pour étude, de sorte que l'on peut éventuellement se dispenser d'un passage devant la commission de l'économie. Cela permettra d'aller plus vite et de vous répondre plus rapidement.
J'avoue avoir des doutes après avoir entendu M. Lyon, qui manifestement ne sait pas ce qui se fait et, lorsqu'il en est informé, persiste à ne pas l'entendre !
Monsieur Lyon, vous prétendez que le Conseil d'Etat ne fait rien en matière d'emploi. Vous ne pouvez pas le savoir, puisque vous ne votez jamais ce qu'on vous présente ! Le Conseil d'Etat a présenté au Grand Conseil dans le cadre de son budget une enveloppe de 54 millions pour les occupations temporaires - c'est le sujet traité dans le cadre de cette motion - et plus de vingt projets sont en cours pour les occupations temporaires collectives. L'un a été réalisé à notre demande, en collaboration avec la Ville de Genève, je veux parler des «Serres Rothschild». Je constate, une fois encore, qu'il faut vous expliquer vingt fois ce que vous pourriez tout de même comprendre à la dixième !
Si vous souhaitez que cette motion passe en commission pour étude, eh bien, nous vous répéterons, encore et encore, les explications nécessaires ! Nous sommes prêts à la prendre directement au Conseil d'Etat, de façon à accélérer la réponse qui est en route. Vous le savez, nous faisons actuellement une évaluation du travail de la FONGIT, dans le délai imparti d'une année à dix-huit mois, puisque nous nous y sommes engagés au moment où ce projet a été présenté devant le Grand Conseil et au moment où nous avons proposé à votre Conseil un refinancement de la FONGIT. Ce délai est maintenant échu et nous présenterons un rapport, qui fait le point de la situation, devant votre Conseil.
Alors, à vous de choisir : pour que M. Lyon comprenne, faut-il que le Conseil d'Etat fasse un rapport ou qu'il le fasse après un rapport de la commission de l'économie, moyennant un passage devant les nobles députés qui y siègent ?
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Monsieur Maitre, vous n'êtes vraiment pas sérieux ! Il y a une différence entre l'occupation temporaire et la création d'emplois. La manchette du «Journal de Genève», il y a deux jours, à propos des jeunes qui cherchent une place d'apprentissage, titrait, je cite : «Tous ces jeunes à l'abandon !». Je me demande bien où est le projet pour inverser cette situation. Alors, ne venez pas me dire que nous étudions des projets révolutionnaires ! Nous n'avons étudié que des petits projets qui dataient de l'ancienne législature ! Surtout - je le répète - ne venez pas dire que vous avez fait la révolution; c'est faux !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. J'aimerais dire à M. Lyon que nous n'avons pas la prétention de faire la révolution. Nous la lui laissons ! Elle est probablement plus dans sa culture que dans la nôtre !
Des voix. Ouhh, ouhh !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. En revanche, je me félicite que vous ayez d'excellentes lectures, puisque je constate que vous lisez le «Journal de Genève» !
Vous saurez certainement, si vous lisez régulièrement ce qui se passe, que Genève a l'un des meilleurs taux de réussite de tout le pays en matière d'emplois nouveaux et d'entreprises nouvelles. D'ailleurs, nous informerons le Grand Conseil de la dernière tranche de création d'entreprises nouvelles à la suite des résultats de la promotion économique dans le courant de la semaine prochaine.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
«Inventer» la commercialisation de l'invention
Le GRAND CONSEIL,
- vu que la FONGIT-AGIT a été créée dans le but de promouvoir l'innovation technologique à Genève et ainsi aider les inventeurs à développer l'idée géniale qui doit aboutir à un produit commercialisable;
- vu que l'Etat participe financièrement et administrativement à ces fon-dations;
- vu que le bilan, après trois ans d'activité, se trouve confronté à un choix décisif;
- vu que l'investissement financier et humain est extrêmement insuffisant par rapport à la demande et au but recherché,
invite le Conseil d'Etat
à faire rapport sur les trois ans d'activité de la FONGIT-AGIT et les perspectives d'avenir;
à intervenir auprès de l'autorité fédérale afin que, dans le cadre de programmes d'occupation collectifs de chômeurs destinés à mettre en valeur des inventions et innovations, le canton puisse
- obtenir l'autorisation d'employer pour une durée indéterminée, donc pouvant dépasser 6 mois, des chômeurs durant leur période d'indem-nisation;
- obtenir pour de tels programmes les mêmes aides financières que celles octroyées par la Confédération dans le cadre de programmes d'occupation temporaire collectifs.
Le président. Vu la température qui règne dans cette salle, je propose à MM. les députés qui ne l'ont pas encore fait de se sentir libres de «tomber la veste» et de la laisser au vestiaire !
Des voix. Aahh ! (De satisfaction.)
Le président. Je n'ai pas de recommandations particulières pour les dames ! (Rires et commentaires amusés.)