République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 juin 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 8e session - 21e séance
M 927
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le canton de Genève possède un vignoble de 5,5 hectares sur les hauteurs de la commune de Bernex qui produit une dizaine de vins reconnus pour leur qualité. Ce vignoble sert de terrain pour des expériences qui permettent à la viticulture genevoise de progresser dans sa recherche de la qualité. De nouvelles techniques culturales y sont testées (lâcher de typhlodromes, prédateurs de l'araignée rouge; station de météorologie pour le calcul des conditions favorables au mildiou; essais de porte-greffe, de clones, d'enherbement...) ainsi que des essais oenologiques (cuvage des gamays; ensemencement de bactéries...).
Il faut aussi noter que le vignoble de l'Etat est un des premiers vignobles genevois et romands cultivés entièrement selon les directives de la production intégrée. Le millésime 1993 de ce vignoble s'est vu décerner trois labels «vinatura» couronnant le respect des normes «production intégrée».
Le vin issu de cet important travail est malheureusement peu, voir pas connu du peuple genevois. Combien de personnes savent qu'elles peuvent acquérir quelques bouteilles, lors de l'ouverture du bouteiller de l'Etat, le mercredi après-midi ?
La vente, sous forme de mise aux enchères, pourrait représenter une locomotive pour l'ensemble des vins genevois, en donnant un avant-goût du millésime et les particularités de celui-ci. Il faut relever que ce genre de vente de vins provenant de vignobles cantonaux ou communaux est pratiqué depuis de nombreuses années dans des cantons voisins et avec succès (ex. Ville de Lausanne).
Quant à la deuxième invite, nous croyons savoir que dans le cadre de la promotion économique du canton de Genève, le département de l'économie a étudié la possibilité de valoriser les produits du terroir et d'inciter la population à consommer genevois. Nous demandons de plus amples explications sur ce sujet ainsi que la façon dont le Conseil d'Etat entend procéder.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir donner bonne suite à cette motion.
Débat
Mme Martine Roset (PDC). Ce n'est pas une idée nouvelle que nous venons vous soumettre ce soir. En effet, cela fait plus de dix ans que l'on en parle. Il y a même eu une proposition de l'Association des viticulteurs genevois formulée dans ce sens il y a deux ans.
Le vignoble de l'Etat qui, je le rappelle, a été offert à notre République, a toujours été reconnu pour la qualité de ses vins, malgré des conditions de travail peu rationnelles - répartition des locaux sur quatre communes - et la vétusté du bâtiment servant à la vinification. Ces produits méritent d'être mieux connus de la population et c'est pourquoi l'idée d'une vente aux enchères de ces vins offrirait un plus.
Le vignoble de la Ville de Lausanne organise depuis 1845 ce type de manifestation. Cela permet aussi bien à des commerçants en vins ou à des privés d'acquérir des vins de ce vignoble. Cette journée de vente aux enchères, qui a lieu en décembre, est précédée de deux jours de dégustation permettant aux amateurs de se faire une idée du millésime. Je ne vous décrirai pas tout le processus de cette vente qui allie tradition et amour du vin.
Je vous signalerai qu'à ma connaissance ce type de manifestation a lieu sous forme de fête du vin dans les vignobles de l'hôpital de Portales, à Neuchâtel, dans ceux des communes de Cully et de Corcelle, dans le canton de Vaud. A l'extérieur de nos frontières, une des mises aux enchères les plus réputées est celle des vins des Hospices de Beaune en Bourgogne.
La viticulture genevoise dans son ensemble bénéficierait de cette fête et les vins de la République de Genève seraient son ambassadeur. Santé !
M. Gilles Godinat (AdG). Voilà enfin une enivrante proposition de l'Entente ! Notre groupe ne résiste pas, en effet, à soutenir une motion à la hauteur de son programme de relance économique et de défense de l'emploi.
En ce qui concerne la première invite, nous pensons que le Conseil d'Etat devrait accorder, sous forme de faveur, une priorité dans la vente aux enchères à l'ensemble des chômeurs en fin de droit, afin que, dans les brumes de l'alcool, ils puissent oublier les résultats du vote du centime additionnel ! (Contestations.) Il est évident, également, que la vente aux enchères devrait s'étendre aux étrangers avec les exonérations de TVA qui s'imposent dans une perspective d'ouverture européenne bien arrosée.
En ce qui concerne la deuxième invite, nous pensons que les pouvoirs publics doivent jouer un rôle actif dans le soutien à l'économie locale. Raison pour laquelle nous vous proposons quelques suggestions de campagnes promotionnelles que les différents départements pourraient prendre à leur compte.
Pour l'économie publique, nous pensons aux thèmes suivants : après «Genève gagne», «Genève dessaoule», ou alors, «Ivre à Genève, à chacun une quillée» ! Pour le DIP, on pourrait créer, à l'instar de l'institut d'architecture, un institut oenologique avec des dégustations organisées en collaboration avec le DASS, la Croix-Bleue et la Fédération antialcoolique.
Le DTPE pourrait récupérer les flacons vides pour construire une traversée de la rade avec un fond transparent, couleur vert bouteille, et promouvoir également les véhicules à alcool. Le DIER pourrait renforcer la collaboration Vaud-Genève en proposant une exposition nationale sur le thème «Bacchus et les neurosciences», ainsi qu'une nouvelle émission TV, «Arrêt buffet entre Satigny et Tolochenaz : entre le Gamay et la Côte», article culturel oblige !
Le DJPT pourrait lancer une campagne : «Roulez rusé, roulez bourré» ! (Rires.) Le département militaire pourrait faire voler en rase-mottes unF/A-18 pour renforcer les expos du vin sur les bateaux de la CGN de la rade et lancer le tir aux flacons ! Enfin, le département des finances pourrait prolonger les fêtes de Genève jusqu'aux fêtes des vendanges et créer ainsi les «bacchanales genevoises». Et, last but not least, le même département des finances, avec l'aide de la Banque cantonale, pourrait allez prendre une belle caisse aux caves du Mandement à Satigny.
A propos, à combien s'élevaient les frais ? Où en sommes-nous ? Reste-t-il quelques garanties ? Va-t-on récupérer quelque chose ? Après tout, une piquette c'est mieux qu'une raclée. Santé ! (Rires et applaudissements.)
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Après l'intervention enthousiaste, documentée et fleurie de M. Godinat, il convient que le Conseil d'Etat dise, à propos de la motion, que celle-ci peut être acceptée pour étude et renvoyée directement au Conseil d'Etat.
Cette motion s'inscrit en réalité dans un contexte de promotion économique plus général. Il doit être clairement affiché que la promotion des produits de la terre genevoise fait partie de la promotion économique générale. Nous sommes en train de mettre en place, avec les organisations professionnelles concernées, un concept de promotion économique qui concerne d'ailleurs non seulement les produits viticoles, mais l'ensemble des produits agricoles, c'est-à-dire également, s'agissant des produits agricoles transformés, les produits maraîchers, les fruits et les fleurs.
Dans ce contexte-là, il n'y a pas de doute que nous voulons sensibiliser le consommateur local à l'intérêt qu'il y a à pouvoir bénéficier de produits frais si l'on prend les produits maraîchers, si l'on prend les fleurs qui sont issues du terroir en tant que tel. Nous voulons sensibiliser le consommateur local à la qualité de la production viticole genevoise et veiller à ce que, dans les établissements publics de notre canton, on ait davantage le réflexe genevois. Je dis très clairement qu'il n'est pas acceptable, à plus long terme, que l'on continue sans autre à proposer dans les différents établissements, comme premier choix qui est offert assez naturellement aux consommateurs, des produits qui ne sont pas des produits locaux. Il faut jouer le jeu de l'ouverture, il ne doit pas y avoir d'exclusives, mais enfin il me paraît assez logique que l'on cherche à favoriser les produits du terroir en tant que tels.
Ce concept de promotion ne vise pas seulement le marché local, il vise également les marchés extérieurs. C'est dans ce contexte-là, en particulier, que les vins genevois, compte tenu des très remarquables progrès qui ont été faits dans la qualité de ces produits, peuvent et doivent trouver place sur des marchés devenant exigeants et qui sont des marchés d'exportation. Nous intégrons donc ces questions-là dans le concept de promotion économique générale et je puis dire que, d'ici à la fin du mois encore, nous aurons des réunions de travail - elles ont déjà été engagées - qui permettront, cette fois-ci, d'activer le concept avec les organisations concernées.
Voilà ce que je voulais vous indiquer, et c'est dans ce contexte-là qu'il faut étudier la proposition plus spécifique de créer, à l'instar de ce que fait la Ville de Lausanne, une perspective de vente aux enchères des vins de l'Etat. C'est assez délicat à mettre en place, en réalité cela est souvent le fruit de traditions anciennes et qui ne s'improvisent ou ne se décrètent pas. Mais c'est une idée qui sera étudiée avec toute l'attention voulue.
Je réponds en dernier lieu à la question de M. Godinat concernant la Cave de Genève. Nous gérons les deniers de l'Etat de la manière la plus rigoureuse possible. D'abord, il n'y a pas eu de prêt de l'Etat, contrairement à ce que vous pouvez imaginer. Ce fut le prêt d'un établissement bancaire et, compte tenu des mécanismes prévus par le droit fédéral et le droit cantonal, ce prêt a pu bénéficier d'une forme de cautionnement de la part de l'Etat. Actuellement, et à la suite d'interventions - c'est un dossier que nous suivons de très près - les remboursements sont intervenus selon la planification prévue, de sorte que l'Etat sera très prochainement, probablement à la fin de ce mois ou à la fin juillet au plus tard, totalement dégagé de son obligation de caution qui, à ce jour, est déjà quasiment amortie. Je puis donc à cet égard vous rassurer, ce dossier-là est suivi comme les autres.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant la vente aux enchère des vins de l'Etat et la promotion des vins genevois
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- l'intérêt de mettre en valeur la production viticole genevoise,
- les vins du vignoble de l'Etat insuffisamment connus de la population genevoise,
invite le Conseil d'Etat
à étudier la possibilité de la mise aux enchères des vins du vignoble de la République et canton de Genève,
à nous renseigner sur la promotion des vins genevois dans le cadre de la promotion économique du canton de Genève.