République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 mai 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 7e session - 16e séance
PL 7083
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit:
CHAPITRE IV
Amendes d'ordre
Art. 12 (nouvelle teneur)
Compétences
Les organes de police habilités à réprimer par une amende d'ordre les contraventions aux prescriptions sur la circulation routière dans les cas prévus par la législation fédérale sont:
a)
la gendarmerie;
b)
les surveillants du trafic rattachés à la police;
c)
les agents municipaux, dans les limites fixées par convention entre le Conseil d'Etat, d'une part, le Conseil administratif de la Ville de Genève, le maire ou le conseil administratif d'une autre commune, d'autre part;
e)
pour les véhicules en stationnement uniquement, les agents assermentés de la Fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement (Fondation des parkings), dans les limites fixées par convention avec le Conseil d'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Dans le cadre de la recherche constante des améliorations du service au public qui peuvent être atteintes par des mesures structurelles, le Conseil d'Etat a décidé de regrouper au sein d'une agence spécialisée, la Fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement (Fondation des parkings, que préside le chef du département de justice et police et des transports) des tâches que celle-ci partageait auparavant avec la police, d'une part, l'office des transports et de la circulation, d'autre part.
Ce regroupement est un approfondissement de la collaboration étroite qui existait d'ores et déjà entre ces trois entités sous la houlette du département de justice et police et des transports, l'office des transports et de la circulation ayant en charge la planification de la politique du parcage et la réglementation et la signalisation du stationnement sur la voie publique, la police contrôlant le respect de la réglementation et sanctionnant les infractions et la Fondation des parkings s'occupant pour sa part de réaliser et de gérer des parcs de stationnement. Dans la pratique, ces différentes notions sont intimement liées: la planification d'ouvrages ne peut pas s'affranchir des contraintes d'exploitation, toute prescription entraîne des conséquences en matière de contrôle et de répression.
Si l'essentiel de ces mesures concerne des questions d'organisation qui relèvent du Conseil d'Etat et du Conseil de la Fondation des parkings, une adaptation de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière (H 1 0,5) est nécessaire en matière d'amende d'ordre. Dans des cas et selon un tarif défini par l'autorité fédérale, et pour autant que l'auteur de l'infraction ne demande pas, par une simple opposition, à ce que la procédure ordinaire soit utilisée à son encontre (dénonciation à l'autorité judiciaire), c'est en effet cette procédure simplifiée qui s'applique aux contraventions à la législation sur la circulation routière et en particulier à celles dues des véhicules en stationnement.
La loi fédérale sur les amendes d'ordre infligées aux usagers de la route charge les cantons de désigner les organes de police compétents (art. 4); seuls ces organes sont habilités à constater les contraventions à la législation sur la circulation routière qui donnent lieu à amendes d'ordre, la procédure ordinaire devant être utilisée dans tous les autres cas (art., 2, lettre b).
A Genève, c'est la loi d'application de la législation sur la circulation routière qui contient les dispositions nécessaires en son article 12. Dans son texte actuel, cet article mentionne la gendarmerie, les contrôleurs du stationnement rattachés à la police et les agents municipaux.
Le présent projet de loi a pour objet d'introduire dans cette disposition la compétence donnée aux agents assermentés de la Fondation des parkings, dans les limites d'une convention qui sera conclue entre la Fondation et le Conseil d'Etat comme c'est le cas, pour les communes, entre leur exécutif et le Conseil d'Etat. Simultanément, il y a lieu de mentionner ici les surveillants du trafic rattachés à la police, qui contrôlent notamment l'autoroute de contournement: à défaut, la procédure ordinaire devrait être utilisée pour des infractions qu'ils constatent même si une amende d'ordre est possible, ce qui n'est dans l'intérêt ni de l'Etat ni de l'usager de la route.
Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projetde loi.
Préconsultation
M. Andreas Saurer (Ve). Ce projet de loi soulève trois remarques de la part du groupe écologiste.
Tout d'abord, nous sommes surpris de voir avec quelle facilité le canton est prêt à déléguer des compétences à un organisme privé en matière de contrôle de stationnement, surtout si l'on sait que depuis fort longtemps les communes, et particulièrement la Ville de Genève, ont demandé à plusieurs reprises de pouvoir participer plus activement au contrôle de stationnement. Nous souhaitons voir le sujet des compétences des communes abordé lors des discussions sur ce projet de loi en commission.
Notre deuxième remarque concerne le montant des contraventions. Il semble que le montant total des contraventions en relation avec le stationnement s'élève à environ 12 millions. Nous nous demandons ce que la Fondation des parkings va faire avec ses recettes et comment l'Etat justifie une perte de recettes relativement importante.
Troisièmement, nous avons l'impression d'assister à un début de privatisation d'une activité de la police, projet qui, selon nous, mériterait un débat un peu plus large.
En ce qui concerne l'exposé des motifs du projet de loi, il nous semble ressembler davantage à un exercice de camouflage de l'armée suisse, Monsieur Ramseyer, qu'à un exercice de transparence démocratique, comme vous l'avez pratiquée, par exemple, lorsque vous cherchiez votre «parapluie Swissair» en faisant téléphoner à tous les députés de la commission des transports pour savoir si, par hasard, l'un d'entre eux ne serait pas parti avec ce dernier. (Rires.)
Je souhaiterais vous voir pratiquer la même transparence quand vous élaborez un projet de loi.
M. Christian Ferrazino (AdG). Nous partageons les observations de notre collègue Saurer, car ce projet de loi pose un certain nombre de problèmes. L'exposé des motifs, qui est très succinct, ne les aborde qu'à peine, voire pas du tout pour certains d'entre eux.
Tout d'abord, la privatisation qui implique le transfert des trente-cinq agents actuels à la Fondation des parkings et consiste à privatiser la police, comme l'a dit notre collègue Saurer, pose un premier problème. Est-il possible de remettre une charge de police, actuellement sous le contrôle de l'Etat, à une fondation de droit public ?
On se demande surtout quelle est la nécessité d'un tel projet, car, là encore, l'exposé des motifs n'en parle pas. Il s'agit en effet d'un service qui est hautement rentable. Si ce service est mal géré, c'est au département de justice et police de prendre les mesures pour y remédier. Mais on ne voit pas comment ni pourquoi, et l'exposé des motifs ne l'explique pas, ce service serait mieux géré par la Fondation des parkings, plutôt que par le département de justice et police, et ce d'autant plus que le président de la Fondation des parkings est, précisément, le président du département de justice et police.
Nous désirons obtenir des explications sur ce premier point. Cette question en appelle une autre : on peut se demander si cette fondation de droit public a la compétence de fixer les tarifs des parcomètres. Dans ce cas, est-il prévu d'affecter les recettes qui en découleraient à la construction de parkings d'échanges à l'extérieur, tout en sachant que ces derniers sont peu rentables, plutôt qu'à la construction de parkings souterrains et commerciaux ?
Ensuite, il convient de s'interroger plus généralement sur l'affectation du produit des amendes. Il semblerait qu'un pourcentage de ce produit soit rétrocédé à l'Etat, et qu'une grande partie de ce dernier soit affectée à la construction de parkings, puisque c'est précisément la fondation qui en bénéficiera. Mais, ni l'exposé des motifs ni le projet lui-même ne donnent de chiffres.
Ce fait est-il vrai ? Et, dans l'affirmative, pourquoi ne pas l'avoir mentionné dans l'exposé des motifs en précisant la clé de répartition des bénéfices prévue, à savoir, quel montant irait à la fondation et quel montant à l'Etat ?
Cela m'amène à revenir sur une autre question abordée par Andreas Saurer. Au moment où l'Etat cherche des économies par tous les moyens, il est difficilement compréhensible qu'il envisage de se priver de recettes. Les recettes de l'Etat diminueront-elles par le biais de ce transfert ? On peut sérieusement le craindre. Là encore, l'exposé des motifs est muet sur cette question. Nous désirons connaître les chiffres escomptés et savoir de combien le rendement augmentera-t-il si l'on confie cette gestion à la fondation ? Il nous semble que l'Etat devrait recevoir au minimum ce qu'il touche aujourd'hui de par le produit des amendes.
Par ailleurs, si ce projet de loi devait être accepté tel quel, les projets de construction devant faire l'objet d'un crédit ad hoc et être votés par ce Grand Conseil lorsque leur coût dépasse un million et demi ne seraient plus votés par le Grand Conseil, puisque la fondation qui percevrait le produit des amendes n'aurait plus besoin d'obtenir un crédit ad hoc et pourrait construire ses parkings sans passer par une décision du Grand Conseil, violant ainsi la possibilité d'un référendum sur une telle décision. Une catégorie de constructions d'utilité publique serait en outre privilégiée par rapport à d'autres.
Enfin, est-on sûr que l'Etat va pouvoir prélever les amendes d'ordre dans la mesure où la convention liant la Ville de Genève au canton a été dénoncée récemment par la Ville ? La question est d'autant plus pertinente que, récemment, une motion a été déposée au Municipal pour que la Ville reprenne les contractuels à son compte. Cette dernière invite le Conseil administratif à intervenir auprès de l'exécutif cantonal pour que la perception des amendes d'ordre en matière de stationnement des véhicules automobiles soit confiée à la Ville de Genève sur son territoire, et non à la Fondation des parkings. Cette motion a été acceptée par le Municipal à l'unanimité, sans opposition, par tous les groupes municipaux. Il y a peut-être eu cinq abstentions, mais, dans sa grande majorité, le Municipal a appuyé cette invitation.
Ce sera donc ma dernière question. Le Conseil d'Etat ne craint-il pas d'augmenter les tensions qui existent entre la Ville de Genève et l'exécutif - j'en termine, Monsieur le président - et d'engendrer un conflit supplémentaire avec la Ville de Genève. Vous vous souviendrez de l'exemple du parascolaire qui n'est pas si ancien, dans lequel il était demandé que les communes reprennent une série de tâches à leur compte. Je désire connaître la position du gouvernement par rapport à ce conflit latent entre la Ville de Genève et l'exécutif.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). La politique des transports, y compris le concept de stationnement, forme un tout. Mais nous voilà, une fois de plus, saisis d'un projet de loi qui ne traite que d'un petit aspect du problème, celui des contractuels dont vous proposez le transfert de l'Etat à une fondation de droit public.
Ce projet de loi s'inscrit, à vos yeux, et comme ceux déjà proposés ou à venir, dans une perspective de modernisation de l'Etat avec le but principal de sortir de l'impasse budgétaire.
Or, nous n'avons toujours pas eu de réponse à la motion 734 qui posait la question du rôle futur de l'Etat et de son efficacité. Je le dis, une fois de plus, ne répétant que ce que ma collègue et amie Fabienne Blanc-Kühn m'a dit lors de ce débat sur le SAN : «Nous ne pouvons aborder ce projet de loi, proposé par le Conseil d'Etat, comme s'il s'agissait d'une démarche isolée.».
Revenons aux arguments du projet de loi sur les contractuels. Vous prétendez que, grâce à ce transfert des agents contrôleurs de l'Etat à une fondation de droit privé, une meilleure collaboration entre les trois entités, soit l'OTC, la police et la Fondation des parkings, serait ainsi possible.
Pourquoi cette collaboration ne joue-t-elle pas actuellement ? N'est-ce pas à l'Etat de réorganiser ses services pour qu'ils aillent mieux ? Nous nous posons également des questions concernant la légalité du transfert des amendes d'ordre à un organe qui n'appartient pas à l'Etat. Si une fondation est prête à reprendre un service de l'Etat, ce n'est pas seulement pour les beaux yeux du conseiller d'Etat - je suis désolée, Monsieur Ramseyer - mais bien plus parce que l'affaire est rentable.
Or, quelle est l'utilité d'enlever une affaire rentable à l'Etat et, en plus, de la céder gratuitement ? Nous sommes conscients que l'OTC n'arrive pas à faire face aux problèmes de stationnement, et, notamment, au dépassement généralisé du temps de parcage et que ce n'est que par une politique de stationnement que l'on pourra intervenir pour que le transfert du transport privé au transport public se fasse.
Une des conditions pour qu'une telle politique puisse être menée est d'avoir un nombre suffisamment grand d'agents. Or, pour pouvoir les payer, le prix des parcomètres devrait augmenter et des parcomètres plus performants devraient être installés. L'augmentation du prix des parkings est une mesure impopulaire et les politiques qui veulent être réélus ont moins envie de prendre de telles mesures que les entrepreneurs privés.
A notre avis, le politique doit, néanmoins, assumer ce genre de mesures. Il doit informer ses électeurs automobilistes que l'utilisation de la voiture privée coûte cher à la collectivité, et que, de ce fait, l'automobiliste doit en payer le prix.
Si cette information est faite correctement, et si les citoyens sont rendus attentifs aux problèmes écologiques et sociaux découlant de la surcharge de nos routes, si le parti libéral arrête de faire du populisme «pro-bagnole», l'Etat peut prendre les mesures pour rendre ce service rentable.
Vous l'aurez compris, notre groupe est très sceptique face aux mesures proposées par ce projet de loi, mais nous ne nous opposerons pas à son renvoi en commission.
M. Roger Beer (R). Les différentes interventions ont montré qu'une fois de plus un projet de loi du Conseil d'Etat soulève un certain nombre de questions. Cela paraît assez normal, car autrement il n'y aurait pas besoin de projet de loi.
Concernant ce projet de loi, les radicaux sont assez contents de voir que, pour une fois, le gouvernement répond ou, en tout cas, propose une solution allant dans le sens du programme sur la base duquel les conseillers d'Etat ont été élus. Cela semble être une bonne chose. Il ne faut voir dans ce projet de loi qu'un transfert de compétences de l'Etat à une fondation publique. Je pense que le regroupement proposé va tout à fait dans le sens du redimensionnement de l'Etat qui, sans cela, aurait tendance à devenir tentaculaire.
Toutes les questions évoquées se justifient et demandent une réponse. Je suis persuadé que tous les avocats et autres politiques de la commission judiciaire en débattront. En tout cas, les radicaux soutiendront le renvoi à la commission judiciaire.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je désire dissiper un malentendu. Le montant des amendes d'ordre continuera d'être versé à la caisse de l'Etat, quel que soit l'organe de police qui constate l'infraction. Il ne s'agit donc pas pour une commune, en l'occurrence la Ville de Genève, d'imaginer qu'elle met la main sur un «pactole». Elle peut bien faire le travail, les amendes d'ordre reviennent à l'Etat de Genève et à personne d'autre. De même pour l'encaissement des taxes de parcage. Les frais de surveillance des zones de parcage gratuit et à durée limitée font l'objet d'une convention.
Lorsqu'il s'agit de la relation financière entre l'Etat et une fondation de droit public, c'est la même caisse. S'il devait s'agir d'une caisse différente, à savoir celle d'une commune, ce ne serait évidemment pas possible. Ce n'est pas du tout de cela dont parle ce projet de loi, il s'agit simplement de rationaliser.
A Genève, il y a eu une fondation de droit public qui s'occupe des problèmes de parking. Alors, qu'elle s'occupe de tout ! Du parking, aussi bien la construction des parkings souterrains que des parkings de surface. Qu'elle s'occupe du mode de perception et du type de stationnement autorisé ! C'est le travail d'une fondation spécialisée. De sorte que nous cherchons, Madame la députée, uniquement à rationaliser dans le sens de ce que vous venez de dire, à savoir charger un organe spécialisé du travail qui lui revient.
L'autre problème, celui de Circulation 2000, continue à être géré par l'Etat, et plus particulièrement par mon département. Monsieur le député, vous avez parlé des tensions entre la Ville et l'Etat. Je vous en prie, Monsieur le député, le problème n'est pas là. Ni les uns ni les autres vous n'avez perçu que la procédure simplifiée prévue par le droit fédéral requiert que la loi cantonale désigne précisément les organes de police habilités à utiliser cette procédure.
Lorsqu'un changement dans l'organisation intervient, la loi doit également être modifiée et c'est ce que nous vous proposons ce soir. A l'heure actuelle, des amendes d'ordre sont appliquées par trois catégories de personnes : les gendarmes, les contrôleurs du stationnement et les agents municipaux des communes. Là encore, je vous rappelle que l'argent va dans la caisse de l'Etat exclusivement.
Dans une perspective réformatrice, le Conseil d'Etat, c'est vrai, a décidé en novembre dernier de renforcer, en matière de contrôle du stationnement, le rôle de la Fondation des parkings. C'est ainsi que les actuels contrôleurs du stationnement, rattachés au personnel administratif de la police, sont appelés à être transférés à la Fondation des parkings, tandis que la police se dote d'une catégorie de personnel différente, à savoir les surveillants du trafic qui sont déjà en fonction sur l'autoroute de contournement et qu'il faut également doter de la compétence d'infliger des amendes d'ordre. De sorte que ce projet de loi est uniquement un toilettage de la loi d'application de manière que son contenu soit adapté à la réalité.
Il ne s'agit pas du principe même d'un transfert interne de personnel d'un organe à un autre organe qui est en jeu, mais du toilettage de la loi. S'agissant d'un toilettage, on aurait même souhaité que s'instaure un débat immédiat. Toutefois, si vous désirez poser des questions en commission, nous ne pouvons pas nous opposer à son renvoi. Mais l'enjeu du débat n'est pas de savoir si vous êtes d'accord avec une décision du Conseil d'Etat ou non, mais si la loi doit être toilettée de manière à s'adapter à la réalité, et uniquement cela.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.