République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 avril 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 6e session - 14e séance
M 906
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le besoin de la commune de Lancy en matière de terrains de sports et plus particulièrement de terrains de football;
- la demande formulée par le Conseil administratif de cette commune à la commission d'aménagement du Grand Conseil le 28 septembre 1988 de soustraire du périmètre de protection des Rives du Rhône les terrains de la Ferme Saint-Georges;
- la déclaration du chef du département des travaux publics d'alors, M. Christian Grobet, à propos de la possibilité de réaliser les projets de la commune sur les terrains en question et cela en dépit de leur insertion dans ledit périmètre de protection;
- la difficulté qu'éprouve la commune de Lancy à trouver des terrains à l'affectation souhaitée,
invite le Conseil d'Etat
- à engager une procédure de déclassement du périmètre de la Ferme Saint-Georges à Lancy (surface hachurée sur le plan annexé à la présente motion) en zone sportive au sens de l'article 24, alinéa 4 de la LALAT(L 1 17).
EXPOSÉ DES MOTIFS
Lors de l'audition du Conseil administratif de la Ville de Lancy par la commission d'aménagement du territoire du 28 septembre 1988, les représentants de cette commune ont exposé les motifs qui ont conduit le Conseil municipal de Lancy à demander la modification du périmètre en question (selon délibération du Conseil municipal du 25 novembre 1987) pour lui permettre de réaliser deux terrains de football nécessaires à la survie du Club du Lancy Sports FC.
Actuellement, le Lancy Sports FC utilise le terrain de sports herbeux appartenant à l'Institut Florimont et mis à disposition par ce dernier, selon une convention établie avec la Ville de Lancy.
Le club de football, de par son effectif de 500 joueurs et 500 élèves de l'institut, sans cesse en augmentation, a un réel besoin de disposer de nouvelles surfaces d'entraînement et de compétition pour absorber ses activités.
La situation de la Ville de Lancy et le peu de surface encore disponible sur son territoire font qu'il est impossible, pour ses autorités, de trouver une autre solution que celle de la Ferme Saint-Georges.
La limite actuelle définie par la loi 6159 (Protection des Rives du Rhône) du 27 janvier 1989 englobe les terrains de la Ferme Saint-Georges où, actuellement, un terrain de football «rudimentaire», sans clôture, sans éclairage ni vestiaire y est implanté, mais malheureusement difficilement exploitable (passage de chevaux, chiens, vélos, motos, etc.).
Malgré tous les accords intervenus entre les instances intéressées (armée, exercices de l'Arquebuse), cette loi ne permet pas actuellement de réhabiliter le terrain de football pour répondre aux besoins.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de donner bonne suite à cette motion.
Débat
M. Olivier Lorenzini (PDC). En guise de préambule, je me permets de revenir sur la lettre du WWF qui nous a été lue hier soir par Mme Fabienne Blanc-Kühn et qui a soulevé deux points concernant les aménagements sportifs sur le territoire de la Ville de Lancy. Tout d'abord, j'aimerais préciser que la commune de Lancy a la chance de disposer pour ses habitants de deux clubs de football qui sont le FC Grand-Lancy et le Lancy Sport FC. Pour une définition plus géographique, je vous dirai que le Lancy Sport se situe au Petit-Lancy et le FC Grand-Lancy au Grand-Lancy, comme son nom l'indique. (Rires.) Ces deux clubs réunis comptent plus de 1 000 joueurs et près de 100 dirigeants bénévoles.
Dans la lettre du WWF, il est fait mention du projet de centre sportif sur le terrain de la Chapelle-sur-Carouge. En effet, pour le FC Grand-Lancy et le FC Plan-les-Ouates, une étude en vue d'une réalisation d'un centre multisports avait été faite. Mais celle-ci n'a jamais abouti pour des raisons foncières, puisque le département des travaux publics, lors de la précédente législature, n'a jamais réussi à proposer un échange intéressant à la Fondation Bonna Rapin en remplacement des terrains dont elle dispose dans ce périmètre. Terrains qui, je le rappelle, représentent plus des deux tiers de la surface où le centre sportif était projeté. C'est pour cela qu'à l'heure actuelle le FC Grand-Lancy joue sur les terrains de Plan-les-Ouates situés aux Cherpines, en attendant la réalisation de deux terrains et vestiaires sur le site des Fraisiers au Grand-Lancy.
D'autre part, le chantage que fait le WWF par l'intermédiaire de cette lettre quant à un éventuel déclassement des terrains de la Ferme Saint-Georges me paraît quelque peu malhonnête. En effet, si cette association a le pouvoir de déposer une initiative populaire qui pourrait récolter plus de 16 000 signatures, dites-vous bien que les footballeurs du canton de Genève pourraient tout à fait la contrer, puisque nous représentons également une force de plus de 11 000 joueurs, 1 500 dirigeants, environ 15 000 parents. Je rappelle à votre bon souvenir que, lors du tournoi scolaire de football de cette année, ce ne fut pas moins de 210 équipes inscrites représentant 2 800 enfants. Ce sont là des chiffres tout aussi percutants en matière de besoins en installations sportives.
Cette motion n'a pas pour but de remettre en question toute la loi sur la protection des rives du Rhône, mais, au contraire, de remettre à jour ce que la commission d'aménagement du territoire et le conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics d'alors, M. Christian Grobet, souhaitaient concernant l'affectation du périmètre de la Ferme Saint-Georges.
En effet, lorsque la commission d'aménagement du territoire avait auditionné le Conseil administratif de la Ville de Lancy, il avait été dit par le chef du département, je cite : «Que la ville de Lancy, compte tenu du fait que ces terrains se trouvent en zone agricole, n'aurait aucune restriction supplémentaire et qu'elle pourra réaliser des terrains de football ainsi que des vestiaires dans la butte, qui sont, je le souligne, tout à fait en accord avec le projet de loi.».
Mais les faits sont tout autre, et il est actuellement impossible pour les autorités lancéennes de réaliser quoi que ce soit en matière d'équipements sportifs sur le périmètre de la Ferme Saint-Georges. La Ville de Lancy et plus particulièrement le FC Lancy Sport ont besoin de réaliser ces terrains de football, ne serait-ce que pour l'existence à moyen terme de ce club.
J'aimerais vous donner quelques exemples de centres sportifs situés près de zones qui méritent toute notre attention en matière de respect de la nature, et vous constaterez par vous-même que la promiscuité entre ces deux populations est tout à fait possible. Tout d'abord, est-ce que le centre sportif de Vessy distrait la faune des rives de l'Arve ? Est-ce que les utilisateurs de la piscine de Carouge ennuient les canards de la Fontenette ? (Rires.) Ou bien encore, les usagers des terrains du Bout-du-Monde empêchent-ils la reproduction des castors sur la presqu'île de l'Arve ? (Rires redoublés.)
Une voix. Et vice versa ! (Hilarité générale.)
M. Olivier Lorenzini. Non ! Par contre, actuellement, sur le périmètre de la Ferme Saint-Georges - et je vous invite à vous y rendre - ce sont des motos de cross, du ball trap, des cavaliers du dimanche, des amoureux du hornuss, qui utilisent ce périmètre sans penser une seule seconde à la faune des rives du Rhône qui, elle-même, se sent bien mieux au bord du Rhône plutôt qu'à côté de la route du Pont-Butin qui accueille 43 000 véhicules par jour, à côté du stand de tir de Saint-Georges, dont je n'ai pas besoin de vous expliquer les nuisances, et à côté du CEPIA.
C'est pour cela que je vous invite à renvoyer cette motion à la commission de l'aménagement du canton afin que celle-ci, en concertation avec les associations intéressées, telles que le WWF, les autorités lancéennes et la Société de l'Arquebuse trouve une solution qui permette à tout le monde de jouir de cette surface. (Applaudissements sur les bancs libéraux et démocrates-chrétiens.)
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Ce Grand Conseil a pu, pendant de nombreuses séances de commission, mettre au point une loi sur la protection générale des rives du Rhône et cela suite à l'initiative lancée par le WWF. Or maintenant, les autorités de la commune de Lancy demandent que l'on déclasse un terrain situé à l'intérieur d'une zone protégée par cette loi pour en faire un stade de foot. (Ayant prononcé «fet» au lieu de «foot», l'oratrice est reprise par quelques députés.) Foot ? Oh, alors ! Fussball !
L'assemblée horrifiée. Non !
Mme Maria Roth-Bernasconi. Mon groupe ne conteste pas qu'il faut favoriser les possibilités pour faire du sport. Néanmoins, nous nous opposons fermement, et ceci est une question de principe, au déclassement d'une zone du périmètre des rives du Rhône. En effet, si l'on commence à grignoter le périmètre de protection pour ce type de projets, où s'arrêtera-t-on ? A quand un débarcadère en dessous du futur camping du Bois-de-Bay ? Bientôt il ne restera plus que les falaises qui se fonderont dans le périmètre.
Le fait que l'on demande maintenant ce déclassement découle de la désastreuse politique d'urbanisation des années 60. On a construit HLM sur HLM, sans se préoccuper des infrastructures qui devraient accompagner ces constructions. On avait oublié que les gens ont envie de faire du sport, de se promener ou de se reposer dans la nature. Je me demande d'ailleurs, s'il y avait eu un architecte cantonal, un spécialiste en urbanisme, si l'on aurait pu éviter ce genre de chose.
Nous sommes conscients qu'il est difficile de trouver un terrain pour les footballeurs du Petit-Lancy. Mais vu qu'une extension du terrain des Evaux est prévue, nous suggérons que la commune de Lancy continue à négocier dans le cadre de la convention entre les partenaires des Evaux pour que l'on y installe un terrain tel que celui demandé. Nous sommes tout à fait conscients que les footballeurs constituent un excellent électorat, surtout pour les messieurs ! Preuve en est le fait que cette motion n'a été signée que par des hommes et que les autorités de Lancy sont peut-être poussées par l'échéance électorale du printemps prochain. Néanmoins, ce n'est pas pour nous une raison de gaspiller les derniers terrains préservés qui restent dans notre petit canton. Le groupe socialiste s'oppose donc à cette motion.
M. Christian Grobet (AdG). (Au moment où l'orateur se lève, l'Entente crie «Aaah !».)
Je suis ravi de faire plaisir à certains dans cette salle, et à M. Balestra en particulier. Je constate, Monsieur Lorenzini, que vous avez pris la bonne habitude de citer l'ancien chef du département des travaux publics alors que vous n'étiez même pas là lorsque je me suis exprimé ! Mais c'est une habitude qui s'étend...
Je voudrais simplement, puisque vous avez eu l'amabilité de me citer, Monsieur, rappeler dans quel contexte je m'étais exprimé à l'époque. Le périmètre de protection des rives du Rhône a fait l'objet d'une longue mise au point par le département des travaux publics dans le cadre d'un projet qui a fait office, en quelque sorte, de contreprojet indirect à l'initiative du WWF. Le WWF, à l'époque, s'est rallié à cette proposition de périmètre, mais il y a eu deux ou trois demandes d'amputation de terrains prévues comme devant faire partie du périmètre protégé.
L'une des demandes émanait de la commune de Lancy qui souhaitait que les terrains à l'extrémité du plateau de Saint-Georges, où se trouve actuellement un terrain de football, soient extraits du périmètre de protection. A l'époque, j'avais attiré l'attention de la commission sur le fait que le WWF n'était pas d'accord de lâcher sur ce secteur du périmètre de protection, raison pour laquelle j'avais recommandé que le périmètre ne soit pas modifié à cet endroit-là. J'avais souligné que, dans la mesure où le site restait comme il était, il n'y avait pas à mon sens, et c'était cela que j'avais voulu dire, d'incompatibilité entre le maintien de ce terrain de football qui existe aujourd'hui et la zone de protection.
La réalité est que la commune de Lancy a voulu faire à cet endroit un projet modifiant très sensiblement les lieux, et il ne s'agissait plus de garder le terrain tel qu'il était ou d'agrandir les lieux pour avoir un second endroit pour taper dans le ballon mais de réaliser des vestiaires, des pylônes, de modifier la configuration du terrain. Il est vrai que le terrain de football est légèrement en pente et c'est ce projet qui, à l'époque, a suscité l'opposition du WWF. Alors je crois qu'il ne faut pas mélanger les deux choses. Il est parfaitement compatible avec la zone de protection de continuer à utiliser le terrain comme c'est le cas aujourd'hui pour y jouer du football, par contre, l'aménagement d'un projet de construction important a évidemment posé des problèmes qui ont été tranchés par la commission de recours LCI. Pour donner suite à la volonté du Grand Conseil, le département avait, à l'époque, délivré l'autorisation, mais, effectivement, elle a été annulée, et finalement c'est la justice qui a tranché !
M. Laurent Rebeaud (Ve). Je ne sais pas si c'est vraiment un projet sportif ou si ce n'est pas plutôt un projet immobilier qui se cache derrière cette motion. (Contestations de toute l'Entente.) Voyez-vous, il y a aussi des sportifs et des footballeurs parmi les membres du WWF !
Quelques députés. Mais non ! Mais non !
M. John Dupraz. Y'a Roch qui t'a shooté ! (Rires.)
M. Laurent Rebeaud. Je ne sais si Roch était footballeur, mais dans le cas particulier, il n'était pas propriétaire à Saint-Georges, ce n'est pas son affaire et ce n'est pas lui qui avait l'intention de construire. Le problème est de savoir si l'intérêt public est plutôt de préserver cette zone dans les termes de la protection des rives du Rhône ou bien s'il est plutôt d'intérêt public d'y construire des installations sportives en dur, avec parking, buvette, etc. (Protestations.) Que l'on y fasse du hornuss ou du football, ça m'est égal, ce qui est d'intérêt public actuellement et a fait l'objet d'un contrat politique entre le WWF, qui avait lancé l'initiative, et le Conseil d'Etat c'est que ce périmètre soit protégé, que l'on ne puisse pas y construire. La chose est tout à fait simple.
S'il n'y avait pas d'autres moyens pour les sportifs genevois de s'adonner à leur sport favori, on pourrait discuter, mais il y a d'autres terrains. Je crois que le degré de protection de cet endroit doit être supérieur aux autres et aux obstacles rencontrés dans la région de la Chapelle-sur-Carouge où, semble-t-il, des terrains devraient être adaptés à la situation, parce que cet intérêt est celui des 40 000 automobilistes qui ont sous leurs yeux ce paysage.
Il y a aussi des gens qui vont tirer à Saint-Georges. Monsieur Lorenzini, lorsque vous nous dites qu'il y a le stand, le pont Butin, vous avez l'air de nous suggérer que de toute façon ce site est perturbé, pour ne pas dire «foutu», donc allons-y gaiement et continuons de le démolir et de le détériorer. C'est exactement l'inverse qu'il faut faire. Nous avons, au bord du Rhône, par consensus entre les associations de protection de l'environnement, le Conseil d'Etat et, vraisemblablement, l'ensemble de la population genevoise, décidé de préserver ce site. Ce n'est pas maintenant, après trois décisions dont une de justice - M. Grobet vient de nous le rappeler - que l'on peut revenir sur cette définition de l'intérêt public.
Il m'arrive quelquefois de passer sur le pont Butin - non pas en voiture, je ne roule plus en voiture, mais en moto - et de regarder ce paysage, et beaucoup de Genevois le font... (Manifestations de toutes parts.)
M. Bernard Annen. Si t'allais à pied, tu verrais mieux !
M. Laurent Rebeaud. Le jour où vous aurez construit quelque chose là-dessus, vous aurez altéré la qualité du site, la qualité du coup d'oeil que, même comme automobilistes, vous jetez sur les rives du Rhône et les pentes qui s'étendent ici. Je suis convaincu que la majorité des Genevois souhaitent conserver ce site en l'état, pas à cause des castors, ni des joueurs de hornuss qui peuvent se reproduire ailleurs... (L'assemblée s'écroule de rire.) ...mais parce que c'est une valeur genevoise. Je suis persuadé aussi qu'il est possible dans ce canton, comme ailleurs, de pratiquer un sport sans avoir les installations aussi sophistiquées que l'on nous réclame chaque fois. Je suis convaincu que même M. Dupraz est capable de retrouver sa ligne en faisant du sport dans un endroit où il n'a pas des douches à dix mètres et où il n'a pas d'entraîneur le long de la ligne de touche.
M. John Dupraz (R). Pour bien comprendre l'intention des motionnaires, il est nécessaire de faire un peu d'histoire, et M. Grobet en a fait tout à l'heure. Quelques jours avant le départ de l'initiative de protection des rives du Rhône du WWF, les milieux agricoles et de la protection de l'environnement se rencontraient dans les locaux de la Chambre d'agriculture pour faire un tour d'horizon des problèmes. A l'époque, le WWF, dans un esprit d'ouverture, s'est bien gardé de présenter ses intentions de déposer l'initiative protégeant les rives du Rhône. A la lecture de cette initiative, nous nous sommes rendu compte qu'elle était certainement anticonstitutionnelle mais que, si elle venait à passer devant le peuple par un tour de passe-passe juridique, les agriculteurs n'auraient même plus pu emprunter les chemins dans ce périmètre avec leurs tracteurs. C'était donc un «truc» assez «mal foutu», passez-moi l'expression !
Qu'avons-nous fait ? Il est clair que si nous avions laissé cela dans les mains des juristes, peut-être en parlerions-nous encore comme l'initiative de l'Alhambra. Or, il faut rendre hommage à notre ancien collègue, M. Bosson, puisque sa commune était concernée. Une réunion de travail entre M. Bosson, maire de la commune d'Aire-la-Ville et député à l'époque, MM. Blanc, Meylan, Cramer et moi-même a été organisée et nous nous sommes mis d'accord sur un contreprojet indirect. Ce n'était pas une négociation entre le Conseil d'Etat et le WWF. Nous nous sommes mis d'accord sur des options et nous sommes arrivés à la commission d'aménagement... (M. Grobet fait un signe de dénégation.) Oui, Monsieur Grobet ! Vous avez beau branler la tête ! (Rires.) Nous nous sommes mis d'accord sur un contreprojet et l'avons voté en commission.
A l'étude de ce contreprojet, la commune de Lancy, bien avant le lancement de l'initiative du WWF, avait ce projet d'aménagement modeste des terrains de foot sur la Ferme Saint-Georges, près du Rhône. En fin de travaux, ayant accepté le projet de loi, l'autorisation de construire a été donnée. M. Blanc et moi-même avions cru comprendre à l'époque qu'il était acquis par les uns et les autres, y compris par le WWF, que l'on acceptait cet aménagement même à l'intérieur du périmètre de protection des rives du Rhône. Je dirais que ce qui nous différencie M. Blanc et moi-même, c'est la taille, mais nous avons un point commun en politique, c'est notre grande naïveté ! (Eclats de rires.) Et nous n'avons pas pris la précaution, entre le deuxième et le troisième débat...
M. Claude Blanc. Naïf toi-même !
M. John Dupraz. ...de s'assurer que le délai de recours était échu, car nous avions fait confiance notamment au WWF. Et à peine avions-nous voté en troisième débat le projet indirect à cette initiative, le WWF ayant retiré l'initiative, que celui-ci faisait recours contre l'autorisation de construire. J'estime que cette démarche a été malhonnête, car les députés, à l'époque, ont été trompés, et c'est pourquoi nous revenons devant ce parlement avec cette motion pour reprendre le dialogue et essayer de trouver une solution.
Je ne pense pas qu'un aménagement modeste de terrain de foot, notamment pour les jeunes, en cet endroit, mette en péril les rives du Rhône. Je crois que nous devons trouver une solution de compromis et je m'y emploierai, mais je trouve que lors du vote du contreprojet indirect à l'initiative, nous avons été trompés et bernés, et ça, je ne l'admets pas ! (Bravos et applaudissements.)
M. Jean-François Courvoisier (S). Pour ceux qui ne l'auraient pas lu, je veux tout d'abord citer l'opinion de M. Manuel Baud-Bovy, architecte et urbaniste, au sujet du maintien des espaces verts. Son opinion est exposée dans un article sur le Salève, dans la «Tribune de Genève» du mercredi 27 avril. Manuel Baud-Bovy est parti d'une constatation simple : les Genevois n'ont aucune raison de quitter la ville pour leurs loisirs, pourtant ils le font.
Une enquête récente montre que, pour la majorité des gens, des lieux accessibles à tous où l'on peut pique-niquer, des lieux de promenades, manquent en ville. Par contre, les terrains sportifs aménagés sont considérés comme étant en nombre suffisant. «Ce résultat nous a étonnés puisque les autorités développent plutôt des terrains aménagés.», souligne M. Baud-Bovy. Nous nous sommes demandé pourquoi ce besoin de la population n'est pas reconnu. Selon M. Baud-Bovy, les sportifs sont un poids électoral incontestable, alors qu'aucune association ne s'occupe de l'aménagement d'espaces verts. C'est en partie pourquoi l'aménagement de la ville ne satisfait pas forcément la population. «Nous sommes en présence d'une majorité silencieuse.» a conclu M. Baud-Bovy.
Le périmètre de la Ferme Saint-Georges n'est pas situé sur le territoire de la Ville de Genève, mais il est encore un endroit privilégié pour la promenade et le pique-nique et a l'avantage d'être accessible aux citadins au moyen des transports publics. Il n'est pas nécessaire de créer une zone sportive pour jouer au football. Un pré fauché n'a pas besoin d'être aménagé. Il suffit d'un interdit d'accès aux chiens, aux chevaux et aux véhicules. Bien que cette zone soit située sous le pont Butin, elle garde un charme considérable pour de nombreux Genevois. Respectons le voeu de ceux que M. Baud-Bovy appelle la majorité silencieuse, en refusant de déclasser ce périmètre.
M. René Koechlin (L). Il est nécessaire d'examiner ce projet avec beaucoup de sérénité et si possible en dehors de toute passion. Parce que la question qui se pose est celle de la compatibilité entre la protection du site - celui des rives du Rhône en l'occurrence - et l'exercice d'un sport comme le football. Même les personnes qui étaient plutôt enclines à protéger le site en priorité, comme M. Christian Grobet, a reconnu qu'il était possible d'exercer le football à cet endroit, moyennant certains aménagements et en étant prudents quant aux constructions que cela impliquait.
Une autorisation a été accordée à la commune qui a été contestée et que l'autorité, la première instance judiciaire, a réfutée puisqu'au sens juridique stricte, effectivement, l'on peut admettre que l'exercice du football n'est pas nécessairement compatible avec la protection des rives du Rhône. Mais je pense que nous devons être un peu plus souples dans l'appréciation de ce que l'on entend par protection d'un site. Evidemment, lorsque l'on considère l'exercice du football, on a immédiatement présent à l'esprit ce que l'on voit principalement à la télévision, c'est-à-dire des stades avec des tribunes, des éclairages artificiels et une foule en liesse. On pense, quand on est Genevois, au stade des Charmilles ou à des équipements plus impressionnants encore quant à leur impact et leur construction.
Mais il y a d'autres terrains de football, qui ont un caractère paysager; je pense à ceux des Evaux, par exemple, que d'aucuns connaissent, ou ceux récemment construits sur la presqu'île de Vessy. Je ne considère pas que ces stades de football soient incompatibles avec la protection des sites. Donc il faut savoir de quels stades de football et de quels projets l'on parle. Il est possible que la commune de Lancy soit allée trop loin dans ses intentions et dans ses constructions. Il faut, dans cette hypothèse, freiner ses élans constructeurs, et là, Monsieur Rebeaud, j'avoue que, probablement, ils étaient trop immobiliers et pas assez écologiques.
Mais on pourrait modérer ces velléités de la commune et admettre tout de même que l'exercice d'un sport comme le football n'est pas incompatible avec la protection du site, à condition que l'on prenne un certain nombre de mesures; il faudra que nous parlions de ces mesures en priorité en commission. (Applaudissements.)
Le président. Je salue à la tribune du public une délégation de l'Association Allemagne-Suisse, sous la conduite du Dr Heinz Devin, secrétaire général de cette association. La délégation est accompagnée par M. Jürg Leutert, ministre et vice-directeur de la division des organisations internationales du département des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. Luc Gilly (AdG). Je proposerai pour la santé de la majorité de la population genevoise de regarder ce qui se passe au stand de tir. (Eclats de rires.) Il me semble qu'il y a déjà eu beaucoup de plaintes au sujet du bruit que cause le stand de tir de Saint-Georges et il y a un espace tout à fait compatible pour faire des terrains de foot. Je m'occuperai avec vous en commission de proposer un déplacement du terrain de football sur le site du stand de tir de Saint-Georges pour l'enterrer définitivement. (Eclats de rires et applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). Je ne pensais pas intervenir à nouveau, mais je dois dire que la façon dont M. Dupraz réécrit l'histoire est assez extraordinaire. Je sais, Monsieur Dupraz, que les radicaux ne sont pas toujours très actifs et, dès qu'ils bougent le petit doigt, pensent avoir refait le monde ! (Rires.) Vous me permettrez quand même de relever que dans cette affaire, lorsque vous parlez du contreprojet de M. Bosson, je ne vois pas à quoi vous faites allusion.
Il y avait un contreprojet du Conseil d'Etat portant sur un plan très précis, mis à l'enquête publique et qui a été préavisé par l'ensemble des conseils municipaux des territoires concernés. C'était cela le contreprojet et non quelques discussions ayant pu se tenir à la mairie d'une commune qui m'est particulièrement chère.
Cela étant dit, j'aimerais aussi vous rappeler, Monsieur Dupraz, que c'est bien en fin de course, sur la base de ce contreprojet qui avait été mis à l'enquête publique, que la commune de Lancy a voulu que le périmètre soit amputé d'une partie, c'est exact. Mais le problème - et M. Koechlin l'a bien situé - c'est de savoir ce que l'on peut faire comme aménagement en fonction du site, mais aussi en fonction des normes de la zone. Je vous rappelle que le terrain n'est pas uniquement en zone protégée des rives du Rhône, mais en zone agricole en dehors des zones à bâtir. Par voie de conséquence, il y avait un deuxième obstacle à faire des constructions à cet endroit-là. Il faut tout de même savoir que le projet de Lancy - et je remercie M. Koechlin de l'avoir laissé entendre - à l'époque, consistait, d'une part, à réaliser notamment des vestiaires et, je crois, une buvette, ce qui était d'autant plus absurde qu'il y avait des vestiaires à 200 mètres, au CEPIA, pouvant être utilisés gratuitement et, d'autre part, un important aménagement du terrain.
Cela, Monsieur Dupraz, était incompatible, non seulement avec les règles applicables à la zone protégée, mais aussi avec les règles applicables à la zone agricole, puisque l'on est en dehors de la zone à bâtir. On peut se poser la question de savoir, si les aménagements vont jusqu'à un certain degré, s'il ne faut pas créer une zone sportive à cet endroit-là et c'est pour cela que j'adhère complètement à ce qu'a dit M. Koechlin. S'il s'agit d'une utilisation très modeste des terrains, à ce moment-là, on peut imaginer que cela peut se faire sous le régime actuel, mais à partir du moment où le projet a une certaine ampleur, ce n'est pas simplement les dispositions de la protection des rives du Rhône qui s'y opposent, mais également les dispositions de la zone agricole, puisque l'on est en dehors des zones à bâtir.
Le problème n'est pas si simple et quand la commission de recours s'est prononcée sur le projet, je ne crois pas, Monsieur Dupraz, que le seul motif de rejet était la protection des rives du Rhône. La commission de recours avait, sauf erreur de ma part, aussi relevé le fait que le site était en dehors des zones à bâtir, ce qui était un argument supplémentaire.
M. John Dupraz (R). Je reconnais également que, dans cette affaire, M. Grobet a été aussi actif pour l'élaboration du contreprojet, mais je peux quand même vous dire qu'entre le milieu agricole et le parti écologiste, nous avons été très actifs pour nous mettre d'accord sur les principes, car nous aurions pu tomber dans une bagarre comme celle sur l'initiative sur l'Alhambra qui, d'ailleurs, n'est pas encore terminée. Mais ce que nous n'avions pas apprécié à l'époque, c'est que nous avions l'intime conviction que le WWF ne ferait pas de recours et qu'il acceptait ce qui était présenté.
Or, entre le deuxième et le troisième débat, nous n'avons pas pris garde à l'échéance du délai de recours et c'est après le vote que le WWF a déposé son recours. C'est sur ce point-là que nous estimons avoir été trompés, mais j'admets - comme M. Koechlin - et je l'ai dit, que nous devons examiner cela en commission et voir ce que nous pouvons faire. Espérons que le WWF ne sera pas trop intransigeant et que nous arriverons à un accord pour satisfaire les besoins de la commune dans la mesure de la compatibilité des installations à créer avec la zone protégée.
M. Laurent Rebeaud (Ve). Après ce que je viens d'entendre de la part de M. Koechlin, j'ai le sentiment que les projets, tels qu'il nous les a décrits, sans constructions lourdes, devraient pouvoir se réaliser dans le régime des zones actuelles sans déclassement en zone sportive. Dans ces conditions, je vote volontiers le renvoi en commission.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte le renvoi de cette motion en commission. Il a toutefois deux remarques à faire. La première est une remarque qui s'applique à cette motion, mais également à d'autres, à savoir que les motions invitant le Conseil d'Etat à, par exemple, engager une procédure plutôt qu'à élaborer un avant-projet de loi, sont un petit peu difficiles à accepter telles quelles. Je crois que c'est à l'exécutif qu'appartient la compétence de savoir comment répondre à une motion de ce genre.
La deuxième remarque confirme ce qu'a dit M. Grobet. Les terrains sont en effet situés en zone agricole, compris dans les SDA et inclus également dans le périmètre de protection des rives. De plus, il faudrait évidemment négocier l'accord avec la Fondation des exercices de l'arquebuse et de la navigation. Le projet de la commune de Lancy me semble raisonnable parce qu'il prévoit des installations sportives qui même si elles sont consacrées à du sport d'équipe, ne sont pas encore des activités défendues, bien au contraire. Je pense que le but de réaliser des mâts d'éclairage pose un problème que l'on doit certainement pouvoir résoudre actuellement.
Pour pouvoir répondre de façon valable, en même temps que cette motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton, j'aurais proposé que les requérants déposent une demande de renseignements, en bonne et due forme, qui permette aux différents services de se prononcer au vu de tous les éléments évoqués plus récemment.
Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette motion à la commission d'aménagement du canton est adoptée.