République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7084
7. Projet de loi de MM. Hervé Dessimoz, René Koechlin et Jean Montessuit modifiant la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (L 5 9). ( )PL7084

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 22 juin 1989, est modifiée comme suit:

Art. 3, al. 3 (nouveau)

3 Il n'y a pas de changement d'affectation lorsque des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel ont été temporairement affectés à l'habitation et qu'ils retrouvent leur destination commerciale, administrative, artisanale ou industrielle antérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi s'inscrit dans notre souhait de voir la vie économique et sociale de notre canton bénéficier d'un assouplissement des contraintes que la loi lui impose.

Le marché des locaux commerciaux, administratifs et industriels (ci-après: les locaux commerciaux) se caractérise actuellement, dans le canton de Genève, par la surabondance de l'offre. Les locaux commerciaux vides sont pléthoriques et se comptent par centaines de milliers de m2.

Une solution à cette situation serait de permettre sans restriction la location de ces surfaces libres en tant que logement. Cette possibilité satisferait un double besoin:

a) Un besoin de logements dans les catégories d'appartements où la pénurie sévit encore, soit les appartements de 3 à 7 pièces. La possibilité d'affecter des locaux commerciaux à l'habitation réduirait sensiblement la pénurie de logements.

 Elle aurait de plus pour effet de provoquer une baisse des loyers des logements de ces catégories, puisqu'une hausse de l'offre d'un bien entraîne une baisse de la valeur de ce bien. On peut observer actuellement ce phénomène avec les studios et les deux-pièces, dont le loyer moyen a sensiblement chuté.

b) Le besoin du propriétaire de rentabiliser son investissement dans un immeuble commercial en tout ou partie inexploité.

La loi sur les démolitions, transformations et rénovations (LDTR) n'interdit pas le changement d'affectation de locaux commerciaux en logements. Au contraire, un tel changement d'affectation irait plutôt dans le sens de cette loi qui vise à «préserver l'habitat» (art. 1, al. 1er LDTR).

En l'état actuel de la législation, il n'est cependant pas possible de rendre une affectation commerciale à des locaux provisoirement affectés à de l'habitation. Il s'agit d'un changement d'affectation interdit par la LDTR et soumis à l'octroi d'une dérogation (arts. 3, al. 2 et 5 LDTR).

Or, il est vain de permettre le changement d'affectation de locaux commerciaux en logements si le retour à l'affectation commerciale antérieure est interdit et doit faire l'objet d'une dérogation. Aucun propriétaire ne prendra le risque de ne plus pouvoir louer des locaux commerciaux pour un usage commercial. Il préférera laisser les locaux vides jusqu'à relocation.

Pour cette raison, il convient de préciser dans la LDTR que l'affectation provisoire de locaux commerciaux à des logements n'empêche pas le retour subséquent à l'affectation commerciale antérieure. L'affectation provisoire à des logements doit pouvoir être d'une durée illimitée.

C'est pour toutes ces raisons que nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet.

Préconsultation

M. Christian Ferrazino (AdG). Quelques observations sur ce projet de loi qui nous est soumis ce soir et qui semble être un des premiers projets annoncés concernant la modification de la loi sur les démolitions et rénovation de maisons d'habitation. Il semble, à première vue, n'avoir pas beaucoup de conséquences, puisqu'on nous demande en résumé de faire en sorte que, lorsque des locaux commerciaux sont transformés en logements, le propriétaire puisse ensuite obtenir du département des travaux publics l'autorisation de pouvoir réaffecter ces logements en locaux commerciaux.

Le problème posé par cette motion est précisément celui de savoir quelle doit être la politique du département des travaux publics en cette matière parce que, et le projet de loi le relève, il existe aujourd'hui, que ce soit à Genève ou dans les cantons qui nous entourent, et particulièrement dans le canton de Vaud, des centaines de milliers de surfaces commerciales locatives vacantes ne trouvant pas preneurs. Alors bien évidemment, il y a la volonté de transformer ces surfaces commerciales en habitation. Pour certaines d'entre elles, le processus n'est pas très compliqué. Je pense en particulier à l'ensemble de ces appartements, de ces locaux qui étaient à l'origine affectés à l'habitation et qui se sont transformés, il y a une vingtaine d'années, en bureaux, de façon particulièrement illégale et contre la législation que nous avions déjà adoptée à l'époque.

Pour ces cas-là, il n'y aura pas beaucoup de travaux à effectuer pour redonner une affectation originaire, c'est-à-dire l'affectation au logement. Par contre, pour tous les autres locaux commerciaux, les transformer en logement est une opération extrêmement coûteuse - ce n'est pas M. Koechlin qui va me contredire - puisqu'il faudra créer à la fois des cuisines, des sanitaires, des colonnes de chute, etc. Par conséquent, de telles opérations ne peuvent être viables sur le plan économique que s'il y a la possibilité de les amortir sur une certaine durée.

Ce projet voudrait finalement que la loi sur les démolitions ne soumette plus à autorisation le changement d'affectation, lorsque le propriétaire désirera reprendre un usage d'habitation ce qui pose un problème tout particulier pour les locataires, et c'est là, je dois dire, la faiblesse essentielle de ce projet. Il ne mentionne même pas ce que deviendraient les locataires lorsque le propriétaire souhaitera, dans une période économique un peu meilleure que celle que nous connaissons, retrouver l'affectation commerciale de ces locaux. Le problème est là. On ne peut pas, Monsieur Koechlin, traiter les locataires comme des marchandises que l'on prend lorsque l'on en a besoin et que l'on jette lorsque la conjoncture permet de trouver des affectations plus rentables sur le plan économique.

Si ce projet devait être accepté, il aurait donc pour conséquence de placer les locataires dans une situation extrêmement précaire, et vous le soulignez vous-même dans l'exposé des motifs avec une phraséologie un peu ambiguë, en disant : «L'affectation provisoire à des logements doit pouvoir être d'une durée illimitée.». Vous avez le sens de jouer entre le provisoire et l'illimité de façon un peu particulière dès lors que le locataire, lui, aura un statut provisoire, alors que le propriétaire, de son côté, pourrait, de façon illimitée, c'est-à-dire quand il le souhaitera, congédier ses locataires pour redonner une affectation commerciale à ses locaux.

Voilà le danger directement lié à ce projet de loi s'il devait être adopté, et je crois qu'un examen en commission sera d'autant plus nécessaire pour examiner dans quelles conditions des cautèles pourraient être posées afin, précisément, de se soucier, ce qui fait totalement défaut dans l'exposé des motifs, du sort des locataires dans de telles situations.

M. René Koechlin (L). Je voudrais rassurer M. Ferrazino en lui disant que les locataires de logements, qu'ils soient temporaires ou non, sont bien protégés dans ce canton, c'est le moins que l'on puisse dire, et qu'il n'est pas question de les mettre à la porte du jour au lendemain, surtout quand ils ont un bail dûment signé.

Ce projet répond à une réalité. Il existe, Monsieur Ferrazino, vous ne les connaissez pas, je peux vous en citer plusieurs, des cas de projets d'immeubles d'habitations qui prévoyaient au premier, parfois jusqu'au deuxième étage, des locaux commerciaux, voire des bureaux, et qui, pour des questions conjoncturelles, que vous comprendrez aujourd'hui puisque la demande dans ce domaine a particulièrement baissé, ont été aménagés en logements et cela à des conditions économiques tout à fait acceptables, puisque ces logements sont actuellement loués sans exception.

Il y a même des immeubles qui ont été réalisés récemment, je vous en citerai à Carouge, dont même les rez-de-chaussée ont été aménagés en logements alors qu'ils étaient à l'origine prévus pour des locaux commerciaux. Ces affectations ont été modifiées à titre temporaire et ce projet de loi vise à dire et obtenir que l'on n'oublie pas qu'à l'origine le projet impliquait une affectation commerciale de ces rez-de-chaussée voire des étages. Il nous paraissait légitime que dans d'autres circonstances, et naturellement si les locaux se libéraient de façon légitime et dans la légalité la plus totale, l'on puisse en réaffecter une partie, voire la totalité, à des activités commerciales. Mais nous examinerons ce projet avec beaucoup de soin en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission du logement.