République et canton de Genève

Grand Conseil

Q 3509
a) de M. Christian Ferrazino : Votation : une question ou une devinette ?. ( )Q3509
Q 3512
b) de Mme Claire Torracinta-Pache : Fonctionnaires et liberté d'établissement. ( )Q3512
Q 3513
c) de M. Jean Spielmann : Sécheron, Noga Invest SA et le Conseil d'Etat. ( )Q3513

Q 3509

de M. Christian Ferrazino (AG)

Dépôt: 2 décembre 1993

Votation: une question ou une devinette?

La dernière votation sur le droit au logement a manifestement dérouté des milliers d'électrices et d'électeurs puisque plus de 13 000 d'entre eux ne se sont pas prononcés sur la question n° 9.

Pourquoi le Conseil d'Etat s'est-il contenté de mentionner, sur les bulletins de vote, une formule totalement incompréhensible, à savoir «contreprojet à l'IN 25» plutôt que de signaler qu'il s'agissait du «contreprojet à l'IN 25 pour le droit au logement»?

RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT

du 16 février 1994

Il est exact que, prise pour elle-même, et hors de tout contexte, une question posée à l'électeur peut paraître obscure ou, à tout le moins, abstraite.

Ce texte doit être en effet repris de la loi votée par le Grand Conseil tel qu'il est publié dans la Feuille d'avis officielle.

Dans le cas qu'évoque M. Ch. Ferrazino, député, le texte de la question n° 9 du bulletin de vote est identique à celui du projet de loi constitutionnelle voté par le Grand Conseil:

 «Projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 10 A de la constitution de la République et canton de Genève (contreprojet à l'initiative 25) (A 2 1)»

Ce texte ne comportait pas l'adjonction souhaitée par M. Ch. Ferrazino «pour le droit au logement».

Heureusement les citoyens et citoyennes appelés à se prononcer lors d'une votation disposent - en plus de leur bulletin de vote - de nombreuses sources d'information pour savoir sur quoi portent précisément les questions soumises à la votation.

Ils disposent tout d'abord, à domicile et avec leur matériel de vote, de la brochure explicative qui les informe complètement sur chacun des objets soumis à la votation; ils prennent en outre connaissance, à travers les articles de presse et par les affiches électorales, de la position des partis et groupements intéressés. Les radios, notamment les radios locales, et la télévision ont également pour vocation d'informer les électeurs des sujets électoraux et, en l'espèce, le droit au logement visé par la question n° 9 de la votation du 28 novembre 1993, a fait l'objet d'un très vaste débat.

On peut dès lors légitimement penser que les électeurs qui ne se sont pas prononcés sur cette question n'ont pas été essentiellement déroutés par l'intitulé de la question, mais par leur abstention, ont exprimé leur doute quant au contenu de la loi constitutionnelle qui leur était soumise.

Ce point de vue paraît d'ailleurs corroboré par le nombre de bulletins blancs recueillis, par exemple, le 16 février 1992, alors que le libellé de la question posée était conforme au voeu de M. Ch. Ferrazino:

 «Acceptez-vous le projet de loi constitutionnelle créant un article 10 A de la constitution de la République et canton de Genève (droit au logement)?»

Q 3512

de Mme Claire Torracinta-Pache (S)

Dépôt: 3 décembre 1993

Fonctionnaires et liberté d'établissement

Considérant

- l'article 45 de la constitution garantissant la liberté d'établissement à tout citoyen suisse;

- l'obligation de domicile prévue à l'article 13 de la loi genevoise relative au personnel de l'administration cantonale et des EPM;

- qu'en période de difficultés budgétaires, l'intérêt fiscal prévaut fréquemment lors de réponses négatives à des demandes de dérogation;

- que dans un arrêt rendu le 19 octobre 1992 et donnant raison à un recourant, le Tribunal fédéral a rappelé que l'intérêt fiscal n'était pas décisif et que seuls des impératifs de service justifiaient que le fonctionnaire garde son domicile sur le canton,

ne serait-il pas utile que le Conseil d'Etat redéfinisse sa position à ce sujet et informe les autorités compétentes (directions, commissions administratives) de l'interprétation qu'il entend voir donner à notre loi, eu égard aux considérants du Tribunal fédéral? Ou, le cas échéant, qu'il envisage une modification de la loi?

RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT

du 7 mars 1994

Bien qu'il s'agisse d'un droit fondamental dont bénéficie, en principe, tout citoyen suisse en vertu de l'article 45 de la constitution fédérale, il y a lieu de rappeler que les restrictions à la liberté d'établissement des fonctionnaires figurent, historiquement, parmi les plus anciennes et que la majorité des cantons, ainsi que la Confédération, imposent à leurs fonctionnaires une obligation de résidence.

En ce qui concerne le canton de Genève, les restrictions à la liberté d'établissement sont connues depuis fort longtemps puisque l'obligation de résidence découlait déjà d'un règlement sur le statut des fonctionnaires de l'administration cantonale datant du 6 juillet 1928 et qu'elle figure dans les règlements ultérieurs (notamment, nouvelles teneurs des 2 juillet 1939, 23 juin 1966, 1er novembre 1973, 22 juin 1977).

Ces normes instauraient une obligation générale de résidence et ne prévoyaient, dans l'ensemble, pas de motifs de dérogations.

Toutefois, la pénurie de logements et les difficultés de recrutement du personnel incitèrent les autorités d'alors à en suspendre l'application jusqu'à une époque assez récente.

En effet, ce n'est qu'à partir de 1976 que les autorités décidèrent de modifier leur pratique en matière de domiciliation et d'appliquer strictement les normes y relatives en raison d'une détente sur le marché du travail et sur celui du logement.

Dès 1980, le Tribunal fédéral dégage 3 critères permettant de limiter un droit fondamental:

1. une base légale figurant dans une loi formelle;

2. répondant à un intérêt public prépondérant;

3. respectant le principe de la proportionnalité.

Dès lors, et jusqu'à l'adoption de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (ci-après B 5 0,5) du 15 octobre 1987, les autorités de l'époque commencèrent à assouplir leur pratique afin de tenir compte des situations dans lesquelles il s'avérait indispensable de prévoir une dérogation à l'obligation de domicile (motifs personnels ou familiaux sérieux, acquisition d'un logement antérieure à l'engagement).

Ces motifs figurent d'ailleurs dans la loi B 5 0,5 susmentionnée car, tout en constituant la base légale nécessaire pour limiter la liberté d'établissement, l'article 13 B 5 0,5 prévoit également qu'il peut être dérogé à l'obligation de domicile pour tenir compte:

- de la propriété d'immeubles antérieure à l'engagement;

- de contraintes familiales graves;

- du taux d'activité réduit;

- de la fin prochaine des rapports de fonction d'un membre du personnel,

notions qui ont été élargies ensuite par la pratique puisque, à titre d'exemple, l'acquisition par voie successorale ou de donation a été assimilée à la «propriété d'immeubles antérieure à l'engagement».

Quant à l'intérêt fiscal, le Tribunal fédéral l'a abordé, à diverses reprises, sous l'angle du deuxième critère permettant de restreindre un droit fondamental, soit celui de l'intérêt public.

Si, dans un arrêt datant de 1980, le Tribunal fédéral a considéré que des motifs d'ordre fiscal pouvaient aussi justifier l'obligation de domicile, il ressort clairement de l'arrêt du 29 octobre 1992 que la liberté d'établissement ne saurait être limitée «pour des raisons fiscales sous-jacentes».

C'est dans le cadre de l'examen de la proportionnalité, soit le troisième et dernier des critères dégagés pour le Tribunal fédéral, qu'il s'impose d'examiner les intérêts publics et privés en présence.

Compte tenu de l'évolution de la jurisprudence du Tribunal fédéral et de l'arrêt du 29 octobre 1992, les fonctionnaires chargés de préparer les projets de décisions en matière de domiciliation sont donc amenés à effectuer une pesée de plus en plus affinée des intérêts en présence de façon à éviter des décisions qui soient contraires au principe de la proportionnalité.

En général, cette pesée des intérêts aboutit à devoir considérer l'intérêt privé comme prépondérant puisque le refus d'accorder une dérogation à l'obligation de domicile ne se justifie «que si la disponibilité nécessaire pour le service exige un domicile à proximité ou si le caractère particulier de la fonction demande que son titulaire entretienne des liens étroits avecla population locale ou soit membre de la communauté dont il assume la représentation».

Etant donné que le refus d'accorder une dérogation demeure justifié si l'intérêt public le requiert, le Conseil d'Etat n'envisage pas de modifier l'article 13 B 5 0,5.

Cependant, il est incontestable que nous nous dirigeons vers une libéralisation plus grande encore, tant il est vrai, aussi, que les facilités de transports ont considérablement accru la mobilité du personnel qui n'hésite plus à rechercher un cadre de vie et un logement au-delà des frontières cantonales.

Cette évolution impose donc au Conseil d'Etat de trouver des accords avec les cantons voisins, ce d'autant que cette problématique existe un peu partout en Suisse.

C'est pourquoi la Conférence des chefs des départements des finances romands a décidé d'élaborer un projet de concordat intercantonal pour régler cette question.

Q 3513

de M. Jean Spielmann (AG)

Dépôt: 28 janvier 1994

Sécheron, Noga Invest SA et le Conseil d'Etat

Au printemps 1989, la société ABB a vendu à la société Noga Invest SA à un prix hautement spéculatif les terrains dont elle était propriétaire à Sécheron. Cette opération immobilière fut précédée d'un échange foncier entre la société ABB et l'Etat de Genève, lequel a cédé à la société multinationale un terrain d'environ 24 000 m2 de surface à Meyrin en contrepartie de la restitution de la parcelle 4125 de 18 500 m2 cédée en son temps aux Ateliers de Sécheron et qui était grevée d'un droit de réméré au profit de l'Etat.

Bien que Noga Invest SA soit propriétaire de près de 45 000 m2 de terrain dans la zone industrielle de Sécheron, cette société a prétendu que la parcelle 4125 est la seule où elle pourrait construire une nouvelle usine pour la société Sécheron SA. Le Conseil d'Etat a accepté de céder cette parcelle en droit de superficie à la société Noga Invest SA à des conditions incroyablement complaisantes puisque le Conseil d'Etat a admis pour cette parcelle une valeur dix fois inférieure au prix des terrains industriels payé par Noga Invest SA!

L'autorisation de construire délivrée en novembre 1992 à Noga Invest SA pour l'usine de Sécheron SA n'ayant pas été renouvelée, elle est périmée et le chantier ne peut pas être ouvert. Le projet doit donc être considéré comme abandonné.

Le Conseil peut-il préciser:

1. quelles sont les garanties qu'il a obtenues de Noga Invest SA que celle-ci réaliserait concrètement son projet avant de lui céder la parcelle 4125?

2. s'il a prévu une clause de restitution de la parcelle 4125 à l'Etat dans l'hypothèse où Noga Invest SA ne réaliserait pas son projet?

3. dans cette hypothèse, va-t-il exiger la restitution de cette parcelle dans les plus brefs délais, tant il est évident que l'Etat a été abusé dans cette affaire?

4. si Noga Invest SA est à jour avec le paiement des intérêts dus sur le prêt que lui a consenti la Banque Cantonale pour les terrains de Sécheron, question restée sans réponse depuis juin dernier?

RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT

du 16 février 1994

Notre Conseil estime que les quatre questions précises posées par M. Jean Spielmann n'ont d'objet que dans la mesure où le chantier de construction de la nouvelle usine de Sécheron SA n'aurait pas été ouvert.

Or, le chantier est en cours. A cet égard, notre Conseil réfute la thèse de M. Jean Spielmann selon laquelle l'autorisation de construire délivrée en novembre 1992 à Noga Invest SA serait caduque en sorte que le chantier ne pourrait pas être ouvert.

En réalité, le département des travaux publics a reçu, le 1er novembre 1993, une déclaration d'ouverture de chantier, qui a été suivie d'effet.

Outre les réunions qui ont eu lieu sur place en vue de la mise au point de l'organisation du chantier, la première halle (anciennement halle des trolleys) a été démolie, les abattages d'arbres ont été effectués et divers travaux d'aménagement extérieurs engagés.

Au vu de ce qui précède, notre Conseil estime qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur l'éventuelle restitution de la parcelle en cause à l'Etat, ni sur les conditions, cas échéant, d'une telle restitution.