République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 mars 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 5e session - 10e séance
P 850-A
La pétition 850 nous invite à adapter la justice pénale à l'évolution de la criminalité.
Examinée lors de sa séance du 3 février 1994 en présence de MM. Rémy Riat et Bernard Duport, tous deux secrétaires adjoints au département de justice et police et des transports, la commission judiciaire a procédé, lors de cette même séance, à l'audition de M. Bernard Bertossa, procureur général, qui a tenu à rappeler les mesures qui ont déjà été prises sur le plan cantonal et qui figurent dans le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion 589 de Mme et MM. Jacqueline Damien, John Dupraz, Robert Cramer et Michel Urben concernant les moyens destinés à lutter contre la criminalité économique et dont la teneur est la suivante:
Mesures prises au niveau cantonal depuis 1989
1. Les modifications de la Constitution et de la loi sur l'organisation judiciaire
La Constitution et la loi sur l'organisation judiciaire ont été profondément modifiées afin de permettre une restructuration du Parquet et de l'instruction. Ces réformes ont été inspirées par le rapport du 15 février 1990 établi par le consultant que le département de justice et police avait chargé d'étudier le fonctionnement de l'instruction.
1.1. Depuis le 24 mars 1990, le collège des juges d'instruction comprend une section formée d'au moins 4 juges spécialisés à qui sont, en priorité, attribuées les affaires complexes de nature économique ou criminelle. Les juges de cette section sont déchargés de la permanence.
1.2. Le nombre des juges d'instruction a été porté de 12 à 16 (Mémorial du 26 janvier 1990, p. 443 et ss.).
1.3. La loi constitutionnelle du 3 mai 1991 est entrée en vigueur le 25 janvier 1992. Elle prévoit que les fonctions du Ministère public sont exercées par un procureur général, 2 procureurs et des substituts (Mémorial du 3 mai 1991, p. 1760 et du 28 novembre 1991, p. 5087 à 5092).
Les postes de procureurs ont été créés pour permettre au procureur général de s'appuyer sur deux magistrats expérimentés et permanents, à même de traiter, sur la durée, des dossiers complexes, notamment de nature économique.
Globalement, le nombre des magistrats du Parquet n'a en l'état pas varié. Cette juridiction se compose actuellement du procureur général, de 2 procureurs et de 5 substituts contre 7 précédemment.
2. Les modifications du code de procédure pénale
Sur le plan de la procédure pénale, diverses innovations ont été introduites afin de réorganiser les attributions de certaines juridictions et d'éviter les recours dilatoires dans les affaires complexes. Les principales modifications intervenues sont les suivantes:
2.1. Depuis le 8 décembre 1990, la Cour d'assises connaît des infractions au code pénal passibles de réclusion pouvant dépasser 5 ans à propos desquelles le procureur général entend requérir une peine supérieure à 5 ans de réclusion. Quant à la Cour correctionnelle, elle peut prononcer des peines jusqu'à 5 ans de réclusion, voire jusqu'à 7 ans et demi de réclusion, par exemple en cas de récidive (Mémorial du 12 octobre 1990, p. 4677 et ss.).
2.2. Le pourvoi en cassation contre les ordonnances de renvoi en assises ou en correctionnelle a été supprimé par la loi du 17 mai 1990 entrée en vigueur le 14 juillet 1990. Prévu à l'origine comme un contrôle supplémentaire, on s'est aperçu que ce pourvoi était interjeté surtout dans les affaires complexes dans le but de freiner le déroulement de la justice et d'atteindre si possible la prescription (Mémorial du 17 mai 1990, p. 1092 et ss.).
2.3. Un grand nombre de recours dirigés contre des actes d'instruction ne sont plus, depuis le 14 juillet 1990, recevables avant la communication des dossiers au procureur général (ibidem).
2.4. Enfin, les magistrats du Parquet et de l'instruction peuvent prononcer actuellement des ordonnances de condamnation jusqu'à 6 mois d'emprisonnement grâce à une loi du 30 avril 1993, entrée en vigueur le 26 juin 1993 (Mémorial 1993, p. 2447 et ss.).
L'objectif principal de ces réformes, soit l'amélioration de l'efficacité des juridictions pénales, a été atteint. Reste en suspens le problème des appels des jugements du Tribunal de police, dont le nombre charge considérablement le rôle de la Chambre pénale de la Cour de justice.
3. La spécialisation de la police
A fin 1988, a été créé un «groupe argent sale» qui a finalement été intégré à la brigade financière.
Depuis quelques années, l'accent est mis sur l'aspect financier du trafic de drogue, du crime organisé et de leurs filières. Le groupe «argent sale» s'occupe essentiellement des problèmes de blanchissage d'argent.
La police dispose donc de spécialistes capables de mener des enquêtes - souvent de longue haleine - pour faire échec à la criminalité économique sous toutes ses formes.
Les instructions dans son domaine et les objectifs sont fixés par le procureur général au cours de séances de travail avec la police. La coordination entre magistrats et policiers est excellente et a permis d'obtenir des résultats appréciables dans le domaine considéré.
A titre d'exemple, depuis le début de 1993, un montant total avoisinant 2 millions de francs a pu être confisqué comme produit du crime organisé versé dans les caisses de l'Etat.
Le procureur général a tenu à préciser que des progrès pourraient être réalisés en matière de choix des candidats, d'aménagement du cursus judiciaire et de la rémunération des substituts du procureur général, actuellement discriminés sur ce plan par rapport aux autres magistrats.
Il est d'autre part conscient que pour des raisons budgétaires il est impossible d'obtenir des postes supplémentaires mais estime que des progrès sont cependant encore possibles en matière de rationalisation de l'activité des intervenants, notamment entre le parquet et les juges d'instruction.
M. Bertossa pense que le fonctionnement du Tribunal de police devrait être revu. On pourrait en faire un tribunal pénal pour tout ce qui n'est pas traité par le jury. Par ailleurs, il existe un réel problème pour les jurés dans les causes de nature économique car bien souvent ils n'ont pas la formation requise pour comprendre les problèmes complexes qui leur sont posés.
Pour conclure, une réflexion mériterait également d'être menée sur la possibilité de pouvoir disposer de collaborateurs non seulement pour les magistrats mais également pour la police car nombre de compétences requises ne sont pas toujours présentes chez les inspecteurs même spécialisés. Il faudrait prévoir des experts-comptables au sein de la police, au même titre qu'il existe des experts scientifiques.
Les commissaires ont pris acte des informations détaillées qui leur ont été fournies tant par le rapport du Conseil d'Etat que par le procureur général. Ils ont pu constater en outre que la réflexion en vue de l'amélioration du fonctionnement de nos juridictions est permanente. C'est en conséquence à l'unanimité que la commission judiciaire vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer le présent rapport sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.