République et canton de Genève

Grand Conseil

I 1882
7. Interpellation de Mme Anita Cuénod : Comment sont accueillis les Bosniaques qui demandent l'asile à Genève ? Sont-ils refoulés à la frontière franco-genevoise s'ils n'ont pas de visa (comme à Chiasso) ? ( )I1882

Mme Anita Cuénod (AdG). Je n'entends pas vous faire ici une leçon d'histoire contemporaine, ni vous exposer les causes et les conséquences de la guerre fratricide qui sévit en ex-Yougoslovie. J'aimerais seulement, par le biais de cette interpellation, souligner que le drame qui se déroule pratiquement à nos portes implique deux comportements si nous voulons nous conduire en peuple civilisé et solidaire.

Tout d'abord nous devons contribuer, par tous les moyens possibles, à un règlement pacifique du conflit et, surtout, démontrer notre solidarité, notre compassion et notre soutien par un accueil réel et des frontières ouvertes à ceux qui fuient l'horreur. Je pense aux Bosniaques en particulier, et je demande pourquoi, alors qu'un arrêté fédéral urgent d'avril 1993 stipule que toute personne provenant de Bosnie-Herzégovine peut obtenir une admission provisoire en terre helvétique, ils doivent se munir d'un visa qu'ils obtiendront - bien entendu - facilement de la part des autorités consulaires suisses, mais pas à Zagreb ou à Belgrade ?

Ici à Genève, nous avons, semble-t-il, un nombre restreint de cas semblables aux frontières, puisque la majeure partie d'entre eux vient directement d'Italie, pays - il faut le rappeler - dont nous ne pouvons contribuer à alourdir la charge. Nous avons un devoir de partage, souvent rappelé par le HCR, le «burden sharing», c'est-à-dire le partage de charges. Ces gens en quête d'un havre de paix se présentent donc le plus souvent à Chiasso, où dernièrement une centaine d'entre eux ont été refoulés.

Je demande qu'à Genève nous n'ayons pas peur de l'autre, bien que nous ne sachions pas ce qu'est une guerre civile, que nous n'ayons pas peur d'être cohérents avec nous-mêmes et que dans un mois, dans un an, ou dans dix ans, nous n'ayons pas honte d'avoir manqué à un devoir essentiel d'humanité. De plus, il serait intéressant, Monsieur le conseiller d'Etat, de demander à l'Office fédéral des réfugiés des chiffres précis en ce qui concerne le nombre d'admissions provisoires accordées jusqu'au jour d'aujourd'hui.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Madame la députée, vos soucis sont légitimes et je vais y répondre dans la mesure exclusive des compétences cantonales.

Je réponds tout d'abord à votre seconde question. A ma connaissance, il n'y a pas de refoulement de Bosniaques sans visa à la frontière genevoise. Notre canton n'a pas de frontière avec l'Italie, et tous les Bosniaques qui viennent en Suisse viennent d'Italie et rentrent par Chiasso, voire par Brigue. Cela étant, les douanes sont du ressort fédéral, et si un Bosniaque sans visa se présentait à la frontière genevoise, nul doute que les douaniers soumis aux mêmes directives fédérales que ceux de Chiasso ne pourraient le laisser entrer. Il serait ainsi refoulé. Aux douanes, les cantons n'ont rien à dire, c'est le droit fédéral qui s'applique.

Qu'advient-il alors du Bosniaque sans visa qui, ayant franchi la frontière verte quelque part le long de la frontière italo-suisse, se présente à Genève pour y demander asile ? Je réponds là à votre première question. Il y a deux cas de figure. Dans le premier, notre Bosniaque se présente au centre fédéral d'enregistrement de Carouge et il dépose une demande d'asile. Il attendra la réponse à sa demande dans l'un de nos vingt-six cantons où il aura été dirigé. La réponse sera peut-être positive, auquel cas il obtiendra l'asile. Si la réponse est négative, la décision sera assortie d'une admission provisoire qui lui permettra de rester en Suisse en attendant que la situation de violence qui règne dans son pays ait pris fin.

Dans le deuxième cas, notre Bosniaque se présente spontanément au service des requérants d'asile de l'office cantonal de la population. Il montre, par exemple, un papier prouvant qu'il a résidé en Bosnie. Notre canton entreprend immédiatement, c'est-à-dire sans passer par le biais d'une longue procédure d'asile, une demande d'admission provisoire auprès de l'autorité fédérale. C'est ainsi que cent trente-quatre dossiers d'admission provisoire touchant deux cent septante-quatre Bosniaques ont été ouverts depuis le 21 avril 1993, date de l'arrêté y relatif du Conseil fédéral. Il faut noter que les demandes cantonales sont approuvées dans la totalité des cas par l'autorité fédérale.

J'espère, Madame la députée, avoir ainsi répondu à votre inquiétude. Je le confirme, l'attitude du canton de Genève, pour ce qui touche à sa sphère de compétences, est humaine et solidaire pour reprendre votre expression.

L'interpellation est close.