République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 mars 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 5e session - 10e séance
IN 103-B
Conformément au nouveau droit d'initiative cantonale populaire, et en particulier à l'article 120, de la loi portant règlement du Grand Conseil, la commission législative, dans le délai de neuf mois dès la constatation de l'aboutissement de l'initiative, dépose son rapport sur la validité de ladite initiative.
En effet, le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de l'initiative par arrêté public dans la Feuille d'avis officielle du 29 octobre 1993, de sorte que le délai de 9 mois est respecté.
Sous la présidence de Mme Françoise Saudan, présidente, la commission législative s'est réunie le 8 février 1994. M. Eric Balland, premier secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports, assistait à cette séance.
La commission a étudié la validité de l'initiative à la lumière du rapport du Conseil d'Etat du 12 janvier 1994.
I. Recevabilité formelle
1. Unité de la matière
L'article 66, alinéa 2, de la constitution genevoise exige de l'initiative populaire qu'elle respecte l'unité de la matière, c'est-à-dire que ne soit posée au corps électoral qu'une question unique à laquelle il puisse répondre par «oui» ou par «non».
L'initiative 103 propose une modification de l'article 160 A de la constitution genevoise, réglant le statut, l'organisation et le développement des transports publics genevois. L'unité de la matière est manifeste.
2. Unité de la forme
L'initiative 103 est une initiative rédigée de toutes pièces, ainsi que le permet l'article 65 A de la constitution genevoise, de sorte qu'elle respecte l'unité de la forme, au sens de l'article 66 de ladite constitution.
3. Unité normative
L'unité normative, ou unité de genre, exige qu'une initiative soit du niveau législatif ou du niveau constitutionnel, sans mélange des deux. En l'occurrence, l'initiative 103 propose une modification partielle de la seule constitution cantonale, de sorte qu'elle respecte le principe de l'unité normative.
A l'unanimité, la commission législative a constaté que l'initiative 103 remplit toutes les conditions de recevabilité formelle.
II. Recevabilité matérielle
La recevabilité matérielle implique que l'initiative soit, d'une part, conforme au droit supérieur - s'agissant en l'occurrence d'un projet de niveau constitutionnel, qu'elle respecte le droit fédéral et les traités internationaux - et, d'autre part, qu'elle soit exécutable, c'est-à-dire concrètement réalisable dans un délai raisonnable.
Certains membres de la commission ont douté de la conformité au droit supérieur de l'initative, considérant qu'il n'est pas admissible que des employés d'un établissement de droit public soient, par le biais de leur syndicat, les initiants d'un projet visant notamment à améliorer leur propre statut: cette minorité de la commission y voit le risque d'une perversion des institutions, de quasi-fonctionnaires décidant ainsi de leur propre statut. La majorité de la commission considère en revanche qu'il est naturel, en démocratie, qu'un syndicat use des droits populaires, en l'occurrence de l'initiative, pour soumettre au peuple souverain un projet de faveur de ses membres et relève, de surcroît, que si l'entreprise des transports publics genevois compte 745 postes de conducteurs, plus de 10 000 citoyens ont appuyé l'initiative. La validité matérielle d'une initiative ne saurait dépendre en aucun cas de la qualité des initiants. C'est, enfin, confondre le caractère de proposition d'une initiative qui se distingue du pouvoir de décision qui n'appartient qu'au seul peuple souverain.
Au vote, l'exécutabilité ne posant pas de problème, la commission législative considère par 5 voix et deux abstentions (LIB) que l'initiative 103 est recevable au plan matériel.
En conséquence, la commission législative vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'admettre la validité de l'initiative 103, «des transports publics au service de la population», conformément aux articles 65, 65 A, et 66 de la constitution genevoise.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
IN 103
LANCEMENT D'UNE INITIATIVE
Le Cartel SEV-TPG a lancé une initiative populaire constitutionnelle intitulée «Des transports publics au service de la population», qui a abouti.
1
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initia-tive publié dans la Feuille d'avis officielle le
29 octobre 1993
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et la prise en considération de l'initiative au plus tard le
29 janvier 1994
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative au plus tard le
29 juillet 1994
4.
Décision du Grand Conseil au sujet de la prise en considération de l'initiative sur la base du rapport de la commission en charge au plus tard le
29 avril 1995
INITIATIVE POPULAIRECONSTITUTIONNELLE
«Des transports publics au service de la population»
Les soussignés, électeurs et électrices dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65 A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuyent la présente initiative rédigée, en faveur de transports publics au service de la population. Ils demandent que la constitution de la République et canton de Genève (A 2 1) soit modifiée comme suit :
TITRE X B
TRANSPORTS PUBLICS
Art. 160 A (nouvelle teneur)
Organisation et développement
1 L'Etat, dans les limites du droit fédéral, prend les mesures nécessaires à l'organisation et au développement du réseau des lignes de transports publics.
Etablissement de droit public
2 Il est créé un établissement de droit public chargé de la gestion des transports publics. Cet établissement est soumis à la surveillance du Conseil d'Etat.
Exécution du mandat
3 Le personnel de l'établissement de droit public assure l'exploitation, la gestion et la maintenance du réseau des lignes, du matériel et des véhicules des Transports publics genevois.
Financement
4 Le financement des dépenses d'exploitation et d'investissement de l'établissement est assuré par un contrat de prestations liant l'Etat et l'établissement pour une durée de 4 ans renouvelable. Le contrat de prestation et les comptes annuels de l'établissement sont soumis à l'approbation du Grand Conseil.
Politique tarifaire
5 L'ensemble des offres de transport est organisé et financé de manière à assurer la mise à disposition de la population d'abonnements à des prix favorisant le choix du transport public.
Dispositions législatives d'exécution
6 La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent titre.
EXPOSÉ DES MOTIFS
80 % des Genevois ont dit oui !
Le peuple genevois s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur des transports. Le 12 juin 1988, la loi fixant le programme de développement et le financement des Transports publics genevois a été approuvé par près de 80 % des votants.
Deux fois plus de passagers !
En dix ans, le nombre de passagers transportés a doublé.
Ce dynamisme est le fruit de la confiance que fait la population au service public. Aujourd'hui, les TPG :
transportent plus de 100 millions de passagers par an (50 millions en 1980) ;
85'000 personnes achètent un abonnement chaque mois ;
près de 300'000 personnes sont transportées chaque jour ;
l'introduction de la communauté tarifaire dynamise les offres des transports.
Danger de la privatisation
Le danger est grand de voir ce dynamisme remis en cause par les privatisations et la sous-traitance avec, pour conséquence, des services à la population à deux vitesses par le jeu de la privatisation des bénéfices et le report des pertes sur les usagers.
Difficultés financières
Avant même la crise budgétaire de 1992, le personnel et l'entreprise des Transports publics genevois ont mis en place des commissions d'économies. Le personnel a ainsi fait la démonstration de sa volonté d'utiliser de manière la plus efficace possible les deniers publics.
Renverser la vapeur !
Les restrictions budgétaires réduisent déjà les prestations du service public qui n'est plus en mesure de respecter les décisions votées par le peuple en ce qui concerne les fréquences de passage sur certaines lignes. Alors que le Parlement vient d'accepter, à une très large majorité, un ambitieux programme de développement du réseau des transports, il s'agit de renverser la vapeur pour assurer le maintien et le développement du service public.
But de l'initiative
C'est précisément ce but que l'initiative pour «des transports publics au service de la population» cherche à réaliser en proposant de :
compléter les dispositions constitutionnelles qui règlent l'organisation et le développement des transports ;
permettre à l'entreprise de répondre à la volonté populaire clairement exprimée en 1988 ;
préciser que l'exécution de ce mandat doit être assurée par l'établissement de droit public ;
fixer clairement la volonté d'assurer à la population des offres d'abonnements à des prix favorisant le choix du transport public.
Débat
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Nous constatons tout d'abord que le rapport de la commission législative rejoint celui du Conseil d'Etat quant à la recevabilité aux plans formel et matériel de cette initiative. Sous peu, il s'agira pour la commission des transports de débattre de la prise en considération de cette initiative.
Dans l'immédiat, le Conseil d'Etat rappelle sa position sur certains aspects de cette initiative. D'abord, il est inopportun de s'en prendre à la sous-traitance qui, précisément, donne au service public sa souplesse d'adaptation. De plus, cette notion a déjà, à l'heure actuelle, fait ses preuves sur onze de la quarantaine de lignes TPG.
Ensuite, il n'est pas souhaitable de réintroduire la notion de référendum en matière budgétaire TPG, mesure à laquelle ce Grand Conseil a précisément voulu renoncer.
Enfin, il n'est pas souhaitable non plus d'ancrer dans la constitution des notions touchant à la politique tarifaire de l'entreprise.
Cela étant, la commission des transports travaille depuis peu sur le projet de contrat de prestations présenté par les TPG. Nous pensons que ce contrat de prestations est la bonne réponse à une initiative qui, par ailleurs, n'est guère éloignée de nos préoccupations en matière de politique des transports, ce que je voulais rappeler ici.
Le président. Monsieur le rapporteur, je lis à la page 3 de votre rapport que : «Au vote, l'exécutabilité ne posant pas de problème, la commission législative considère par cinq voix et deux abstentions (LIB) que l'initiative 103 est recevable au plan matériel.». C'est ce que l'on nous demande d'examiner aujourd'hui.
Mise aux voix, la validité de cette initiative est adoptée.