République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 mars 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 5e session - 10e séance
M 897
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le nombre important de chômeurs que connaît notre canton implique d'utiliser de nouvelles procédures afin de maximiser les chances de placement des personnes sans emploi.
Il est certain que les bureaux de recrutement ont des relations permanentes avec les entreprises implantées dans notre canton. Ils sont dès lors plus à même de proposer à ces dernières des candidatures de chômeurs correspondant aux profils recherchés par l'économie genevoise.
Parmi les quelque 16 000 chômeurs que connaît notre canton, il est évident que beaucoup parmi eux ont les caractéristiques qui leur permettraient d'être engagés par des entreprises genevoises si elles connaissaient leur existence.
Certes, un petit pourcentage des chômeurs nécessite une approche spécifique, tout particulièrement grâce à un encadrement psychologique que le secteur public est, sans doute, plus à même d'offrir.
Cependant, nous sommes convaincus que nombre de chômeurs ne se sont pas présentés dans des bureaux de recrutement, parallèlement à leur démarche auprès de l'office cantonal de placement, soit par ignorance de cette possibilité, soit peut-être par crainte. Une collaboration active entre l'office cantonal de l'emploi et les bureaux de recrutement permettrait de vaincre ces obstacles.
De plus, il nous apparaît qu'une approche de placement par le secteur privé met le chômeur dans un contexte et une dynamique qui tendent à le rapprocher du marché de l'emploi.
Enfin, cette formule permettrait sans doute de décharger les placeurs du service public, afin que ceux-ci puissent offrir plus de leur temps aux chômeurs qui, comme déjà dit, nécessitent une approche particulière.
Le Conseil d'Etat doit donc encourager cette collaboration avec les bureaux de recrutement privés. Bien évidemment, cela doit se faire dans le cadre d'une acceptation par les bureaux de recrutement d'une charte à négocier, mais garantissant les conditions adéquates aux chômeurs.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous proposons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Claire Chalut (AdG). Avant d'entrer dans le vif du sujet de cette motion, il est peut-être utile de rappeler brièvement la somme de travail fournie par les services chargés du chômage : office cantonal de l'emploi, service de l'orientation professionnelle, centre de bilan, etc. Cet aspect des choses m'a permis de constater d'emblée un point commun entre ces différents secteurs : l'ampleur du travail au détriment parfois de la qualité ! En effet, si on a pu constater des lacunes dans leurs tâches, ce n'est pas par incompétence, mais bien pour raison de surcharge de travail. Tous ces services sont «dépassés» par l'ampleur du phénomène du chômage et, chose nouvelle, ils ont dû rapidement s'adapter face à une clientèle nouvelle aux besoins très différents. L'OCE, y compris ses agences, emploie, selon les indications fournies, septante-cinq personnes chargées du placement des chômeurs.
Il y en a à trois niveaux :
- l'accueil, pour l'identification de la personne et la prise en charge;
- le recyclage, pour savoir dans quel secteur orienter la personne et connaître les cours possibles;
- le placement proprement dit.
Environ un tiers des chômeurs passent par le stade du recyclage. A ce jour, pour l'accueil et l'orientation des personnes, il manque une trentaine de postes, l'objectif étant d'atteindre le chiffre idéal de cent cinquante personnes. En effet, des projets de décentralisation sont en cours dans certains quartiers : Jonction, Acacias, Charmilles. Les frais de ce personnel supplémentaire - puisque tel est le souhait de la Confédération - sera couvert par l'OFIAMT.
Aujourd'hui, effectivement, près de deux cents dossiers par personne doivent être traités dans les meilleurs délais, en plus du travail déjà cité. (Chahut, conversations éparses.) La complexité de certains est loin d'être l'exception. Sur les seize mille quatre cents chômeurs - situation à fin février, selon les statistiques cantonales - tous ne passent pas par le circuit des personnes chargées du recyclage. Il n'en reste pas moins qu'un grand nombre se dirige directement vers le service de l'orientation professionnelle. L'objectif est de mettre les gens sur le marché du travail le plus rapidement possible, ce qui exclut, évidemment, une formation ou un recyclage d'une certaine durée. Par ailleurs, il n'est pas possible pendant la période du chômage d'entreprendre une reconversion professionnelle, comme par exemple de refaire un apprentissage dans un autre secteur.
Le service de l'orientation professionnelle a reçu en consultation, en 1993, cinq mille sept cent quarante-cinq personnes, tous âges confondus, dont environ un millier de chômeurs ou de personnes sans travail, soit en fin de droit, soit en fin d'occupation temporaire, des frontaliers, etc. Cela représente une augmentation de sept cents personnes par rapport à 1992. Ce public ayant en général une bonne formation - niveau CFC en tout cas - se sent parfois très démobilisé. Après avoir réalisé le parcours du combattant il perd confiance en ses capacités professionnelles. Les analyses sur les difficultés d'insertion deviennent toujours plus complexes. Tout ce travail s'accomplit alors que le service de d'orientation professionnelle est passé de vingt-neuf à vingt-six postes de travail. Et rien ne nous dit aujourd'hui que la demande ne va pas progresser !
Le descriptif ci-dessus, très schématique, bien entendu, n'est peut-être pas bien passionnant à entendre avec le bruit qu'il y a dans cette salle. Mais il démontre que la création du bureau de recrutement privé, tel que demandé dans la motion, est à mon sens un projet inacceptable. Pourquoi ?
Par quels moyens ou sur le dos de qui ces bureaux trouveront-ils leur financement ? Il ne faut pas se le cacher, ces bureaux voudront rentabiliser leur travail. Verra-t-on soudainement la création d'une kyrielle de petits bureaux se livrant une concurrence effrénée ? Ce serait un véritable veau d'or offert à certains qui auraient bien tort de se gêner pour en profiter ! N'est-ce pas ? L'office cantonal de l'emploi est tenu à la confidentialité des dossiers. Comment ces bureaux de placement pourront-ils garantir la sphère privée de ces personnes ? Les officines de recrutement - appréciez le terme qui est bien militaire ! - envisagent-elles d'effectuer tout le travail d'évaluation, de conseisl, d'orientation, toutes tâches effectuées actuellement par l'Etat ? Je ne le pense pas, tout simplement parce qu'elles n'auront ou ne prendront pas le temps de le faire ! Je lis dans la motion que le secteur public devrait s'occuper des gens «nécessitant une approche spécifique». Cela répond bien à la question ci-dessus. Elles ne prendraient pas le temps d'effectuer tout ce travail d'évaluation. Dans ce cas, seuls les «classables» trouveraient alors grâce devant ces bureaux ? (Brouhaha.)
D'autre part, une charte est en cours d'élaboration dont on ne sait encore grand-chose. Qu'en est-il ? Il me semble que l'on pourrait en avoir connaissance avant d'être mis devant le fait accompli.
Bref, et pour conclure, n'en déplaise à certains, l'Etat seul, car il possède les outils, peut avoir une vision d'ensemble concernant le problème du chômage. Il peut en analyser les causes, en mesurer les effets sociaux, psychologiques et culturels sur la société. Lorsqu'on perd un emploi, on ne perd pas seulement un salaire, mais toute une identité souvent liée à l'entreprise. (Le brouhaha persiste.)
Le président. Je prie les députés que ce sujet n'intéresse pas de bien vouloir «vider» les lieux et de se rendre à la buvette ou aux Pas-Perdus !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Permettez-moi de prendre la parole, car je dois malheureusement quitter ce Grand Conseil d'ici quelques minutes pour rencontrer un certain nombre d'organisations liées à un dossier qui vous a quelque peu agités hier soir. Vous admettrez certainement que je dois faire face à certaines priorités.
Mon propos est de signaler aux motionnaires et à vous, Madame la députée, que nous travaillons sur ce sujet. L'objectif est de placer les chômeurs, et il doit être assumé en priorité par l'office cantonal de l'emploi. Il n'est effectivement pas question de baisser la garde à cet égard. Au contraire, nous devons encore renforcer nos efforts et nos actions. Mais si, sous certaines conditions tout à fait cadrées, des bureaux de placement privés peuvent apporter un concours positif à cet objectif, il n'y a aucune raison de refuser cette opportunité.
Cependant, c'est un sujet délicat que nous avons abordé à plusieurs reprises avec les partenaires sociaux, dans le cadre du bureau du conseil de surveillance du marché de l'emploi, et nous avons élaboré un projet de charte qui pourrait concrétiser la collaboration avec les bureaux de placement privés. Les partenaires sociaux doivent se prononcer sur cette charte, et, sur cette base, nous examinerons la manière la plus adéquate de collaborer avec les bureaux de placement privés.
Toutes les forces doivent être mises à disposition pour concourir au placement des chômeurs, même si cela comporte un certain nombre de problèmes délicats à résoudre. Je pense notamment à la confidentialité et à la rémunération. Cela n'est pas insurmontable pour autant qu'une charte très stricte fixe les règles du jeu. C'est ce à quoi nous nous employons.
Le Conseil d'Etat est prêt à accepter la motion pour étude et il vous fera un rapport à l'issue de ses négociations avec les partenaires sociaux pour savoir si une telle collaboration est possible, et, le cas échéant, à quelles conditions.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). M. Maitre nous disait hier que, compte tenu de ce que nous savons sur l'état de l'emploi et du chômage à Genève, cette motion n'aurait pas dû voir le jour. En effet, elle indique que le problème du chômage est le fait de la mauvaise coordination entre les chômeurs et les employeurs. Elle offre comme solution un recours aux bureaux de recrutement privés, comme si les lacunes se situaient à ce niveau. C'est l'arbre qui cache la forêt !
Cela voudrait dire qu'il y a autant de places vacantes à Genève que de chômeurs. La moralité de cette motion me paraît extrêmement douteuse, puisque, dans l'exposé des motifs, elle partage les chômeurs en deux catégories : ceux qui n'ont pas été orientés à la place de travail qui les attend - ce que feront les bureaux de recrutement - et ceux qui sont des cas sociaux et qui, de toute façon, devront être traités différemment par les services publics. Cela est un mensonge ! Les places vacantes sont loin de correspondre au nombre des chômeurs dans ce canton. Toutes les statistiques cantonales et fédérales sont ignorées dans cette motion. Il est irresponsable de répandre ce genre de discours à propos des chômeurs, tant il est vrai qu'il est déjà difficile de faire comprendre ce qui se passe à la population ! Je trouve indécent que des responsables politiques s'amusent à dire que les chômeurs sont soit mal orientés par des mauvais services publics, soit que ce sont des cas sociaux !
D'autre part, si on parle de bureaux de recrutement privés pour placer les «bons» chômeurs - ceux qui ont été mal aiguillés - cela signifie qu'il y de «mauvais» chômeurs. C'est dire aussi que l'on voudrait donner à un service privé ce qui peut procurer un certain profit. Au lieu de dire qu'il y a des places de travail pour la majorité des chômeurs, il faut dire qu'il y a une industrie qui se crée sur le dos du chômage. Celle-ci dit aux chômeurs d'apprendre à écrire convenablement leur curriculum vitae, de bien se présenter, de faire le bilan de leur expérience professionnelle, d'apprendre à investir, d'apprendre à dépenser, bref d'apprendre à apprendre. En fin de compte et quoi qu'on fasse, il n'y a pas assez de places de travail en ce moment pour le nombre des chômeurs à Genève !
Cette solution mesquine laissant à penser qu'il suffirait de mettre en oeuvre des bureaux de recrutement privés pour résoudre les problèmes du chômage est tout simplement malhonnête ! (Manifestation de réprobation, mais aussi quelques applaudissements.)
M. Dominique Belli (R). Lors de la campagne électorale de cet automne, tous les partis politiques, écologiste et socialiste compris, se sont déclarés inquiets - à raison d'ailleurs - de l'état du chômage à Genève et en ont fait une priorité dans leur programme. Cette volonté a également été affichée dans le discours de Saint-Pierre. Cet intérêt manifeste s'est matérialisé par l'analyse rapide par la commission de l'économie - que je félicite ici - des objets concernant le chômage. Divers rapports et motions sont actuellement à l'étude ou en voie de réalisation au sujet du chômage des jeunes par exemple. Il est à mon avis très important de relever qu'au-delà de considérations politiques, l'état d'esprit global qui régit ces travaux en commission est excellent et très constructif, l'objectif de chacun des députés étant d'oeuvrer au mieux, dans l'espoir d'améliorer ce difficile problème à composantes multiples. Dès lors, je ne peux accepter les propos extrêmement blessants de Mme Maulini-Dreyfus, car il n'y a aucun caractère malhonnête dans cette intervention. (Des réflexions fusent.)
M. Roger Beer. Demande des excuses !
M. Dominique Belli. Non, je n'irai pas jusque-là, Monsieur le chef de groupe !
Nous avons été très impressionnés, à la commission de l'économie, par le déploiement des ressources et le sérieux du département, contrairement à ce qui a été prétendu auparavant. En effet, au cours de nombreuses séances - auxquelles, Madame Maulini, vous n'étiez pas ! On connaît également les statistiques de présence ! - nous avons eu l'occasion d'analyser toutes ces ressources en détail. Alors, devant cette problématique importante du chômage que nous ne cherchons pas, contrairement à d'autres, à «récupérer», il est important que nous fassions flèche de tout bois. Il nous semble donc judicieux que toutes les forces privées et publiques collaborent afin de placer un maximum de chômeurs qui pourraient et devraient l'être. Dès lors, je dirai également à Mme Dupraz qu'il est faux de prétendre que des bureaux de recrutement devraient être créés, puiqu'ils existent déjà !
Une voix. Mme Chalut !
M. Dominique Belli. Excusez-moi, Madame Chalut !
Je tiens à dire à Mme Maulini-Dreyfus et aux personnes qui se sont exprimées que leurs craintes d'ordre politique occultent les intérêts réels des chômeurs. Il faut passer au-delà de ces positions partisanes !
Nous avons déposé cette motion dans cet esprit, et je vous demande de soutenir son renvoi au Conseil d'Etat.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Nous pouvons lire dans les conclusions du texte statistique du CJE du 5 octobre 1993 remis aux membres de la commission de l'économie ce qui suit : «Il nous apparaît urgent d'intensifier encore la collaboration entre tous les organismes s'occupant de jeunes dans le but d'insérer le plus grand nombre de jeunes dans la vie active et en évitant le chômage.».
Il s'agit là de l'un des aspects des enjeux de cette motion : favoriser les ouvertures et la collaboration pour l'emploi des chômeurs. Il ne faut pas se tromper d'objectif. Les bureaux de recrutement privés sont partie intégrante de l'économie. Ce sont des entreprises qui exercent un métier. Savez-vous que placer des personnes en entreprise est un métier sérieux, qui exige compétence et professionnalisme ? Les bureaux de placement sont en contact permanent avec la réalité économique et avec les entreprises; ils connaissent ainsi les besoins quotidiens du travail. Même si ces bureaux ne sont pas l'unique réponse au chômage - nous le savons - il n'en demeure pas moins que nous devons regrouper toutes les forces prêtes à favoriser l'embauche et à collaborer avec les bureaux de placement privés.
Soyons persuadés que le Conseil d'Etat saura définir les modalités des mandats confiés à ces entreprises pour garantir aux chômeurs les meilleures conditions et répondre à toutes les inquiétudes manifestées dans ce plénum. D'ailleurs, le président Maitre nous a déjà rassurés sur ce point. Pensons donc aux chances que vous, que nous devons donner aux chômeurs pour leur réinsertion professionnelle !
Mme Micheline Calmy-Rey (S). La collaboration de l'office cantonal de l'emploi avec des bureaux privés pose un certain nombre de problèmes tout à fait sérieux dont nous avons un peu débattu en commission. Les motionnaires auraient été inspirés de les mentionner dans leur exposé des motifs !
Ces problèmes sérieux sont la protection des données sur les chômeurs et les sanctions contre les chômeurs. Cela peut-il se faire sur la base d'une indication d'un intermédiaire ? Enfin, l'association des entreprises de placement ne prévoit aucune clause lui permettant d'agir à l'encontre d'un de ses membres qui ne respecterait pas un accord passé par l'association, ni aucune garantie du respect de l'application des conventions collectives ou des règles en usage. Les entreprises de placement sélectionneront les chômeurs les plus faciles à placer, laissant les cas difficiles, les chômeurs de longue durée, à l'office cantonal de l'emploi, ce qui contribuera à aggraver l'image de ceux qui passeront par l'office cantonal et obérera un peu plus leurs chances de retrouver un emploi.
Mais, malgré la gravité et le nombre de ces problèmes, nous considérons qu'il est possible de leur trouver des solutions pour autant que vous le souhaitiez et pour autant que le Conseil d'Etat soit d'accord d'aller dans ce sens également. Dès lors, notre position est la suivante : une collaboration avec des services de placement du secteur privé est envisageable, à la condition que l'office cantonal soit parfaitement efficace et de première qualité, faute de quoi le recours à des services privés sera le signe que vous renoncez à faire fonctionner correctement le service public, le signe en quelque sorte d'une incapacité à restructurer.
Or, le service public de placement ne répond aujourd'hui qu'imparfaitement à la montée des besoins. La surcharge est telle que je me suis laissé dire que l'on dégageait même le placement pour aider à la caisse. Certains chômeurs et chômeuses affirment n'avoir jamais vu de placeurs. Une réorganisation du service du placement semble donc nécessaire. Il faut chiffrer le coût de ce service; il faut réfléchir à des recettes nouvelles dans le cadre d'une collaboration avec des bureaux privés. Pourquoi l'Etat devrait-il donner gratuitement les fichiers à des bureaux de placement privés ?
La restructuration du service suppose bien sûr que l'on augmente les effectifs. M. le président l'a fait l'année dernière et une deuxième augmentation des effectifs est prévue incessamment. Cela suppose que l'on détermine avec précision les conditions requises pour les postes de placeurs et de conseillers en recyclage, le travail exact effectué, ce qui devrait permettre de sélectionner les personnes adéquates à l'embauche et que l'on envisage encore un plan de formation permanente pour le personnel de l'office cantonal de l'emploi, probablement en collaboration avec les partenaires sociaux pour assurer les liens nécessaires entre l'économie et l'office cantonal de l'emploi. C'est seulement ainsi que la collaboration avec des bureaux de placement privés pourra se faire à égalité et dans des conditions de concurrence acceptables, c'est-à-dire sans dégradation subséquente du service public et sans effet démobilisateur sur les fonctionnaires du service de l'emploi.
Cela étant dit, reste la question de fond. Et pour ne rien vous cacher, je suis étonnée que des personnes aussi au fait des réalités économiques que les motionnaires ne l'aient point mentionnée. La question est de savoir s'il est opportun de solliciter plus encore le facteur travail pour financer les besoins en placement ? Je m'explique.
Les entreprises qui ont recours à l'office cantonal de l'emploi pour leurs besoins ne payent rien. Ce service n'est pourtant pas gratuit puisqu'elles participent à son financement à travers l'impôt. Le recours à un bureau de placement quasi obligatoire, si l'on cantonne l'office cantonal de l'emploi aux cas difficiles - comme le souhaitent les motionnaires - leur coûtera directement quelque chose, environ 10% du salaire annuel sans que pour autant elle puisse renoncer au financement du service public.
Mais plus grave qu'un coût additionnel pour les entreprises qui souhaitent embaucher, ce dernier renchérit le coût de l'emploi en général. Bien sûr le renchérissement est faible sur un plan global ! La part des coûts indirects dans le coût total du travail en Suisse en comparaison avec d'autres pays européens est restée stable en termes relatifs ces vingt dernières années. Mais la situation pourrait changer du fait, notamment, de l'évolution démographique, du vieillissement de la population et de l'augmentation actuelle du chômage dont une partie est conjoncturelle et une autre structurelle, de sorte qu'aujourd'hui on cherche plutôt à diminuer le coût relatif du travail, de la main-d'oeuvre par rapport à d'autres facteurs de production et non à l'augmenter, comme vous le faites au travers de cette motion !
Mesdames et Messieurs les motionnaires, lorsque vous augmentez le coût relatif du travail en période de chômage structurel, vous ne tenez pas compte de l'intérêt de la collectivité, ni même des entreprises, mais seulement de celui très particulier des bureaux de placement privés ! Pire, vous faites la démonstration de votre incapacité à prendre la mesure des mutations que nous vivons et à les accompagner par des mesures adéquates !
En conséquence, nous ne pouvons pas accepter votre proposition de motion.
M. Nicolas Brunschwig (L). En préambule, je tiens à dire que nous n'avons pas la prétention de penser que cette motion va résoudre le problème du chômage. D'autre part, je crois que nous partageons tous l'objectif de donner le maximum de chances de placement à un chômeur.
Voyez-vous, un emploi correspond à un accord entre un futur employé et un futur employeur. La pratique nous montre que si les services du placement ont des connaissances souvent excellentes des futurs employés, des chômeurs, leurs connaissances des futurs employeurs est souvent fort limitée. Cela est normal, car, effectivement, ils doivent consacrer le plus clair de leur temps aux chômeurs. Mais, malheureusement, cette connaissance limitée des employeurs engendre souvent des propositions mal ciblées. Les bureaux de placement qui, eux, sont en contact permanent avec les entreprises et l'économie genevoise, ont une connaissance bien meilleure des besoins spécifiques de ces entreprises.
Permettez-moi, en tant que chef d'entreprise travaillant régulièrement avec les services de placement, de vous dire combien nous avons été déçus par l'inadéquation du placement de certaines personnes. Nous ne pouvons pas leur demander l'impossible, Madame ! Il faut seulement utiliser au maximum les compétences qui existent soit dans le privé soit dans le public. Je suis convaincu du bienfait de cette collaboration, même si, effectivement, elle engendre un certain nombre de problèmes que nous avons d'ailleurs évoqués dans le cadre de cette motion, mais qui ne sont pas sans solution.
Je vous donne un simple exemple. On pourrait déjà envisager que seuls ceux qui sont d'accord de passer par ces bureaux soient concernés. Je suis convaincu que nombre de chômeurs, soit par non-connaissance de ces bureaux de placement, soit par crainte ou autre, ne profitent pas de cette filière et diminuent donc leurs chances d'être placés. Je suis absolument sûr que les résultats seraient plus efficaces et que certaines catégories de personnes resteraient moins longtemps au chômage.
Dès lors, je vous recommande de soutenir cette motion. Je regrette les remarques, à mon avis totalement infondées, émises en termes d'honnêteté ou de malhonnêteté par Mme Maulini-Dreyfus dont la vision du marché du travail me semble extrêmement limitée, pour ne pas dire totalement absente !
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). J'ai été un peu surpris de certaines remarques faites par les motionnaires. Une très bonne discussion a eu lieu à ce sujet à la commission de l'économie à la suite d'une motion de l'ancien parlement. Ce soir, on dirait qu'il y a eu une coupure au niveau de ce parlement et que le combat gauche/droite a repris dans cette affaire ! Je le répète, je suis très étonné, car il semblait, à la commission de l'économie, que les députés de tous bords étaient ouverts.
Vous n'avez pas effectué les propositions contenues dans cette motion. Alors il est vrai que la situation des chômeurs s'est dégradée très rapidement. Le département de l'économie a dû prendre un certain nombre de mesures et certaines personnes n'étaient pas préparées à ces changements. J'ai eu avec M. Dominique Belli de bons contacts au sujet des jeunes et des solutions à trouver, mais, ce soir, il me semble que vous nous faites un procès d'intention sur nos remarques. Nous pouvons aussi vous faire des remarques ! Lors de la campagne électorale, vous avez abordé ce problème en disant que vous étiez favorables à la création d'emplois. C'est vrai, mais vous n'avez jamais dit que vous étiez pour la défense des emplois ! Hier, nous en avons perdu cinq cents ! (Tollé général sur les bancs de la droite.) Vos positions, on les connaît !
Au paragraphe 4 de votre motion, dans l'exposé des motifs, on dirait - à vous lire - que vous voulez faire une différence entre les chômeurs, séparer les directeurs et sous-directeurs licenciés par votre économie des travailleurs manuels et des non-gradés de l'économie ! Au paragraphe 6, vous dites qu'il faudrait des bureaux très feutrés qui conviendraient mieux au type de gens que vous défendez, car les «containers» de l'office du placement ne sont pas assez bien pour eux. Cela ressemble étrangement au système des agences matrimoniales ! On va exploiter un certain nombre de gens. J'aimerais que ce soir, dans ce parlement, vous nous disiez combien coûteront les placements par ces agences privées. J'ai entendu dire que des mandats avaient été donnés à Gesplan pour réinsérer des physiciens et des directeurs; chaque gestion de dossier revenait entre 1 000 et 2 000 F au départ ! Je vous demande donc de nous donner des détails, car vous n'avez pas parlé de cet aspect financier en commission, ni ce soir du reste.
M. Chaïm Nissim (Ve). Ma collègue Gabrielle Maulini s'est laissé emporter par l'émotion tout à l'heure. Elle était bien meilleure au caucus avant-hier... (Hilarité générale.)
Je vais vous répéter ses propos d'avant-hier; c'était super ! Elle a d'abord fait part de son indignation. Nous avons seize mille chômeurs, et il est vrai qu'il n'y a pas autant d'emplois vacants. Cela n'a rien à voir avec le fait que les bureaux de placement soient publics ou privés !
Ensuite, elle a évoqué le problème structurel de notre économie qui demande des changements qualitatifs du style : partage du travail, etc. Ce ne sont pas les bureaux de placement qui vont changer grand-chose à ce problème de fond !
En troisième lieu, elle a indiqué que nous n'étions pas, a priori, contre le fait que ces bureaux de placement privés placent un certain nombre de chômeurs sous certaines conditions. M. Maitre et Mme Calmy-Rey les ont évoquées tout à l'heure : la confidentialité, etc.
Donc, sous ces conditions, il n'y a pas de raison de refuser cette motion. (Aahh de satisfaction.)
Mme Claire Chalut (AdG). Je n'aimerais pas que M. Belli se trompe. Il a adressé des louanges très justifiées à l'office cantonal de l'emploi, mais je ne suis pas tout à fait d'accord lorsqu'il dit que le phénomène est politique. Je suis intervenue, car je crains beaucoup les choses privées qui se mettent en place de cette manière. Cela touche un point très sensible. C'est forcément un phénomène politique, peu de choses y échappent, mais j'ai voulu exprimer ma crainte, et c'est pour cela que j'ai terminé mon intervention sous forme d'une question bien ciblée, puisqu'elle a provoqué le débat. Cétait le but recherché !
M. Max Schneider (Ve). Nous ne sommes a priori pas contre cette motion, mais nous aimerions en discuter à la commission de l'économie.
En effet, le parti libéral a donné une très belle leçon à tous ceux qui ont voulu défendre l'emploi des jeunes, je pense aux démocrates-chrétiens, au parti radical et aux partis socialiste, écologiste et à l'Alliance de gauche. (Brouhaha.) Les commissaires libéraux ont proposé des amendements sur toute la motion, qui avait pourtant bien été retravaillée avec M. Belli. Ce rapport de motion, écrit par M. Belli, vous sera présenté au prochain Grand Conseil et vous constaterez le travail effectué. Mesdames et Messieurs les députés libéraux, vous qui avez tellement amendé cette motion sur les jeunes avant de la signer, vous voudrez bien accepter que nous analysions, nous aussi, votre motion.
Mme Micheline Calmy-Rey connaît très bien ce sujet, comme d'ailleurs ma collègue Gabrielle Maulini-Dreyfus. (Manifestation.) Cela vaudrait la peine de chiffrer les coûts des propositions de cette motion. Les chômeurs ne sont pas une marchandise. Nous ne voulons pas rentrer dans un marché libéral de l'emploi sans une analyse préalable en commission et sans une information beaucoup plus pointue. Sans cela, nous ne pourrons pas débattre en plénière, malgré toute la légèreté et les effets de manches de certains. Ce n'est pas ce que nous voulons, car le problème du chômage est bien trop sérieux.
Je propose donc de renvoyer cette motion en commission. Nous voulons une discussion sereine, au-delà du clivage gauche/droite. Nous voulons un rapport concret à ce sujet de la part du Conseil d'Etat.
M. Laurent Rebeaud (Ve). Je voudrais simplement poser une question, pour éclairer ma lanterne, aux chefs d'entreprise, et notamment à M. Brunschwig qui s'est exprimé à ce titre tout à l'heure.
Il y a une chose que je ne comprends vraiment pas. Je voudrais que l'on m'explique pourquoi l'Etat est incapable d'offrir un service d'une qualité équivalente à ce que peuvent offrir certaines entreprises privées en matière de placement des chômeurs. En effet, l'Etat a le privilège énorme de pouvoir concentrer une masse d'informations comme aucune agence privée ! Comment donc se fait-il que des entreprises privées aient de meilleurs contacts avec les employeurs et pourquoi rendent-elles un meilleur service ? Mme Calmy-Rey a dit quelque chose de parfaitement juste : pour un chef d'entreprise, le recours à un service public ne coûte rien, ce qui n'est pas le cas s'il s'adresse à une agence privée. Cela renchérit le coût du travail et cela aggrave donc la situation des entreprise ! J'attends donc vos explications. Si vous me faites cette démonstration, alors je vote la motion ! (Aahh de satisfaction.)
M. Nicolas Brunschwig (L). Je vais essayer de répondre à M. Rebeaud.
Un élément est très important, c'est que beaucoup d'entreprises sont prêtes à payer un certain prix pour avoir le candidat qui corresponde exactement au profil recherché. Pour cela il faut une relation extrêmement privilégiée et personnalisée entre le bureau de recrutement et l'entreprise. Certaines personnes travaillant dans ces bureaux de recrutement passent des journées ou des semaines dans les entreprises pour lesquelles elles travaillent pour comprendre le travail effectué, s'imprégner de l'atmosphère, de l'esprit d'entreprise, des relations, des rapports hiérarchiques, etc. Ces personnes ont donc une connaissance approfondie de ces entreprises, ce que, bien évidemment, les employés de l'office cantonal de l'emploi ne peuvent pas faire. C'est cela la différence !
Ces employés ont la plus grande partie de leur temps absorbée par les chômeurs, ce qui est légitime. Personnellement, je n'ai jamais vu une personne de l'office de l'emploi se déplacer dans une entreprise pour mieux connaître ses besoins. Les bureaux de recrutement privés le font, c'est ce qui leur donne plus de chance de bien cibler les candidats. Si une entreprise reçoit un mauvais dossier, elle va l'examiner, mais si elle en reçoit dix mauvais, il est bien évident qu'elle aura une appréciation très négative des dossiers envoyés.
Par contre, si elle reçoit peu de dossiers, mais des dossiers de qualité, je veux dire par là des dossiers correspondant à ses besoins spécifiques - sans porter de jugement de valeur sur le candidat en tant que tel - alors elles seront tout à fait satisfaites. Elles seront même d'accord de payer un certain prix par rapport à ce gain de temps et de productivité, car cela leur permet de rencontrer des candidats qui sont potentiellement intéressants immédiatement. Voilà la différence qui existe entre un service privé qui est à la disposition de ses clients, c'est-à-dire de l'économie genevoise, par rapport à un service qui doit traiter le chômage en tant que tel !
Une voix. Très bien !
Une voix. Ah, ils sont contents !
M. Bernard Clerc (AdG). Je suis en partie d'accord avec M. Brunschwig en ce qui concerne l'inadéquation, dans un certain nombre de cas, entre les demandes des employeurs et les propositions faites par l'office cantonal de l'emploi.
Mais il faut s'interroger sur les causes de cette inadéquation. Une des causes essentielles - nous le savons bien - c'est que l'office cantonal de l'emploi n'a pas suivi l'évolution exponentielle du chômage, que les renforts en personnel n'ont pas été apportés suffisamment à temps - vous le savez très bien, Monsieur Brunschwig ! On a engagé des gens en occupation temporaire pendant trois ou six mois pour faire ce travail, vous conviendrez qu'il est plutôt difficile à ces personnes d'avoir une connaissance des entreprises et de la demande des employeurs. On se trouve devant une situation que l'on connaît par ailleurs, c'est-à-dire qu'on limite les moyens à disposition dans un service qui est amené à dysfonctionner et, lorsqu'il dysfonctionne, on dit qu'il faut procéder autrement. C'est une vieille tactique que nous connaissons bien, mais nous ne sommes pas d'accord avec cette manière de procéder ! (Brouhaha.)
Des voix libérales. C'est pas vrai !
M. Bernard Clerc. Un certain nombre de mesures sont prises en vue de renforcer en personnel l'office cantonal de l'emploi. Il me semble qu'il est possible d'améliorer ainsi son fonctionnement. Vouloir à tout prix faire appel aux bureaux privés, lesquels - comme on l'a dit - vont de toute manière renchérir le coût de la main-d'oeuvre me semble une illusion !
M. Pierre-Alain Champod (S). J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Brunschwig. C'est effectivement l'une des critiques les plus virulentes que j'ai entendues sur le fonctionnement de l'office cantonal de l'emploi.
M. Bénédict Fontanet. Vous n'avez rien compris !
M. Pierre-Alain Champod. Il a dit qu'actuellement l'office cantonal de l'emploi ne fonctionnait pas, qu'il envoyait de mauvais candidats aux entreprises... (Brouhaha.) C'est une critique sévère ! A gauche, nous n'avons jamais osé critiquer les services de M. Maitre de cette manière, ces dernières années. (Brouhaha.) Nous constatons qu'il y a un renoncement de la part des libéraux. Plutôt que de faire fonctionner l'Etat, ils préfèrent confier certaines tâches à des privés.
Je tiens à dire également que cela montre la volonté sous-jacente de cette motion de faire un service de placement à deux vitesses, un secteur confié au privé pour les personnes les plus qualifiées et l'autre, pour les cas plus difficiles, à l'OCE.
Enfin, je veux faire une troisième remarque sur un sujet qui a été peu évoqué. Si l'office cantonal de l'emploi reçoit les chômeurs, établit un dossier, un curriculum vitae et fait suivre le dossier aux entreprises privées, quelle sera la rémunération des entreprises privées à l'Etat pour ce service ? Si ce travail n'est pas rémunéré, c'est-à-dire si l'Etat fournit gratuitement des dossiers aux entreprises privées, cela signifierait, en fait, que l'Etat fournirait la matière première à ces entreprises privées. A ce moment-là, effectivement, on peut penser qu'elles feraient de bonnes affaires. C'est un peu comme si une entreprise du bâtiment demandait à l'Etat de lui fournir le béton ! Cela lui permettrait de pratiquer des prix défiant toute concurrence !
Une voix. Bravo !
Le président. Le renvoi à la commission de l'économie a déjà été réclamé deux fois. Vous êtes intervenus dix-huit fois ! Je vous demande si vous voulez oui ou non renvoyer cette motion en commission ?
Mme Marlène Dupraz (AdG). Je me pose quand même une question. Dans cette salle il y a deux choses que je ne comprends pas très bien. (Grand charivari.) Le nombre d'emplois n'augmentant pas, au contraire, comment feront les placeurs privés pour trouver un emploi aux chômeurs ! Je prends le cas actuel de «La Suisse». Des gens compétents faisaient fonctionner un journal qui se vendait bien et, pour des raisons financières qui nous «échappent», ce journal ne peut plus tourner. Quel est le placeur privé qui peut prétendre placer rapidement ces gens qui se retrouvent au chômage ? Ces personnes ont pourtant des qualifications professionnelles indéniables. C'est la même chose pour les journalistes et pour l'équipe de rédaction. Je ne vois pas l'utilité de multiplier le nombre des placeurs privés. Cela me rappelle les placeurs des années 70, ceux que l'on appelait les «négriers modernes» !
M. John Dupraz. Ah, ça c'est très bien !
Mme Marlène Dupraz. Le salaire n'augmentant pas, les placeurs et les entreprises qui donnent l'emploi se partagent un bénéfice. Il faudra bien que le salaire se compte au total avec le bénéfice de ces placeurs. Ils ne vont pas travailler bénévolement pour la société !
Une voix. Ça m'énerve ça !
Mme Marlène Dupraz. Et que dire du salaire horaire ? On va de plus en plus engager des gens à l'heure, à la tâche, voire même comme journaliers ! (Grand brouhaha, l'oratrice doit élever le ton.)
D'ailleurs, la question sociale ne se posera plus, puisqu'il faudra négocier avec ces placeurs privés. Ils seront les acteurs et les principaux partenaires avec qui nous devrons négocier la couverture sociale. De ce côté-là aussi comment ferons-nous ? Quant aux conditions de travail, nous pouvons nous inquiéter. En effet, beaucoup de choses échapperont à la convention collective, et le sort des travailleurs se trouvera entre les mains de ces placeurs. Quand l'Etat et le Grand Conseil voudront modifier les choses ils devront le faire avec ces partenaires privés qui se livrent une véritable concurrence sauvage. Le résultat sera la baisse des salaires, et nous ne pourrons pas maintenir nos acquis. (Des voix: Ouhh, ouhh !) Je crois que vous diviserez le salaire entre vous ! (Rires.) L'employé dans ce cas-là ne sera qu'une proie exposée !
M. Pierre Kunz (R). Nous avons beaucoup de grands théoriciens sur certains bancs ! J'aimerais simplement leur poser une question. Madame Chalut, Monsieur Lyon, Madame Calmy-Rey, Monsieur Champod...
Une voix. Présent !
M. Pierre Kunz. ...Mme Dupraz, si vous étiez au chômage n'accepteriez-vous pas qu'une société privée de placement vous offre un emploi ? C'est tout ce que j'avais à dire !
M. Bénédict Fontanet (PDC). Rassurez-vous, Monsieur le président, je n'interviendrai pas plus d'une demi-heure !
Le président. Non, je ne vous laisserai pas faire, Monsieur le député !
M. Bénédict Fontanet. Vous êtes dur avec moi, Monsieur le président !
Je crois que M. Champod n'a rien compris ! Loin de nous l'idée de critiquer l'excellent travail effectué par l'office cantonal de l'emploi dans des circonstances particulièrement difficiles. Vous mélangez deux types d'activités qui ne sont en rien semblables. Je rejoins les propos de M. Brunschwig. J'ai moi-même utilisé les services de recruteurs et, effectivement, ils vont dans les entreprises - ils sont rémunérés pour cela - afin d'évaluer les besoins de l'employeur et peuvent de ce fait mieux déterminer quel est le profil des candidats souhaités. Leurs dossiers sont bien souvent plus affinés que ceux de l'office cantonal de l'emploi dont ça n'est pas le job à proprement parler. On ne peut pas envoyer les gens de l'office cantonal de l'emploi pour déterminer de manière précise quels sont les besoins de ces entreprises. Cela n'est pas leur mission première.
Pour moi, il y a un risque à prendre. Lequel ? Le risque qu'un certain nombre de chômeurs soient effectivement placés et qu'ils retrouvent ainsi du travail ! A mon avis, ce risque vaut la peine d'être pris, dussions-nous travailler avec des placeurs privés !
C'est pourquoi je vous inviterai non pas à renvoyer cette motion en commission - nous en avons déjà largement discuté, me semble-t-il, ce soir - mais de la renvoyer directement au Conseil d'Etat afin d'éviter des discussions qui m'apparaissent relativement stériles !
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette motion à la commission de l'économie est rejetée.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
MOTION
concernant le placement de chômeurs par des bureaux de recrutement privés
LE GRAND CONSEIL,
considérant le nombre important de chômeurs;
considérant qu'il est de notre devoir de donner le maximum de chance aux chômeurs de réintégrer la vie active;
considérant l'ampleur de la tâche de l'office cantonal de l'emploi et la complémentarité qui doit exister entre le service public chargé du traitement du chômage et les entreprises privées spécialisées dans le recrutement de personnel,
invite le Conseil d'Etat
à utiliser les bureaux de recrutement du secteur privé pour le placement des chômeurs sur le marché du travail;
à favoriser la collaboration entre l'office cantonal de l'emploi et les bureaux de recrutement.