République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 mars 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 5e session - 10e séance
M 896
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- l'introduction prochaine, une fois par semaine, d'une ouverture prolongée jusqu'à 20 h. des commerces genevois;
- la nécessité de redonner vie et activité au centre et à d'autres quartiers de la ville;
- les difficultés d'une part croissante de la population de se libérer pendant les heures actuelles d'ouverture des administrations publiques,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier l'ouverture prolongée jusqu'à 20 h., un jour par semaine, des guichets de certaines administrations publiques cantonales (service des autos, administration fiscale, office cantonal de la population, office du logement, service des passeports, service des contraventions, éducation continue des adultes, service des objets trouvés, etc.) parallèlement aux commerces;
- à étudier avec les PTT l'introduction d'une ouverture prolongée identique;
- à présenter ses conclusions au Grand Conseil.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il faut bien convenir que les nouvelles données économiques et sociales imposent une flexibilité étendue à tous ceux qui vendent des prestations et des produits ou qui rendent des services à la population de ce canton.
Les milieux syndicaux et patronaux l'ont bien compris, qui ont mis sous toit un accord relatif à l'ouverture prolongée, une fois par semaine, des commerce genevois. Le Grand Conseil aura d'ailleurs à se prononcer à ce sujet. Si des impératifs de concurrence transfrontalière et vaudoise constituent la justification apparente de cette démarche, il convient de mettre en évidence la cause profonde de celle-ci. Manifestement le besoin est social: pour des motifs multiples, ce sont les Genevois qui réclament cette ouverture prolongée. Des personnes de plus en plus nombreuses, en effet, éprouvent des difficultés à se libérer pour effectuer leurs achats pendant la journée.
Ce qui est vrai pour les prestations commerciales vaut également pour les services publics. D'où la proposition des motionnaires d'étendre à certains services de l'administration cantonale l'accès à leurs guichets le soir choisi par les commerçants pour leur ouverture prolongée.
S'agissant de l'aspect financier de cette ouverture prolongée des administrations cantonales, il va de soi qu'elle doit être organisée de manière à n'occasionner aucune dépense supplémentaire pour les départements concernés. On y parviendra en aménageant des horaires décalés pour les collaborateurs de l'Etat qui se chargeront de ces tâches.
On notera encore que la proposition des motionnaires s'inscrit parfaitement dans l'objectif que poursuivent aussi bien les milieux touristiques et économiques que la population dans son ensemble, à savoir réanimer, revitaliser le centre ville.
En vertu de ce qui précède, nous vous remercions par avance, Mesdames et Messieurs les députés, de donner une suite positive à cette proposition de motion.
Débat
M. Bernard Clerc (AdG). Malgré les apparences, cette proposition de motion n'est pas en avance sur son temps. En revanche, elle est en avance sur la réalité, puisqu'elle considère comme acquise l'introduction prochaine de l'ouverture prolongée des commerces jusqu'à 20 h. La proposition qui nous est faite peut paraître bien anodine, mais elle s'inscrit parfaitement dans l'esprit du temps, qui consiste à faire fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, les moyens de production et les services et de soumettre à cette contrainte les hommes et les femmes qui y travaillent. Cela pose une question centrale : l'économie doit-elle être au service de l'homme ou ce dernier doit-il être entièrement dévoué à l'économie ?
Dans ce cadre, les motionnaires se font les chantres de la flexibilité conçue comme un impératif incontournable, imposé par on ne sait quelle force obscure ! A ce niveau, ils sont dans le vent et participent au récit des quatre litanies récitées quotidiennement par les grands prêtres et prêtresses du libéralisme : flexibilité, dérégulation, libéralisation et privatisation !
La motion part d'un a priori selon lequel la population rencontrerait des difficultés croissantes à se libérer pour effectuer ses achats ou pour accéder aux services publics. Sur quelle évaluation sérieuse est fondée une telle affirmation ? Nous n'en savons rien ! Mais comme les motionnaires ne sont pas tout à fait sûrs de leur prémisse, ils ajoutent immédiatement qu'il y a également nécessité de redonner vie et activité au centre-ville.
Ah, Mesdames et Messieurs les députés, quelle charmante animation que de permettre à chacune et à chacun de se rendre le soir au service des contraventions régler sa dernière amende pour stationnement interdit ! (Des quolibets fusent.) Qu'il sera agréable, en lieu et place d'une séance de cinéma, de rendre visite aux fonctionnaires de l'administration fiscale ! Quelle joie ineffable d'aller au service des automobiles - qui n'aura pas été privatisé - pour rendre ses plaques plutôt que de les envoyer par la poste ! Je trouve d'ailleurs qu'en matière d'animation les motionnaires font de la ségrégation. Pourquoi ne mentionnent-ils pas le service de la taxe militaire dans la liste des administrations qui devraient rester ouvertes le soir ? Mon ami Luc Gilly se sent certainement frustré, lui qui, par ailleurs, refuse de payer sa taxe militaire parce que les heures de ce service ne coïncident pas avec ses horaires de militant du groupe «Pour une Suisse sans armée» ! (Rires.)
Enfin, je trouve que les auteurs de la motion ne vont pas assez loin sur les horaires d'ouverture. En effet, que feront les vendeuses qui devraient, elles aussi, travailler jusqu'à 20 h ? Elles se retrouveront devant un guichet fermé ! C'est pourquoi il conviendrait d'étendre cette ouverture au moins jusqu'à 22 h, ce qui prolongerait d'autant la grande animation du centre-ville ! (Murmures et réflexions.)
Pour revenir sur un terrain un peu plus sérieux, cette motion a un mérite et un seul ! C'est de démontrer que les travailleurs du privé et ceux du public ont un intérêt commun, celui de lutter contre les diverses formes de flexibilité qui leur sont imposées. Vous ne vous étonnerez donc pas que nous nous opposions à cette motion !
M. Bernard Lescaze (R). La présentation qui vient d'être faite de cette motion est évidemment caricaturale. Toutefois, une ou deux phrases méritent d'être retenues.
Le préopinant vient de reconnaître que cette motion était «anodine». En effet, que demande-t-elle ? Elle demande au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité d'ouvrir un soir par semaine certaines administrations publiques dont il dressera lui-même la liste, dont il examinera lui-même dans quelle mesure elles répondent véritablement à un besoin, contrairement à ce que l'on peut penser. En effet, certaines personnes ont des horaires de travail suffisamment astreignants pour ne pas pouvoir se rendre dans certains services de l'administration cantonale. Il ne s'agit pas d'envisager un vaste débat sur la dérégulation des administrations publiques. Il ne s'agit pas non plus, comme le prétend M. Clerc, d'une proposition qui s'inscrirait simplement dans l'air du temps et qui voudrait que tout fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D'ailleurs, je ne crois pas que M. Clerc serait favorable à ce que les hôpitaux ne fonctionnent que huit heures par jour !
Soyons donc sérieux et sachons distinguer l'essentiel de l'accessoire. Nous demandons seulement une étude. Nous pourrions admettre de modifier les heures d'ouverture et d'inviter le Conseil d'Etat à étudier l'opportunité d'une ouverture prolongée un soir par semaine. Mais il est clair qu'il serait judicieux, par exemple pour des familles monoparentales, que certains bureaux soient ouverts un soir par semaine jusqu'à 20 h. Cela correspond à un besoin et même à une préoccupation sociale. D'ailleurs, si j'ai cité le cas des hôpitaux qui fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, d'autres services de l'administration cantonale, pour ne pas parler d'administrations municipales, fonctionnent en dehors des horaires traditionnels.
Par exemple, les archives d'Etat de cette République sont ouvertes le samedi toute la journée, six mois par an. Cela n'a pas posé de problème d'aménagement d'horaires. Bien entendu, il ne s'agit aucunement d'augmenter l'horaire de travail des fonctionnaires, mais d'obtenir des aménagements en souplesse. Nous ne doutons pas que certains fonctionnaires seraient très heureux de pouvoir bénéficier de cette flexibilité. Il faut en prendre conscience. D'ailleurs, le collège du soir, par exemple, donne précisément des cours le soir et les enseignants qui y travaillent sont souvent extrêmement heureux de pouvoir donner ces cours à des adultes le soir et de pouvoir bénéficier de moments de liberté à d'autres moments de la semaine.
C'est pourquoi je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Andreas Saurer (Ve). Les écologistes partagent tout à fait la préoccupation des motionnaires concernant la vie au centre de la ville. Nous nous demandons cependant si le fait d'aller au service des automobiles à la route de Veyrier à Carouge permet réellement d'animer le centre de la ville. Nous nous demandons également si le fait de se rendre à l'administration fiscale ou au service des contraventions pourrait être perçu comme un acte de convivialité qui permettrait d'animer...
Une voix. Sûrement, avec la tête que tu as !
M. Andreas Saurer. Peut-être que les motionnaires, qui s'y rendent et bénéficieraient sans aucun doute d'un abattement fiscal, ressortiraient la joie au coeur, mais, pour le commun des mortels, il me semble que ce n'est pas une sortie très agréable. J'ai l'impression que votre intérêt pour redonner vie au centre de la ville, après l'avoir vidé en construisant des banques et autres centres commerciaux...
Une voix. Des cabinets de médecin !
M. Andreas Saurer. Des médecins qui ne travaillent pas pendant la nuit !
Une voix. On peut crever la nuit !
M. Andreas Saurer. Mais non ! Vous êtes soignés grâce aux bons soins des médecins et du secteur public de la médecine !
Cela me fait penser au coupable qui revient sur le lieu du crime pour camoufler les indices de sa forfaiture ! (Manifestation de réprobation des bancs de droite et exclamations.) Vous êtes malheureux, vous avez mauvaise conscience - éducation calviniste oblige - alors vous essayez de corriger vos erreurs ! Je dis cela par rapport à votre désir de redonner vie au centre de la ville. C'est une idée que nous partageons, mais nous avons quelques doutes concernant les moyens que vous préconisez !
Plus sérieusement, vous parlez de «flexibilité étendue». Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que vous sous-entendez une déréglementation sauvage comme celle que nous avons connue aux Etats-Unis avec Reagan et en Grande-Bretagne avec Thatcher. Cette déréglementation s'est faite systématiquement au détriment, d'une part, des usagers et, d'autre part, des salariés.
Nous avons l'impression que la conception de la politique des motionnaires est une conception quelque peu «dinosaurienne» ! On reste dans le même concept qu'il y a vingt ou trente ans : plus ou moins d'Etat. C'est pour cette raison que les écologistes font des propositions pour changer l'Etat et son fonctionnement. Avec votre proposition, vous ne sortez justement pas de cette conception très linéaire de l'Etat.
Cela dit, nous sommes pour une restructuration de l'Etat, nous l'avons dit à maintes reprises. En revanche, nous ne pouvons pas affirmer, en tout cas pour le moment, qu'il existe un réel besoin au niveau de la population concernant l'ouverture prolongée de certains services de l'Etat. Dans ce sens, nous ne sommes pas opposés à une réflexion sur ce sujet. Nous proposons donc de renvoyer cette motion dans une commission pour la préciser afin qu'elle corresponde mieux aux besoins de la population. Dans ce but, il serait judicieux d'auditionner les salariés qui ont leur mot à dire dans le cadre d'une politique de concertation.
Nous souhaitons donc que cette motion soit renvoyée en commission.
M. Roger Beer (R). Cette motion n'est en fait pas aussi anodine qu'elle en a l'air, à entendre les déclarations et les envolées enflammées de certains collègues ! Malgré les sarcasmes, je pense qu'elle mérite d'être étudiée. J'ai déposé hier un amendement qui, visiblement, n'a pas été distribué.
Le président. Cette manie de distribuer les amendements est dans votre tête, Monsieur le député !
M. Roger Beer. Ah, bon très bien ! Je pensais que les gens n'avaient pas pu les lire.
Nous comprenons que l'ambiance soit chaude pour discuter des horaires d'ouverture des commerces et des nocturnes. Il ne faut pas mélanger tous les problèmes. Le Conseil d'Etat pourrait, à notre avis, au cours de ses nombreuses discussions, étudier l'opportunité et la faisabilité de cette proposition. Je pense donc qu'il conviendrait d'accepter de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour autant qu'il soit d'accord sur le principe. C'est dans cette idée que je vous propose mon amendement aux fins d'atténuer quelque peu le côté contraignant pour le Conseil d'Etat et pour qu'il puisse étudier en toute sérénité l'opportunité de retarder les horaires de certains services une fois par semaine.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Notre groupe a donné sa position par l'intermédiaire de notre collègue Bernard Clerc. Mais, ayant lu attentivement cette proposition, j'attendais un certain nombre de précisions de la part des motionnaires. Alors, connaissant mon éminent collègue, M. Bernard Lescaze, que je côtoie dans le cadre du parlement municipal - lequel prône toujours les économies - j'aimerais qu'il nous précise, s'agissant de l'aspect financier de cette ouverture prolongée des administrations cantonales, comment il voit la chose pour que, justement, la mise en place d'un tel changement n'occasionne aucune dépense supplémentaire.
(M. Jean-Pierre Lyon est interrompu par M. Jean Montessuit.) Monsieur Montessuit, si vous voulez dire quelque chose, vous levez la main et vous demandez la parole ! S'il vous plaît ! Je n'ai pas besoin de vos leçons !
J'aimerais donc que notre éminent collègue, M. Bernard Lescaze, membre de la commission des finances de la Ville, nous dise comment il pense faire des économies. J'ai été surpris dans cette affaire de ne pas avoir entendu de précisions de la part des motionnaires au sujet de la déclaration de M. Peter Tschopp, membre éminent du parti radical, laquelle disait en gros que le personnel du bureau des automobiles était un «sac de fainéants» ! Je me suis donc demandé s'ils voulaient faire travailler les fonctionnaires. Je suis surpris de ne rien entendre à propos de ces fonctionnaires que vous accusez d'être des fainéants - vous l'avez dit au sein de votre parti, dans les journaux et partout - et de la manière dont on pourrait les faire travailler ! Alors expliquez-vous, Monsieur Lescaze !
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). S'il est intéressant de poser le principe des horaires variables dans les administrations publiques, pour peu que les conventions de travail et que les conditions de travail soient respectées, vouloir étendre la plage des horaires de travail pour les motifs qui nous sont présentés relève ici du surréalisme et non de la flexibilité ! Ainsi les guichets de l'administration publique pourraient rester ouverts jusqu'à 20 h un soir par semaine pour s'aligner sur les commerces, redonner vie au centre-ville et faciliter l'accès à des prestations pour une part croissante - dit-on - de la population, cela sans augmentation de postes. L'ouverture des commerces jusqu'à 20 h a un but : vendre plus en incitant les clients à consommer davantage. Ce n'est pas un besoin social, Monsieur Dupraz, c'est une exigence économique !
Nous ne pouvons pas faire de parallèle entre les buts assignés à l'activité économique et ceux de l'Etat, à moins que soit décrétée obligatoire l'obtention du passeport ou que nous éprouvions une envie irrépressible de faire contrôler nos véhicules automobiles, pour ne prendre que ces deux exemples. L'Etat n'est pas une braderie, même si nous traversons une période de soldes en matière d'effectifs et de salaires ! (Rires.)
Tout le monde est d'accord pour dire que le centre-ville mérite une meilleure animation. Est-il bien judicieux pour autant de demander à l'administration publique de réparer les dégâts qui ont été causés par l'implantation massive de banques et de bureaux dans ces zones ? Les motionnaires le pensent, mais ils restent assez secrets sur les moyens à employer.
Alors, nous avons essayé d'imaginer ce qu'ils pourraient prévoir. Eh bien, par exemple, les fonctionnaires de l'hôtel des finances pourraient tenir échoppe au Palladium pour ranimer l'établissement et pour dynamiser son fonctionnement par un tango chaloupé ! (Rires.) L'administration des travaux publics pourrait organiser des concours de canoë sur l'Arve avec l'intention d'intéresser la jeunesse au sport, ce qui ferait plaisir au président Segond, et surtout de faire passer l'idée, en ramant à contre-courant, que la traversée de la rade est pour demain ! (Rires redoublés.) Les fonctionnaires du service des objets trouvés, eux, aimeraient certainement animer des jeux de piste dans les rues de Genève ! Cette activité aurait l'avantage de faire collaborer ce service avec celui des contraventions publiques, puisque les personnes qui trouveraient le plus d'objets pourraient faire «sauter» leur P.-V. et les employés des deux services goûteraient ainsi aux plaisirs de la pluridisciplinarité ! Enfin, le département de la santé - qu'il ne faut pas oublier - pourrait mieux faire passer son changement d'appellation en organisant le soir une distribution de repas avec la mention «bonne fourchette» !
Mais nous trouvons qu'il serait profondément injuste de solliciter uniquement l'administration publique pour animer le centre-ville. Les banquiers privés, par exemple, pourraient organiser des thés dansants dans leurs locaux lors de la vente de billets pour les spectacles du Grand Théâtre et la Banque cantonale de Genève pourrait se voir confier l'animation des Halles de l'Ile ! (Gloussements.)
Cette motion a tout de même un aspect positif ! Les motionnaires admettent qu'il est difficile pour une part croissante de la population active professionnellement de se libérer pendant les heures d'ouverture de l'administration publique. Cette heureuse prise de conscience annonce certainement un changement d'attitude des employeurs du privé lors de l'établissement des conventions collectives de travail. Y figurera d'office la clause dégageant le temps nécessaire à leurs employés pour se rendre aux guichets de l'administration publique !
Cette motion - vous l'avez compris - nous la rejetons ! (Bravos et applaudissements.)
M. Bernard Lescaze (R). Un article de notre Grand Conseil - je ne sais d'ailleurs plus lequel - demande que les interventions ne soient pas lues. Cela devrait normalement épargner à notre parlement d'entendre la lecture d'interventions...
M. Jean-Pierre Lyon. Il est pire qu'Edipresse, celui-là ! (Rires.)
Le président. Laissez parler l'intervenant !
M. Bernard Lescaze. ...d'interventions préparées à l'avance qui peuvent avoir un petit relent comique, mais qui ne correspondent même pas à ce qui a été présenté devant vous. L'intervention qui vient d'être faite...
Une voix. Elle était très bien !
M. Bernard Lescaze. ...a pour conséquence que si l'on suit l'intervenante jusqu'au bout, on devrait admettre la suppression des cours du soir, que la police ne travaille qu'entre 8 h et 17 h, que les hôpitaux ne fonctionnent que le jour, et j'en passe. (Les commentaires vont bon train. Le président frappe sur la cloche pour rappeler les députés à l'ordre.) La hargne que vous êtes en train de dévoiler montre bien que cette proposition de motion touche au fond à quelque chose d'essentiel, parce qu'il est clair - et la gauche le sait très bien - que nombre de services de l'Etat, comme les administrations communales, fonctionnent à d'autres heures que les heures habituelles.
Alors, pourquoi ne pas accepter que certaines administrations de l'Etat, qui sont au contact de la population, rallongent les heures d'ouverture de leurs guichets une fois par semaine ! C'est bien la preuve que l'on ne considère pas, sur certains bancs, que l'administration est au service de la population - les fonctionnaires eux-mêmes le reconnaissent - et que l'on veut défendre certains privilèges d'une manière totalement abusive. Je reconnais que je n'en comprends pas véritablement le pourquoi.
On nous oppose des présupposés idéologiques sur le centre-ville. Nous ne sommes nullement responsables de la transformation du tissu social de celui-ci. (Manifestation de réprobation de la gauche.) D'ailleurs, dans toutes les villes occidentales, le tissu social s'est modifié de cette manière. C'est le reflet de la pensée moderne. Si mes contradicteurs étaient mieux informés, ils se rendraient compte, précisément, que beaucoup de pays modifient les horaires de l'administration publique pour aller à la rencontre du citoyen. En conséquence, ce sont eux les ultra-conservateurs sur ce point !
Je demande donc que cette motion soit renvoyée en commission pour étude.
Le président. En ce qui concerne la lecture des interventions préparées, Monsieur le député, le règlement ne prévoit aucune restriction, contrairement au Municipal.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Décidément, au cours de cette session tout est passion !
A vrai dire, le Conseil d'Etat et l'administration s'efforcent, depuis plusieurs années déjà, d'adapter les heures d'ouverture de son administration aux besoins de la population. C'est aussi en partie ce que l'on peut appeler la qualité des prestations dont certains se font les champions de leur défense. Il n'y a pas si longtemps encore - vous vous en souviendrez peut-être - l'administration était fermée entre midi et 14 h. Bon nombre de services - je mets de côté ceux qui sont ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, bien entendu - se sont adaptés, ce qui était juste et nécessaire. Et pourtant à l'époque que de discussions pour marquer cette ouverture qui, il est vrai, a été rendue possible grâce à l'horaire flexible.
C'est dans ce cadre que, simultanément aux efforts de l'administration pour s'adapter aux besoins de la population - car l'Etat ne saurait y échapper lorsque c'est nécessaire - nous avons développé parallèlement toute une série de programmes pour permettre à nos collaboratrices et collaborateurs, en tout cas dans les services qui le peuvent, d'adopter pour eux-mêmes des horaires extrêmement flexibles. Vous savez que nous prolongeons les tests dans une série de services de l'administration et la première analyse effectuée montre le succès rencontré par ces horaires. Cela permet à nos collaboratrices et collaborateurs de se rendre en ville pour d'autres prestations non servies par l'Etat pendant les heures d'ouverture. C'est la raison pour laquelle il faut prendre en compte l'évolution des horaires de notre administration, les disponibilités des employés qui y travaillent et les besoins de la population.
Le Conseil d'Etat accepte, par conséquent, d'étudier cette motion dont il discutera les termes avec les organisations représentatives du personnel et nous ferons un rapport en temps utile sur cette question, notamment sur les services dont les horaires seraient susceptibles d'être modifiés. Je rappelle que bon nombre des services de l'Etat ferment déjà aujourd'hui à 16 h 30 ou 17 h et des études sont en cours pour modifier ces horaires afin de mieux répondre aux besoins de la population.
Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette motion en commission est rejetée.
Le président. Nous sommes en présence d'un amendement présenté par M. Roger Beer consistant à modifier les invites de la façon suivante :
Invite le Conseil d'Etat
- à étudier l'opportunité et la faisabilité de l'ouverture prolongée jusqu'à 20 h, un jour par semaine, des guichets de certaines administrations publiques cantonales (service des autos, administration fiscale, office cantonal de la population, office du logement, service des passeports, service des contraventions, éducation continue des adultes, service des objets trouvés, etc.) parallèlement aux commerces;
- à étudier avec les PTT l'opportunité et la faisabilité de l'introduction d'une ouverture prolongée identique;
- à présenter ses conclusions au Grand Conseil.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, la motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
MOTION
concernant l'ouverture prolongée des administrations publiquesdans le canton
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- l'introduction prochaine, une fois par semaine, d'une ouverture prolongée jusqu'à 20 h. des commerces genevois;
- la nécessité de redonner vie et activité au centre et à d'autres quartiers de la ville;
- les difficultés d'une part croissante de la population de se libérer pendant les heures actuelles d'ouverture des administrations publiques,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier l'opportunité et la faisabilité de l'ouverture prolongée jusqu'à 20 h., un jour par semaine, des guichets de certaines administrations publiques cantonales (service des autos, administration fiscale, office cantonal de la population, office du logement, service des passeports, service des contraventions, éducation continue des adultes, service des objets trouvés, etc.) parallèlement aux commerces;
- à étudier avec les PTT l'opportunité et la faisabilité de l'introduction d'une ouverture prolongée identique;
- à présenter ses conclusions au Grand Conseil.