République et canton de Genève

Grand Conseil

No 10

Vendredi 25 mars 1994,

soir

Présidence :

M. Hervé Burdet,président

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Philippe Joye et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que M. Hervé Dessimoz et Mmes Laurette Dupuis, Catherine Fatio et Liliane Maury Pasquier, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Le président. La proposition de résolution suivante est parvenue à la présidence :

R 269
de Mmes et MM. Fabienne Bugnon (E), John Dupraz (R), Roger Beer (R), Elisabeth Reusse-Decrey (S), Christian Ferrazino (AG) et Pierre Marti (DC) concernant la levée d'immunité de députés kurdes prononcée par le parlement turc ainsi que leur arrestation consécutive. ( )  R269

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Cette résolution est signée par des représentants de tous les partis sauf un. Je souhaiterais qu'elle soit traitée ce soir encore, vu son caractère d'urgence. En effet, elle concerne des députés, comme vous et moi, qui se trouvent menacés de peine de mort.

Le président. Je vous propose de la développer à la fin de l'ordre du jour, Madame !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Excusez-moi d'insister, mais j'ai demandé qu'elle soit traitée aujourd'hui et non en fin de l'ordre du jour ! En effet, je doute que l'on termine aujourd'hui !

Le président. Cela ne tient qu'à vous, Madame ! (Contestation sur les bancs socialistes.) Nous ferons notre possible pour avancer notre ordre du jour pour la traiter, mais je ne peux pas vous le garantir !

 

d) de demandes d'interpellations;

M. Christian Ferrazino (AG). J'annonce une interpellation urgente, Monsieur le président.

Le président. Les interpellations urgentes se font en tête d'ordre du jour, mois par mois. Elle sera donc pour le mois d'avril.

M. Christian Ferrazino. J'annonce cette interpellation urgente sur la base du nouveau règlement.

Le président. Sur la base du nouveau règlement, justement, elles se font en tête d'ordre du jour, mois par mois, donc au mois d'avril !

e) de questions écrites.

Néant.

IN 103-B
4. Rapport de la commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire : «Les transports publics au service de la population». ( -) IN103
 Mémorial 1994 : Projet, 250. Rapport du Conseil d'Etat, 250. Commissions, 263.
Rapport de M. Laurent Moutinot (S)

Conformément au nouveau droit d'initiative cantonale populaire, et en particulier à l'article 120, de la loi portant règlement du Grand Conseil, la commission législative, dans le délai de neuf mois dès la constatation de l'aboutissement de l'initiative, dépose son rapport sur la validité de ladite initiative.

En effet, le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de l'initiative par arrêté public dans la Feuille d'avis officielle du 29 octobre 1993, de sorte que le délai de 9 mois est respecté.

Sous la présidence de Mme Françoise Saudan, présidente, la commission législative s'est réunie le 8 février 1994. M. Eric Balland, premier secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports, assistait à cette séance.

La commission a étudié la validité de l'initiative à la lumière du rapport du Conseil d'Etat du 12 janvier 1994.

I. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

L'article 66, alinéa 2, de la constitution genevoise exige de l'initiative populaire qu'elle respecte l'unité de la matière, c'est-à-dire que ne soit posée au corps électoral qu'une question unique à laquelle il puisse répondre par «oui» ou par «non».

L'initiative 103 propose une modification de l'article 160 A de la constitution genevoise, réglant le statut, l'organisation et le développement des transports publics genevois. L'unité de la matière est manifeste.

2. Unité de la forme

L'initiative 103 est une initiative rédigée de toutes pièces, ainsi que le permet l'article 65 A de la constitution genevoise, de sorte qu'elle respecte l'unité de la forme, au sens de l'article 66 de ladite constitution.

3. Unité normative

L'unité normative, ou unité de genre, exige qu'une initiative soit du niveau législatif ou du niveau constitutionnel, sans mélange des deux. En l'occurrence, l'initiative 103 propose une modification partielle de la seule constitution cantonale, de sorte qu'elle respecte le principe de l'unité normative.

A l'unanimité, la commission législative a constaté que l'initiative 103 remplit toutes les conditions de recevabilité formelle.

II. Recevabilité matérielle

La recevabilité matérielle implique que l'initiative soit, d'une part, conforme au droit supérieur - s'agissant en l'occurrence d'un projet de niveau constitutionnel, qu'elle respecte le droit fédéral et les traités internationaux - et, d'autre part, qu'elle soit exécutable, c'est-à-dire concrètement réalisable dans un délai raisonnable.

Certains membres de la commission ont douté de la conformité au droit supérieur de l'initative, considérant qu'il n'est pas admissible que des employés d'un établissement de droit public soient, par le biais de leur syndicat, les initiants d'un projet visant notamment à améliorer leur propre statut: cette minorité de la commission y voit le risque d'une perversion des institutions, de quasi-fonctionnaires décidant ainsi de leur propre statut. La majorité de la commission considère en revanche qu'il est naturel, en démocratie, qu'un syndicat use des droits populaires, en l'occurrence de l'initiative, pour soumettre au peuple souverain un projet de faveur de ses membres et relève, de surcroît, que si l'entreprise des transports publics genevois compte 745 postes de conducteurs, plus de 10 000 citoyens ont appuyé l'initiative. La validité matérielle d'une initiative ne saurait dépendre en aucun cas de la qualité des initiants. C'est, enfin, confondre le caractère de proposition d'une initiative qui se distingue du pouvoir de décision qui n'appartient qu'au seul peuple souverain.

Au vote, l'exécutabilité ne posant pas de problème, la commission législative considère par 5 voix et deux abstentions (LIB) que l'initiative 103 est recevable au plan matériel.

En conséquence, la commission législative vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'admettre la validité de l'initiative 103, «des transports publics au service de la population», conformément aux articles 65, 65 A, et 66 de la constitution genevoise.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

IN 103

LANCEMENT D'UNE INITIATIVE

Le Cartel SEV-TPG a lancé une initiative populaire constitutionnelle intitulée «Des transports publics au service de la population», qui a abouti.

1

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initia-tive publié dans la Feuille d'avis officielle le 

29 octobre 1993

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et la prise en considération de l'initiative au plus tard le 

29 janvier 1994

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative au plus tard le 

29 juillet 1994

4.

Décision du Grand Conseil au sujet de la prise en considération de l'initiative sur la base du rapport de la commission en charge au plus tard le 

29 avril 1995

INITIATIVE POPULAIRECONSTITUTIONNELLE

«Des transports publics au service de la population»

Les soussignés, électeurs et électrices dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65 A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuyent la présente initiative rédigée, en faveur de transports publics au service de la population. Ils demandent que la constitution de la République et canton de Genève (A 2 1) soit modifiée comme suit :

TITRE X B

TRANSPORTS PUBLICS

Art. 160 A (nouvelle teneur)

Organisation et développement

1 L'Etat, dans les limites du droit fédéral, prend les mesures nécessaires à l'organisation et au développement du réseau des lignes de transports publics.

Etablissement de droit public

2 Il est créé un établissement de droit public chargé de la gestion des transports publics. Cet établissement est soumis à la surveillance du Conseil d'Etat.

Exécution du mandat

3 Le personnel de l'établissement de droit public assure l'exploitation, la gestion et la maintenance du réseau des lignes, du matériel et des véhicules des Transports publics genevois.

Financement

4 Le financement des dépenses d'exploitation et d'investissement de l'établissement est assuré par un contrat de prestations liant l'Etat et l'établissement pour une durée de 4 ans renouvelable. Le contrat de prestation et les comptes annuels de l'établissement sont soumis à l'approbation du Grand Conseil.

Politique tarifaire

5 L'ensemble des offres de transport est organisé et financé de manière à assurer la mise à disposition de la population d'abonnements à des prix favorisant le choix du transport public.

Dispositions législatives d'exécution

6 La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent titre.

EXPOSÉ DES MOTIFS

80 % des Genevois ont dit oui !

Le peuple genevois s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur des transports. Le 12 juin 1988, la loi fixant le programme de développement et le financement des Transports publics genevois a été approuvé par près de 80 % des votants.

Deux fois plus de passagers !

En dix ans, le nombre de passagers transportés a doublé.

Ce dynamisme est le fruit de la confiance que fait la population au service public. Aujourd'hui, les TPG :

 transportent plus de 100 millions de passagers par an (50 millions en 1980) ;

 85'000 personnes achètent un abonnement chaque mois ;

 près de 300'000 personnes sont transportées chaque jour ;

 l'introduction de la communauté tarifaire dynamise les offres des transports.

Danger de la privatisation

Le danger est grand de voir ce dynamisme remis en cause par les privatisations et la sous-traitance avec, pour conséquence, des services à la population à deux vitesses par le jeu de la privatisation des bénéfices et le report des pertes sur les usagers.

Difficultés financières

Avant même la crise budgétaire de 1992, le personnel et l'entreprise des Transports publics genevois ont mis en place des commissions d'économies. Le personnel a ainsi fait la démonstration de sa volonté d'utiliser de manière la plus efficace possible les deniers publics.

Renverser la vapeur !

Les restrictions budgétaires réduisent déjà les prestations du service public qui n'est plus en mesure de respecter les décisions votées par le peuple en ce qui concerne les fréquences de passage sur certaines lignes. Alors que le Parlement vient d'accepter, à une très large majorité, un ambitieux programme de développement du réseau des transports, il s'agit de renverser la vapeur pour assurer le maintien et le développement du service public.

But de l'initiative

C'est précisément ce but que l'initiative pour «des transports publics au service de la population» cherche à réaliser en proposant de :

 compléter les dispositions constitutionnelles qui règlent l'organisation et le développement des transports ;

 permettre à l'entreprise de répondre à la volonté populaire clairement exprimée en 1988 ;

 préciser que l'exécution de ce mandat doit être assurée par l'établissement de droit public ;

 fixer clairement la volonté d'assurer à la population des offres d'abonnements à des prix favorisant le choix du transport public.

Débat

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Nous constatons tout d'abord que le rapport de la commission législative rejoint celui du Conseil d'Etat quant à la recevabilité aux plans formel et matériel de cette initiative. Sous peu, il s'agira pour la commission des transports de débattre de la prise en considération de cette initiative.

Dans l'immédiat, le Conseil d'Etat rappelle sa position sur certains aspects de cette initiative. D'abord, il est inopportun de s'en prendre à la sous-traitance qui, précisément, donne au service public sa souplesse d'adaptation. De plus, cette notion a déjà, à l'heure actuelle, fait ses preuves sur onze de la quarantaine de lignes TPG.

Ensuite, il n'est pas souhaitable de réintroduire la notion de référendum en matière budgétaire TPG, mesure à laquelle ce Grand Conseil a précisément voulu renoncer.

Enfin, il n'est pas souhaitable non plus d'ancrer dans la constitution des notions touchant à la politique tarifaire de l'entreprise.

Cela étant, la commission des transports travaille depuis peu sur le projet de contrat de prestations présenté par les TPG. Nous pensons que ce contrat de prestations est la bonne réponse à une initiative qui, par ailleurs, n'est guère éloignée de nos préoccupations en matière de politique des transports, ce que je voulais rappeler ici.

Le président. Monsieur le rapporteur, je lis à la page 3 de votre rapport que : «Au vote, l'exécutabilité ne posant pas de problème, la commission législative considère par cinq voix et deux abstentions (LIB) que l'initiative 103 est recevable au plan matériel.». C'est ce que l'on nous demande d'examiner aujourd'hui.

Mise aux voix, la validité de cette initiative est adoptée.

PL 7079
5. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 1). ( )PL7079

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:

Art. 50 (nouvelle teneur)

Les juges assesseurs de la Chambre d'accusation peuvent être remplacés par les juges assesseurs suppléants du Tribunal de police.

EXPOSÉ DES MOTIFS

En date du 7 octobre 1993 vous avez voté, après l'avoir amendé, le projet de loi 6791 instituant le transfert de la Chambre d'accusation du Tribunal de première instance à la Cour de justice (Mémorial du 7 octobre 1993, p. 5297 et suivantes.).

Vous avez décidé que deux juges assesseurs continueraient de siéger au sein de cette instance pour l'examen des demandes de mise en liberté et de prolongation de détention (art. 50 A, al. 2 nouveau). Dans cette perspective, vous avez complété l'article 29, alinéa 2, de la loi sur l'organisation judiciaire faisant entrer dans la composition de la Cour de justice deux juges assesseurs et quatre juges assesseurs suppléants rattachés à la Chambre d'accusation.

D'entente avec le pouvoir judiciaire, le Conseil d'Etat a fixé l'entrée en vigueur de cette réforme au 1er septembre 1994.

Les deux juges assesseurs élus pour siéger a la Chambre d'accusation lors des dernières élections générales du pouvoir judiciaire (printemps 1990) pourront continuer d'y siéger. En revanche, personne n'a, à ce jour, été élu en qualité de juge assesseur suppléant à la Chambre d'accusation: l'article 50 de la loi sur l'organisation judiciaire, abrogé par la novelle du 7 octobre 1993 mais en vigueur jusqu'au 31 août 1994, se borne à prescrire que les assesseurs suppléants du Tribunal de police, au nombre de huit (art. 27 A de la loi sur l'organisation judiciaire) peuvent remplacer les assesseurs de la Chambre d'accusation.

Afin de faire l'économie de l'élection de juges assesseurs suppléants à la Chambre d'accusation, nous vous proposons de conserver aux juges assesseurs suppléants du Tribunal de police la faculté de remplacer les juges assesseurs de la Chambre d'accusation.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le présent projet de loi.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.

 

PL 6975-A
6. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant : a) la loi sur l'instruction publique; b) la loi sur la police (F 1 1); c) la loi sur l'organisation et le personnel de la prison (F 1 18); d) la loi d'application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale (M 1 4). ( -)  PL6975
Mémorial 1993 : Projet, 3049. Commission, 3052.
Rapport de Mme Françoise Saudan (R), commission judiciaire

Déposé par le Conseil d'Etat le 19 mai 1993, le projet de loi 6975 a été renvoyé à la commission judiciaire le 10 juin 1993.

1. But du PL 6975

Le 11 février 1993, le Grand Conseil a voté le transfert au Tribunal administratif des compétences de la Cour de justice relatives au contentieux des assurances sociales, de prévoyance professionnelle et de protection civile.

Rédigé sur une demande conjointe des deux juridictions concernées, le PL 6975 a pour objet d'éliminer les compétences résiduelles des juges de la Cour de justice en matière de droit public et de les attribuer aux magistrats du Tribunal administratif. Il vise ainsi à remplacer par des juges du Tribunal administratif les juges de la Cour de justice qui siègent au sein de la commission de recours des fonctionnaires de l'instruction publique, de la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison, ainsi que de la commission de recours en matière de maintien de la propriété foncière rurale.

Pour le surplus, la composition de ces commissions de recours reste inchangée, du moins pour l'instant. On rappellera à cet égard que celles-ci comprennent, outre des juges, un membre désigné par le Conseil d'Etat et un membre choisi par le recourant (enseignant) ou désigné par les fonctionnaires du corps appartenant au même service que le recourant (policiers ou gardiens de prison). S'agissant toutefois de la commission de recours des fonctionnaires de l'instruction publique, le PL 6975 prévoit désormais que l'un de ses membres est choisi par le recourant parmi les membres du corps de l'enseignement concerné.

Les matières traitées par ces commissions de recours sont régies par la procédure administrative et appartiennent au droit public. Il est dès lors logique que le juge administratif soit appelé à en connaître en lieu et place du juge civil. D'ailleurs, le contentieux disciplinaire de la fonction publique est déjà, pour l'essentiel, du ressort du Tribunal administratif selon les articles 28 et suivants de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux, du 15 octobre 1987.

2. Travaux de la commission judiciaire

Sous la présidence de M. Michel Jacquet, la commission judiciaire a examiné le PL 6975 lors de ses séances des 21 juin, 4, 11 et 14 octobre 1993. Elle a bénéficié des explications de MM. Bernard Ziegler, président du département de justice et police, Rémy Riat et Bernard Duport, secrétaires adjoints.

La commission judiciaire a entendu:

- MM. Yves Grandjean, président du Tribunal administratif, et Pierre Heyer, juge à la Cour de justice;

- MM. Roger Golay, vice-président de l'Union du personnel de la caisse de police (UPCP), et Luc Donnet, vice-président de l'Association du personnel de la sûreté (APS);

- Mmes Marie-Laure François, secrétaire générale du département de l'instruction publique et Verena Schmid, secrétaire adjointe.

Il ressort des auditions et des explications fournies par le département que:

- les commissions de recours en question fonctionnent bien et sont saisies, par année et en moyenne, de 8 à 10 recours au maximum;

- une éventuelle suppression des assesseurs a été évoquée pour la première fois, devant la commission judiciaire, par les magistrats du pouvoir judiciaire plutôt favorables à la disparition des assesseurs de la commission de recours des enseignants. Les représentants de l'UPCP et de l'APS se sont fermement opposés à la suppression des assesseurs, vu la spécificité des tâches des policiers et des gardiens de prison. Les représentantes du département de l'instruction publique se sont déclarées pleinement d'accord avec le projet de loi du Conseil d'Etat et ont relevé qu'une modification de la composition de la commission de recours des fonctionnaires de l'instruction publique rendrait absolument nécessaire la consultation des associations d'enseignants.

3. Retrait de l'article 4 du PL 6975

La commission judiciaire a appris que le Conseil d'Etat avait déposé, le 25 août 1993, le projet de loi (7032) d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 4). Comme ce PL modifie la voie de recours en cette matière, le Conseil d'Etat a retiré l'article 4 du PL 6975.

Le PL 7032-A a été accepté par le Grand Conseil le 16 décembre 1993. La nouvelle loi a été publiée dans la Feuille d'avis officielle du 24 décembre 1993 et entrera en vigueur en février 1994.

Il appartiendra au Conseil d'Etat de nommer une commission foncière agricole qui sera chargée, selon les règles de la procédure administrative, de prendre les décisions relatives aux restrictions de droit public dans les rapports juridiques concernant les entreprises et les immeubles agricoles. Le Tribunal administratif sera compétent pour connaître des recours formés contre les décisions de la commission foncière agricole.

4. Révision totale du contentieux administratif

Le Conseil d'Etat sera amené à proposer au Grand Conseil une révision totale de la juridiction administrative et a déjà créé à cette fin un groupe de travail qui comprend des magistrats du pouvoir judiciaire et des hauts fonctionnaires. Des modifications importantes devront être apportées dans divers domaines, notamment en ce qui concerne les commissions de recours, à la lumière du droit fédéral et du droit conventionnel.

D'une part, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit que: «toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi»...

D'autre part, l'article 98a de la loi fédérale d'organisation judiciaire fait obligation aux cantons d'instituer, d'ici février 1997, «des autorités judiciaires statuant en dernière instance cantonale, dans la mesure où leurs décisions peuvent directement faire l'objet d'un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral».

Pour toutes ces raisons et principalement par souci de cohérence, la commission judiciaire a estimé inutile de modifier le PL 6975, puisque le Grand Conseil devra de toute façon se prononcer sur une réforme complète et globale du contentieux administratif.

5. Vote de la commission judiciaire

La commission judiciaire n'a adopté aucune disposition transitoire. Il est évident que les causes pendantes, lors de l'entrée en vigueur du PL 6975, devront être jugées par les juridictions saisies, à l'instar de ce qui se pratique dans les assurances sociales.

Le PL 6975 a été accepté à l'unanimité, moins une abstention (PdT). Aussi, la commission judiciaire vous propose-t-elle, Mesdames et Messieurs les députés, de voter à votre tour ce projet de loi.

Premier débat

Mme Françoise Saudan, rapporteuse. Ce projet de loi n'a posé aucun problème en commission.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue:

LOI

modifiant:

a) la loi sur l'instruction publique (C 1 1);

b) la loi sur la police (F 1 1);

c) la loi sur l'organisation et le personnel de la prison (F 1 18).

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'instruction publique, du 6 novembrre 1940, est modifiée comme suit:

Art. 131 (nouvelle teneur)

Recours

1 Dans les cas prévus par les articles 128, 129 et 130, le fonctionnaire intéressé a le droit de recourir dans les 30 jours contre la décision prise à son égard auprès d'une commission de 5 membres composée comme suit:

a)

trois juges du Tribunal administratif désignés par son président;

b)

un membre désigné par le Conseil d'Etat et choisi en dehors de ce corps;

c)

un membre choisi par le recourant parmi les membres du corps enseignant de l'ordre d'enseignement concerné.

2 L'un des juges du Tribunal administratif préside la commission de recours.

3 Le recours est déposé au greffe du Tribunal administratif.

4 La procédure de recours est régie par la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.

Art. 2

La loi sur la police, du 26 octobre 1957, est modifiée comme suit:

Art. 28, al. 2, lettre c (nouvelle teneur)

c)

1 par le Tribunal administratif, parmi les membres de cette juridiction.

Art. 3

La loi sur l'organisation et le personnel de la prison, du 21 juin 1984, est modifiée comme suit:

Art. 20, al. 2, lettre c (nouvelle teneur)

c)

1 par le Tribunal administratif, parmi les membres de cette juridiction.

Art. 4

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

 

I 1882
7. Interpellation de Mme Anita Cuénod : Comment sont accueillis les Bosniaques qui demandent l'asile à Genève ? Sont-ils refoulés à la frontière franco-genevoise s'ils n'ont pas de visa (comme à Chiasso) ? ( )I1882

Mme Anita Cuénod (AdG). Je n'entends pas vous faire ici une leçon d'histoire contemporaine, ni vous exposer les causes et les conséquences de la guerre fratricide qui sévit en ex-Yougoslovie. J'aimerais seulement, par le biais de cette interpellation, souligner que le drame qui se déroule pratiquement à nos portes implique deux comportements si nous voulons nous conduire en peuple civilisé et solidaire.

Tout d'abord nous devons contribuer, par tous les moyens possibles, à un règlement pacifique du conflit et, surtout, démontrer notre solidarité, notre compassion et notre soutien par un accueil réel et des frontières ouvertes à ceux qui fuient l'horreur. Je pense aux Bosniaques en particulier, et je demande pourquoi, alors qu'un arrêté fédéral urgent d'avril 1993 stipule que toute personne provenant de Bosnie-Herzégovine peut obtenir une admission provisoire en terre helvétique, ils doivent se munir d'un visa qu'ils obtiendront - bien entendu - facilement de la part des autorités consulaires suisses, mais pas à Zagreb ou à Belgrade ?

Ici à Genève, nous avons, semble-t-il, un nombre restreint de cas semblables aux frontières, puisque la majeure partie d'entre eux vient directement d'Italie, pays - il faut le rappeler - dont nous ne pouvons contribuer à alourdir la charge. Nous avons un devoir de partage, souvent rappelé par le HCR, le «burden sharing», c'est-à-dire le partage de charges. Ces gens en quête d'un havre de paix se présentent donc le plus souvent à Chiasso, où dernièrement une centaine d'entre eux ont été refoulés.

Je demande qu'à Genève nous n'ayons pas peur de l'autre, bien que nous ne sachions pas ce qu'est une guerre civile, que nous n'ayons pas peur d'être cohérents avec nous-mêmes et que dans un mois, dans un an, ou dans dix ans, nous n'ayons pas honte d'avoir manqué à un devoir essentiel d'humanité. De plus, il serait intéressant, Monsieur le conseiller d'Etat, de demander à l'Office fédéral des réfugiés des chiffres précis en ce qui concerne le nombre d'admissions provisoires accordées jusqu'au jour d'aujourd'hui.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Madame la députée, vos soucis sont légitimes et je vais y répondre dans la mesure exclusive des compétences cantonales.

Je réponds tout d'abord à votre seconde question. A ma connaissance, il n'y a pas de refoulement de Bosniaques sans visa à la frontière genevoise. Notre canton n'a pas de frontière avec l'Italie, et tous les Bosniaques qui viennent en Suisse viennent d'Italie et rentrent par Chiasso, voire par Brigue. Cela étant, les douanes sont du ressort fédéral, et si un Bosniaque sans visa se présentait à la frontière genevoise, nul doute que les douaniers soumis aux mêmes directives fédérales que ceux de Chiasso ne pourraient le laisser entrer. Il serait ainsi refoulé. Aux douanes, les cantons n'ont rien à dire, c'est le droit fédéral qui s'applique.

Qu'advient-il alors du Bosniaque sans visa qui, ayant franchi la frontière verte quelque part le long de la frontière italo-suisse, se présente à Genève pour y demander asile ? Je réponds là à votre première question. Il y a deux cas de figure. Dans le premier, notre Bosniaque se présente au centre fédéral d'enregistrement de Carouge et il dépose une demande d'asile. Il attendra la réponse à sa demande dans l'un de nos vingt-six cantons où il aura été dirigé. La réponse sera peut-être positive, auquel cas il obtiendra l'asile. Si la réponse est négative, la décision sera assortie d'une admission provisoire qui lui permettra de rester en Suisse en attendant que la situation de violence qui règne dans son pays ait pris fin.

Dans le deuxième cas, notre Bosniaque se présente spontanément au service des requérants d'asile de l'office cantonal de la population. Il montre, par exemple, un papier prouvant qu'il a résidé en Bosnie. Notre canton entreprend immédiatement, c'est-à-dire sans passer par le biais d'une longue procédure d'asile, une demande d'admission provisoire auprès de l'autorité fédérale. C'est ainsi que cent trente-quatre dossiers d'admission provisoire touchant deux cent septante-quatre Bosniaques ont été ouverts depuis le 21 avril 1993, date de l'arrêté y relatif du Conseil fédéral. Il faut noter que les demandes cantonales sont approuvées dans la totalité des cas par l'autorité fédérale.

J'espère, Madame la députée, avoir ainsi répondu à votre inquiétude. Je le confirme, l'attitude du canton de Genève, pour ce qui touche à sa sphère de compétences, est humaine et solidaire pour reprendre votre expression.

L'interpellation est close.

 

I 1885
8. Interpellation de M. René Ecuyer : Tarif TPG : une augmentation inacceptable. ( )I1885

M. René Ecuyer (AdG). Le 29 janvier 1971, notre ami et camarade Paul Hermann défendait une motion invitant le Conseil d'Etat à examiner la possibilité de faciliter l'utilisation des transports publics urbains pour les personnes âgées et les invalides, en accordant la gratuité aux bénéficiaires de la loi sur les prestations en faveur des personnes âgées, veuves, orphelins et invalides et, également, le demi-tarif à tous les bénéficiaires de l'AVS et de l'assurance-invalidité. Il s'agissait de tenir compte des difficultés de transport rencontrées par cette catégorie de la population en raison de la grande dispersion des services officiels, des logements qui sont éloignés de la ville, des dangers accrus dus à l'augmentation du nombre des automobiles, des complications pour obtenir les tickets de transport, etc. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont accepté cette motion; ils ont même étendu le demi-tarif aux jeunes. C'était pratique et cela a été très bien accueilli.

Vingt ans après, le 13 décembre 1993, la direction des TPG présente les tarifs pour 1994 qui prévoient une augmentation générale des prix de 35 à 40%, en particulier pour les demi-tarifs. On reprend donc en 1993 ce qui avait été accordé en 1971. Mais qu'y a-t-il de changé par rapport à 1971 ? A-t-on constaté le regroupement des services officiels au centre-ville ? Les logements des personnes âgées se sont-ils rapprochés de la ville ? Non, il n'y a rien de changé ! La situation s'est même aggravée ! La population déménage et habite dans les zones suburbaines, et c'est toujours aussi compliqué de prendre son ticket de tram !

La seule chose nouvelle est la volonté du Conseil d'Etat et de la direction des TPG de reprendre à la population - en particulier la plus vénérable - les vieux et les jeunes, ce qu'on lui a accordé il y a une vingtaine d'années ! Il n'y a, à notre avis, aucune raison de vider la substance du demi-tarif. En effet, un demi-tarif c'est la moitié du prix ! Or là, ce n'est plus le cas. Le Conseil d'Etat ne pense-t-il pas que ce démantèlement tarifaire va à l'encontre de notre volonté à tous de développer les transports en commun, de les rendre pratiques, performants et bon marché ? C'est très important d'encourager la jeunesse à utiliser les transports publics plutôt que d'effectuer les déplacements en vélo dans une circulation saturée, avec tous les risques que cela comporte.

Je demande au Conseil d'Etat de réexaminer sa position et d'intervenir auprès des TPG afin qu'ils reviennent sur leur politique et que le demi-tarif corresponde réellement à la moitié du prix. Il faut donc qu'ils fassent marche arrière et que les tarifs appliqués avant le 1er janvier 1994 soient remis en vigueur pour le 1er juillet 1994.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat observe d'emblée, Monsieur Ecuyer, que le prix de la carte Vermeil n'a pas changé. N'a pas changé non plus le prix de la carte Azur. En d'autres termes, nul aîné à Genève ne doit dépenser plus de 38 F par mois pour ses déplacements en transports publics, ce qui équivaut à une dépense journalière de 1,27 F avec la possibilité de circuler toute la journée sur les lignes TPG. Ni le prix des abonnements ni le prix du billet plein-tarif n'ont été modifiés en 1994. Il est en revanche exact que le prix des billets à tarif réduit a été adapté.

Sont concernés les billets donnant droit, d'une part, à la libre-circulation pendant une heure et, d'autre part, à un parcours limité à trois arrêts. Logiquement, cette adaptation du prix du billet individuel a entraîné celle des cartes multi-parcours qui offrent un rabais aux clients. Sont concernées la carte de six parcours, la carte de douze parcours et celle de douze parcours limités à trois arrêts. Toutes ces modifications, Monsieur Ecuyer, ont été régulièrement adoptées et annoncées l'an dernier, respectivement, par le conseil d'administration des TPG et le Conseil d'Etat de l'époque. Dans un contexte économique difficile, la stratégie retenue a consisté à fixer, pour le prix des billets à tarif réduit, le même rapport au plein-tarif entre la carte Vermeil et la carte Orange. L'effet de cette adaptation tarifaire est simplement d'abaisser le nombre de courses à partir duquel il est plus intéressant d'acheter une carte Vermeil que des cartes multi-parcours.

Au-delà du prix, il y a le confort. Avec une carte Vermeil, plus besoin de monnaie, plus besoin de penser à valider sa carte au distributeur ! C'est pourquoi une carte Vermeil est un merveilleux cadeau à faire à ses parents, oncles ou tantes !

Pour terminer, il y a lieu, Monsieur Ecuyer, de relever le caractère quelque peu démagogique de votre interpellation qui nous présente, en termes il est vrai mesurés, une vision humiliante du sort des aînés, alors que - et nous en sommes fiers - nombre d'entre eux ne sont pas à plaindre. Mais il y a, c'est vrai, des cas plus difficiles. Pour ceux-là il faut rappeler que les bénéficiaires de l'OAPA reçoivent gratuitement une carte Vermeil au nombre des prestations de cet office. C'est un effort social important de la collectivité qui doit être souligné. En conclusion, Monsieur le député, je peux comprendre votre intervention, je peux, jusqu'à un certain point, en partager les termes; mais parler de démantèlement des tarifs TPG me paraît outrancier, alors qu'il s'agit vraiment de fort peu de chose. Je crois que vous l'avez d'ailleurs bien compris !

M. René Ecuyer (AdG). Je remercie le Conseil d'Etat de qualifier mon action auprès des personnes âgées de démagogique ! Je transmettrai votre réponse aux associations qui m'ont interpellé à ce sujet et qui nous ont demandé d'intervenir et elles vous donneront une réponse directement. Je pense que le merveilleux cadeau de 30 à 40% est apprécié différemment par les usagers !

L'interpellation est close.

 

P 850-A
9. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier la pétition «Pour une justice démocratique et efficace». ( -) P850
Rapport de Mme Françoise Saudan (R), commission judiciaire

La pétition 850 nous invite à adapter la justice pénale à l'évolution de la criminalité.

Examinée lors de sa séance du 3 février 1994 en présence de MM. Rémy Riat et Bernard Duport, tous deux secrétaires adjoints au département de justice et police et des transports, la commission judiciaire a procédé, lors de cette même séance, à l'audition de M. Bernard Bertossa, procureur général, qui a tenu à rappeler les mesures qui ont déjà été prises sur le plan cantonal et qui figurent dans le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion 589 de Mme et MM. Jacqueline Damien, John Dupraz, Robert Cramer et Michel Urben concernant les moyens destinés à lutter contre la criminalité économique et dont la teneur est la suivante:

Mesures prises au niveau cantonal depuis 1989

1. Les modifications de la Constitution et de la loi sur l'organisation judiciaire

La Constitution et la loi sur l'organisation judiciaire ont été profondément modifiées afin de permettre une restructuration du Parquet et de l'instruction. Ces réformes ont été inspirées par le rapport du 15 février 1990 établi par le consultant que le département de justice et police avait chargé d'étudier le fonctionnement de l'instruction.

1.1. Depuis le 24 mars 1990, le collège des juges d'instruction comprend une section formée d'au moins 4 juges spécialisés à qui sont, en priorité, attribuées les affaires complexes de nature économique ou criminelle. Les juges de cette section sont déchargés de la permanence.

1.2. Le nombre des juges d'instruction a été porté de 12 à 16 (Mémorial du 26 janvier 1990, p. 443 et ss.).

1.3. La loi constitutionnelle du 3 mai 1991 est entrée en vigueur le 25 janvier 1992. Elle prévoit que les fonctions du Ministère public sont exercées par un procureur général, 2 procureurs et des substituts (Mémorial du 3 mai 1991, p. 1760 et du 28 novembre 1991, p. 5087 à 5092).

 Les postes de procureurs ont été créés pour permettre au procureur général de s'appuyer sur deux magistrats expérimentés et permanents, à même de traiter, sur la durée, des dossiers complexes, notamment de nature économique.

 Globalement, le nombre des magistrats du Parquet n'a en l'état pas varié. Cette juridiction se compose actuellement du procureur général, de 2 procureurs et de 5 substituts contre 7 précédemment.

2. Les modifications du code de procédure pénale

Sur le plan de la procédure pénale, diverses innovations ont été introduites afin de réorganiser les attributions de certaines juridictions et d'éviter les recours dilatoires dans les affaires complexes. Les principales modifications intervenues sont les suivantes:

2.1. Depuis le 8 décembre 1990, la Cour d'assises connaît des infractions au code pénal passibles de réclusion pouvant dépasser 5 ans à propos desquelles le procureur général entend requérir une peine supérieure à 5 ans de réclusion. Quant à la Cour correctionnelle, elle peut prononcer des peines jusqu'à 5 ans de réclusion, voire jusqu'à 7 ans et demi de réclusion, par exemple en cas de récidive (Mémorial du 12 octobre 1990, p. 4677 et ss.).

2.2. Le pourvoi en cassation contre les ordonnances de renvoi en assises ou en correctionnelle a été supprimé par la loi du 17 mai 1990 entrée en vigueur le 14 juillet 1990. Prévu à l'origine comme un contrôle supplémentaire, on s'est aperçu que ce pourvoi était interjeté surtout dans les affaires complexes dans le but de freiner le déroulement de la justice et d'atteindre si possible la prescription (Mémorial du 17 mai 1990, p. 1092 et ss.).

2.3. Un grand nombre de recours dirigés contre des actes d'instruction ne sont plus, depuis le 14 juillet 1990, recevables avant la communication des dossiers au procureur général (ibidem).

2.4. Enfin, les magistrats du Parquet et de l'instruction peuvent prononcer actuellement des ordonnances de condamnation jusqu'à 6 mois d'emprisonnement grâce à une loi du 30 avril 1993, entrée en vigueur le 26 juin 1993 (Mémorial 1993, p. 2447 et ss.).

 L'objectif principal de ces réformes, soit l'amélioration de l'efficacité des juridictions pénales, a été atteint. Reste en suspens le problème des appels des jugements du Tribunal de police, dont le nombre charge considérablement le rôle de la Chambre pénale de la Cour de justice.

3. La spécialisation de la police

A fin 1988, a été créé un «groupe argent sale» qui a finalement été intégré à la brigade financière.

Depuis quelques années, l'accent est mis sur l'aspect financier du trafic de drogue, du crime organisé et de leurs filières. Le groupe «argent sale» s'occupe essentiellement des problèmes de blanchissage d'argent.

La police dispose donc de spécialistes capables de mener des enquêtes - souvent de longue haleine - pour faire échec à la criminalité économique sous toutes ses formes.

Les instructions dans son domaine et les objectifs sont fixés par le procureur général au cours de séances de travail avec la police. La coordination entre magistrats et policiers est excellente et a permis d'obtenir des résultats appréciables dans le domaine considéré.

A titre d'exemple, depuis le début de 1993, un montant total avoisinant 2 millions de francs a pu être confisqué comme produit du crime organisé versé dans les caisses de l'Etat.

Le procureur général a tenu à préciser que des progrès pourraient être réalisés en matière de choix des candidats, d'aménagement du cursus judiciaire et de la rémunération des substituts du procureur général, actuellement discriminés sur ce plan par rapport aux autres magistrats.

Il est d'autre part conscient que pour des raisons budgétaires il est impossible d'obtenir des postes supplémentaires mais estime que des progrès sont cependant encore possibles en matière de rationalisation de l'activité des intervenants, notamment entre le parquet et les juges d'instruction.

M. Bertossa pense que le fonctionnement du Tribunal de police devrait être revu. On pourrait en faire un tribunal pénal pour tout ce qui n'est pas traité par le jury. Par ailleurs, il existe un réel problème pour les jurés dans les causes de nature économique car bien souvent ils n'ont pas la formation requise pour comprendre les problèmes complexes qui leur sont posés.

Pour conclure, une réflexion mériterait également d'être menée sur la possibilité de pouvoir disposer de collaborateurs non seulement pour les magistrats mais également pour la police car nombre de compétences requises ne sont pas toujours présentes chez les inspecteurs même spécialisés. Il faudrait prévoir des experts-comptables au sein de la police, au même titre qu'il existe des experts scientifiques.

Les commissaires ont pris acte des informations détaillées qui leur ont été fournies tant par le rapport du Conseil d'Etat que par le procureur général. Ils ont pu constater en outre que la réflexion en vue de l'amélioration du fonctionnement de nos juridictions est permanente. C'est en conséquence à l'unanimité que la commission judiciaire vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer le présent rapport sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

 

P 986-A
10. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition demandant le prolongement des lignes TPG dans le quartier Grange-Canal / Franck-Thomas. ( -) P986
Rapport de M. Olivier Lorenzini (DC), commission des pétitions

Le 7 février 1994, la commission des transports a auditionné les membres de l'Association des usagers des transports publics demandant le prolongement des lignes des Transports publics genevois dans le quartier Grange-Canal / Frank-Thomas.

Les pétitionnaires souhaitent que la ligne 11, qui s'arrête actuellement à la hauteur de la gare des Eaux-Vives, fasse une boucle passant par l'avenue Frank-Thomas pour revenir par l'avenue de Grange-Canal. La longueur de cette boucle est d'environ 2 km, et le coût occasionné par ce prolongement serait de 300 000 F.

Au niveau de la desserte, ce prolongement aurait, comme inconvénient, de n'être qu'un rabattement sur la ligne 12 qui, vu la faible longueur du parcours en bus, serait peu attrayant (environ 450 m).

De plus, la mise en service de ce prolongement n'est pas envisageable avant que les travaux de la route du Bout-du-Monde soient terminés et que le transbordement artificiel du Bout-du-Monde soit supprimé.

D'autre part, il est important de signaler que les Transports publics genevois ont un projet de pré-métro reliant Annemasse à Cornavin en utilisant l'infrastructure SNCF actuelle avec une station prévue au droit de la Gradelle qui assurerait une bonne desserte de quartier. Le prolongement en question doit aussi être compatible avec cette extension ferroviaire.

La demande des pétitionnaires est justifiée vu le développement de ce quartier, mais compte tenu du programme des transports publics et les travaux actuels sur la ligne 11 cette pétition ne peut être prise en considération.

Au vu de ce qui précède, la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, à l'unanimité moins 1 abstention, de déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.

ANNEXE

PÉTITION

Prolongement des lignes TPG

dans le quartier Grange-Canal / Frank-Thomas

Considérant:

la création des nouvelles lignes 11 et 14 jusqu'à la gare des Eaux-Vives;

l'expansion très rapide de la population dans le quartier de l'avenue Frank-Thomas et le chemin de Grange-Canal;

la nécessité d'améliorer très rapidement le réseau des TPG pour mieux répondre à la demande accrue des usagers et la recherche d'une diminution du trafic des voitures,

les personnes soussignées demandent aux autorités de la Ville de Genève, du canton et à la direction des Transports publics genevois de tout mettre en oeuvre pour que les lignes 11 et/ou 14 des TPG soient prolongées jusqu'à l'avenue Frank-Thomas et le chemin de Grange-Canal dès le mois de septembre 1993.

N.B.: 120 signatures

Association des usagers

des Transports publics

Case postal 122

1211 Genève 25

Débat

M. Olivier Lorenzini (PDC), rapporteur. Je voudrais apporter une correction au deuxième paragraphe de la page 2. A la place de : «la demande des motionnaires», il faut lire : «...des pétitionnaires». C'est tout !

M. Pierre Marti (PDC). Il s'agit d'un problème quotidien très terre à terre par rapport à tous les problèmes qui se posent ici dans l'enceinte du Grand Conseil, mais qui peut revêtir une certaine importance pour nombre de personnes âgées qui habitent le quartier de Frank-Thomas. Cela peut dénoter un changement d'attitude de l'ensemble de la population. M. Stucki nous disait dernièrement qu'il fallait changer le comportement des usagers vis-à-vis des transports publics et donner à ces derniers une dimension humaine : «Les TPG doivent créer une relation d'amitié avec les Genevois.». Cette façon de voir me semble très importante, mais, malheureusement, lorsque les usagers eux-mêmes essayent de s'exprimer, ils ne reçoivent qu'une réponse très négative.

Il est certain que les TPG doivent suivre au mieux leur budget, mais le but principal des TPG est bien de répondre aux besoins de transport de toute la population dans le cadre de ce budget. (M. Marti insiste sur le mot «toute».) Dans un budget d'exploitation - vous le savez tous - il n'y a pas que les charges, il y a aussi, et heureusement, les produits. Pour une entreprise qui se veut dynamique, il faut cerner les dépenses, certes, mais aussi, par une offre accrue et plus performante, répondre à la demande de la clientèle. Peut-on demander cette vision positive à la direction des TPG, au Conseil d'Etat et à la commission des transports qui donnent un avis négatif ? J'en doute quelque peu !

Malheureusement, tout semble figé après l'adoption du plan de circulation voté le 12 juin 1988. Diable ! Avons-nous encore un peu de vision d'avenir ou, plus simplement, pouvons-nous répondre à la demande d'un quartier en expansion ? Il suffirait de prolonger de 450 mètres la ligne 14 au lieu de voir le bus stationner de très longues minutes à la gare des Eaux-Vives pour satisfaire plusieurs centaines de pétitionnaires des quartiers de Frank-Thomas, Grange-Canal et St-Paul ! Ces quartiers sont en pleine expansion et près de quatre cents logements ont été construits ainsi qu'une école et des locaux sociaux ces deux dernières années. En outre, il y a le foyer St-Paul qui compte plus de cent personnes âgées, qui reçoivent elles-mêmes de très nombreuses visites d'autres personnes souvent âgées qui ne peuvent pas se déplacer à pied.

Pour vouloir réduire l'utilisation des véhicules privés, il faut s'en donner les moyens, suivre l'évolution urbaine et apporter des solutions adéquates. Je vous demande donc de ne pas classer cette pétition, mais de la renvoyer au Conseil d'Etat. Les Genevois veulent bien «rouler rusé», mais ils ne veulent pas être trompés !

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Monsieur le député, indiscutablement les TPG entendent bien chercher par tous les moyens à satisfaire aux exigences de l'offre de base. Effectivement, l'offre n'est pas remplie dans le quartier que vous signalez.

Néanmoins, j'attire votre attention sur le fait qu'en réalité il s'agit d'une question de priorités. Dans quel secteur les TPG doivent-ils porter leur effort principal ? C'est une question de choix, de politique et, bien évidemment, chaque secteur aura son tour en fonction, précisément, de l'échelonnement des priorités. Cela dit, la problématique nous est bien connue. Elle est d'ailleurs bien posée dans le rapport. Nous pouvons intervenir auprès des TPG pour leur signaler que ce Grand Conseil a débattu de ce problème. Dans l'immédiat, je n'en dirai pas plus, c'est une question de politique et de priorité des TPG. Ce sont bien les conclusions de la commission et c'est précisément ce que le rapporteur nous écrit dans sa proposition.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

 

Le président. Je salue à la tribune du public la présence d'une classe des Cours commerciaux de Genève, sous la conduite de Mme Desjacques-Carnegie. (Applaudissements.)

P 1022-A
11. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant le stationnement d'un véhicule sur le trottoir, à hauteur d'un arrêt de bus. ( -) P1022
Rapport de Mme Janine Berberat (L), commission des pétitions

Le 24 janvier 1994, M. Pierre Wenger adressait la pétition suivante au Grand Conseil, dont voici le texte:

PÉTITION

concernant le stationnement d'un véhicule sur un trottoiradressée à M. le président du Grand Conseil

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

Le 13 septembre 1993, j'ai adressé au département de justice et police et des transports du canton de Genève la lettre dont vous trouverez ci-après une copie concernant le stationnement presque permanent d'un véhicule sur le trottoir à la hauteur de l'arrêt du bus TPG «Charmilles», sens Vernier-centre ville, lignes nos 6/26.

Constatant que ma lettre est restée sans effet et que le département de justice et police et des transports n'a jugé ni utile ni correct de m'informer des raisons de la persistance de cette situation déjà portée à sa connaissance;

Me référant aux dispositions de la loi du 27 octobre 1979 sur l'exercice du droit de pétition, je porte la présente pétition à votre attention.

Aux observations déjà formulées dans ma lettre du 13 septembre 1993, je me permettrai d'ajouter quelques commentaires personnels sur cette situation qui perdure depuis plus d'un an sans que le département de justice et police et des transports ou les services qui lui sont subordonnés ne semblent disposés à intervenir.

Il sera évidemment permis de s'étonner qu'un problème aussi anodin en soi puisse conduire à vous adresser une pétition. Mais le traitement de ce dossier laisse apparaître des zones d'ombre qu'il serait souhaitable de dissiper.

Le privilège dont semble manifestement bénéficier le détenteur du véhicule incriminé, privilège qui est loin de passer inaperçu, suscite en effet de nombreuses interrogations. Non seulement de ma part, mais de nombreuses autres personnes connues, voire de locataires des immeubles 71-73, rue de Lyon en particulier.

Doit-on considérer que les dispositions LCR et OSR ne tiennent lieu de référence que lorsqu'elles émanent du département de justice et police et des transports ou des services qui lui sont subordonnés, mais que les citoyens et les contribuables, que ce soit au titre d'usagers des TPG, de piétons ou de détenteurs d'un véhicule à moteur, ne sauraient par contre s'en prévaloir à titre personnel?

Je suis d'avis que cette situation, probablement unique sur l'ensemble du réseau TPG, doit faire l'objet d'une clarification si l'on ne veut pas être amené à penser que le privilège dont jouit le détenteur de ce véhicule n'est pas lié à quelques menues attentions en nature.

Ce qui précède conduit à s'interroger sur un dysfonctionnement entre différents services du département de justice et police et des transports. En effet, les dispositifs de circulation et de stationnement élaborés par les services techniques de ce département, concrétisés par la signalisation adéquate et les marques au sol, relevant parfois de l'utopie, n'étant nullement assurés d'une surveillance effective, efficace et durable dans le temps par la gendarmerie, laissent de plus en plus cours à une libre interprétation qui ne peut conduire qu'à l'anarchie.

Fort de cette constatation, il serait dès lors souhaitable que l'aménagement de l'arrêt de bus «Charmilles» soit réétudié à la lumière de la situation de fait à cet endroit.

Comment, en effet, expliquer que le disque «Arrêt fixe» et le distributeur de billets ne soient pas déplacés à la hauteur de l'abri?

Pourquoi, dès lors que la gendarmerie n'est plus en mesure d'assurer la surveillance à cet endroit, ne pas procéder à la pose d'obstacles physiques hors des limites de l'arrêt de bus?

Ou alors, pour concrétiser la situation actuelle, pourquoi ne pas tracer sur le trottoir une case à l'intention du véhicule mis en cause!

Je suis par conséquent d'avis que le département de justice et police et des transports se doit de s'exprimer clairement sur les raisons de cette tolérance.

Je vous remercie vivement pour l'attention que vous voudrez bien prêter à l'examen de cette pétition.

Veuillez agréer, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'expression de ma parfaite considération.

N.B.: 1 signature

Pierre Wenger

Rue de Lyon 51

1203 Genève

La commission des pétitions, présidée par M. Bernard Lescaze le 31 janvier 1994, s'est penchée sur l'exposé des motifs et sur les commentaires de cette lettre-pétition.

Considérant que cette pétition relevait plutôt d'une affaire privée et que les Transports publics genevois et le département de justice et police avaient répondu au pétitionnaire d'une façon détaillée au printemps 1993, la commission, à l'unanimité des personnes présentes, a décidé de ne procéder à aucune audition.

Elle vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de conclure au classement de cette pétition.

Vote: 11 oui - 1 abstention.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (classement de la pétition) sont adoptées.

 

PL 6981-A
12. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (D 3 6). ( -)  PL6981
Mémorial 1993 : Projet, 3357. Commission, 3361.
Rapport de M. Michel Halpérin (L), commission fiscale

La commission fiscale, sous la présidence de M. Jean-Luc Ducret, s'est réunie pour examiner le projet de loi susmentionné le 4 février 1994.

La commission a conduit ses travaux avec l'assistance de M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, chef du département des finances, de M. Pietro Sansonetti, directeur des affaires fiscales, et de Mme Catherine Neuenschwander, sous-directrice du service de l'enregistrement.

Ce projet de loi déposé le 26 mai 1993 a pour objet la modification des articles 52, alinéa 3, et 57 de la loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969.

Il s'agit des dispositions qui régissent les «transferts de biens mobiliers» et «constitution de sociétés».

L'article 52 définit les actes soumis au droit de vente mobilier de 1% auquel s'ajoutent des centimes additionnels de 110%. Ce droit d'enregistrement de 2,6% au total frappe tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété, de la nue-propriété ou de l'usufruit de biens mobiliers, notamment les ventes, adjudications, apports et reprises de biens.

L'article 57 est une disposition particulière applicable aux apports et reprises de biens mobiliers par des sociétés. Le traitement en est différent selon la forme juridique de la société ou la nature du bien.

En pratique, pour éviter la charge fiscale qui s'ajoute à celle que les sociétés doivent de toute façon supporter lors de leur constitution ou de l'augmentation de leur capital (droit de timbre), l'habitude s'est prise, pour les sociétés genevoises, de passer par-devant des notaires vaudois les actes portant sur la reprise de biens mobiliers. Le canton de Vaud ne percevant pas ce droit d'enregistrement, tout mandataire genevois consciencieux ne peut que recommander à ses clients de faire le déplacement pour s'épargner une charge fiscale et, du même coup, remettre en question la compétitivité genevoise.

Face à cette situation de concurrence, l'administration fiscale genevoise en est réduite à ne pas taxer ce type de reprises de biens mobiliers.

Au point que, pour 1993, les recettes d'enregistrement se sont montées à environ 64 000 F.

Dès lors que les actes authentifiés dans un autre canton échappent totalement au contrôle de l'administration fiscale genevoise, le Conseil d'Etat préfère modifier les dispositions légales pour que l'application soit conforme.

Au cours de cette discussion, les commissaires ont pu s'assurer de ce que ce type d'impôt n'était pas l'objet d'une quelconque préoccupation d'harmonisation intercantonale.

Si le projet 6981 est, par ses effets économiques, très modeste, il comporte aussi une valeur symbolique: la volonté genevoise de prendre les mesures fiscales commandées par la compétition intercantonale.

L'administration fiscale genevoise désire, par exemple, soumettre prochainement à notre Grand Conseil un projet de loi relatif au droit d'enregistrement des sentences arbitrales.

Par 12 voix contre 3 (ADG), la commission fiscale a approuvé le PL 6981 et vous recommande par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projet de loi.

Premier débat

Mme Christine Sayegh (S). Si, sur le principe, il apparaît quelque peu surprenant en ces temps de récession économique de proposer la suppression d'une recette d'impôts, celle proposée aujourd'hui par le Conseil d'Etat pour modifier les articles 52, alinéa 3, et 57 de la loi sur les droits d'enregistrement n'est pas choquante pour autant.

En effet, cette modification supprime une concurrence fiscale avec le canton de Vaud qui, lui, ne taxe pas les reprises de biens mobiliers dans le cadre de la constitution de sociétés, ni l'augmentation du capital social, ce qui incite, en conséquence, l'enregistrement de ces opérations en terres vaudoises. Cela a d'ailleurs amené l'administration fiscale, depuis 1977 déjà, à ne plus percevoir cet impôt dans sa totalité, selon une instruction interne, et à réduire ainsi la taxe à 0,5% au lieu de 2,1%. Cette pratique confirme l'enregistrement non négligeable de sociétés hors de notre canton et il apparaît également que l'administration tend aujourd'hui à ne plus percevoir cette taxe afin que l'enregistrement d'actes authentiques se fasse à Genève.

Avec cette proposition, le Conseil d'Etat ne fait qu'adapter la loi à la pratique actuelle. Cette mesure est raisonnable puisque le moyen d'éluder la loi est aisé et on ne peut, en conséquence, conclure au fait que ce projet prétériterait les recettes de l'Etat. C'est pourquoi nous ne nous y opposerons pas.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue:

LOI

modifiant la loi sur les droits d'enregistrement

(D 3 6)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit:

Art. 52, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Toutefois, le transfert de biens mobiliers résultant d'une fusion ou de l'absorption de patrimoines n'est soumis à aucun droit.

Art. 57 (nouvelle teneur)

Apports et

reprises de

biens

mobiliers

1 Il n'est perçu aucun droit sur les apports de biens meubles ou mises de fonds des personnes qui fondent une société simple, en nom collectif ou en commandite.

2 Il en est de même lors de la constitution ou de l'augmentation de capital des autres sociétés.

3 Il n'est perçu aucun droit proportionnel pour les reprises de biens mobiliers dont il est fait état, soit dans l'acte de fondation d'une société anonyme ou d'une société à responsabilité limitée, soit dans leurs statuts ou dans toute autre pièce.

4 La libération d'actions ou de parts sociales en compensation de créance n'est soumise à aucun droit.

Art. 2

Entrée en

vigueur

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

 

PL 7065-A
13. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les modifications aux statuts de la Caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA). ( -) PL7065
 Mémorial 1994 : Développé, 41. Commission, 50.
Rapport de M. Daniel Ducommun (R), commission des finances

La commission des finances a examiné ce projet de loi dans sa séance du 16 février 1994, présidée par M. Nicolas Brunschwig. Elle a bénéficié de la présence de M. Olivier Vodoz, chef du département des finances, ainsi que de M. Patrick Pettmann, directeur auprès de l'office du personnel de l'Etat.

Travaux de la commission

On rappelle en préambule que notre Grand Conseil se prononce sur un article législatif approuvant les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA) telles qu'adoptées par les organes de décision de la caisse, mais n'intervient pas directement sur ces mêmes statuts.

Les modifications apportées aux statuts de la CIA concernent:

- l'introduction de la retraite partielle (art. 6, 34, 35, 36);

- les pensions minimales (art. 34 a);

- les règles relatives à la surassurance et à la subsidiarité (art. 53 et 54).

Introduction de la retraite partielle

Il s'agit pour la CIA d'aménager ce type de prestations tel que la CEH le prévoit, notamment depuis 1979, à savoir le versement d'une pension à ses membres entrant en pension partielle suite à la réduction volontaire de leur ancien taux d'activité.

Actuellement encore, le membre actif qui remplit les conditions d'âge et d'années d'assurances pour être mis au bénéfice d'une pension de retraite immédiate, doit choisir entre la poursuite de son emploi et l'entrée en retraite complète, ce qui n'est pas satisfaisant.

Ce manque de souplesse entraîne par ailleurs une situation perverse puisque certains membres peuvent être amenés à solliciter une rente d'invalidité, bénéficiant ainsi d'une pension partielle (non de retraite, mais d'invalidité).

Cette amélioration permet à la CIA de «vivre avec son temps» sans supporter des charges de prévoyance plus lourdes. On constate qu'effectivement l'introduction de la retraite partielle correspond à l'attente tant des assurés CIA que de l'employeur, vu que cette mesure permet:

- de favoriser l'entrée en retraite progressive, ce qui permet aux affiliés de ne pas devoir cesser abruptement leur carrière professionnelle;

- de libérer plus rapidement des postes à temps partiel, ce qui est, du point de vue de l'employeur et du marché du travail, particulièrement bénéfique.

Il y a donc conjonction d'intérêts de toutes les parties intéressées pour que la retraite partielle devienne rapidement applicable à la CIA.

Les pensions minimales

Ce point est plus marginal que les deux autres traités. Il permet d'effacer des situations aberrantes où il a fallu accorder une pension minimale de 2400 F par an à des personnes n'ayant cotisé qu'un seul mois lors d'un travail occasionnel. Il faudra dorénavant remplir deux conditions:

- la période d'affiliation doit avoir été d'au moins 60 mois consécutifs, au cours desquels un minimum de 30 prélèvements mensuels auront été effectués;

- le membre ou l'ayant droit ne doit pas être déjà au bénéfice d'une pension émanant d'une autre institution et dont le montant est supérieur à la pension minimale CIA.

Les règles relatives à la surassurance et à la subsidiarité

A l'appui de cette modification, il s'agit de s'adapter à la loi fédérale en la matière, respectivement à son ordonnance d'application (coordination avec l'assurance-accidents et l'assurance militaire). Les nouvelles dispositions feront obligation à la caisse de servir des prestations lorsque l'assurance-accidents ou militaire est mise à contribution pour le même cas, ce qui évitera toute pénalisation de l'assuré en attente d'une décision.

Deux articles des statuts de la CIA sont adaptés en conséquence. Le premier stipule que la caisse prend désormais également en compte le revenu provenant d'une activité lucrative lorsque le degré d'invalidité reconnu par la caisse atteint ou dépasse 75%. Toutefois, en pareil cas, la réduction des prestations ne sera opérée que si le revenu déterminant dépasse 100% et non 90%. Cet article est également complété par la notion de l'intervention prioritaire de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire.

Le second article exprime le principe que la caisse complète les prestations de l'assurance-accidents de l'assurance militaire et celles des autres assurances visées jusqu'à concurrence de la limite des 90% du salaire déterminant, les prestations statutaires constituant néanmoins un maximum absolu.

Débat et vote de la commission

Les modifications présentées ont été approuvées par le comité de gestion de la CIA, ainsi que par l'ensemble des délégués. Des questions d'ordre économique préoccupent la commission compte tenu de la situation financière de la CIA. Il est confirmé à ce sujet que les nouvelles dispositions n'engendrent aucune charge supplémentaires pour l'Etat, ceci à l'appui d'une évaluation actuarielle établie en conséquence.

En conclusion et tenant compte d'un amendement du Conseil d'Etat à l'article 2 portant l'entrée en vigueur au 1er janvier 1995 (au lieu du 1er juillet 1994), la commission des finances approuve à l'unanimité le projet de loi 7065 tel que présenté par le Conseil d'Etat et vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.

Premier débat

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue:

LOI

approuvant les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Les modifications aux statuts de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA), adoptées par l'assemblée des délégués, du 21 octobre 1993, conformément à la procédure prévue par l'article 84 des statuts, sont approuvées.

2 Les textes modifiés sont annexés à la présente loi.

Art. 2

La présente modification entre en vigueur le 1er janvier 1995.

 ANNEXE

Modifications aux statuts de la CIA.

Art. 6, al. 5 (nouveau, l'al. 4 devient l'al. 6,l'al. 5 ancien devient l'al. 4)

Groupes

5 Les membres entrés en retraite anticipée partielle selon article 34, alinéas 4 et 5, ou 38 alinéa 4 appartiennent au groupe F pour ce qui a trait à l'exercice des droits sociaux si leur taux d'activité restant est inférieur à 50% d'un plein temps. Ils restent rangés dans les groupes A à E pour la part d'activité qu'ils exercent comme membres actifs.

Art. 34, al. 4 à 8 (nouveaux)

Pension de

retraite

partielle

4 Avec l'accord de l'employeur, peut faire valoir un droit à une retraite anticipée partielle, le membre actif de la catégorie I, remplissant les conditions de l'alinéa 1.

5 La réduction du taux d'activité effectif exercé par le membre mis au bénéfice de la retraite partielle ne peut être inférieure à 25%.

6 Le montant de la pension de retraite partielle est calculé sur la diminution du traitement assuré déterminant et selon le taux des annexes VII ou XI.

7 La pension de retraite partielle court dès le mois qui suit celui où le membre a un traitement réduit en fonction de la diminution de son taux d'activité effectif.

8 Lors de l'entrée en retraite complète, la pension de retraite partielle se cumule avec la pension calculée lors de la cessation d'activité.

Art. 34 A, al. 1, 2 et 5 (nouvelle teneur)

Pensions

minimales

1 Pour les membres de la catégorie I, la pension minimale annuelle de retraite, à l'âge légal de la retraite et la pension minimale d'invalidité entière, sont fixées à 7200 F, valeur 1er janvier 1990, pour un taux d'activité de 100% et 10 ans de service auprès d'un ou plusieurs employeurs au sens de l'article 2 des statuts.

Ce montant est réduit proportionnellement si le taux moyen d'activité est inférieur à 100% ou si le nombre d'années d'affiliation jusqu'à l'âge terme statutaire d'entrée en retraite est inférieur à 10 ans. Il est toutefois au minimum de 2400 F par an.

2 Pour les membres de la catégorie II, la pension minimale de retraite à l'âge légal de retraite et la pension minimale annuelle d'invalidité entière, sont fixées à 7200 F, valeur 1er janvier 1990, pour 10 ans de service auprès d'un ou de plusieurs employeurs au sens de l'article 2 des statuts.

Ce montant est réduit proportionnellement si le nombre d'années d'affiliation jusqu'à l'âge terme statutaire d'entrée en retraite est inférieur à 10 ans. Il est toutefois au minimum de 2400 F par an.

Par ailleurs, les deux conditions suivantes doivent être remplies:

La période d'affiliation doit avoir été au moins 60 mois consécutifs au cours desquels un minimum de 30 prélèvements mensuels auront été effectués.

Le membre ou l'ayant droit ne doit pas être déjà au bénéfice d'une pension émanant d'une autre institution et dont le montant est supérieur à la pension minimale CIA.

5 N'ont toutefois pas droit aux pensions minimales, les membres qui ont pris volontairement une retraite anticipée partielle ou totale avant l'âge de la retraite, ainsi que leurs ayants droit.

Art. 35, al. 3 (nouveau, l'al. 3 ancien devient l'al. 4)

Pension

d'enfant de

retraité

3 En cas de retraite partielle au sens de l'article 34, la pension d'enfant de retraité se calcule sur la réduction du traitement assuré déterminant et selon les dispositions des articles 49 et 50. Elle est recalculée lors de l'entrée en retraite complète du membre actif.

Art. 36, al. 2 (nouveau, les al. 2, 3, 4 anciens deviennentles al. 3, 4, 5)

AVS escomptée

2 En cas d'entrée en retraite partielle les dispositions prévues à l'alinéa 1 s'appliquent par analogie et proportionnellement à la réduction de la déduction de coordination correspondant à la diminution du taux d'activité effectif.

Art. 53, al. 3 et 4 (nouvelle teneur)

Revenus à

prendre en

compte

3 Sont considérés comme revenus à prendre en compte, les rentes ou les prestations en capital prises à leur valeur de rentes provenant d'assurances sociales ou d'institutions de prévoyance suisses et étrangères, à l'exception des allocations pour impotents, des indemnités pour atteinte à l'intégrité et de toutes autres prestations semblables.

Le revenu provenant d'une activité lucrative exercée par un membre invalide au bénéfice d'une pension d'invalidité à 100% est aussi pris en compte. Toutefois, en dérogation aux règles de l'alinéa 2, la réduction des prestations n'intervient alors que si les revenus à prendre en compte dépassent les 100% du salaire déterminant de l'invalide.

La rente pour couple de l'AVS/AI n'est comptée que pour deux tiers. Les revenus de la veuve et des orphelins sont comptés ensemble, dans leur totalité.

Exception

4 Toutefois, lorsque l'événement assuré implique prioritairement le versement de prestations par l'assurance-accidents ou l'assurance militaire, ce sont les dispositions de l'article 54 qui s'appliquent.

Art. 54 (nouvelle teneur)

Subsidiarité

La caisse complète, s'il y a lieu, les prestations allouées par l'assurance-accidents ou l'assurance militaire fédérale ainsi que celles versées par les assurances sociales visées à l'article 53, alinéa 3, jusqu'à la limite prévue à l'article 53, alinéa 2, les prestations statutaires constituent néanmoins un maximum absolu.

M 896
14. Proposition de motion de MM. Pierre Kunz, Thomas Büchi et Bernard Lescaze concernant l'ouverture prolongée des administrations publiques dans le canton. ( )M896

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'introduction prochaine, une fois par semaine, d'une ouverture prolongée jusqu'à 20 h. des commerces genevois;

- la nécessité de redonner vie et activité au centre et à d'autres quartiers de la ville;

- les difficultés d'une part croissante de la population de se libérer pendant les heures actuelles d'ouverture des administrations publiques,

invite le Conseil d'Etat

- à étudier l'ouverture prolongée jusqu'à 20 h., un jour par semaine, des guichets de certaines administrations publiques cantonales (service des autos, administration fiscale, office cantonal de la population, office du logement, service des passeports, service des contraventions, éducation continue des adultes, service des objets trouvés, etc.) parallèlement aux commerces;

- à étudier avec les PTT l'introduction d'une ouverture prolongée identique;

- à présenter ses conclusions au Grand Conseil.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il faut bien convenir que les nouvelles données économiques et sociales imposent une flexibilité étendue à tous ceux qui vendent des prestations et des produits ou qui rendent des services à la population de ce canton.

Les milieux syndicaux et patronaux l'ont bien compris, qui ont mis sous toit un accord relatif à l'ouverture prolongée, une fois par semaine, des commerce genevois. Le Grand Conseil aura d'ailleurs à se prononcer à ce sujet. Si des impératifs de concurrence transfrontalière et vaudoise constituent la justification apparente de cette démarche, il convient de mettre en évidence la cause profonde de celle-ci. Manifestement le besoin est social: pour des motifs multiples, ce sont les Genevois qui réclament cette ouverture prolongée. Des personnes de plus en plus nombreuses, en effet, éprouvent des difficultés à se libérer pour effectuer leurs achats pendant la journée.

Ce qui est vrai pour les prestations commerciales vaut également pour les services publics. D'où la proposition des motionnaires d'étendre à certains services de l'administration cantonale l'accès à leurs guichets le soir choisi par les commerçants pour leur ouverture prolongée.

S'agissant de l'aspect financier de cette ouverture prolongée des administrations cantonales, il va de soi qu'elle doit être organisée de manière à n'occasionner aucune dépense supplémentaire pour les départements concernés. On y parviendra en aménageant des horaires décalés pour les collaborateurs de l'Etat qui se chargeront de ces tâches.

On notera encore que la proposition des motionnaires s'inscrit parfaitement dans l'objectif que poursuivent aussi bien les milieux touristiques et économiques que la population dans son ensemble, à savoir réanimer, revitaliser le centre ville.

En vertu de ce qui précède, nous vous remercions par avance, Mesdames et Messieurs les députés, de donner une suite positive à cette proposition de motion.

Débat

M. Bernard Clerc (AdG). Malgré les apparences, cette proposition de motion n'est pas en avance sur son temps. En revanche, elle est en avance sur la réalité, puisqu'elle considère comme acquise l'introduction prochaine de l'ouverture prolongée des commerces jusqu'à 20 h. La proposition qui nous est faite peut paraître bien anodine, mais elle s'inscrit parfaitement dans l'esprit du temps, qui consiste à faire fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, les moyens de production et les services et de soumettre à cette contrainte les hommes et les femmes qui y travaillent. Cela pose une question centrale : l'économie doit-elle être au service de l'homme ou ce dernier doit-il être entièrement dévoué à l'économie ?

Dans ce cadre, les motionnaires se font les chantres de la flexibilité conçue comme un impératif incontournable, imposé par on ne sait quelle force obscure ! A ce niveau, ils sont dans le vent et participent au récit des quatre litanies récitées quotidiennement par les grands prêtres et prêtresses du libéralisme : flexibilité, dérégulation, libéralisation et privatisation !

La motion part d'un a priori selon lequel la population rencontrerait des difficultés croissantes à se libérer pour effectuer ses achats ou pour accéder aux services publics. Sur quelle évaluation sérieuse est fondée une telle affirmation ? Nous n'en savons rien ! Mais comme les motionnaires ne sont pas tout à fait sûrs de leur prémisse, ils ajoutent immédiatement qu'il y a également nécessité de redonner vie et activité au centre-ville.

Ah, Mesdames et Messieurs les députés, quelle charmante animation que de permettre à chacune et à chacun de se rendre le soir au service des contraventions régler sa dernière amende pour stationnement interdit ! (Des quolibets fusent.) Qu'il sera agréable, en lieu et place d'une séance de cinéma, de rendre visite aux fonctionnaires de l'administration fiscale ! Quelle joie ineffable d'aller au service des automobiles - qui n'aura pas été privatisé - pour rendre ses plaques plutôt que de les envoyer par la poste ! Je trouve d'ailleurs qu'en matière d'animation les motionnaires font de la ségrégation. Pourquoi ne mentionnent-ils pas le service de la taxe militaire dans la liste des administrations qui devraient rester ouvertes le soir ? Mon ami Luc Gilly se sent certainement frustré, lui qui, par ailleurs, refuse de payer sa taxe militaire parce que les heures de ce service ne coïncident pas avec ses horaires de militant du groupe «Pour une Suisse sans armée» ! (Rires.)

Enfin, je trouve que les auteurs de la motion ne vont pas assez loin sur les horaires d'ouverture. En effet, que feront les vendeuses qui devraient, elles aussi, travailler jusqu'à 20 h ? Elles se retrouveront devant un guichet fermé ! C'est pourquoi il conviendrait d'étendre cette ouverture au moins jusqu'à 22 h, ce qui prolongerait d'autant la grande animation du centre-ville ! (Murmures et réflexions.)

Pour revenir sur un terrain un peu plus sérieux, cette motion a un mérite et un seul ! C'est de démontrer que les travailleurs du privé et ceux du public ont un intérêt commun, celui de lutter contre les diverses formes de flexibilité qui leur sont imposées. Vous ne vous étonnerez donc pas que nous nous opposions à cette motion !

M. Bernard Lescaze (R). La présentation qui vient d'être faite de cette motion est évidemment caricaturale. Toutefois, une ou deux phrases méritent d'être retenues.

Le préopinant vient de reconnaître que cette motion était «anodine». En effet, que demande-t-elle ? Elle demande au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité d'ouvrir un soir par semaine certaines administrations publiques dont il dressera lui-même la liste, dont il examinera lui-même dans quelle mesure elles répondent véritablement à un besoin, contrairement à ce que l'on peut penser. En effet, certaines personnes ont des horaires de travail suffisamment astreignants pour ne pas pouvoir se rendre dans certains services de l'administration cantonale. Il ne s'agit pas d'envisager un vaste débat sur la dérégulation des administrations publiques. Il ne s'agit pas non plus, comme le prétend M. Clerc, d'une proposition qui s'inscrirait simplement dans l'air du temps et qui voudrait que tout fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D'ailleurs, je ne crois pas que M. Clerc serait favorable à ce que les hôpitaux ne fonctionnent que huit heures par jour !

Soyons donc sérieux et sachons distinguer l'essentiel de l'accessoire. Nous demandons seulement une étude. Nous pourrions admettre de modifier les heures d'ouverture et d'inviter le Conseil d'Etat à étudier l'opportunité d'une ouverture prolongée un soir par semaine. Mais il est clair qu'il serait judicieux, par exemple pour des familles monoparentales, que certains bureaux soient ouverts un soir par semaine jusqu'à 20 h. Cela correspond à un besoin et même à une préoccupation sociale. D'ailleurs, si j'ai cité le cas des hôpitaux qui fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, d'autres services de l'administration cantonale, pour ne pas parler d'administrations municipales, fonctionnent en dehors des horaires traditionnels.

Par exemple, les archives d'Etat de cette République sont ouvertes le samedi toute la journée, six mois par an. Cela n'a pas posé de problème d'aménagement d'horaires. Bien entendu, il ne s'agit aucunement d'augmenter l'horaire de travail des fonctionnaires, mais d'obtenir des aménagements en souplesse. Nous ne doutons pas que certains fonctionnaires seraient très heureux de pouvoir bénéficier de cette flexibilité. Il faut en prendre conscience. D'ailleurs, le collège du soir, par exemple, donne précisément des cours le soir et les enseignants qui y travaillent sont souvent extrêmement heureux de pouvoir donner ces cours à des adultes le soir et de pouvoir bénéficier de moments de liberté à d'autres moments de la semaine.

C'est pourquoi je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Andreas Saurer (Ve). Les écologistes partagent tout à fait la préoccupation des motionnaires concernant la vie au centre de la ville. Nous nous demandons cependant si le fait d'aller au service des automobiles à la route de Veyrier à Carouge permet réellement d'animer le centre de la ville. Nous nous demandons également si le fait de se rendre à l'administration fiscale ou au service des contraventions pourrait être perçu comme un acte de convivialité qui permettrait d'animer...

Une voix. Sûrement, avec la tête que tu as !

M. Andreas Saurer. Peut-être que les motionnaires, qui s'y rendent et bénéficieraient sans aucun doute d'un abattement fiscal, ressortiraient la joie au coeur, mais, pour le commun des mortels, il me semble que ce n'est pas une sortie très agréable. J'ai l'impression que votre intérêt pour redonner vie au centre de la ville, après l'avoir vidé en construisant des banques et autres centres commerciaux...

Une voix. Des cabinets de médecin !

M. Andreas Saurer. Des médecins qui ne travaillent pas pendant la nuit !

Une voix. On peut crever la nuit !

M. Andreas Saurer. Mais non ! Vous êtes soignés grâce aux bons soins des médecins et du secteur public de la médecine !

Cela me fait penser au coupable qui revient sur le lieu du crime pour camoufler les indices de sa forfaiture ! (Manifestation de réprobation des bancs de droite et exclamations.) Vous êtes malheureux, vous avez mauvaise conscience - éducation calviniste oblige - alors vous essayez de corriger vos erreurs ! Je dis cela par rapport à votre désir de redonner vie au centre de la ville. C'est une idée que nous partageons, mais nous avons quelques doutes concernant les moyens que vous préconisez !

Plus sérieusement, vous parlez de «flexibilité étendue». Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que vous sous-entendez une déréglementation sauvage comme celle que nous avons connue aux Etats-Unis avec Reagan et en Grande-Bretagne avec Thatcher. Cette déréglementation s'est faite systématiquement au détriment, d'une part, des usagers et, d'autre part, des salariés.

Nous avons l'impression que la conception de la politique des motionnaires est une conception quelque peu «dinosaurienne» ! On reste dans le même concept qu'il y a vingt ou trente ans : plus ou moins d'Etat. C'est pour cette raison que les écologistes font des propositions pour changer l'Etat et son fonctionnement. Avec votre proposition, vous ne sortez justement pas de cette conception très linéaire de l'Etat.

Cela dit, nous sommes pour une restructuration de l'Etat, nous l'avons dit à maintes reprises. En revanche, nous ne pouvons pas affirmer, en tout cas pour le moment, qu'il existe un réel besoin au niveau de la population concernant l'ouverture prolongée de certains services de l'Etat. Dans ce sens, nous ne sommes pas opposés à une réflexion sur ce sujet. Nous proposons donc de renvoyer cette motion dans une commission pour la préciser afin qu'elle corresponde mieux aux besoins de la population. Dans ce but, il serait judicieux d'auditionner les salariés qui ont leur mot à dire dans le cadre d'une politique de concertation.

Nous souhaitons donc que cette motion soit renvoyée en commission.

M. Roger Beer (R). Cette motion n'est en fait pas aussi anodine qu'elle en a l'air, à entendre les déclarations et les envolées enflammées de certains collègues ! Malgré les sarcasmes, je pense qu'elle mérite d'être étudiée. J'ai déposé hier un amendement qui, visiblement, n'a pas été distribué.

Le président. Cette manie de distribuer les amendements est dans votre tête, Monsieur le député !

M. Roger Beer. Ah, bon très bien ! Je pensais que les gens n'avaient pas pu les lire.

Nous comprenons que l'ambiance soit chaude pour discuter des horaires d'ouverture des commerces et des nocturnes. Il ne faut pas mélanger tous les problèmes. Le Conseil d'Etat pourrait, à notre avis, au cours de ses nombreuses discussions, étudier l'opportunité et la faisabilité de cette proposition. Je pense donc qu'il conviendrait d'accepter de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour autant qu'il soit d'accord sur le principe. C'est dans cette idée que je vous propose mon amendement aux fins d'atténuer quelque peu le côté contraignant pour le Conseil d'Etat et pour qu'il puisse étudier en toute sérénité l'opportunité de retarder les horaires de certains services une fois par semaine.

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Notre groupe a donné sa position par l'intermédiaire de notre collègue Bernard Clerc. Mais, ayant lu attentivement cette proposition, j'attendais un certain nombre de précisions de la part des motionnaires. Alors, connaissant mon éminent collègue, M. Bernard Lescaze, que je côtoie dans le cadre du parlement municipal - lequel prône toujours les économies - j'aimerais qu'il nous précise, s'agissant de l'aspect financier de cette ouverture prolongée des administrations cantonales, comment il voit la chose pour que, justement, la mise en place d'un tel changement n'occasionne aucune dépense supplémentaire.

(M. Jean-Pierre Lyon est interrompu par M. Jean Montessuit.) Monsieur Montessuit, si vous voulez dire quelque chose, vous levez la main et vous demandez la parole ! S'il vous plaît ! Je n'ai pas besoin de vos leçons !

J'aimerais donc que notre éminent collègue, M. Bernard Lescaze, membre de la commission des finances de la Ville, nous dise comment il pense faire des économies. J'ai été surpris dans cette affaire de ne pas avoir entendu de précisions de la part des motionnaires au sujet de la déclaration de M. Peter Tschopp, membre éminent du parti radical, laquelle disait en gros que le personnel du bureau des automobiles était un «sac de fainéants» ! Je me suis donc demandé s'ils voulaient faire travailler les fonctionnaires. Je suis surpris de ne rien entendre à propos de ces fonctionnaires que vous accusez d'être des fainéants - vous l'avez dit au sein de votre parti, dans les journaux et partout - et de la manière dont on pourrait les faire travailler ! Alors expliquez-vous, Monsieur Lescaze !

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). S'il est intéressant de poser le principe des horaires variables dans les administrations publiques, pour peu que les conventions de travail et que les conditions de travail soient respectées, vouloir étendre la plage des horaires de travail pour les motifs qui nous sont présentés relève ici du surréalisme et non de la flexibilité ! Ainsi les guichets de l'administration publique pourraient rester ouverts jusqu'à 20 h un soir par semaine pour s'aligner sur les commerces, redonner vie au centre-ville et faciliter l'accès à des prestations pour une part croissante - dit-on - de la population, cela sans augmentation de postes. L'ouverture des commerces jusqu'à 20 h a un but : vendre plus en incitant les clients à consommer davantage. Ce n'est pas un besoin social, Monsieur Dupraz, c'est une exigence économique !

Nous ne pouvons pas faire de parallèle entre les buts assignés à l'activité économique et ceux de l'Etat, à moins que soit décrétée obligatoire l'obtention du passeport ou que nous éprouvions une envie irrépressible de faire contrôler nos véhicules automobiles, pour ne prendre que ces deux exemples. L'Etat n'est pas une braderie, même si nous traversons une période de soldes en matière d'effectifs et de salaires ! (Rires.)

Tout le monde est d'accord pour dire que le centre-ville mérite une meilleure animation. Est-il bien judicieux pour autant de demander à l'administration publique de réparer les dégâts qui ont été causés par l'implantation massive de banques et de bureaux dans ces zones ? Les motionnaires le pensent, mais ils restent assez secrets sur les moyens à employer.

Alors, nous avons essayé d'imaginer ce qu'ils pourraient prévoir. Eh bien, par exemple, les fonctionnaires de l'hôtel des finances pourraient tenir échoppe au Palladium pour ranimer l'établissement et pour dynamiser son fonctionnement par un tango chaloupé ! (Rires.) L'administration des travaux publics pourrait organiser des concours de canoë sur l'Arve avec l'intention d'intéresser la jeunesse au sport, ce qui ferait plaisir au président Segond, et surtout de faire passer l'idée, en ramant à contre-courant, que la traversée de la rade est pour demain ! (Rires redoublés.) Les fonctionnaires du service des objets trouvés, eux, aimeraient certainement animer des jeux de piste dans les rues de Genève ! Cette activité aurait l'avantage de faire collaborer ce service avec celui des contraventions publiques, puisque les personnes qui trouveraient le plus d'objets pourraient faire «sauter» leur P.-V. et les employés des deux services goûteraient ainsi aux plaisirs de la pluridisciplinarité ! Enfin, le département de la santé - qu'il ne faut pas oublier - pourrait mieux faire passer son changement d'appellation en organisant le soir une distribution de repas avec la mention «bonne fourchette» !

Mais nous trouvons qu'il serait profondément injuste de solliciter uniquement l'administration publique pour animer le centre-ville. Les banquiers privés, par exemple, pourraient organiser des thés dansants dans leurs locaux lors de la vente de billets pour les spectacles du Grand Théâtre et la Banque cantonale de Genève pourrait se voir confier l'animation des Halles de l'Ile ! (Gloussements.)

Cette motion a tout de même un aspect positif ! Les motionnaires admettent qu'il est difficile pour une part croissante de la population active professionnellement de se libérer pendant les heures d'ouverture de l'administration publique. Cette heureuse prise de conscience annonce certainement un changement d'attitude des employeurs du privé lors de l'établissement des conventions collectives de travail. Y figurera d'office la clause dégageant le temps nécessaire à leurs employés pour se rendre aux guichets de l'administration publique !

Cette motion - vous l'avez compris - nous la rejetons ! (Bravos et applaudissements.)

M. Bernard Lescaze (R). Un article de notre Grand Conseil - je ne sais d'ailleurs plus lequel - demande que les interventions ne soient pas lues. Cela devrait normalement épargner à notre parlement d'entendre la lecture d'interventions...

M. Jean-Pierre Lyon. Il est pire qu'Edipresse, celui-là ! (Rires.)

Le président. Laissez parler l'intervenant !

M. Bernard Lescaze. ...d'interventions préparées à l'avance qui peuvent avoir un petit relent comique, mais qui ne correspondent même pas à ce qui a été présenté devant vous. L'intervention qui vient d'être faite...

Une voix. Elle était très bien !

M. Bernard Lescaze. ...a pour conséquence que si l'on suit l'intervenante jusqu'au bout, on devrait admettre la suppression des cours du soir, que la police ne travaille qu'entre 8 h et 17 h, que les hôpitaux ne fonctionnent que le jour, et j'en passe. (Les commentaires vont bon train. Le président frappe sur la cloche pour rappeler les députés à l'ordre.) La hargne que vous êtes en train de dévoiler montre bien que cette proposition de motion touche au fond à quelque chose d'essentiel, parce qu'il est clair - et la gauche le sait très bien - que nombre de services de l'Etat, comme les administrations communales, fonctionnent à d'autres heures que les heures habituelles.

Alors, pourquoi ne pas accepter que certaines administrations de l'Etat, qui sont au contact de la population, rallongent les heures d'ouverture de leurs guichets une fois par semaine ! C'est bien la preuve que l'on ne considère pas, sur certains bancs, que l'administration est au service de la population - les fonctionnaires eux-mêmes le reconnaissent - et que l'on veut défendre certains privilèges d'une manière totalement abusive. Je reconnais que je n'en comprends pas véritablement le pourquoi.

On nous oppose des présupposés idéologiques sur le centre-ville. Nous ne sommes nullement responsables de la transformation du tissu social de celui-ci. (Manifestation de réprobation de la gauche.) D'ailleurs, dans toutes les villes occidentales, le tissu social s'est modifié de cette manière. C'est le reflet de la pensée moderne. Si mes contradicteurs étaient mieux informés, ils se rendraient compte, précisément, que beaucoup de pays modifient les horaires de l'administration publique pour aller à la rencontre du citoyen. En conséquence, ce sont eux les ultra-conservateurs sur ce point !

Je demande donc que cette motion soit renvoyée en commission pour étude.

Le président. En ce qui concerne la lecture des interventions préparées, Monsieur le député, le règlement ne prévoit aucune restriction, contrairement au Municipal.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Décidément, au cours de cette session tout est passion !

A vrai dire, le Conseil d'Etat et l'administration s'efforcent, depuis plusieurs années déjà, d'adapter les heures d'ouverture de son administration aux besoins de la population. C'est aussi en partie ce que l'on peut appeler la qualité des prestations dont certains se font les champions de leur défense. Il n'y a pas si longtemps encore - vous vous en souviendrez peut-être - l'administration était fermée entre midi et 14 h. Bon nombre de services - je mets de côté ceux qui sont ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, bien entendu - se sont adaptés, ce qui était juste et nécessaire. Et pourtant à l'époque que de discussions pour marquer cette ouverture qui, il est vrai, a été rendue possible grâce à l'horaire flexible.

C'est dans ce cadre que, simultanément aux efforts de l'administration pour s'adapter aux besoins de la population - car l'Etat ne saurait y échapper lorsque c'est nécessaire - nous avons développé parallèlement toute une série de programmes pour permettre à nos collaboratrices et collaborateurs, en tout cas dans les services qui le peuvent, d'adopter pour eux-mêmes des horaires extrêmement flexibles. Vous savez que nous prolongeons les tests dans une série de services de l'administration et la première analyse effectuée montre le succès rencontré par ces horaires. Cela permet à nos collaboratrices et collaborateurs de se rendre en ville pour d'autres prestations non servies par l'Etat pendant les heures d'ouverture. C'est la raison pour laquelle il faut prendre en compte l'évolution des horaires de notre administration, les disponibilités des employés qui y travaillent et les besoins de la population.

Le Conseil d'Etat accepte, par conséquent, d'étudier cette motion dont il discutera les termes avec les organisations représentatives du personnel et nous ferons un rapport en temps utile sur cette question, notamment sur les services dont les horaires seraient susceptibles d'être modifiés. Je rappelle que bon nombre des services de l'Etat ferment déjà aujourd'hui à 16 h 30 ou 17 h et des études sont en cours pour modifier ces horaires afin de mieux répondre aux besoins de la population.

Mise aux voix, la proposition de renvoi de cette motion en commission est rejetée.

Le président. Nous sommes en présence d'un amendement présenté par M. Roger Beer consistant à modifier les invites de la façon suivante :

Invite le Conseil d'Etat

- à étudier l'opportunité et la faisabilité de l'ouverture prolongée jusqu'à 20 h, un jour par semaine, des guichets de certaines administrations publiques cantonales (service des autos, administration fiscale, office cantonal de la population, office du logement, service des passeports, service des contraventions, éducation continue des adultes, service des objets trouvés, etc.) parallèlement aux commerces;

- à étudier avec les PTT l'opportunité et la faisabilité de l'introduction d'une ouverture prolongée identique;

- à présenter ses conclusions au Grand Conseil.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mise aux voix, la motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue:

MOTION

concernant l'ouverture prolongée des administrations publiquesdans le canton

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'introduction prochaine, une fois par semaine, d'une ouverture prolongée jusqu'à 20 h. des commerces genevois;

- la nécessité de redonner vie et activité au centre et à d'autres quartiers de la ville;

- les difficultés d'une part croissante de la population de se libérer pendant les heures actuelles d'ouverture des administrations publiques,

invite le Conseil d'Etat

- à étudier l'opportunité et la faisabilité de l'ouverture prolongée jusqu'à 20 h., un jour par semaine, des guichets de certaines administrations publiques cantonales (service des autos, administration fiscale, office cantonal de la population, office du logement, service des passeports, service des contraventions, éducation continue des adultes, service des objets trouvés, etc.) parallèlement aux commerces;

- à étudier avec les PTT l'opportunité et la faisabilité de l'introduction d'une ouverture prolongée identique;

- à présenter ses conclusions au Grand Conseil. 

M 897
15. Proposition de motion de Mmes et MM. Dominique Belli, Bénédict Fontanet, Armand Lombard, Claude Blanc, Pierre Kunz, Alain-Dominique Mauris, Nicolas Brunschwig, Yvonne Humbert et Micheline Spoerri concernant le placement des chômeurs par des bureaux de recrutement privés. ( )M897

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le nombre important de chômeurs que connaît notre canton implique d'utiliser de nouvelles procédures afin de maximiser les chances de placement des personnes sans emploi.

Il est certain que les bureaux de recrutement ont des relations permanentes avec les entreprises implantées dans notre canton. Ils sont dès lors plus à même de proposer à ces dernières des candidatures de chômeurs correspondant aux profils recherchés par l'économie genevoise.

Parmi les quelque 16 000 chômeurs que connaît notre canton, il est évident que beaucoup parmi eux ont les caractéristiques qui leur permettraient d'être engagés par des entreprises genevoises si elles connaissaient leur existence.

Certes, un petit pourcentage des chômeurs nécessite une approche spécifique, tout particulièrement grâce à un encadrement psychologique que le secteur public est, sans doute, plus à même d'offrir.

Cependant, nous sommes convaincus que nombre de chômeurs ne se sont pas présentés dans des bureaux de recrutement, parallèlement à leur démarche auprès de l'office cantonal de placement, soit par ignorance de cette possibilité, soit peut-être par crainte. Une collaboration active entre l'office cantonal de l'emploi et les bureaux de recrutement permettrait de vaincre ces obstacles.

De plus, il nous apparaît qu'une approche de placement par le secteur privé met le chômeur dans un contexte et une dynamique qui tendent à le rapprocher du marché de l'emploi.

Enfin, cette formule permettrait sans doute de décharger les placeurs du service public, afin que ceux-ci puissent offrir plus de leur temps aux chômeurs qui, comme déjà dit, nécessitent une approche particulière.

Le Conseil d'Etat doit donc encourager cette collaboration avec les bureaux de recrutement privés. Bien évidemment, cela doit se faire dans le cadre d'une acceptation par les bureaux de recrutement d'une charte à négocier, mais garantissant les conditions adéquates aux chômeurs.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous proposons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Claire Chalut (AdG). Avant d'entrer dans le vif du sujet de cette motion, il est peut-être utile de rappeler brièvement la somme de travail fournie par les services chargés du chômage : office cantonal de l'emploi, service de l'orientation professionnelle, centre de bilan, etc. Cet aspect des choses m'a permis de constater d'emblée un point commun entre ces différents secteurs : l'ampleur du travail au détriment parfois de la qualité ! En effet, si on a pu constater des lacunes dans leurs tâches, ce n'est pas par incompétence, mais bien pour raison de surcharge de travail. Tous ces services sont «dépassés» par l'ampleur du phénomène du chômage et, chose nouvelle, ils ont dû rapidement s'adapter face à une clientèle nouvelle aux besoins très différents. L'OCE, y compris ses agences, emploie, selon les indications fournies, septante-cinq personnes chargées du placement des chômeurs.

Il y en a à trois niveaux :

- l'accueil, pour l'identification de la personne et la prise en charge;

- le recyclage, pour savoir dans quel secteur orienter la personne et connaître les cours possibles;

- le placement proprement dit.

Environ un tiers des chômeurs passent par le stade du recyclage. A ce jour, pour l'accueil et l'orientation des personnes, il manque une trentaine de postes, l'objectif étant d'atteindre le chiffre idéal de cent cinquante personnes. En effet, des projets de décentralisation sont en cours dans certains quartiers : Jonction, Acacias, Charmilles. Les frais de ce personnel supplémentaire - puisque tel est le souhait de la Confédération - sera couvert par l'OFIAMT.

Aujourd'hui, effectivement, près de deux cents dossiers par personne doivent être traités dans les meilleurs délais, en plus du travail déjà cité. (Chahut, conversations éparses.) La complexité de certains est loin d'être l'exception. Sur les seize mille quatre cents chômeurs - situation à fin février, selon les statistiques cantonales - tous ne passent pas par le circuit des personnes chargées du recyclage. Il n'en reste pas moins qu'un grand nombre se dirige directement vers le service de l'orientation professionnelle. L'objectif est de mettre les gens sur le marché du travail le plus rapidement possible, ce qui exclut, évidemment, une formation ou un recyclage d'une certaine durée. Par ailleurs, il n'est pas possible pendant la période du chômage d'entreprendre une reconversion professionnelle, comme par exemple de refaire un apprentissage dans un autre secteur.

Le service de l'orientation professionnelle a reçu en consultation, en 1993, cinq mille sept cent quarante-cinq personnes, tous âges confondus, dont environ un millier de chômeurs ou de personnes sans travail, soit en fin de droit, soit en fin d'occupation temporaire, des frontaliers, etc. Cela représente une augmentation de sept cents personnes par rapport à 1992. Ce public ayant en général une bonne formation - niveau CFC en tout cas - se sent parfois très démobilisé. Après avoir réalisé le parcours du combattant il perd confiance en ses capacités professionnelles. Les analyses sur les difficultés d'insertion deviennent toujours plus complexes. Tout ce travail s'accomplit alors que le service de d'orientation professionnelle est passé de vingt-neuf à vingt-six postes de travail. Et rien ne nous dit aujourd'hui que la demande ne va pas progresser !

Le descriptif ci-dessus, très schématique, bien entendu, n'est peut-être pas bien passionnant à entendre avec le bruit qu'il y a dans cette salle. Mais il démontre que la création du bureau de recrutement privé, tel que demandé dans la motion, est à mon sens un projet inacceptable. Pourquoi ?

Par quels moyens ou sur le dos de qui ces bureaux trouveront-ils leur financement ? Il ne faut pas se le cacher, ces bureaux voudront rentabiliser leur travail. Verra-t-on soudainement la création d'une kyrielle de petits bureaux se livrant une concurrence effrénée ? Ce serait un véritable veau d'or offert à certains qui auraient bien tort de se gêner pour en profiter ! N'est-ce pas ? L'office cantonal de l'emploi est tenu à la confidentialité des dossiers. Comment ces bureaux de placement pourront-ils garantir la sphère privée de ces personnes ? Les officines de recrutement - appréciez le terme qui est bien militaire ! - envisagent-elles d'effectuer tout le travail d'évaluation, de conseisl, d'orientation, toutes tâches effectuées actuellement par l'Etat ? Je ne le pense pas, tout simplement parce qu'elles n'auront ou ne prendront pas le temps de le faire ! Je lis dans la motion que le secteur public devrait s'occuper des gens «nécessitant une approche spécifique». Cela répond bien à la question ci-dessus. Elles ne prendraient pas le temps d'effectuer tout ce travail d'évaluation. Dans ce cas, seuls les «classables» trouveraient alors grâce devant ces bureaux ? (Brouhaha.)

D'autre part, une charte est en cours d'élaboration dont on ne sait encore grand-chose. Qu'en est-il ? Il me semble que l'on pourrait en avoir connaissance avant d'être mis devant le fait accompli.

Bref, et pour conclure, n'en déplaise à certains, l'Etat seul, car il possède les outils, peut avoir une vision d'ensemble concernant le problème du chômage. Il peut en analyser les causes, en mesurer les effets sociaux, psychologiques et culturels sur la société. Lorsqu'on perd un emploi, on ne perd pas seulement un salaire, mais toute une identité souvent liée à l'entreprise. (Le brouhaha persiste.)

Le président. Je prie les députés que ce sujet n'intéresse pas de bien vouloir «vider» les lieux et de se rendre à la buvette ou aux Pas-Perdus !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Permettez-moi de prendre la parole, car je dois malheureusement quitter ce Grand Conseil d'ici quelques minutes pour rencontrer un certain nombre d'organisations liées à un dossier qui vous a quelque peu agités hier soir. Vous admettrez certainement que je dois faire face à certaines priorités.

Mon propos est de signaler aux motionnaires et à vous, Madame la députée, que nous travaillons sur ce sujet. L'objectif est de placer les chômeurs, et il doit être assumé en priorité par l'office cantonal de l'emploi. Il n'est effectivement pas question de baisser la garde à cet égard. Au contraire, nous devons encore renforcer nos efforts et nos actions. Mais si, sous certaines conditions tout à fait cadrées, des bureaux de placement privés peuvent apporter un concours positif à cet objectif, il n'y a aucune raison de refuser cette opportunité.

Cependant, c'est un sujet délicat que nous avons abordé à plusieurs reprises avec les partenaires sociaux, dans le cadre du bureau du conseil de surveillance du marché de l'emploi, et nous avons élaboré un projet de charte qui pourrait concrétiser la collaboration avec les bureaux de placement privés. Les partenaires sociaux doivent se prononcer sur cette charte, et, sur cette base, nous examinerons la manière la plus adéquate de collaborer avec les bureaux de placement privés.

Toutes les forces doivent être mises à disposition pour concourir au placement des chômeurs, même si cela comporte un certain nombre de problèmes délicats à résoudre. Je pense notamment à la confidentialité et à la rémunération. Cela n'est pas insurmontable pour autant qu'une charte très stricte fixe les règles du jeu. C'est ce à quoi nous nous employons.

Le Conseil d'Etat est prêt à accepter la motion pour étude et il vous fera un rapport à l'issue de ses négociations avec les partenaires sociaux pour savoir si une telle collaboration est possible, et, le cas échéant, à quelles conditions.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). M. Maitre nous disait hier que, compte tenu de ce que nous savons sur l'état de l'emploi et du chômage à Genève, cette motion n'aurait pas dû voir le jour. En effet, elle indique que le problème du chômage est le fait de la mauvaise coordination entre les chômeurs et les employeurs. Elle offre comme solution un recours aux bureaux de recrutement privés, comme si les lacunes se situaient à ce niveau. C'est l'arbre qui cache la forêt !

Cela voudrait dire qu'il y a autant de places vacantes à Genève que de chômeurs. La moralité de cette motion me paraît extrêmement douteuse, puisque, dans l'exposé des motifs, elle partage les chômeurs en deux catégories : ceux qui n'ont pas été orientés à la place de travail qui les attend - ce que feront les bureaux de recrutement - et ceux qui sont des cas sociaux et qui, de toute façon, devront être traités différemment par les services publics. Cela est un mensonge ! Les places vacantes sont loin de correspondre au nombre des chômeurs dans ce canton. Toutes les statistiques cantonales et fédérales sont ignorées dans cette motion. Il est irresponsable de répandre ce genre de discours à propos des chômeurs, tant il est vrai qu'il est déjà difficile de faire comprendre ce qui se passe à la population ! Je trouve indécent que des responsables politiques s'amusent à dire que les chômeurs sont soit mal orientés par des mauvais services publics, soit que ce sont des cas sociaux !

D'autre part, si on parle de bureaux de recrutement privés pour placer les «bons» chômeurs - ceux qui ont été mal aiguillés - cela signifie qu'il y de «mauvais» chômeurs. C'est dire aussi que l'on voudrait donner à un service privé ce qui peut procurer un certain profit. Au lieu de dire qu'il y a des places de travail pour la majorité des chômeurs, il faut dire qu'il y a une industrie qui se crée sur le dos du chômage. Celle-ci dit aux chômeurs d'apprendre à écrire convenablement leur curriculum vitae, de bien se présenter, de faire le bilan de leur expérience professionnelle, d'apprendre à investir, d'apprendre à dépenser, bref d'apprendre à apprendre. En fin de compte et quoi qu'on fasse, il n'y a pas assez de places de travail en ce moment pour le nombre des chômeurs à Genève !

Cette solution mesquine laissant à penser qu'il suffirait de mettre en oeuvre des bureaux de recrutement privés pour résoudre les problèmes du chômage est tout simplement malhonnête ! (Manifestation de réprobation, mais aussi quelques applaudissements.)

M. Dominique Belli (R). Lors de la campagne électorale de cet automne, tous les partis politiques, écologiste et socialiste compris, se sont déclarés inquiets - à raison d'ailleurs - de l'état du chômage à Genève et en ont fait une priorité dans leur programme. Cette volonté a également été affichée dans le discours de Saint-Pierre. Cet intérêt manifeste s'est matérialisé par l'analyse rapide par la commission de l'économie - que je félicite ici - des objets concernant le chômage. Divers rapports et motions sont actuellement à l'étude ou en voie de réalisation au sujet du chômage des jeunes par exemple. Il est à mon avis très important de relever qu'au-delà de considérations politiques, l'état d'esprit global qui régit ces travaux en commission est excellent et très constructif, l'objectif de chacun des députés étant d'oeuvrer au mieux, dans l'espoir d'améliorer ce difficile problème à composantes multiples. Dès lors, je ne peux accepter les propos extrêmement blessants de Mme Maulini-Dreyfus, car il n'y a aucun caractère malhonnête dans cette intervention. (Des réflexions fusent.)

M. Roger Beer. Demande des excuses !

M. Dominique Belli. Non, je n'irai pas jusque-là, Monsieur le chef de groupe !

Nous avons été très impressionnés, à la commission de l'économie, par le déploiement des ressources et le sérieux du département, contrairement à ce qui a été prétendu auparavant. En effet, au cours de nombreuses séances - auxquelles, Madame Maulini, vous n'étiez pas ! On connaît également les statistiques de présence ! - nous avons eu l'occasion d'analyser toutes ces ressources en détail. Alors, devant cette problématique importante du chômage que nous ne cherchons pas, contrairement à d'autres, à «récupérer», il est important que nous fassions flèche de tout bois. Il nous semble donc judicieux que toutes les forces privées et publiques collaborent afin de placer un maximum de chômeurs qui pourraient et devraient l'être. Dès lors, je dirai également à Mme Dupraz qu'il est faux de prétendre que des bureaux de recrutement devraient être créés, puiqu'ils existent déjà !

Une voix. Mme Chalut !

M. Dominique Belli. Excusez-moi, Madame Chalut !

Je tiens à dire à Mme Maulini-Dreyfus et aux personnes qui se sont exprimées que leurs craintes d'ordre politique occultent les intérêts réels des chômeurs. Il faut passer au-delà de ces positions partisanes !

Nous avons déposé cette motion dans cet esprit, et je vous demande de soutenir son renvoi au Conseil d'Etat.

M. Alain-Dominique Mauris (L). Nous pouvons lire dans les conclusions du texte statistique du CJE du 5 octobre 1993 remis aux membres de la commission de l'économie ce qui suit : «Il nous apparaît urgent d'intensifier encore la collaboration entre tous les organismes s'occupant de jeunes dans le but d'insérer le plus grand nombre de jeunes dans la vie active et en évitant le chômage.».

Il s'agit là de l'un des aspects des enjeux de cette motion : favoriser les ouvertures et la collaboration pour l'emploi des chômeurs. Il ne faut pas se tromper d'objectif. Les bureaux de recrutement privés sont partie intégrante de l'économie. Ce sont des entreprises qui exercent un métier. Savez-vous que placer des personnes en entreprise est un métier sérieux, qui exige compétence et professionnalisme ? Les bureaux de placement sont en contact permanent avec la réalité économique et avec les entreprises; ils connaissent ainsi les besoins quotidiens du travail. Même si ces bureaux ne sont pas l'unique réponse au chômage - nous le savons - il n'en demeure pas moins que nous devons regrouper toutes les forces prêtes à favoriser l'embauche et à collaborer avec les bureaux de placement privés.

Soyons persuadés que le Conseil d'Etat saura définir les modalités des mandats confiés à ces entreprises pour garantir aux chômeurs les meilleures conditions et répondre à toutes les inquiétudes manifestées dans ce plénum. D'ailleurs, le président Maitre nous a déjà rassurés sur ce point. Pensons donc aux chances que vous, que nous devons donner aux chômeurs pour leur réinsertion professionnelle !

Mme Micheline Calmy-Rey (S). La collaboration de l'office cantonal de l'emploi avec des bureaux privés pose un certain nombre de problèmes tout à fait sérieux dont nous avons un peu débattu en commission. Les motionnaires auraient été inspirés de les mentionner dans leur exposé des motifs !

Ces problèmes sérieux sont la protection des données sur les chômeurs et les sanctions contre les chômeurs. Cela peut-il se faire sur la base d'une indication d'un intermédiaire ? Enfin, l'association des entreprises de placement ne prévoit aucune clause lui permettant d'agir à l'encontre d'un de ses membres qui ne respecterait pas un accord passé par l'association, ni aucune garantie du respect de l'application des conventions collectives ou des règles en usage. Les entreprises de placement sélectionneront les chômeurs les plus faciles à placer, laissant les cas difficiles, les chômeurs de longue durée, à l'office cantonal de l'emploi, ce qui contribuera à aggraver l'image de ceux qui passeront par l'office cantonal et obérera un peu plus leurs chances de retrouver un emploi.

Mais, malgré la gravité et le nombre de ces problèmes, nous considérons qu'il est possible de leur trouver des solutions pour autant que vous le souhaitiez et pour autant que le Conseil d'Etat soit d'accord d'aller dans ce sens également. Dès lors, notre position est la suivante : une collaboration avec des services de placement du secteur privé est envisageable, à la condition que l'office cantonal soit parfaitement efficace et de première qualité, faute de quoi le recours à des services privés sera le signe que vous renoncez à faire fonctionner correctement le service public, le signe en quelque sorte d'une incapacité à restructurer.

Or, le service public de placement ne répond aujourd'hui qu'imparfaitement à la montée des besoins. La surcharge est telle que je me suis laissé dire que l'on dégageait même le placement pour aider à la caisse. Certains chômeurs et chômeuses affirment n'avoir jamais vu de placeurs. Une réorganisation du service du placement semble donc nécessaire. Il faut chiffrer le coût de ce service; il faut réfléchir à des recettes nouvelles dans le cadre d'une collaboration avec des bureaux privés. Pourquoi l'Etat devrait-il donner gratuitement les fichiers à des bureaux de placement privés ?

La restructuration du service suppose bien sûr que l'on augmente les effectifs. M. le président l'a fait l'année dernière et une deuxième augmentation des effectifs est prévue incessamment. Cela suppose que l'on détermine avec précision les conditions requises pour les postes de placeurs et de conseillers en recyclage, le travail exact effectué, ce qui devrait permettre de sélectionner les personnes adéquates à l'embauche et que l'on envisage encore un plan de formation permanente pour le personnel de l'office cantonal de l'emploi, probablement en collaboration avec les partenaires sociaux pour assurer les liens nécessaires entre l'économie et l'office cantonal de l'emploi. C'est seulement ainsi que la collaboration avec des bureaux de placement privés pourra se faire à égalité et dans des conditions de concurrence acceptables, c'est-à-dire sans dégradation subséquente du service public et sans effet démobilisateur sur les fonctionnaires du service de l'emploi.

Cela étant dit, reste la question de fond. Et pour ne rien vous cacher, je suis étonnée que des personnes aussi au fait des réalités économiques que les motionnaires ne l'aient point mentionnée. La question est de savoir s'il est opportun de solliciter plus encore le facteur travail pour financer les besoins en placement ? Je m'explique.

Les entreprises qui ont recours à l'office cantonal de l'emploi pour leurs besoins ne payent rien. Ce service n'est pourtant pas gratuit puisqu'elles participent à son financement à travers l'impôt. Le recours à un bureau de placement quasi obligatoire, si l'on cantonne l'office cantonal de l'emploi aux cas difficiles - comme le souhaitent les motionnaires - leur coûtera directement quelque chose, environ 10% du salaire annuel sans que pour autant elle puisse renoncer au financement du service public.

Mais plus grave qu'un coût additionnel pour les entreprises qui souhaitent embaucher, ce dernier renchérit le coût de l'emploi en général. Bien sûr le renchérissement est faible sur un plan global ! La part des coûts indirects dans le coût total du travail en Suisse en comparaison avec d'autres pays européens est restée stable en termes relatifs ces vingt dernières années. Mais la situation pourrait changer du fait, notamment, de l'évolution démographique, du vieillissement de la population et de l'augmentation actuelle du chômage dont une partie est conjoncturelle et une autre structurelle, de sorte qu'aujourd'hui on cherche plutôt à diminuer le coût relatif du travail, de la main-d'oeuvre par rapport à d'autres facteurs de production et non à l'augmenter, comme vous le faites au travers de cette motion !

Mesdames et Messieurs les motionnaires, lorsque vous augmentez le coût relatif du travail en période de chômage structurel, vous ne tenez pas compte de l'intérêt de la collectivité, ni même des entreprises, mais seulement de celui très particulier des bureaux de placement privés ! Pire, vous faites la démonstration de votre incapacité à prendre la mesure des mutations que nous vivons et à les accompagner par des mesures adéquates !

En conséquence, nous ne pouvons pas accepter votre proposition de motion.

M. Nicolas Brunschwig (L). En préambule, je tiens à dire que nous n'avons pas la prétention de penser que cette motion va résoudre le problème du chômage. D'autre part, je crois que nous partageons tous l'objectif de donner le maximum de chances de placement à un chômeur.

Voyez-vous, un emploi correspond à un accord entre un futur employé et un futur employeur. La pratique nous montre que si les services du placement ont des connaissances souvent excellentes des futurs employés, des chômeurs, leurs connaissances des futurs employeurs est souvent fort limitée. Cela est normal, car, effectivement, ils doivent consacrer le plus clair de leur temps aux chômeurs. Mais, malheureusement, cette connaissance limitée des employeurs engendre souvent des propositions mal ciblées. Les bureaux de placement qui, eux, sont en contact permanent avec les entreprises et l'économie genevoise, ont une connaissance bien meilleure des besoins spécifiques de ces entreprises.

Permettez-moi, en tant que chef d'entreprise travaillant régulièrement avec les services de placement, de vous dire combien nous avons été déçus par l'inadéquation du placement de certaines personnes. Nous ne pouvons pas leur demander l'impossible, Madame ! Il faut seulement utiliser au maximum les compétences qui existent soit dans le privé soit dans le public. Je suis convaincu du bienfait de cette collaboration, même si, effectivement, elle engendre un certain nombre de problèmes que nous avons d'ailleurs évoqués dans le cadre de cette motion, mais qui ne sont pas sans solution.

Je vous donne un simple exemple. On pourrait déjà envisager que seuls ceux qui sont d'accord de passer par ces bureaux soient concernés. Je suis convaincu que nombre de chômeurs, soit par non-connaissance de ces bureaux de placement, soit par crainte ou autre, ne profitent pas de cette filière et diminuent donc leurs chances d'être placés. Je suis absolument sûr que les résultats seraient plus efficaces et que certaines catégories de personnes resteraient moins longtemps au chômage.

Dès lors, je vous recommande de soutenir cette motion. Je regrette les remarques, à mon avis totalement infondées, émises en termes d'honnêteté ou de malhonnêteté par Mme Maulini-Dreyfus dont la vision du marché du travail me semble extrêmement limitée, pour ne pas dire totalement absente !

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). J'ai été un peu surpris de certaines remarques faites par les motionnaires. Une très bonne discussion a eu lieu à ce sujet à la commission de l'économie à la suite d'une motion de l'ancien parlement. Ce soir, on dirait qu'il y a eu une coupure au niveau de ce parlement et que le combat gauche/droite a repris dans cette affaire ! Je le répète, je suis très étonné, car il semblait, à la commission de l'économie, que les députés de tous bords étaient ouverts.

Vous n'avez pas effectué les propositions contenues dans cette motion. Alors il est vrai que la situation des chômeurs s'est dégradée très rapidement. Le département de l'économie a dû prendre un certain nombre de mesures et certaines personnes n'étaient pas préparées à ces changements. J'ai eu avec M. Dominique Belli de bons contacts au sujet des jeunes et des solutions à trouver, mais, ce soir, il me semble que vous nous faites un procès d'intention sur nos remarques. Nous pouvons aussi vous faire des remarques ! Lors de la campagne électorale, vous avez abordé ce problème en disant que vous étiez favorables à la création d'emplois. C'est vrai, mais vous n'avez jamais dit que vous étiez pour la défense des emplois ! Hier, nous en avons perdu cinq cents ! (Tollé général sur les bancs de la droite.) Vos positions, on les connaît !

Au paragraphe 4 de votre motion, dans l'exposé des motifs, on dirait - à vous lire - que vous voulez faire une différence entre les chômeurs, séparer les directeurs et sous-directeurs licenciés par votre économie des travailleurs manuels et des non-gradés de l'économie ! Au paragraphe 6, vous dites qu'il faudrait des bureaux très feutrés qui conviendraient mieux au type de gens que vous défendez, car les «containers» de l'office du placement ne sont pas assez bien pour eux. Cela ressemble étrangement au système des agences matrimoniales ! On va exploiter un certain nombre de gens. J'aimerais que ce soir, dans ce parlement, vous nous disiez combien coûteront les placements par ces agences privées. J'ai entendu dire que des mandats avaient été donnés à Gesplan pour réinsérer des physiciens et des directeurs; chaque gestion de dossier revenait entre 1 000 et 2 000 F au départ ! Je vous demande donc de nous donner des détails, car vous n'avez pas parlé de cet aspect financier en commission, ni ce soir du reste.

M. Chaïm Nissim (Ve). Ma collègue Gabrielle Maulini s'est laissé emporter par l'émotion tout à l'heure. Elle était bien meilleure au caucus avant-hier... (Hilarité générale.)

Je vais vous répéter ses propos d'avant-hier; c'était super ! Elle a d'abord fait part de son indignation. Nous avons seize mille chômeurs, et il est vrai qu'il n'y a pas autant d'emplois vacants. Cela n'a rien à voir avec le fait que les bureaux de placement soient publics ou privés !

Ensuite, elle a évoqué le problème structurel de notre économie qui demande des changements qualitatifs du style : partage du travail, etc. Ce ne sont pas les bureaux de placement qui vont changer grand-chose à ce problème de fond !

En troisième lieu, elle a indiqué que nous n'étions pas, a priori, contre le fait que ces bureaux de placement privés placent un certain nombre de chômeurs sous certaines conditions. M. Maitre et Mme Calmy-Rey les ont évoquées tout à l'heure : la confidentialité, etc.

Donc, sous ces conditions, il n'y a pas de raison de refuser cette motion. (Aahh de satisfaction.)

Mme Claire Chalut (AdG). Je n'aimerais pas que M. Belli se trompe. Il a adressé des louanges très justifiées à l'office cantonal de l'emploi, mais je ne suis pas tout à fait d'accord lorsqu'il dit que le phénomène est politique. Je suis intervenue, car je crains beaucoup les choses privées qui se mettent en place de cette manière. Cela touche un point très sensible. C'est forcément un phénomène politique, peu de choses y échappent, mais j'ai voulu exprimer ma crainte, et c'est pour cela que j'ai terminé mon intervention sous forme d'une question bien ciblée, puisqu'elle a provoqué le débat. Cétait le but recherché !

M. Max Schneider (Ve). Nous ne sommes a priori pas contre cette motion, mais nous aimerions en discuter à la commission de l'économie.

En effet, le parti libéral a donné une très belle leçon à tous ceux qui ont voulu défendre l'emploi des jeunes, je pense aux démocrates-chrétiens, au parti radical et aux partis socialiste, écologiste et à l'Alliance de gauche. (Brouhaha.) Les commissaires libéraux ont proposé des amendements sur toute la motion, qui avait pourtant bien été retravaillée avec M. Belli. Ce rapport de motion, écrit par M. Belli, vous sera présenté au prochain Grand Conseil et vous constaterez le travail effectué. Mesdames et Messieurs les députés libéraux, vous qui avez tellement amendé cette motion sur les jeunes avant de la signer, vous voudrez bien accepter que nous analysions, nous aussi, votre motion.

Mme Micheline Calmy-Rey connaît très bien ce sujet, comme d'ailleurs ma collègue Gabrielle Maulini-Dreyfus. (Manifestation.) Cela vaudrait la peine de chiffrer les coûts des propositions de cette motion. Les chômeurs ne sont pas une marchandise. Nous ne voulons pas rentrer dans un marché libéral de l'emploi sans une analyse préalable en commission et sans une information beaucoup plus pointue. Sans cela, nous ne pourrons pas débattre en plénière, malgré toute la légèreté et les effets de manches de certains. Ce n'est pas ce que nous voulons, car le problème du chômage est bien trop sérieux.

Je propose donc de renvoyer cette motion en commission. Nous voulons une discussion sereine, au-delà du clivage gauche/droite. Nous voulons un rapport concret à ce sujet de la part du Conseil d'Etat.

M. Laurent Rebeaud (Ve). Je voudrais simplement poser une question, pour éclairer ma lanterne, aux chefs d'entreprise, et notamment à M. Brunschwig qui s'est exprimé à ce titre tout à l'heure.

Il y a une chose que je ne comprends vraiment pas. Je voudrais que l'on m'explique pourquoi l'Etat est incapable d'offrir un service d'une qualité équivalente à ce que peuvent offrir certaines entreprises privées en matière de placement des chômeurs. En effet, l'Etat a le privilège énorme de pouvoir concentrer une masse d'informations comme aucune agence privée ! Comment donc se fait-il que des entreprises privées aient de meilleurs contacts avec les employeurs et pourquoi rendent-elles un meilleur service ? Mme Calmy-Rey a dit quelque chose de parfaitement juste : pour un chef d'entreprise, le recours à un service public ne coûte rien, ce qui n'est pas le cas s'il s'adresse à une agence privée. Cela renchérit le coût du travail et cela aggrave donc la situation des entreprise ! J'attends donc vos explications. Si vous me faites cette démonstration, alors je vote la motion ! (Aahh de satisfaction.)

M. Nicolas Brunschwig (L). Je vais essayer de répondre à M. Rebeaud.

Un élément est très important, c'est que beaucoup d'entreprises sont prêtes à payer un certain prix pour avoir le candidat qui corresponde exactement au profil recherché. Pour cela il faut une relation extrêmement privilégiée et personnalisée entre le bureau de recrutement et l'entreprise. Certaines personnes travaillant dans ces bureaux de recrutement passent des journées ou des semaines dans les entreprises pour lesquelles elles travaillent pour comprendre le travail effectué, s'imprégner de l'atmosphère, de l'esprit d'entreprise, des relations, des rapports hiérarchiques, etc. Ces personnes ont donc une connaissance approfondie de ces entreprises, ce que, bien évidemment, les employés de l'office cantonal de l'emploi ne peuvent pas faire. C'est cela la différence !

Ces employés ont la plus grande partie de leur temps absorbée par les chômeurs, ce qui est légitime. Personnellement, je n'ai jamais vu une personne de l'office de l'emploi se déplacer dans une entreprise pour mieux connaître ses besoins. Les bureaux de recrutement privés le font, c'est ce qui leur donne plus de chance de bien cibler les candidats. Si une entreprise reçoit un mauvais dossier, elle va l'examiner, mais si elle en reçoit dix mauvais, il est bien évident qu'elle aura une appréciation très négative des dossiers envoyés.

Par contre, si elle reçoit peu de dossiers, mais des dossiers de qualité, je veux dire par là des dossiers correspondant à ses besoins spécifiques - sans porter de jugement de valeur sur le candidat en tant que tel - alors elles seront tout à fait satisfaites. Elles seront même d'accord de payer un certain prix par rapport à ce gain de temps et de productivité, car cela leur permet de rencontrer des candidats qui sont potentiellement intéressants immédiatement. Voilà la différence qui existe entre un service privé qui est à la disposition de ses clients, c'est-à-dire de l'économie genevoise, par rapport à un service qui doit traiter le chômage en tant que tel !

Une voix. Très bien !

Une voix. Ah, ils sont contents !

M. Bernard Clerc (AdG). Je suis en partie d'accord avec M. Brunschwig en ce qui concerne l'inadéquation, dans un certain nombre de cas, entre les demandes des employeurs et les propositions faites par l'office cantonal de l'emploi.

Mais il faut s'interroger sur les causes de cette inadéquation. Une des causes essentielles - nous le savons bien - c'est que l'office cantonal de l'emploi n'a pas suivi l'évolution exponentielle du chômage, que les renforts en personnel n'ont pas été apportés suffisamment à temps - vous le savez très bien, Monsieur Brunschwig ! On a engagé des gens en occupation temporaire pendant trois ou six mois pour faire ce travail, vous conviendrez qu'il est plutôt difficile à ces personnes d'avoir une connaissance des entreprises et de la demande des employeurs. On se trouve devant une situation que l'on connaît par ailleurs, c'est-à-dire qu'on limite les moyens à disposition dans un service qui est amené à dysfonctionner et, lorsqu'il dysfonctionne, on dit qu'il faut procéder autrement. C'est une vieille tactique que nous connaissons bien, mais nous ne sommes pas d'accord avec cette manière de procéder ! (Brouhaha.)

Des voix libérales. C'est pas vrai !

M. Bernard Clerc. Un certain nombre de mesures sont prises en vue de renforcer en personnel l'office cantonal de l'emploi. Il me semble qu'il est possible d'améliorer ainsi son fonctionnement. Vouloir à tout prix faire appel aux bureaux privés, lesquels - comme on l'a dit - vont de toute manière renchérir le coût de la main-d'oeuvre me semble une illusion !

M. Pierre-Alain Champod (S). J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Brunschwig. C'est effectivement l'une des critiques les plus virulentes que j'ai entendues sur le fonctionnement de l'office cantonal de l'emploi.

M. Bénédict Fontanet. Vous n'avez rien compris !

M. Pierre-Alain Champod. Il a dit qu'actuellement l'office cantonal de l'emploi ne fonctionnait pas, qu'il envoyait de mauvais candidats aux entreprises... (Brouhaha.) C'est une critique sévère ! A gauche, nous n'avons jamais osé critiquer les services de M. Maitre de cette manière, ces dernières années. (Brouhaha.) Nous constatons qu'il y a un renoncement de la part des libéraux. Plutôt que de faire fonctionner l'Etat, ils préfèrent confier certaines tâches à des privés.

Je tiens à dire également que cela montre la volonté sous-jacente de cette motion de faire un service de placement à deux vitesses, un secteur confié au privé pour les personnes les plus qualifiées et l'autre, pour les cas plus difficiles, à l'OCE.

Enfin, je veux faire une troisième remarque sur un sujet qui a été peu évoqué. Si l'office cantonal de l'emploi reçoit les chômeurs, établit un dossier, un curriculum vitae et fait suivre le dossier aux entreprises privées, quelle sera la rémunération des entreprises privées à l'Etat pour ce service ? Si ce travail n'est pas rémunéré, c'est-à-dire si l'Etat fournit gratuitement des dossiers aux entreprises privées, cela signifierait, en fait, que l'Etat fournirait la matière première à ces entreprises privées. A ce moment-là, effectivement, on peut penser qu'elles feraient de bonnes affaires. C'est un peu comme si une entreprise du bâtiment demandait à l'Etat de lui fournir le béton ! Cela lui permettrait de pratiquer des prix défiant toute concurrence !

Une voix. Bravo !

Le président. Le renvoi à la commission de l'économie a déjà été réclamé deux fois. Vous êtes intervenus dix-huit fois ! Je vous demande si vous voulez oui ou non renvoyer cette motion en commission ?

Mme Marlène Dupraz (AdG). Je me pose quand même une question. Dans cette salle il y a deux choses que je ne comprends pas très bien. (Grand charivari.) Le nombre d'emplois n'augmentant pas, au contraire, comment feront les placeurs privés pour trouver un emploi aux chômeurs ! Je prends le cas actuel de «La Suisse». Des gens compétents faisaient fonctionner un journal qui se vendait bien et, pour des raisons financières qui nous «échappent», ce journal ne peut plus tourner. Quel est le placeur privé qui peut prétendre placer rapidement ces gens qui se retrouvent au chômage ? Ces personnes ont pourtant des qualifications professionnelles indéniables. C'est la même chose pour les journalistes et pour l'équipe de rédaction. Je ne vois pas l'utilité de multiplier le nombre des placeurs privés. Cela me rappelle les placeurs des années 70, ceux que l'on appelait les «négriers modernes» !

M. John Dupraz. Ah, ça c'est très bien !

Mme Marlène Dupraz. Le salaire n'augmentant pas, les placeurs et les entreprises qui donnent l'emploi se partagent un bénéfice. Il faudra bien que le salaire se compte au total avec le bénéfice de ces placeurs. Ils ne vont pas travailler bénévolement pour la société !

Une voix. Ça m'énerve ça !

Mme Marlène Dupraz. Et que dire du salaire horaire ? On va de plus en plus engager des gens à l'heure, à la tâche, voire même comme journaliers ! (Grand brouhaha, l'oratrice doit élever le ton.)

D'ailleurs, la question sociale ne se posera plus, puisqu'il faudra négocier avec ces placeurs privés. Ils seront les acteurs et les principaux partenaires avec qui nous devrons négocier la couverture sociale. De ce côté-là aussi comment ferons-nous ? Quant aux conditions de travail, nous pouvons nous inquiéter. En effet, beaucoup de choses échapperont à la convention collective, et le sort des travailleurs se trouvera entre les mains de ces placeurs. Quand l'Etat et le Grand Conseil voudront modifier les choses ils devront le faire avec ces partenaires privés qui se livrent une véritable concurrence sauvage. Le résultat sera la baisse des salaires, et nous ne pourrons pas maintenir nos acquis. (Des voix: Ouhh, ouhh !) Je crois que vous diviserez le salaire entre vous ! (Rires.) L'employé dans ce cas-là ne sera qu'une proie exposée !

M. Pierre Kunz (R). Nous avons beaucoup de grands théoriciens sur certains bancs ! J'aimerais simplement leur poser une question. Madame Chalut, Monsieur Lyon, Madame Calmy-Rey, Monsieur Champod...

Une voix. Présent !

M. Pierre Kunz. ...Mme Dupraz, si vous étiez au chômage n'accepteriez-vous pas qu'une société privée de placement vous offre un emploi ? C'est tout ce que j'avais à dire !

M. Bénédict Fontanet (PDC). Rassurez-vous, Monsieur le président, je n'interviendrai pas plus d'une demi-heure !

Le président. Non, je ne vous laisserai pas faire, Monsieur le député !

M. Bénédict Fontanet. Vous êtes dur avec moi, Monsieur le président !

Je crois que M. Champod n'a rien compris ! Loin de nous l'idée de critiquer l'excellent travail effectué par l'office cantonal de l'emploi dans des circonstances particulièrement difficiles. Vous mélangez deux types d'activités qui ne sont en rien semblables. Je rejoins les propos de M. Brunschwig. J'ai moi-même utilisé les services de recruteurs et, effectivement, ils vont dans les entreprises - ils sont rémunérés pour cela - afin d'évaluer les besoins de l'employeur et peuvent de ce fait mieux déterminer quel est le profil des candidats souhaités. Leurs dossiers sont bien souvent plus affinés que ceux de l'office cantonal de l'emploi dont ça n'est pas le job à proprement parler. On ne peut pas envoyer les gens de l'office cantonal de l'emploi pour déterminer de manière précise quels sont les besoins de ces entreprises. Cela n'est pas leur mission première.

Pour moi, il y a un risque à prendre. Lequel ? Le risque qu'un certain nombre de chômeurs soient effectivement placés et qu'ils retrouvent ainsi du travail ! A mon avis, ce risque vaut la peine d'être pris, dussions-nous travailler avec des placeurs privés !

C'est pourquoi je vous inviterai non pas à renvoyer cette motion en commission - nous en avons déjà largement discuté, me semble-t-il, ce soir - mais de la renvoyer directement au Conseil d'Etat afin d'éviter des discussions qui m'apparaissent relativement stériles !

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette motion à la commission de l'économie est rejetée.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue:

MOTION

concernant le placement de chômeurs par des bureaux de recrutement privés

LE GRAND CONSEIL,

considérant le nombre important de chômeurs;

considérant qu'il est de notre devoir de donner le maximum de chance aux chômeurs de réintégrer la vie active;

considérant l'ampleur de la tâche de l'office cantonal de l'emploi et la complémentarité qui doit exister entre le service public chargé du traitement du chômage et les entreprises privées spécialisées dans le recrutement de personnel,

invite le Conseil d'Etat

à utiliser les bureaux de recrutement du secteur privé pour le placement des chômeurs sur le marché du travail;

à favoriser la collaboration entre l'office cantonal de l'emploi et les bureaux de recrutement.

 

M 900
16. Proposition de motion de Mme et MM. Gilles Godinat, Bernard Clerc, Jean Spielmann et Micheline Calmy-Rey invitant le Conseil d'Etat à établir une statistique sur les réserves de crise et leur dissolution pour préserver l'emploi dans l'économie privée de 1989 à 1993. ( )M900

EXPOSÉ DES MOTIFS

La récession économique que nous visons encore aujourd'hui a pris l'ampleur d'une réelle crise avec la perte, pour le canton de Genève, de 20 000 postes de travail. Parmi les dispositions prises par les pouvoirs publics pour lutter contre le chômage, il existe des lois fédérales et cantonales mises en place dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

En effet, à la fin 1949 - début 1950, une récession économique ralentissait les activités dans notre pays et le commencement de la guerre de Corée, en juin 1950, laissait planer un sentiment d'incertitude sur la croissance économique.

Le Conseil fédéral a proposé en août 1951 une loi sur la constitution de réserves de crise par l'économie privée, qui fut adoptée le 8 octobre 1951. L'Etat fédéral proposait alors de faciliter la constitution de ces réserves dites «de crise» en promettant la restitution de la part d'impôts sur le revenu afférent à ces réserves, dès l'instant où ces dernières seraient utilisées dans la lutte contre le chômage. Les dispositions légales sur ces réserves restaient soumises au pouvoir fédéral, lequel pouvait décréter la lutte contre le chômage et fixer les délais pour la ristourne de l'impôt prélevé - sur les réserves constituées et dissoutes dans le cadre de mesures anticrise. Tous les cantons suisses ont alors mis en place des lois cantonales sur ces réserves destinées à la lutte contre les effets d'une dépression économique.

Notre Grand Conseil a adopté le 8 mars 1952 la loi sur la constitution de réserves de crise par l'économie privée (D 3 8). A l'époque déjà, des parlementaires s'étaient inquiétés de ce privilège fiscal accordé aux entreprises pouvant assurer une marge de liquidité suffisante pour constituer des réserves, à savoir les grandes entreprises du canton.

Une nouvelle loi fédérale du 20 décembre 1985 sur la constitution de réserves de crise bénéficiant d'allégements fiscaux a modifié la procédure: désormais, la constitution de réserves de crise pouvait être opérée en franchise d'impôt. Toutefois, si les réserves venaient à être utilisées d'une manière non conforme à leur destination ou en cas de liquidation, ou de transfert de l'entrepirse à l'étranger, l'impôt serait perçu à un taux maximum. Le 16 décembre 1988, notre Grand Conseil adoptait la loi sur les allégements fiscaux pour les réserves de crise (D 3 8,5).

Conformément à la loi fédérale, les entreprises habilitées à constituer des réserves de crise doivent compter au moins 20 travailleurs. Pour Genève, cela concerne, d'après le recensement de 1991, environ 2000 entreprises (10% de l'ensemble), lesquelles emploient environ 160 000 personnes, soit les 2/3 des travailleuses et travailleurs du canton.

Depuis l'adoption de cette loi, l'économie cantonale a été confrontée à la crise, avec un taux de chômage de 7,8%.

Dans cette situation, il nous paraît légitime d'évaluer la validité des dispositions légales en question. Une connaissance par branche économique de l'utilisation des réserves de crise pour préserver l'emploi nous paraît indispensable pour apprécier l'efficacité de telles mesures.

Si l'on considère que pendant quelques années les plus grandes entreprises du canton ont pu bénéficier d'allégements fiscaux sur ces réserves, il est d'autant plus indispensable aujourd'hui de faire le bilan de ce privilège fiscal.

Soit nous avons la preuve du bien-fondé des dispositions concernées, soit les réserves de crise n'ont pas été constituées ou n'ont pas été dissoutes pour maintenir l'emploi et dans ce cas les lois sur les réserves de crise ne sont qu'un privilège fiscal pour les grandes entreprises.

Afin de clarifier la discussion sur la fiscalité dans ce canton nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir soutenir la présente motion.

Débat

M. Gilles Godinat (AdG). L'objectif de cette motion est très simple. Il s'agit d'évaluer, d'une part, la validité et, d'autre part, l'efficacité d'une mesure qui dépend de la législation fédérale et cantonale.

Je fais un bref rappel historique en deux points :

- Un premier temps d'après-guerre. En août 1951, le Conseil fédéral propose une loi sur la constitution de réserves de crise par l'économie privée, adoptée le 8 octobre 1951.

- Un deuxième temps. Notre parlement cantonal adopte, le 8 mars 1952, une loi qui s'inspire du principe fédéral. Ce principe est le suivant : pour faciliter la constitution de réserves de crise, le Conseil fédéral proposait qu'une fois ces réserves constituées, elles devraient permettre, lors d'une situation de chômage, de lutter pour créer des emplois, renforcer les possibilités des entreprises de résister à la crise économique et de bénéficier d'un allégement fiscal au cas où ces réserves de crise étaient utilisées à ces fins.

Les dispositions fédérales ont changé en 1985, sous prétexte d'une complication de procédure. En fait, une franchise d'impôt sur ces réserves de crise était alors proposée. Notre parlement s'est adapté à la législation fédérale en 1988 et, actuellement, les entreprises de plus de vingt travailleurs peuvent effectivement bénéficier d'un allégement fiscal en cas de réserves de crise. Ces entreprises pour le canton de Genève représentent à peu près deux mille entreprises, soit 10% de l'ensemble des entreprises qui regroupent les deux tiers des salariés du canton.

Or, la question est simple : soit ces réserves ont été constituées, et nous aimerions savoir à quelle hauteur par branche économique, soit elles ont été dissoutes, et, dans ce cas, l'ont-elles été dans les branches économiques qui ont eu le plus de difficultés ? Cela nous permettrait d'estimer si ces mesures sont réellement efficaces ou pas. La crainte qui avait été exprimée à l'époque, dans les années 50, est que derrière ces dispositions qui devraient permettre de lutter contre le chômage se cache en fait un privilège fiscal ! C'est l'objet de notre souci et nous aimerions élucider cette question.

M. Daniel Ducommun (R). Toutes sortes d'initiatives liées à des tentatives de préserver l'emploi ne peuvent que susciter l'intérêt de notre groupe. Nous n'avons donc aucune raison de nous opposer à cette motion, et nous soutenons son renvoi au Conseil d'Etat. Un traitement en commission est totalement inutile puisqu'il s'agit d'établir une statistique dont les données ne peuvent être rassemblées que par l'autorité exécutive.

Nous suggérons également que le département compétent soit plutôt celui des finances que celui de l'économie, s'agissant en l'occurrence d'inventorier des entreprises ayant bénéficié d'allégements fiscaux lors de la constitution de réserves de crise en compte bloqué, soit auprès de la Confédération soit auprès des banques. Ne nous berçons toutefois pas d'illusions, ce sont les entreprises qui dégageaient un bénéfice substantiel qui avaient usé de cette possibilité. Compte tenu de la dégradation conjoncturelle de ces dernières années, les réserves ainsi récoltées sont, semble-t-il, modestes, voire inexistantes ! Aussi, une action de sauvegarde de l'emploi nous paraît, Monsieur Godinat, à regret, bien marginale. Cela n'exclut bien évidemment pas les données statistiques réclamées par nos collègues de gauche.

Nous suivrons donc avec intérêt la réponse du Conseil d'Etat.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Messieurs Vodoz et Maitre ont déjà examiné cette motion et nous l'acceptons très volontiers pour étude.

Le président. Le Bureau et les chefs de groupe préconisent le renvoi à la commission fiscale.

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, je crois que le contenu de la motion et les propos tenus pendant ce débat nous montrent que la sagesse voudrait que l'on renvoie cette motion au Conseil d'Etat. C'est ce que nous vous suggérons !

M. Daniel Ducommun (R). Pour une fois, nous sommes tous très clairs ce soir, Monsieur le président ! Nous souhaitons renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue:

MOTION

invitant le Conseil d'Etat à établir une statistique sur les réserves de crise et leur dissolution pour préserver l'emploi dans l'économie privée de 1989 à 1993

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'ampleur de la crise économique actuelle;

- la nécessité de préserver les emplois existants et d'encourager la création de nouveaux emplois;

- l'existence de réserves de crise encouragées par les dispositions légales cantonales et fédérales,

invite le Conseil d'Etat

à établir une statistique détaillée par branche économique sur le montant des réserves constituées et le montant des réserves dissoutes pour préserver l'emploi, ainsi que les ristournes accordées selon la loi du 16 décembre 1988 (D 3 8/8,5) pour les années 1989 à 1993.

 

M 785-A
17. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Maria Roth-Bernasconi, Erika Sutter-Pleines, Pierre-Alain Champod et Jean Queloz concernant le chômage, les femmes et les jeunes. ( -) M785
 Mémorial 1992 : Développée, 1767. Commission, 1775.
Rapport de majorité M. Pierre Kunz (R), commission de l'économie
Rapport de minorité Mme Micheline Calmy-Rey (S), commission de l'économie

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La motion 785, datant du 24 mars 1992, visait à améliorer l'information générale sur les prestations de chômage, notamment à l'attention des femmes et des jeunes. Déjà abordée par la commission de l'économie lors de la précédente législature, elle a fait l'objet d'un long débat au sein de cette même commission lors de sa première réunion de l'année. Au préalable, dans le courant du mois de décembre 1993, les commissaires avaient pu se familiariser avec le fonctionnement de deux des agences de l'OCE, celle de Montbrillant et celle des Eaux-Vives. C'est en particulier dans celle-ci que les membres de la commission ont pu prendre connaissance de tous les efforts déjà accomplis en faveur des jeunes sans emploi et les mesures complémentaires qui seront introduites au cours de l'année 1994.

Tous les commissaires, y compris les auteurs du projet de motion 785, ont reconnu que celle-ci avait largement perdu de son actualité, donc de son intérêt. En effet, les gros efforts d'informations déployés aussi bien par l'OCE que par les associations de chômeurs et le monde syndical au cours des deux dernières années ont fait que l'ensemble de la population genevoise connaît désormais bien ses droits. On pouvait donc s'attendre au retrait de ce projet de motion.

Pourtant, une minorité de la commission a jugé qu'une partie de la population demeurait malgré tout sous-informée, à savoir les femmes, et qu'un effort d'information restait à entreprendre en leur faveur. Les motionnaires ont donc finalement renoncé à retirer leur projet.

Au cours des débats relatifs à la suite qu'il convenait de donner à la motion 785, une majorité s'est dégagée pour constater

- qu'il est peu souhaitable, d'une façon générale, d'axer les efforts d'information sur une ou deux catégories de chômeurs déterminées;

- que face aux graves problèmes financiers et sociaux que pose le problème du chômage de longue durée, l'information d'un groupe particulier ne constituait pas une priorité;

- que les femmes, contrairement à ce qu'affirmait un commissaire, n'ont pas moins tendance à s'inscrire dans les offices cantonaux que les autres groupes de population; preuve en soit la constatation qu'elles représentent dans le nombre total de chômeurs, une part plus importante (43%) que celle qu'elles occupent sur le marché du travail (40%), ce dernier chiffre se réduisant à 34% si l'on ne prend en compte que les emplois à temps plein (voir annuaire 1993 de l'OCSTAT);

- qu'un travail remarquable est effectué par les offices de chômage genevois depuis plusieurs mois en faveur de l'accueil, de l'information et de l'aide aux chômeurs en général;

- que les motionnaires n'étaient pas en mesure de justifier ou d'étayer leurs invites par des problèmes et des cas concrets.

Conclusion

Etant donné que la motion 785 a perdu son actualité, que des mesures importantes ont été et sont encore prises par le Conseil d'Etat pour lutter contre le chômage des jeunes, que le taux du chômage féminin ne peut laisser conclure à un manque d'information des femmes, la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, par 7 voix contre 6, de ne pas entrer en matière sur cette motion.

PROPOSITION DE MOTION

concernant le chômage, les femmes et les jeunes

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la forte progression du chômage en Suisse et à Genève en particulier;

- que le nombre de personnes cherchant du travail est supérieur au nombre de personnes indemnisées par l'assurance-chômage;

- que les jeunes en fin de formation constituent une population toujours plus atteinte par le chômage et qu'ils/elles ne s'annoncent pas à temps comme demandeurs d'emploi;

- que les femmes ont particulièrement peu connaissance de leurs droits en matière de chômage et qu'elles renoncent à les faire valoir en reprenant exclusivement leur activité au foyer,

invite le Conseil d'Etat

- à intensifier l'information sur les prestations de l'assurance-chômage;

- à mettre sur pied des campagnes d'information spécifique à l'intention des femmes et des jeunes à la recherche d'un emploi.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Le 10 janvier 1994, la commission de l'économie rejetait par 7 voix (L, R, PDC) contre 6 (S, AdG, PEG) la motion 785 invitant le Conseil d'Etat à intensifier l'information sur les prestations de l'assurance-chômage en direction des femmes et des jeunes à la recherche d'un emploi.

Quelque 15 jours plus tard, la commission acceptait à l'unanimité une autre motion contenant un certain nombre de mesures touchant au chômage des jeunes, parmi lesquelles le développement de la collaboration entre le Centre jeunes et le Centre de bilan, l'office d'orientation et de formation professionnelle et les associations professionnelles ainsi qu'une large diffusion aux jeunes de l'information sur les moyens mis à disposition pour trouver un emploi. L'auteure de ce rapport ne s'étonne pas de cette inconstance, si ce n'est pour s'en féliciter, et ne la mentionne bien sûr que dans le but d'expliquer pourquoi le présent rapport de minorité, considérant que la demande d'une information à destination des jeunes a dès lors reçu une réponse positive, se consacre uniquement à évoquer la question de l'information à destination des femmes.

Au cours de la rapide discussion en commission, certains ont estimé «qu'une trop grande focalisation sur le problème des femmes répond à une préoccupation plus politique que réelle» et qu'une motion était «moyen lourd et contraignant à l'égard d'un problème relativement partiel».

Où le problème du chômage féminin est bien réel et non partielou anodin

Vous connaissez les faits, Mesdames et Messieurs les députés. Les femmes sont économiquement fragiles et leur situation est plus précaire que celle d'autres catégories de citoyens. L'observation statistique fait apparaître quelques faits et causes de cette situation.

La vulnérabilité professionnelle des femmes

Une cause évidente de la vulnérabilité professionnelle des femmes est la généralisation pour elles de formes de travail souples comme le travail à temps partiel. De 1975 à 1991, la part du travail à temps partiel augmente de 11 à 20,1% et la proportion homme/femme s'accroît en faveur des femmes (de 64,5 à 67,3%), alors que celles des hommes recule de 35 à 32,7%.

Le travail à temps partiel est lié au sexe et à l'état civil. Il concerne à Genève 38% des femmes actives contre 6% des hommes. En outre, d'après l'office cantonal de statistique (enquête suisse sur la population active 1991: quelques résultats pour le canton de Genève), ce sont les hommes célibataires et en formation qui travaillent à temps partiel et, à l'inverse, les femmes mariées dans la proportion de 1/2. Souvent traité comme un travail d'appoint, le travail des femmes mariées se trouve fragilisé.

- Au sein de l'ensemble des salariés, les femmes occupent plus fréquemment que les hommes des postes peu qualifiés et situés au bas de la hiérarchie. Toujours selon l'enquête précitée, on compte trois salariées sans fonction d'encadrement sur quatre actives occupées, tandis que, chez les hommes, ce rapport n'est que d'environ un sur deux.

Généralement, l'explication avancée tient au niveau relativement peu élevé de formation des femmes. A Genève cependant, l'écart entre les sexes est moins marqué que pour l'ensemble de la Suisse. Environ 1/3 des actifs occupés (36% pour les hommes et 31% pour les femmes) ont acquis une formation de niveau supérieur (maîtrise, haute école professionnelle, université), 1 sur 2 (48% pour les hommes et 50% pour les femmes), de niveau secondaire et environ 18% (16% d'hommes et 19% de femmes) n'ont pas de formation. Les différences entre les hommes et les femmes sont faibles, les femmes ayant globalement un niveau de formation légèrement inférieure à celui des hommes.

Outre le niveau de formation, cette situation traduit aussi des choix professionnels différents et notamment le fait que l'éventail des professions offertes aux femmes est restreint, que ce soit dans le monde du travail réel ou dans l'image que les intéressées s'en font. A Genève, plus de la moitié des femmes se retrouvent dans deux professions, employées de commerce et vendeuses. Quatorze formations professionnelles sont exclusivement féminines, mais 99 sont exclusivement masculines. La difficulté plus grande des femmes sur le marché du travail est somme toute assez logique si l'on considère la forte concentration du chômage dans les métiers classiquement féminins, c'est-à-dire les professionns de bureau, de la vente et de la restauration (42,5% du total des chômeurs et chômeuses genevois).

Etant donné les écarts homme/femme en ce qui concerne à la fois le niveau de formation et le statut dans la profession, le salaire des femmes est d'une façon générale plus bas. L'enquête suisse sur la population active de 1991 montre que le salaire mensuel standardisé s'élève à 6098 F pour les hommes et à 5066 F pour les femmes, soit 17% de moins pour ces dernières. L'écart est étroit, de l'ordre de 4% environ, si l'on se restreint au personnel sans responsabilité hiérarchique, il reste notable (24%) pour les cadres. Il est de toute façon inférieur à ce qui est cité pour l'ensemble de la Suisse (30% environ).

Le chômage des femmes

Les femmes sont plus chômeuses que les hommes: le nombre de chômeurs inscrits auprès des offices cantonaux permet de le confirmer. A fin décembre 1993, l'OFIAMT chiffrait à 75 298 le nombre de femmes au chômage pour l'ensemble de la Suisse (taux de chômage de 5,3%) et à 109 090 le nombre des hommes (taux de chômage de 4,9%), soit un pourcentage supérieur pour les femmes. Pour Genève, les éléments statistiques autorisent des conclusions semblables: au 31 décembre 1993, Genève comptait 16 310 chômeurs et chômeuses dont 9344 hommes (57%) et 6966 femmes (43%). Or, l'OFIAMT recensait, à fin 1991, 262 715 emplois dont 156 663 occupés par des hommes, soit 60%, et 106 052 par des femmes, soit 40%. Les femmes sont donc plus touchées par le chômage que les hommes puisque, occupant 40% des postes de travail, elles représentent 43% du nombre des chômeurs.

Mais c'est encore le nombre des emplois perdus qui cerne le mieux la diminution de l'emploi féminin.

Le recensement de 1991 fait état de 262 715 postes de travail en septembre 1991. Si l'on considère qu'entre septembre 1991 et décembre 1993, la diminution du nombre d'emplois se monte à 10%, il apparaît en regarddu nombre de chômeurs et de chômeuses à fin 1993 (16 310) un solde de 9961 personnes que la statistique ne ventile que partiellement: le nombre des saisonniers a diminué d'environ 3300 personnes de fin 1991 à fin 1993, celui des frontaliers de 2200. Reste une perte inexpliquée de 4461 personnes. Elle devrait comprendre, outre des pendulaires, des retraités, des invalides, un nombre particulièrement élevé de femmes.

Ces chiffres mettent en évidence le fait que parmi les femmes en situation de chômage toutes ne s'inscrivent pas auprès d'un office cantonal compétent: seule une sur trois selon l'enquête suisse sur la population active de 1992, alors que, pour les hommes, la proportion serait de trois inscrits pour deux non-inscrits, phénomène qui conduit à une sous-estimation générale du chômage féminin dans nos statistiques.

La crise touche les femmes de plusieurs façons

a) L'accès à des formations, à des professions et à certains postes est fermé aux femmes après leur avoir été ouvert au terme de plusieurs années de haute conjoncture. Les filles ont toujours eu un choix de possibilités professionnelles moindre que les garçons. La haute conjoncture avait amené petit à petit une modification de la structure du personnel dans le sens de la mixité. Aujourd'hui, l'accessibilité se restreint pour les femmes.

Les causes des difficultés traditionnelles des femmes dans le monde du travail (principalement la crainte que les femmes n'interrompent plus souvent que les hommes leur activité et qu'elles ne l'abandonnent un jour au profit de leurs enfants) se manifestent avec plus de force en période de crise et réduisent les possibilités des femmes.

Pour certaines catégories de main-d'oeuvre féminine les possibilités de travail diminuent dans la mesure des limites de leur mobilité. Les femmes mariées ne peuvent pas choisir librement leur domicile et de le transférer là où la situation du marché de l'emploi est plus favorable. Les obligations familiales les lient à un endroit déterminé.

b) Etant moins bien organisées que les hommes, moins bien représentées dans les organisations syndicales, les femmes sont plus démunies que les hommes face à la récession. En cas de licenciement et de chômage, les critères «sociaux» jouent en leur défaveur et beaucoup d'entre elles se retirent temporairement ou définitivement de la vie professionnelle.

Tandis que les hommes se mettent à la recherche d'un nouvel emploi et s'annoncent à l'assurance-chômage, les femmes se résignent à réintégrer le domaine familial et domestique.

Les conséquences à court terme du chômage sont peut-être moins dures pour les femmes mariées que pour les hommes; en revanche, les chances de trouver à long terme des possibilités de travail décroissent.

A une époque où les chômeuses mariées sont critiquées comme profitant d'un double gain, les vieilles idées sur la répartition traditionnelle des rôles pourraient refaire surface ou du moins bénéficier d'un regain d'attention. Un tel recul menacerait les améliorations les plus importantes de la situation des femmes, hormis le suffrage féminin, à savoir, le droit d'exercer une professions et des rapports matrimoniaux s'inspirant du principe d'égalité.

c) Les réductions de salaires et le chômage s'accompagnent d'une baisse des prestations sociales calculées d'après le revenu (AVS, AI, chômage) et même passagères, elles peuvent avoir des conséquences sensibles pour l'avenir des personnes concernées dans la mesure notamment où elles touchent aux montants des retraites. Or, parmi les personnes non actives qui vivent d'une rente, 2/3 sont de sexe féminin. Selon une étude menée par le Bureau de l'égalité et F information, une des causes de la pauvreté féminine est l'insuffisance des rentes AVS. C'est en tout cas une des causes citée par la plupart des personnes âgées qui ont fait l'objet de l'enquête et ce fait n'est pas surprenant si on le rapporte aux spécificités du travail et des carrières féminines.

d) Par suite de la crise, les déficits de nombreuses collectivités publiques ont augmenté. Des mesures d'économies ont été prises concernant avant tout un blocage des effectifs ainsi que la stabilisation, voire la réduction de prestations publiques et de subventions. Il faut présumer que les conséquences financières et sociales de telles mesures atteignent plus les femmes que les hommes. Si, par exemple, on renonce à diminuer les effectifs de classes, à donner des cours d'appui ou à améliorer l'équipement préscolaire (garderies, crèches).

En outre, le blocage des effectifs empêche la création de nouveaux postes dans les administrations publiques, ce qui a des effets négatifs sur la situation de la femme en général, celle-ci bénéficiant dans les administrations publiques des mêmes conditions de salaire et de travail que l'homme.

Le chômage des femmes revêt des aspects bien caractérisés, liés au double rôle qu'elle assument généralement. Leur carrière professionnelle est en dents de scie, entrecoupée de retours à la maison et de recommencements. Plus fréquemment que les hommes, elles occupent des postes peu qualifiés et situés au bas de la hiérarchie et l'éventail des professions qui leur sont offertes est limité.

Vulnérables, les femmes sont particulièrement touchées par la crise, directement, dans leur activité professionnelle, mais aussi indirectement dans leur position sur le plan de la famille et dans leur conscience d'elles-mêmes.

Où l'information est importante

Vue sous cet angle, la demande d'informer les femmes n'est pas anodine ni d'ordre démagogique. Si l'on se fie aux chiffres publiés par l'enquête suisse sur la population active, 2 demandeuses d'emplois sur 3 ne sont pas inscrites au chômage. C'est grave, pas seulement pour des raisons de sous-estimation du chômage féminin, car, non inscrites, elles se retrouvent pénalisées, d'une part, bien sûr, parce qu'elles n'ont pas d'indeminités de chômage, mais aussi parce qu'elles ne peuvent plus bénéficier des mesures préventives, notamment des cours de formation prévus et financés par la loi. Ainsi, une femme au foyer désirant se réinsérer dans la vie active ne pourra pas obtenir d'indemnités de chômage. Et une femme qui souhaiterait reprendre un travail après un temps d'arrêt n'a pas accès à une formation prise en charge par l'assurance-chômage, ni à une formation professionnelle, ni au perfectionnement. Les activités familiales n'étant pas assimilées à des périodes de cotisations donnant droit à des indemnités, elles ne sont pas considérées comme des chômeuses et ne bénéficient pas d'indemnités journalières.

Or, aujourd'hui, une offensive de formation, par le biais de l'assurance-chômage, permettant de bénéficier d'un recyclage et d'acquérir des qualifications est nécessaire. Il convient notamment de combler les lacunes de formation professionnelle de base. Après avoir passé un certain nombre d'années dans la vie active ou les avoir consacrées à l'éducation des enfants, il est difficile d'envisager ensuite une telle formation et de se replacer sur le marché de l'emploi.

Je souhaiterais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous soyez convaincus de l'intérêt d'adresser aux femmes une information portant sur leurs droits et les incitant à s'inscrire auprès de l'office cantonal de chômage. Cette information pourrait être préparée par le Bureau de l'égalité des droits entre homme et femme, par exemple sous la forme d'une brochure s'adressant à toutes les femmes et diffusée par l'office cantonal de l'emploi en collaboration avec les associations féminines.

Je vous prie en conséquence de bien vouloir accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat, qui, par la bouche de M. Jean-Philippe Maitre, chargé du département de l'économie publique, a d'ores et déjà affirmé en commission qu'elle ne posait pas de problèmes particuliers et qu'il était prêt à l'examiner.

Débat

M. Pierre Kunz (R), rapporteur. Le rapport de minorité est un très long rapport qui tient davantage du plaidoyer contre le sort misérable, «misérabilissime» même, que réserverait la société genevoise aux femmes du canton que d'autre chose !

Ce rapport appelle deux précisions.

La première concerne la motion à laquelle se réfère la rapporteuse, la motion 824 qui a déjà été largement mentionnée ce soir sur le placement des jeunes qui débutent dans la vie professionnelle. Cette motion a été - je tiens à le dire - complètement revue par la commission de l'économie, comme le Grand Conseil pourra s'en rendre compte prochainement, puisqu'il en sera saisi. En effet, cette motion était aussi irréaliste que dépassée ! Je précise que cette nouvelle mouture n'a pas été adoptée à l'unanimité, puisqu'elle a fait l'objet de quatre abstentions. Par contre, je signale que cette motion modifiée vise à mettre en oeuvre de nouveaux moyens de lutte contre le chômage des jeunes. Elle ne vise pas du tout à informer les jeunes sur les prestations de l'assurance-chômage ! L'accusation d'incohérence, d'inconstance émise par l'auteur du rapport de minorité est donc particulièrement inappropriée !

La deuxième remarque concerne la surreprésentation des femmes sur les listes de chômeurs. Les deux rapports - une fois n'est peut-être pas coutume - sont au moins d'accord sur deux chiffres. Les femmes occupent 40% des emplois et elles constituent 43% des chômeurs. Alors, j'avoue ne pas comprendre que l'on puisse en tirer la conclusion que les femmes sont mal informées sur leurs droits ! Elles semblent en effet s'inscrire en plus grand nombre au chômage et plus rapidement que les hommes puisqu'elles sont proportionnellement en plus grand nombre sur les listes de chômage. Bien sûr, on peut prétendre, pour expliquer ce phénomène, que les emplois féminins disparaissent plus rapidement que les emplois masculins. Mais vraiment rien ne permet de soutenir objectivement cette thèse, en tout cas pas les arguments - si vous permettez, Madame - un peu bizarres évoqués dans le rapport de minorité.

La conclusion qui s'impose est donc bien que les femmes connaissent leurs droits au moins aussi bien que les hommes et qu'aucun effort particulier ne doit être entrepris pour elles, parce que si on allait au bout de ce raisonnement, on pourrait se dire que ce sont les hommes qui sont mal informés, puisqu'ils sont insuffisamment représentés dans les listes de chômage !

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Le rapporteur de majorité prétend que la motion 785 a perdu de son actualité.

Je lui donne raison sur le premier volet, celui qui concerne l'information à faire aux jeunes. En effet, ce volet a perdu de son actualité non pas parce que le Conseil d'Etat a pris d'ores et déjà toutes les mesures qu'il convenait de prendre pour informer les jeunes ou concernant le chômage des jeunes, mais bien parce que la commission de l'économie, quinze jours après avoir discuté de la motion 785, a accepté une autre motion concernant le chômage des jeunes qui comporte plusieurs volets sur l'information destinée à la catégorie des jeunes chômeurs. Si la motion 785 a perdu de son actualité sur le volet «jeunes», c'est grâce au travail de la commission de l'économie, et j'espère que ce Grand Conseil voudra bien accepter la motion et le rapport sur le chômage des jeunes.

La motion qui nous est soumise ce soir aurait, selon le rapporteur de majorité, également perdu de son actualité parce que le taux de chômage féminin est plus élevé que celui des hommes, et le rapporteur de majorité en conclut que les femmes s'inscrivent davantage dans les offices cantonaux de chômage que les hommes. Le problème du chômage féminin ou de l'information des femmes serait donc un problème anodin, sans grande importance, pour lequel une motion serait un instrument trop lourd a même dit un commissaire en commission ! De tels propos, j'en suis sûre, reflètent moins une opposition de principe à une information à donner à la catégorie des chômeuses femmes qu'une méconnaissance du chômage des femmes, de la structure de l'emploi féminin et de la fragilité de la situation économique des femmes.

Je ne fais pas de misérabilisme, Monsieur Kunz, mais il est vrai qu'il y a davantage de chômeurs parmi les femmes que parmi les hommes. Cela ne signifie pas qu'elles s'inscrivent plus dans les offices cantonaux de l'emploi. Au contraire, j'ai essayé de démontrer dans mon rapport qu'à Genève en tout cas cela n'était pas le cas.

Mais il existe aussi, en plus de la statistique officielle, une nouvelle statistique du chômage établie à partir de l'enquête suisse sur la population active. Elle reprend une définition du chômage - celle du BIT - qui ne comprend pas seulement les chômeurs inscrits dans les offices cantonaux de l'emploi; c'est une définition plus large qui touche toutes les personnes au chômage. Selon cette statistique, parmi les hommes au chômage, 56% ne sont pas inscrits dans un office du travail, alors que chez les femmes cette proportion est de 74% ! Sur ce point on peut avancer l'hypothèse que la nature du travail féminin explique partiellement les choses, puisque les nombreuses femmes qui travaillent à temps partiel et dont le salaire est souvent un salaire d'appoint sont évidemment moins incitées à s'inscrire dans les offices cantonaux de chômage que les hommes.

Les arguments que j'avance, Monsieur Kunz, ne sont pas bizarres et les constatations ne sont pas anodines, pas seulement parce que les femmes ne touchent pas d'indemnités de chômage lorsqu'elles ne sont pas inscrites dans les offices cantonaux de l'emploi, pas seulement parce qu'ainsi le chômage féminin est encore sous-estimé bien que le taux de chômage féminin soit plus important que celui des hommes, mais aussi parce que, non inscrites, les femmes ne peuvent pas bénéficier des mesures de prévention, de recyclage et de perfectionnement personnel. C'est fort dommage parce que, encore une fois, l'enquête suisse sur la population active démontre que parmi les chômeurs de 30 à 50 ans une immense majorité, près du double de la proportion des hommes, sont des femmes, ce qui démontre les difficultés de réinsertion professionnelle des femmes après avoir arrêté un temps leur activité pour se consacrer à leurs enfants et aux tâches ménagères.

Au surplus, il est très difficile de reprendre une formation après des années d'activité professionnelle, en particulier lorsqu'on n'a pas un niveau de formation élevé, que l'on n'a pas appris à apprendre et que l'on n'a pas une formation continue en vue.

Vous dites, Monsieur Kunz, dans votre rapport que la priorité doit être donnée aux chômeurs de longue durée et que face à cette priorité il n'est pas important d'informer les femmes. Moi, je vous dis que les solutions au chômage de longue durée des femmes passent aussi par l'information. Or, l'information pose un problème à Genève, car elle est dispensée à tous les chômeurs par les médias, par les institutions de formation, par les organisations professionnelles, les syndicats, l'office de placement et l'office d'orientation et de formation professionnelles. Elle vient de diverses sources et elle est particulièrement complexe et difficile à assimiler. Je reconnais qu'en commission nous n'avions pas d'idée très précise sur la façon dont cette information pourrait être faite.

Depuis, j'ai pris des contacts avec un certain nombre de personnes et mes idées sont plus claires. J'espère ainsi pouvoir vous convaincre d'accepter qu'une information spécifique soit adressée aux femmes. L'information pourrait prendre la forme d'une brochure rédigée par le bureau de l'égalité, qui en a les moyens matériels, et la diffusion pourrait être effectuée par le canal de l'office cantonal de l'emploi, en collaboration avec les organisations féminines. Sur les bancs libéraux siège la présidente d'une grande organisation féminine, je veux parler du Centre de liaison des associations féminines. J'espère et je suis sûre que Mme Claude Howald s'associera à la demande d'information particulière pour les femmes et qu'elle acceptera que le Centre de liaison puisse jouer un rôle important dans cette phase d'information.

Je vous remercie donc de bien vouloir accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Mme Micheline Spoerri (L). Je vais évidemment revenir sur les rapports de majorité et de minorité, mais je voudrais surtout essayer de remettre les choses sur leurs rails. On vient à nouveau de déraper lorsque l'on nous invite à nous prononcer sur un texte précis, la motion 785, qui a déjà fait l'objet de nombreux débats et dont les invites consistent à demander d'abord au Conseil d'Etat l'intensification de l'information sur les prestations de l'assurance-chômage et, ensuite, à mettre sur pied des campagnes d'information spécifiques à l'intention des femmes et des jeunes à la recherche d'un emploi. Je vais faire abstraction du problème des jeunes. Tout le monde en a parlé. Nous aurons prochainement l'occasion de le traiter dans le cadre de la motion 824, et je précise pour tous ceux qui ont lancé des quolibets à ce sujet que le parti libéral entend bien reprendre une approche complémentaire en séance plénière.

Je reviens sur le problème de l'information. La première invite de la motion demande d'intensifier les efforts déployés par le département de l'économie, même si ceux-ci sont diversifiés. Aucune catégorie de chômeurs ne doit être oubliée, et à ce titre le département de l'économie publique et le Conseil d'Etat doivent assurer un rôle de pluralité. Les choses ont été reconnues par les commissaires. En effet, ils ont été d'accord, en séance plénière du 17 février 1994, de retirer la motion 797 qui n'était plus d'actualité, motion retirée par M. Champod. Elle avait d'ailleurs été déposée à la même époque que la motion 785 par quasiment les mêmes motionnaires. L'intensification demandée dans cette motion n'est plus d'actualité et l'effort effectué nous paraît suffisant.

Je reviens sur le rapport de minorité présenté par Mme Calmy-Rey. Je ne m'étendrai pas, Madame - pour éviter de perdre du temps - sur le début de votre rapport qui est effectivement très documenté, très chiffré et dont je ne conteste pas l'objectivité. Je souligne néanmoins qu'à plusieurs reprises on aurait pu avoir une interprétation différente, voire diamétralement opposée de certains chiffres. Il n'est un mystère pour personne que les statistiques et les chiffres permettent souvent d'arriver à une vérité, mais aussi à son contraire ! Il n'est donc pas question de discuter de cela.

Je tiens simplement à dire que cette partie du rapport ne constitue pas, à proprement parler, un argument nouveau par rapport à l'invite. Par contre, dans vos conclusions, pour signifier l'importance de l'information, en page 8, vous soulignez, je cite : «Deux demandeuses d'emploi sur trois ne sont pas inscrites au chômage. C'est grave, pas seulement pour des raisons de sous-estimation du chômage féminin...». Je conteste votre interprétation, car sur ces deux demandeuses sur trois non inscrites au chômage, beaucoup ne le sont pas délibérément, par choix. Je ne suis pas d'accord avec vous sur le fait que le chômage féminin est sous-estimé.

En page 9 de votre rapport, vous dites : «Je souhaiterais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous soyez convaincus de l'intérêt d'adresser aux femmes une information portant sur leurs droits...». J'espère que vous vous souvenez, Madame, qu'en séance de commission j'avais moi-même estimé que, si on pouvait considérer que l'information concernant les prestations de chômage chez la femme était une information méritant d'être traitée particulièrement et présentant certaines caractéristiques, il m'apparaissait que, compte tenu du travail fourni déjà par l'office et le département, ce qui manquait actuellement n'était pas un problème de mesures à prendre, mais un travail de diffusion et d'information. Il me semble que ce n'est pas le travail du département de l'économie. Alors, le fait qu'il se prête à l'interface nécessaire entre les mesures prises et leur concrétisation est une chose - M. Maitre ne s'est jamais refusé à participer à ce genre de discours - mais de là à ce que ce soit au département de l'économie de mettre sur pied cette campagne, il me semble qu'il y a une nuance !

A mon avis, il n'y a même plus de problème en ce sens que vous-même, Madame, dans votre conclusion, suggérez que le bureau de l'égalité mette une information sur pied. Pourquoi pas ? Il est tout à fait habilité à le faire. D'autres le peuvent aussi. M. Champod relevait lui-même que l'important était que le canal de l'information prenne plusieurs directions. Donc on pourrait très bien admettre la recevabilité de votre conclusion, même si d'autres possibilités existent que celle du bureau de l'égalité.

Par conséquent, nous n'avons pas à voter une motion, puisque vous proposez vous-même la solution. La motion est donc inutile, puisque l'instrument existe, le bureau de l'égalité aussi et la volonté du département de l'économie également. Nous sommes pratiquement tous d'accord sur le fait que la femme a des besoins différents de ceux de l'homme en matière de prestations de chômage. Il n'y a alors plus que la volonté qui compte. Mais pourquoi nous faire voter une motion alors que, précisément, la solution est contenue dans votre conclusion. Cela me semble étonnant, Madame, que vous n'ayez pas essayé de dissuader les motionnaires, comme cela avait été le cas pour la motion 797.

Pour terminer, et pour autant que l'on soit convaincu de la nécessité de cette information, sachez bien que le parti libéral considère que le but de celle-ci ne consiste certainement pas à inciter les femmes à aller s'inscrire auprès de l'office cantonal de chômage. Pour nous, le but est clair. Il consiste à donner aux femmes en difficulté devant le problème du chômage toutes les informations nécessaires pour choisir leur avenir professionnel, familial ou social. Il ne faut pas inciter, il faut simplement informer suffisamment les personnes concernées pour décider en toute connaissance de cause.

Le parti libéral ne pourra évidemment pas, Madame, entrer en matière sur cette motion. J'espère que nous nous sommes comprises. Je n'en suis pas convaincue, mais nous pourrons revenir sur ce sujet !

Le président. Je salue la présence à la tribune de notre ancienne collègue, Mme Jeannette Schneider-Rime.

M. Bernard Clerc (AdG). Mme Spoerri nous a dit qu'on pouvait faire dire n'importe quoi aux chiffres. Je suis étonné de cette affirmation. On peut avoir des divergences d'interprétation à partir d'un certain nombre de données, mais lorsque celles-ci sont fiables on doit en tenir compte.

Alors essayons de ne pas entrer dans la confusion entre demandeurs d'emploi d'un côté et chômeurs de l'autre. Monsieur Kunz, lorsque vous annoncez 43% de femmes inscrites au chômage, vous oubliez que la loi sur le chômage prévoit une disposition qui permet aux femmes séparées, divorcées ou veuves de s'inscrire au chômage sans avoir occupé un emploi. Par conséquent, on ne peut pas mettre ce chiffre en rapport avec le nombre de places de travail occupées par des femmes. C'est comparer deux données incomparables !

L'autre aspect concerne les demandeurs d'emploi. Nous savions depuis longtemps que le potentiel de demandeurs d'emploi était sous-estimé dans ce pays par rapport au mode de calcul européen. Depuis peu, grâce à l'enquête suisse sur la population active, on sait qu'il faut multiplier le chiffre des chômeurs inscrits par 1,7. Dans ce cadre, il est exact que la part des femmes à la recherche d'un emploi est de l'ordre de 70%, soit bien plus que les chiffres avancés dans le rapport de majorité !

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Je ne vais pas parler des chômeurs, mais des chômeuses. Le taux de chômage féminin est plus élevé que celui du chômage masculin. Je n'invente rien ! Cela ressort des statistiques de l'OFIAMT et de l'enquête suisse sur la population active, toutes les deux établies en 1993. Selon l'OFIAMT, 4,4% des hommes actifs sont au chômage, contre 4,7 des femmes actives. 22,5% de la population au chômage y reste pour une année et plus, dont 58,9% de femmes et 41,1% d'hommes. Selon l'enquête suisse sur la population active, 3% des hommes actifs sont au chômage contre 4,7% des femmes actives.

Selon cette enquête qui est, contrairement aux statistiques de l'OFIAMT, conforme à la définition du chômage du BIT et qui est utilisée par tous les membres de l'ONU, notamment par les pays de la CEE, un tiers des personnes au chômage n'était, en 1993, pas inscrit auprès d'un office cantonal de l'emploi. Les cinquante-quatre mille oubliés se composaient de 28% d'hommes et de 72% de femmes. Les deux statistiques sont d'accord sur un point : les femmes sont plus touchées par le chômage que les hommes. Contrairement à l'image reçue, le chômage est davantage personnifié par une femme que par un homme. Même des journaux sérieux, comme le «Journal de Genève», admettent ce fait.

Monsieur le rapporteur de la majorité, lorsque vous prétendez que le chômage féminin ne peut laisser conclure à un manque d'information, vous vous trompez et vous montrez que vous n'avez pas sérieusement étudié le problème ! Avez-vous fait un saut à Carouge au bureau de l'égalité ? Votre rapport minimaliste est un camouflet pour les femmes, notamment pour celles qui souffrent du chômage !

On se demande si vous êtes conscient que :

1) le taux du chômage féminin montre que les femmes perdent leur emploi plus facilement que les hommes;

2) moins d'une femme sur quatre au chômage touche des indemnités contre trois hommes sur quatre;

3) les chômeuses touchent des indemnités de chômage d'autant plus faibles qu'elles travaillent en majorité à temps partiel et que leur salaire est en moyenne 30% plus faible que celui des hommes;

4) la plus forte proportion de femmes dans la population au chômage de longue durée laisse supposer que les qualifications des femmes et les conditions du marché du travail ne correspondent pas suffisamment à leurs besoins et/ou que les prestations de l'assurance-chômage sont moins efficaces pour elles.

Minimiser à tel point la question de l'information des chômeuses, et cela tant au niveau de la forme qu'au niveau du fond, nous laisse penser, Mesdames et Messieurs de la majorité, que vous rejetez la demande contenue dans notre motion, car vous faites partie de ceux et de celles qui remettent en cause le droit au travail des femmes. En effet, en période de crise, les pressions pour que les femmes cèdent leurs places aux hommes ressurgissent. Eh oui, dans une Helvétie tourmentée par le chômage, Heidi se voit renvoyée au foyer et condamnée à y rester ! Lorsqu'on prétend qu'en période de chômage il est mieux qu'un membre du couple perde son travail qu'une personne seule, on sait que ce membre du couple est la femme dans la majorité des cas, car son salaire est inférieur à celui de l'homme.

Les femmes forment ainsi un potentiel de main-d'oeuvre qui peut être utilisé comme régulation du marché du travail. Quand l'économie marche bien on déroule le tapis rouge devant les escarpins des dames en les appelant à participer à la vie active, notamment en leur aménageant des postes à temps partiel. Inversement, lorsque l'économie se dégrade, les femmes sont priées de rester à la maison et des insinuations telles que : «A-t-elle vraiment besoin de travailler ?» ou «Ce père de famille ne devrait-il pas avoir la priorité ?» se multiplient. Or, le retrait du monde du travail a des conséquences graves sur les prestations sociales, et il n'est pas étonnant qu'une des causes de la pauvreté féminine croissante soit due à l'insuffisance des rentes AVS. En effet, bien des femmes se trouvent avec des droits limités, faute de cotisations régulières.

De plus, une telle vision dénote une fois de plus le concept de l'inégalité, ce que nous ne pouvons accepter. Notre société actuelle est encore profondément marquée par la vision de l'homme pourvoyeur du revenu familial et de l'activité passagère, intérimaire de la femme dépendante de l'homme. Comment une femme peut-elle, dans un tel contexte, prendre conscience tout à coup des obstacles spécifiques auxquels elle devra faire face lorsqu'elle voudra retrouver une activité lucrative ?

Le chômage féminin est accompagné d'un cortège d'obstacles particuliers liés à la perception globale de la femme dans notre société. Prenons la question de la garde des enfants. Selon nos lois sur l'assurance-chômage, une personne sans travail reçoit des indemnités pour autant qu'elle soit apte à prendre un emploi en tout temps. Or, pour que les personnes au chômage répondent à ce critère, beaucoup de caisses de chômage exigent que les enfants soient pris en charge par des tiers pendant leurs heures de travail. Dans la pratique, cependant, seules les chômeuses ont dû répondre à cette condition et prouver qu'elles ont envisagé la garde de leurs enfants. On ne pose pas ce genre de questions aux pères !

Cette situation discriminatoire se retrouve également lors de la recherche d'un emploi. En effet, beaucoup d'employeurs ne se gênent pas pour poser de telles questions à une éventuelle future employée.

Mesdames et Messieurs les députés, vous admettez souvent volontiers au niveau des discours qu'il faut aider les personnes qui en ont besoin, qu'il faut instaurer l'égalité entre femmes et hommes, mais dès qu'il faut passer aux actes la question devient anodine et inutile ! Pourtant, notre demande n'est vraiment pas exorbitante : nous voulons une information spécifique et ciblée adressée aux chômeuses pour qu'elles soient incitées à s'inscrire auprès de l'office de l'emploi et qu'elles aient une meilleure connaissance de leurs droits.

Le bureau de l'égalité serait tout à fait apte à préparer une telle brochure. La campagne de Carême de cette année est placée sous le thème : «Les femmes animent le monde.». Elle invite à une meilleure écoute des femmes afin d'accroître le partenariat entre hommes et femmes. Cette écoute doit s'accompagner d'une prise de conscience des situations et des problèmes qui pèsent de façon particulière sur les femmes et d'une reconnaissance de leurs actions et initiatives. Tout cela ressort de cette campagne de Carême et je pense que le parti démocrate-chrétien est sensible à ce genre d'arguments.

Notre Grand Conseil peut mettre cette invite en pratique en acceptant la motion qui demande, précisément, qu'on prenne en considération la spécificité des femmes dans le domaine du monde du travail et du chômage.

Mme Micheline Calmy-Rey (S), rapporteuse. Monsieur le président, j'ai l'intention de vous convaincre d'adresser une information aux femmes pour qu'elles puissent choisir en toute liberté, pour qu'elles puissent décider de se former, de se recycler ou de choisir un perfectionnement professionnel. Pour cela il faut d'abord passer par la phase d'information. Il est extrêmement difficile, après quelques années passées à la maison, de réintégrer le marché du travail et l'aptitude au placement se réduit au fur et à mesure de sorte que les chômeurs sont plus souvent des femmes que des hommes.

J'apprécie les propos de Mme Spoerri signalant que la solution à ce problème est contenue dans la conclusion de mon rapport. Elle a précisé qu'elle était d'accord pour que le bureau de l'égalité édite la brochure, pour diffuser l'information au travers de l'office cantonal de l'emploi et des associations féminines, mais, a-t-elle dit, la motion est un mauvais instrument. Je crois avoir bien résumé ses propos. Je tiens à vous dire, Madame, que cette motion n'est pas un mauvais instrument, au contraire ! Elle exprime la volonté, si elle est acceptée, de ce parlement de diffuser cette information. C'est en même temps une reconnaissance du problème spécifique et des difficultés des femmes. Au contraire, si vous refusez cette motion, vous donnerez l'impression que ce problème n'est pas suffisamment important pour mériter même une information à destination des femmes.

Je vous demande donc de bien réfléchir à votre vote. Je souhaiterais qu'il soit favorable.

Mme Micheline Spoerri (L). Madame Calmy-Rey, votre interprétation d'une partie de la réponse que j'ai apportée est correcte. Si, par hypothèse, cette motion n'était pas votée, en quoi le bureau de l'égalité, les associations féminines et les supports médiatiques seraient empêchés de passer cette information ? Je vous pose la question ! Donc, à mon avis, cette motion est parfaitement inutile ! C'est une question de volonté qui ne va pas dépendre de celle du Grand Conseil. Et même si le Grand Conseil votait votre motion cette volonté serait probablement insuffisante. En matière d'information, la volonté du Grand Conseil est une chose, mais la qualité de la diffusion de l'information en est une autre.

Vous proposez le bureau de l'égalité pour accomplir cette tâche. On pourrait proposer d'autres associations pour ce faire. Le problème est d'éviter d'entreprendre des choses qui ne servent à rien, surtout s'il y a des instruments efficaces déjà en place ! Il ne faut pas tout le temps biaiser la logique !

J'admets sans difficulté qu'un certain nombre de femmes rencontrent des problèmes spécifiques, parce que leurs statuts familial et professionnel sont particuliers. Seulement, tout est en place, et les associations féminines, par le biais du bureau de l'égalité ou autre, n'ont plus qu'à faire leur travail ! Vous voulez que le Grand Conseil proclame une volonté. D'une part, cela n'apporterait rien au point de vue de l'efficacité et, d'autre part, vous n'avez pas besoin de son autorisation. Le Grand Conseil - que je sache, à moins que je me trompe - n'intervient pas à chaque fois que le bureau de l'égalité a un avis à émettre ou une activité à mener. Je crois même pouvoir dire qu'il y a un règlement d'application qui dépend du département de justice et police. Je ne vois pas où est le problème !

Madame Calmy-Rey, j'insiste pour vous dire que si on peut admettre qu'une information spécifique est nécessaire, ce n'est en tout cas pas pour inciter les femmes à s'inscrire au chômage ! Je ne vois pas seulement des effets négatifs au fait que deux femmes sur trois renoncent à s'inscrire au chômage. Il n'est pas question de créer un secteur quaternaire à côté de l'industrie des services qui deviendrait un secteur d'inactifs. Tout le monde doit connaître son droit au chômage, mais je ne partage pas du tout le côté incitateur de votre démarche.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur. Pour reprendre l'invite de Mme Calmy-Rey, je vous demande de bien réfléchir à votre vote. Le problème posé ne porte pas sur la formation ou la réinsertion professionnelle des femmes. Il ne porte pas non plus sur le sort que nous réservons aux femmes dans notre société. Le problème posé concerne l'utilité ou non d'une information particulière aux femmes au sujet de leurs droits en matière de prestations de chômage. C'est tout à fait différent ! Et le débat a complètement dérapé. Madame Roth-Bernasconi, je ne considère pas du tout le problème du chômage comme une question anodine et personne au sein de la commission ne le considère comme tel. Mais, je le répète, ce n'est pas le sujet de cette motion !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Le groupe écologiste soutient le rapport de minorité et souscrit aux remarques faites par Mmes Calmy-Rey et Roth-Bernasconi.

Je rajoute toutefois deux remarques.

La première concerne l'information. Depuis que je siège ici, je suis complètement fascinée par cette question. En effet, que ce soit en séance plénière ou en commission ou encore lors de discussions de couloir, nous acquérons petit à petit la conviction que les autres savent ce que nous savons. Or, pour avoir gardé un pied ici et un pied ailleurs, je remarque quotidiennement que rien ne se sait ! Nos lois, nos acceptations, nos discussions ne sont pas connues. En dehors du cercle extrêmement restreint du monde politique et du monde intéressé par la politique - c'est-à-dire très peu de personnes dans ce canton, je peux en témoigner quand vous voudrez - les gens ne savent rien de tout cela.

La question des droits s'est souvent posée. J'ai participé à la commission de grâce et j'ai été très frappée de ce que mes collègues juristes estimaient que les gens connaissaient leurs droits. C'est faux ! Les gens ne les connaissent pas. Ils vivent dans un autre monde. Ils ne connaissent ni les lois ni leurs droits. La question de l'information pourrait être débattue à l'infini, mais elle est de notre responsabilité. Je pense, par ailleurs, comme l'ont dit mes collègues que les femmes sont en général encore prétéritées quant à l'information. Celle-ci ne doit pas devenir de l'assistance publique, parce que je crois que les citoyens ont le devoir de s'informer. Il leur incombe aussi de chercher les renseignements. Mais nous sommes tout à fait inégaux face à cette recherche de l'information. Le renforcement de cette information par rapport aux catégories qui sont les moins à même d'obtenir des informations reste donc de notre responsabilité.

Madame Spoerri, vous avez dit que l'on pouvait faire dire ce que l'on voulait aux statistiques. Pas tout à fait ! Depuis un certain temps, on explicite ces statistiques. Les statistiques suisses ou genevoises qui démontrent que le taux de chômage féminin ou le taux de non-emploi féminin est plus élevé que la participation moyenne des femmes ne sont pas contestables.

Dans son rapport de majorité, M. Kunz - je développe là un deuxième point - dit que si on ne tenait pas compte du travail à temps partiel, les femmes seraient encore plus représentées dans les pourcentages du chômage. Je suis loin de penser la même chose et les écologistes de même. En effet, en parlant de ne pas tenir compte du temps partiel, vous en arrivez à dire qu'il faudrait tenir compte seulement des vrais travailleurs, ceux qui travaillent à plein temps, et qui sont des hommes la plupart du temps. Comme vous le savez - et je le répète - nous estimons que le monde se partage entre les responsabilités professionnelles et les autres. Nous ne partageons pas votre analyse qui consiste à différencier les travailleurs à plein-temps des autres, ce qui permet d'exclure ces derniers qui sont le plus souvent des femmes. N'oubliez pas que le «travail à temps partiel» est probablement l'avenir de tous les travailleurs !

Mise aux voix, cette motion est rejetée.

 

Le président. D'entente entre Mme Chevalley et le Conseil d'Etat, le point 35 de notre ordre du jour (I 1895 - Enfance/adoption) est reporté à une prochaine séance.

La séance est levée à 19 h 35.