République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6995-B
6. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone de développement 4 B protégée). ( -) PL6995Rapport de M. Hervé Dessimoz (R), commission d'aménagement du cantonRapport de Mme Liliane Maury Pasquier (S), commission d'aménagement du canton
Mémorial 1993 : Projet, 4846. Commission, 4852. Rapport, 7864. Commission, 7897.
Rapport de majorité de M. Gérard Ramseyer (R), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Jean-Luc Richardet (S), commission d'aménagement du canton

Premier débat

M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur ad interim. J'ai repris ce rapport de mon ex-collègue député, Gérard Ramseyer. Je voudrais simplement vous dire ce qui s'est passé depuis le dépôt de ce rapport, le 5 novembre dernier, puisque ce dossier a été étudié sous l'ancienne législature. M. Ramseyer était rapporteur de majorité, et M. Richardet rapporteur de minorité. Ils n'ont plus la possibilité de défendre leurs rapports. Il a donc été admis que le dossier serait renvoyé devant la commission de l'aménagement pour qu'il soit réexaminé et ensuite représenté devant le Grand Conseil, ce qui se fait ce soir.

La commission d'aménagement a mené ces travaux en parallèle avec le projet de loi 7057, qui vient d'être adopté, et les premières études sur le projet de loi 7054, soit la «loi sur les hameaux». Au terme de ces réflexions, le vote de la commission a débouché sur le maintien des conclusions du rapport initial, et je défends donc le rapport de majorité sur lequel je n'ai pas d'éléments nouveaux à apporter, si ce n'est les composantes de l'enjeu, à savoir le déclassement en zone 4 B protégée du périmètre de Charrot. Il n'y a pas eu d'objections dans la commission. Les dissensions découlaient de l'application ou non des conditions de la zone de développement. La commune ne la souhaitait pas et la majorité de la commission non plus.

La commune voulait obtenir une dérogation de l'article 22 de la LALAT pour qu'elle ne soit pas soumise à l'adoption d'un PLQ. A l'époque, une majorité de la commission n'avait pas donné raison à la commune. Aujourd'hui, ce problème est résolu par l'adoption de la loi 7057 qui donne désormais la faculté à la commune de dialoguer avec le Conseil d'Etat et de trouver la formule la plus adéquate. Sur la base des informations que je viens de vous donner, je crois que vous pouvez sans autre suivre le rapport de majorité et voter la loi 6995 visant au déclassement de Charrot en zone 4 B protégée.

Mme Liliane Maury Pasquier (S), rapporteuse ad interim. En reprenant la maternité du rapport de M. Richardet, je me suis sentie un peu - pour rester dans un domaine que je connais - comme une mère adoptive. Ce bébé avait été en gestation ailleurs; il m'était, de prime abord, un peu étranger. J'ai dit «adoptive», parce que je l'ai considéré, comme toute mère adoptive, avec la bienveillance, l'intérêt et l'envie de le connaître qu'ont toutes mères adoptives face à leurs enfants.

Ainsi, le sujet de rapport n'est pas a priori mon sujet de prédilection. Je me suis informée, n'étant pas une spécialiste des hameaux, mais j'ai heureusement disposé du rapport de M. Richardet qui vous donne toutes les explications nécessaires à la compréhension de la position du groupe socialiste. J'ai déjà eu l'occasion, tout à l'heure, de vous exposer notre vision du développement des hameaux. En complément, j'ajouterai simplement que mon groupe, bien que favorable - je le redis - à la régularisation du régime des zones des hameaux, regrette que le projet de loi 6995 ait été modifié de manière que le hameau de Charrot ne se trouve plus en zone de développement.

Certes, la commune de Bardonnex consent à ne pas bénéficier des taxes d'équipement liées à la zone de développement, mais elle n'est pas prête pour autant à renoncer à demander l'aide de l'Etat à chaque occasion. Je cite, par exemple, la page 5 du rapport de M. Ramseyer, repris par M. Dessimoz, qui dit que la commune de Bardonnex est une de celles qui demande le plus de subventions. Peut-être faut-il choisir ? De plus, et en l'état actuel de la législation genevoise, il n'existe pas de moyens d'imposer la plus-value foncière dont bénéficient les propriétaires des terrains déclassés. Cette plus-value peut atteindre dix à vingt fois la valeur du terrain et je vous rappelle que l'article 5 de la loi sur l'aménagement du territoire prévoit que les législations cantonales mettent sur pied un régime de compensation permettant de tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs résultant de mesures d'aménagement. On oublie souvent les avantages. Ces raisons ont motivé l'abstention du groupe socialiste lors du vote sur l'ensemble de la loi en commission d'aménagement et le dépôt de ce rapport de minorité.

M. Christian Ferrazino (AdG). Notre groupe a déposé un amendement, distribué présentement, et qui reprend justement les observations que Mme Maury Pasquier vient de développer concernant le cas de Charrot qui, comme M. Dessimoz l'a rappelé, est un cas d'école puisque c'est le premier cas soumis à notre parlement. C'est dire qu'il a donc valeur d'exemple puisque vraisemblablement les cas qui suivront seront traités de la même manière.

Jusqu'à ce jour, il faut quand même se le rappeler, le Grand Conseil a quasiment toujours prévu des zones de développement lors de la création de nouvelles zones à bâtir. Si l'on devait appliquer sans autre aux hameaux - comme le rapporteur de la majorité le propose - les normes de la zone ordinaire 4 B, même protégée, mais qui ne serait pas une zone de développement, on serait face aux conséquences particulièrement catastrophiques que Mme Maury Pasquier vient de définir. Elles sont de deux ordres : tout d'abord du point de vue de la protection du site qui est particulièrement sensible - je n'insiste pas puisque l'on a déjà évoqué cette question à l'occasion du point précédent - mais ensuite et surtout par rapport au plan financier, car si nous nous trouvons dans le cadre d'une zone de développement les plans financiers permettent à la fois de contrôler le prix du terrain et le prix des loyers.

Dans le cas de Charrot, vous savez qu'un PLQ a déjà été adopté par le Conseil d'Etat, et celui-ci, semble-t-il, a obtenu l'assentiment de la commune. Dans ce projet, il y a plusieurs dizaines de logements prévus, c'est dire l'importance de pouvoir en maîtriser le devenir, lorsque des zones deviennent constructibles. Maîtriser le devenir, c'est aussi contrôler le prix du terrain et pouvoir faire en sorte que ces terrains, qui sont, par un simple acte législatif de notre Conseil, décrétés en zone constructible, ne deviennent pas, comme cela a été indiqué par Mme Maury Pasquier tout à l'heure, des objets de spéculation, car là réside le problème. C'est la raison pour laquelle nous avons formulé cet amendement. (Contestations de M. Dupraz.) Oui, Monsieur Dupraz ! Tout le monde prétend lutter contre la spéculation, même M. Dupraz, mais encore faut-il se donner les moyens de le faire.

Le président. Monsieur Ferrazino, adressez-vous à la présidence ou à l'ensemble du parlement, pas à un député en particulier !

M. Christian Ferrazino. Monsieur le président, je m'adresse au parlement et je dis de façon tout à fait générale que tout le monde dans ce parlement se plaît toujours à vouloir lutter contre la spéculation et cela par de grandes déclarations d'intentions. (Brouhaha.) Vous avez aujourd'hui le moyen de le faire, précisément en adoptant cet amendement visant simplement à modifier le titre de la loi et l'alinéa 1 qui précise que cette zone 4 B protégée créée est en zone de développement.

M. John Dupraz (R). Je suis effaré par les propos de notre collègue Ferrazino concernant le problème des hameaux. En fait, les hameaux ne sont jamais que des bourgs constitués qui, en 1961, n'ont pas été inscrits dans un périmètre de zone à bâtir. Monsieur Ferrazino, je ne sais pas si vous connaissez le canton, mais si vous examinez l'architecture et l'urbanisme du village de Bardonnex qui est en zone 4 B et le hameau de Charrot, vous n'y voyez aucune différence. Je reconnais l'esprit totalitaire de M. Ferrazino... (Eclats de rires de l'assemblée.) qui veut absolument...

Une voix. Stalinien !

M. John Dupraz. Qui a dit Stalinien ? Je n'ai pas dit ça. C'est un vilain promoteur qui l'a dit ! Simplement vouloir prétendre que Charrot devrait être déclassé en zone de développement alors que pratiquement tout est construit, c'est une aberration totale. Les zones de développement ont été constituées pour être développées. Là, il n'y a rien à développer, c'est construit; mais vous, ce qui vous intéresse, c'est de tout contrôler ! Vous voyez partout la spéculation. J'espère que dans le domaine de la défense des locataires, vous êtes meilleur qu'en aménagement du territoire, parce que si j'étais votre patron, je vous mettrais à la porte ! (Rires.)

Cela dit, il faut constater que ce projet de loi est très bien ficelé et du reste, le périmètre a été déterminé par M. Grobet à qui je fais pleine confiance, car il connaît très bien ces problèmes...

Des voix. Aaah !

M. John Dupraz. ...encore une fois, la commune ne souhaite absolument pas que cette zone soit en zone de développement, elle est construite. Je vous invite donc à voter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, c'est un bon projet. Quant à ceux qui craignent que l'on spécule dans cette zone-là, vous ne pouvez construire que des maisons individuelles ou de petits locatifs qu'il est impossible de faire sous le système de la loi HLM parce que le coût de petits immeubles ne s'y prête pas. Vous le savez parfaitement bien, Monsieur Ferrazino ! En fait, le combat de la gauche est un combat d'arrière-garde. Si Charrot est un cas d'école, c'est un bon exemple. Encore une fois, votons ce projet de loi !

M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur ad interim. Je voudrais simplement apporter une correction à la déclaration de ma collègue Mme Maury Pasquier. A la page 5 du rapport de majorité, ce sont les représentants du département des travaux publics qui rappellent que la commune de Bardonnex est une de celles qui demande le plus de subventions. Ce n'est pas à vérifier; il s'agit d'une affirmation des représentants du département et non de la commission.

Je voudrais encore répondre à M. Ferrazino sur le thème de la zone de développement. Monsieur, je ne vois pas où vous pourriez trouver, dans la loi sur la zone de développement, les fondements qui permettent de prétendre qu'elle a une valeur de protection du site, parce que cette loi postule à tout autre chose - M. Dupraz a dit au développement - mais elle a aussi d'autres buts n'ayant rien à voir avec la protection des sites.

Vous avez dit que l'application de la zone de développement permettrait de contrôler les plans financiers et, somme toute, d'éviter la spéculation. Je voudrais quand même vous rappeler que, dans les considérants de cette loi, à la page 2 du rapport, lorsque l'on dit quels sont les motifs qui animent la commune de Bardonnex, la mairie de Bardonnex déclare ceci : «Les familles habitant Charrot souhaitent que leurs enfants puissent habiter le hameau et, par conséquent, que le plan soit moins restrictif.». Alors là, Monsieur Ferrazino, je dis : pas de contrôle dans les plans financiers des familles, je vous en prie !

M. René Koechlin (L). M. Ferrazino tout à l'heure se posait en champion de la défense des communes !

M. Pierre Meyll. S'il n'était pas là, t'aurais pas grand-chose à dire ! (Rires.)

M. Michel Balestra. Mais lui, y sait de quoi y parle ! (Brouhaha.)

M. René Koechlin. D'ailleurs, il n'est pas le seul à se poser en champion de la défense des communes dans ce parlement, Monsieur Meyll.

M. John Dupraz. Ferrazino est Dieu ! (Rires.)

M. René Koechlin. M. Ferrazino et tous ses petits camarades s'affichent d'ailleurs comme les champions de la concertation avec les habitants, à d'autres occasions, naturellement quand ça les arrange ! Or en l'occurrence, la commune que nous avons entendue à deux reprises en commission a fait état d'un énorme travail de concertation avec les habitants, peut-être sans précédent dans ce canton. Ce travail a précisément abouti à un certain nombre de conclusions dont la commune nous a fait part, nous demandant notamment de renoncer à la zone de développement, d'une part, et de faire en sorte qu'il n'y ait pas de plan localisé de quartier, d'autre part. Tout cela ressort de cette sacro-sainte concertation à laquelle, Monsieur Ferrazino, vous tenez tant. Alors soyez un peu cohérent avec vous-même, s'il vous plaît !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je répondrai à Mme Maury Pasquier que la plus-value sur les terrains agricoles fait déjà l'objet d'un contrôle de fait extrêmement rigoureux. En effet, sous le règne de mon prédécesseur, une pratique a été développée à la commission d'aménagement avec des discussions très intenses où l'on a admis par exemple que si l'on voulait construire des villas sur un terrain agricole, on ne pouvait pas demander plus que 90 à 100 F. Si l'on voulait construire des blocs locatifs sur des terrains agricoles, on ne pourrait pas demander plus de 150 F. Nous avons un litige au département des travaux publics avec un architecte, présent dans cette salle, qui dit que justement c'est très difficile, car, avec 150 F, le plan financier ne joue pas, parce que la part du terrain descend à 5 % et cela pose des problèmes de structures de plans financiers très graves.

A M. Ferrazino, je ne dirai qu'une chose. Non, Monsieur Ferrazino, les autres hameaux, pour des raisons très évidentes, ne seront pas forcément traités de la même manière. Suite à ce qu'a dit M. Koechlin, je rappellerai que les discussions sur Charrot durent depuis plus d'une décennie et que la situation est différente dans d'autres hameaux parce que les habitants ont des conceptions différentes. En ce qui concerne les subventions, on dit que la commune de Bardonnex a touché beaucoup de subventions; ce qui est exact. Je tiens à rappeler qu'un bonus fédéral à l'investissement a été distribué, l'année passée. Les communes ont réagi de façons extrêmement différentes : certaines ne se sont même pas donné la peine de demander un subside, d'autres n'avaient pas de dossiers prêts et celles qui avaient des dossiers prêts et le désir de bénéficier de ces subsides les ont reçus. Voilà ce que je voulais dire au sujet de ce projet de loi que je vous propose d'adopter tel quel.

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Titre

Le président. Nous sommes en présence d'un amendement de M. Ferrazino visant à modifier le titre de la loi comme suit :

«Projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone 4 B protégée de développement)»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 1, al. 1

Le président. Le deuxième amendement de M. Ferrazino vise à modifier l'article 1, alinéa 1 comme suit :

«Le plan n° 28 542A-505, dressé par le département des travaux publics le 1er février 1993, modifié le 13 octobre 1993, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone 4 B protégée de développement, au hameau de Charrot), est approuvé.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, les articles 1 à 3 sont adoptés.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant le régime des zones de constructionsur le territoire de la commune de Bardonnex(création d'une zone 4 B protégée)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article 1

1 Le plan n° 28542A-505, dressé par le département des travaux publics le 1er février 1993, modifié le 13 octobre 1993, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone 4 B protégée, au hameau de Charrot), est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 3

Un exemplaire du plan n° 28542A-505 susvisé, certifié conforme par le président du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.