République et canton de Genève

Grand Conseil

I 1878
20. Interpellation de Mme Claire Torracinta-Pache : Pénurie d'élèves à l'atelier de formation continue. L'office cantonal de l'emploi est-il responsable ? ( )I1878

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Le 23 mars 1993 était inauguré à Genève l'atelier de formation continue, fruit d'une heureuse collaboration entre l'Université ouvrière de Genève et la Fédération des syndicats patronaux. Inspiré d'une réalisation neuchâteloise, fonctionnant à entière satisfaction et répondant à un réel besoin, l'atelier propose des cours de remise à niveau de culture générale. Il vise principalement à combler des lacunes de base en français et mathématiques tout en initiant à l'informatique, par l'utilisation de didacticiels. L'atelier s'adresse aux personnes ayant besoin d'une formation complémentaire pour atteindre le niveau de fin de scolarité obligatoire, leur permettant ainsi l'accès à une formation plus poussée ou à un emploi.

La priorité est donnée aux chômeurs et le financement des cours est alors pris en charge par l'assurance-chômage après contrôle de l'office cantonal de l'emploi. Les responsables de cet office - il est utile de le rappeler - se félicitèrent à l'époque de la création de ce nouvel outil de lutte contre le chômage, tout en lui prédisant un succès immédiat. Or, dix mois plus tard, force est de constater que ce n'est pas le cas. Prévu pour accueillir une vingtaine d'étudiants par jour, l'atelier n'a jamais fait le plein et il n'en restait plus que deux à la fin de l'automne, alors qu'il est évident que, sur les 16 000 chômeurs du canton, des centaines d'entre eux auraient besoin de ce type de cours.

L'information sur l'atelier est donnée par l'office cantonal de l'emploi, par l'office d'orientation et de formation professionnelle, les syndicats, l'Université ouvrière de Genève et la presse. Les candidats intéressés remplissent une demande à l'atelier qui leur fait passer des tests et fixe avec eux le programme de leur formation. Munis de cette inscription, ils se rendent ensuite à l'office cantonal de l'emploi qui donne son accord ou non au projet. Hélas, l'office, qui devrait être le premier pourvoyeur d'élèves, octroie d'une manière de plus en plus restrictive son accord à ce type de formation. Jusqu'au mois de septembre, pas de problème, les demandes sont presque toutes acceptées. Mais, dès la rentrée, les refus se succèdent et les raisons invoquées apparaissent arbitraires aux yeux des responsables de l'atelier. Il faut préciser que, depuis le début, ce dernier a eu trois interlocuteurs successifs à l'office cantonal de l'emploi. Actuellement il s'agit de la personne chargée des cas dits «difficiles». On peut, à ce propos, s'étonner de l'amalgame fait entre les personnes désireuses d'améliorer leurs connaissances en français et en mathématiques et les cas dits «difficiles». Or, sans une ferme volonté de l'office cantonal de l'emploi d'utiliser les fonds à disposition pour permettre aux chômeurs d'améliorer leurs connaissances de base indispensables à une formation ultérieure, l'atelier ne se remplira pas.

Ces considérations m'amènent à poser au Conseil d'Etat les questions suivantes :

Comment l'office cantonal de l'emploi diffuse-t-il l'information sur les cours de formation proposés aux chômeurs ?

Y a-t-il une centralisation et une coordination des renseignements utiles en la matière, qu'ils proviennent du secteur public ou d'organismes privés, associations professionnelles, etc. ?

Quel est le parcours d'une offre de formation ?

Qui décide si tel ou tel chômeur peut bénéficier ou non d'un certain type de formation ?

Quels sont les paramètres financiers pris en compte pour accepter ou refuser un cours ?

Envisage-t-on une évaluation a posteriori d'une formation accordée ?

Y a-t-il une différence entre placeurs et conseillers en recyclage ?

Quel est leur nombre, leur formation, leur rôle, leur tâche ?

Enfin, les ressources de l'atelier étant manifestement sous-employées, ne faudrait-il pas mener une réflexion sur la possibilité de l'ouvrir à un plus large public et sur les possibilités de financement y relatives ?

En conclusion, j'ajouterai que si je fonde cette interpellation sur le cas de l'atelier de formation continue, d'autres prestataires de cours évoquent les mêmes questions. Je vous remercie par avance, Monsieur le conseiller d'Etat, des réponses que vous voudrez bien me donner.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. L'interpellation de Mme Claire Torracinta-Pache pose le problème du fonctionnement du centre de formation continue des travailleurs et des relations qui existent entre celui-ci et l'office cantonal de l'emploi, plus particulièrement, même si ce centre est en relation avec d'autres institutions publiques ou privées. Il est vrai que le centre de formation continue des travailleurs, créé de concert par l'Université ouvrière de Genève et la Fédération des syndicats patronaux, est un instrument destiné à répondre d'une manière générale aux personnes qui ont besoin d'obtenir un niveau de fin de scolarité obligatoire. L'objectif du centre de formation continue est de favoriser l'accès à une formation professionnelle ou à un emploi.

Je suis d'accord avec vous, Madame Torracinta-Pache, sur l'ambiguïté quant à la localisation d'une partie de la demande à l'office cantonal de l'emploi auprès de la personne chargée des cas dits «difficiles». Cela ne donne pas une bonne image et nous allons y remédier. Nous l'avons d'ailleurs déjà fait sur la base d'indications que je vous donnerai dans un instant. Ce niveau de formation s'adresse, en particulier, à une population relativement peu scolarisée et qui est réunie sous le label effectivement peu heureux de «cas difficiles».

Les conseillères et conseillers en placement sont parfaitement informés des prestations du centre et, sur la base de ce qui m'a été dit, n'hésitent pas à en proposer le bénéfice lorsqu'il leur semble que le besoin s'en fait sentir. Selon les personnes questionnées à l'office de l'emploi, toutes les demandes, qui se justifient objectivement au regard des dispositions applicables en matière de lois fédérales sur l'assurance-chômage, ont été agréées.

Je tiens à vous indiquer que je ne me suis pas satisfait de cette seule réponse. En effet, j'avais effectivement été interpellé par des représentants de syndicats sur le fonctionnement du centre et, en particulier, sur le fait qu'il n'avait probablement pas le succès qu'on attendait. J'ai donc demandé que ce sujet soit approfondi à l'office cantonal de l'emploi, à la fin de l'année dernière. Je peux vous dire que l'office cantonal de l'emploi a été chargé d'assurer une meilleure coordination avec le centre de formation continue. Pas plus tard que le 19 janvier dernier, les chefs de section du service de placement, les conseillères et conseillers en placement et en recyclage - c'est-à-dire tout le personnel chargé de ce type de prestations - ont passé un après-midi entier au centre de formation continue des travailleurs pour être mieux informés sur les prestations qu'il offre. Le but était de les sensibiliser à cet outil de travail à disposition pour qu'ils puissent mieux l'utiliser. Je réponds donc ainsi à l'une de vos préoccupations.

Par ailleurs, j'ai demandé que l'information sur les prestations du centre soit améliorée. C'est ainsi que, désormais, l'office cantonal de l'emploi tient systématiquement à disposition des demandeurs d'emploi, tant dans ses locaux du Glacis-de-Rive que dans ses différentes agences, l'ensemble du matériel édité par le centre de formation continue des travailleurs.

J'aimerais tout de même que vous sachiez, Madame la députée, que l'office cantonal de l'emploi n'a évidemment pas le pouvoir de contraindre des personnes, qui pourraient en tirer le plus grand profit, à suivre les cours en question. Cela limite donc cette action.

Vous vous demandez de quelle manière on pourrait mieux utiliser les prestations de l'atelier de formation continue et vous suggérez de mener une réflexion sur la possibilité d'ouvrir ce centre à un plus large public. C'est une question qui peut se poser. J'estime qu'il ne nous appartient pas directement d'y répondre. Nous voulons bien le faire en concertation avec le centre de formation continue, mais la réponse appartient d'abord à ce dernier. Vous devez être conscients que, dans le contexte actuel du chômage et du nombre important de demandeurs d'emploi, beaucoup de prestataires de formation ou de perfectionnement professionnel, à quelque titre que ce soit, s'adressent à l'office cantonal de l'emploi pour bénéficier de l'envoi de demandeurs d'emploi, subvention à la clé. Vulgairement dit, il y a un «fromage» ! D'aucuns savent où il se trouve ! Je ne porte pas un jugement de valeur sur le centre de formation continue ! J'ai moi-même participé à son inauguration et j'estime que c'est un instrument valable que nous devons privilégier et mieux utiliser.

Dans ce contexte - en réponse à l'une de vos interventions - je vous indique que la commission de réinsertion professionnelle a précisément pour objectif, avec les partenaires sociaux - l'office cantonal de l'emploi et l'office d'orientation et de formation professionnelle - de procéder à une évaluation de la qualité des cours et des prestations de perfectionnement professionnel qui sont offerts. Elle va également être chargée de procéder, de manière beaucoup plus systématique, à une évaluation suivie des prestations après qu'elles ont été données, afin de contrôler dans le temps l'adéquation de la justification d'une subvention accordée avec le but pour lequel elle est effectivement accordée. M. Bernard Gabioud, qui s'occupe maintenant de ce secteur, a organisé un programme de travail avec les partenaires sociaux. La prochaine réunion du conseil de surveillance du marché de l'emploi aura lieu la semaine prochaine et nous allons précisément mettre en place les structures opérationnelles permettant d'assurer un nettement meilleur suivi de l'ensemble des cours dispensés.

Madame la députée, je réponds globalement, de la façon suivante, à votre interpellation.

L'atelier de formation continue des travailleurs est un instrument valable, qui n'a probablement pas été utilisé comme il aurait dû l'être. Les instructions nécessaires ont été données pour y remédier en organisant un meilleur contact entre le placement, les conseillers en recyclage et ledit atelier et en organisant également un meilleur suivi de l'ensemble des prestations des écoles et autres prestataires de cours de cette nature, en particulier avec l'atelier de formation continue.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). M. Maitre a répondu partiellement à quelques-unes de mes questions. Je reviens donc sur certaines de celles-ci.

Vous me dites, Monsieur le président, que l'on va améliorer l'information sur les cours. J'en suis ravie ! Mais s'il s'agit simplement d'afficher côte à côte les offres de cours dispensés à Genève, cela me semble insuffisant ! J'aimerais donc bien avoir des précisions sur la manière d'obtenir une meilleure information pour diffuser ces cours.

Je vous ai également demandé le nombre des placeurs et des conseillers en recyclage, s'il y avait une différence entre eux et quelle était leur formation. Ces questions n'ont pas obtenu de réponse !

Vous me dites que l'on ne peut pas forcer un chômeur à prendre un cours; bien entendu ! Mais mon interpellation va en sens contraire !

J'aimerais savoir quels ont été les vrais motifs de l'office cantonal de l'emploi pour refuser les cours dispensés par l'atelier de formation continue ? Bien entendu, je ne vous donnerai pas de noms ! On a refusé, par exemple, à une jeune personne le cours de perfectionnement en raison du manque d'emploi dans les bureaux. Cette personne est vendeuse et souhaitait se recycler pour devenir employée de bureau, mais il lui manquait des bases en français et en mathématiques. Je trouve ce motif un peu court !

Autre exemple de refus qui touche aux paramètres financiers. Je l'ai évoqué, mais vous n'y avez pas répondu. Une technicienne en bâtiment qui voulait se recycler comme agente de voyage s'est entendu répondre qu'elle n'avait pas cotisé assez longtemps et qu'on lui avait déjà financé un cours. J'aimerais donc savoir si l'on peut bénéficier des cours une seule ou plusieurs fois.

Voici un autre exemple qui me semble encore plus curieux ! L'office cantonal de l'emploi a répondu à une caissière de cafétéria, qui avait le projet de devenir vendeuse-caissière pour améliorer sa situation professionnelle, que les caissières étaient formées sur place par les entreprises et que ce n'était pas le moment de la couper du monde du travail.

Je me demande donc si les personnes qui reçoivent les demandes de cours sont réellement formées pour cela et si elles sont capables de discerner ce qui est nécessaire ou non à la personne qui sollicite ces cours.

Je vous signale que j'ai posé des questions non seulement à l'atelier de formation continue, mais aussi aux Cours commerciaux. Les réponses font invariablement état que quelque chose ne va pas tant au niveau de l'orientation donnée aux chômeurs qu'au niveau du financement. Je le répète, j'ignore comment cela se passe au niveau du financement des cours. Peut-on bénéficier plusieurs fois d'un tel financement ? J'aimerais vous entendre à ce sujet, Monsieur le conseiller d'Etat, cette fois ou dans une autre séance, si vous le préférez.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je vais tenter d'apporter un certain nombre de renseignements complémentaires à vos questions.

En ce qui concerne l'amélioration de l'information, il est évident qu'il ne suffit pas de mettre des prospectus à disposition. Il s'agit de faire prendre conscience aux placeurs et aux conseillers en recyclage de l'intérêt de conduire les demandeurs d'emploi aux cours appropriés à leur cas pour améliorer leurs chances de placement. Les placeurs, dans ce contexte, ont la mission de concourir à ce placement. Les conseillers en recyclage sont, en règle générale, mis en oeuvre par les placeurs qui constatent que des éléments supplémentaires dans le cursus de formation seraient nécessaires pour améliorer les chances de placement. A ce moment-là, les conseillers en recyclage peuvent, sur la base de l'examen du dossier de l'intéressé et d'un contact individuel avec cette personne, juger des cours les plus appropriés.

Vous évoquez un certain nombre d'exemples, Madame. Ces exemples anonymes sont utiles et importants ! Je souhaiterais, si vous le voulez bien, que vous me donniez les noms des personnes en question en aparté, car pour pouvoir remédier à cet état de choses il faut reposer la réflexion sur des cas concrets. Sur quelques cas qui ne vont pas, il y en a des centaines qui vont bien ! Il est intéressant pour nous d'avoir des dossiers concrets pour pouvoir vérifier si les réponses qui ont été données ne sont pas adéquates et en tirer des conclusions.

J'aimerais toutefois en savoir plus, car d'autres éléments entrent peut-être en ligne de compte, éléments que vous ne connaissez pas mais que les placeurs ou conseillers en recyclage concernés peuvent m'indiquer. Leur appréciation peut diverger. Quoi qu'il en soit, je constate qu'il y a de toute façon un problème de communication, parce que l'on a affaire à des gens qui sont déçus par la réponse qu'on leur a donnée. Cela ne veut pas dire que l'on doit nécessairement satisfaire tout le monde lorsque les conditions ne sont pas remplies, mais on doit au moins leur donner des explications complètes et claires. Je désirerais donc davantage de renseignements pour m'aider à approfondir la question sur les dossier que vous avez évoqués, pour savoir s'il y a lieu de corriger ou de rattraper ce qui peut l'être.

Par ailleurs, je suis en train de réexaminer tout le fonctionnement du service de placement, car le développement du nombre de chômeurs impose de nouvelles méthodes de travail et une nouvelle approche. Nous ne pouvons pas considérer que le service de placement de l'office cantonal de l'emploi possède une structure établie une fois pour toutes. Elle évolue en fonction du nombre de chômeurs, hélas en augmentation. La nature des demandes auxquelles nous devons faire face est elle aussi qualitativement différente. Il suffit de se référer, en particulier, au chômage de longue durée. L'intervention de tout à l'heure l'a bien fait comprendre.

Voilà les informations complémentaires que je puis vous donner à ce stade. Je vous donnerai des renseignements supplémentaires pour répondre en détail à vos questions. De votre côté, essayez de me donner des indications plus précises. Je les recevrai volontiers.

L'interpellation est close.

 

Le président. Nous saluons à la tribune du public la présence d'une classe de sommeliers et de boulangers, dans le cadre du cours de civisme du centre d'enseignement professionnel pour l'industrie et l'artisanat, sous la conduite de M. Roth.

Nous saluons également la présence d'élèves d'une classe d'éducation physique du cycle d'orientation de Cayla, sous la conduite de Mme Pini.