République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6995-A
11. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone de développement 4 B protégée). ( -) PL6995
 Mémorial 1993 : Projet, 4846. Commission, 4852.
Rapport de la majorité de M. Gérard Ramseyer (R), commission d'aménagement du canton
Rapport de la minorité de M. Jean-Luc Richardet (S), commission d'aménagement du canton

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La commission d'aménagement du canton, sous la présidence de M. J.-L. Richardet, a traité de cet objet dans ses séances des 8, 22, 29 septembre, 13 et 20 octobre 1993.

Elle a effectué un transport sur place lors de sa séance du 13 octobre 1993.

Ont assisté à ces séances : M. le conseiller d'Etat Ch. Grobet (séances des 8.9.93 et 29.9.93), Mme S. Lin, cheffe de service du plan directeur, M. D. Mottiez, secrétaire adjoint et M. Brun, chef du service des plans de zone et de l'information (séance du 8.9.93), M. Schaffert, directeur de l'aménagement du canton (séance du 22.9.93), Mme Piguet, service monuments et sites (séance du 13.10.93) et MM. G. Gainon, chef de la division des plans d'affectation et Pauli, juriste (séances des 22.9, 29.9, 13.10 et 20.10.93).

La commission d'aménagement du canton a auditionné une première fois le 22 septembre 1993, Mme M.-L. Barthassat, maire de Bardonnex, et MM. A. Crettenand et G. Friess, adjoints, et une seconde fois le 13 octobre 1993 les mêmes personnes.

1. De quoi s'agit-il?

Charrot est l'un des cinq sites bâtis ou village qui composent l'entité communale de Bardonnex. C'est un hameau d'une quarantaine de bâtiments, sis de part et d'autre de la route de Foliaz. Le hameau se trouve en zone agricole. Depuis plusieurs années, la commune souhaite que ce hameau soit mis dans une zone à bâtir afin que son régime ne soit plus régi par les normes de la zone agricole.

Le hameau de Charrot fait partie de la trentaine de hameaux recensés par le département des travaux publics selon certains critères.

2. Quels sont les motifs qui animent la commune de Bardonnex?

Les familles habitant Charrot souhaitent que leurs enfants puissent habiter le hameau et, par conséquent, que le plan soit moins restrictif (déclaration mairie de Bardonnex, PV du 22.9.93).

L'autorité communale souhaite quant à elle équilibrer la commune, réaliser quelques villas ou transformations à Charrot en compensation des logements HLM créés à La Croix-de-Rozon (déclaration mairie de Bardonnex, PV du 13.10.93).

3. Quelles sont les mesures prises par la commune de Bardonnex?

Elle a lancé début 1989 une étude d'aménagement avec la collaboration d'un bureau d'urbanisme (ACAU). Objectif : «Examiner la possibilité de créer une zone à bâtir à Charrot et en énoncer les conditions».

Le département des travaux publics a été informé de cette initiative, il a activement participé à diverses séances de travail, en précisant d'emblée qu'il était favorable à la création d'une zone à bâtir pour le hameau de Charrot, vu ses dimensions. Le projet de plan du périmètre a été fixé en étroite collaboration entre la commune et le département des travaux publics.

La commune de Bardonnex a en outre organisé une large concertation avec les habitants concernés, qu'elle a rencontrés en séances d'information à quatre reprises de septembre 1988 à juin 1993.

Elle a enfin lancé, début 1990, un questionnaire aux habitants de Charrot pour connaître leurs besoins et intentions.

A noter au surplus que la commune de Bardonnex a procédé récemment à l'acquisition d'une ferme permettant d'envisager si nécessaire l'extension de l'école, de sorte qu'elle a ainsi paré sur le plan scolaire à un développement limité de Charrot.

4. Qu'est-il ressorti du débat sur le plan communal?

4.1. Le périmètre examiné par le bureau d'urbanisme était d'environ 60'000 m2 (étude détaillée du hameau et étude générale de son milieu environnemental, surface à ne pas confondre avec la zone à déclasser).

Ont été recensés en particulier 43 propriétaires dont 26 se sont exprimés en réponse au questionnaire de début 1990. Seuls 9 propriétaires, dont 3 agriculteurs, ont souhaité des constructions nouvelles. Il est ainsi démontré que le développement prévisible de Charrot devrait être particulièrement limité.

4.2. Le bureau d'urbanisme a proposé la délimitation ou la détermination de :

 un certain territoire qui n'est plus affecté à l'agriculture ;

 certaines «poches» pouvant être bâties ;

 certaines constructions désaffectées pouvant être adaptées à l'habitat (rénovations ou démolitions-reconstructions).

Il a proposé la délimitation fine et modérée d'une quatrième zone B protégée de développement sans qu'il s'agisse d'un plan localisé de quartier (présenté comme «long et coûteux à établir»).

4.3. La commune de Bardonnex a souhaité que le périmètre constructible ne soit pas trop restrictif.

4.4. L'Etat s'est référé au débat relatif au projet de loi 6254 sur les hameaux, a réitéré sa crainte d'abus suite à des déclassements purs et simples en zone hameau conduisant au grignotement de la zone agricole, ainsi que son souci de préserver le caractère et la qualité architecturale des hameaux en évitant la construction de nouveaux bâtiments (PV ACAU, séance du 31.5.89, annexe I au présent rapport).

4.5. Le bureau d'urbanisme a présenté le 29 mai 1990 à la commune de Bardonnex un rapport intermédiaire (annexe II au présent rapport) d'où il ressort que trois changements législatifs importants sont entre-temps intervenus. Pour mémoire, il s'agit :

a) de la nouvelle ordonnance fédérale LAT du 2 octobre 1989 sur les zones spéciales pour le maintien de petites entités urbanisées hors zones à bâtir ;

b) de la nouvelle formulation de l'article 22, alinéas 2-3 LaLAT adoptée par le Grand Conseil le 5 octobre 1989, texte portant sur les hameaux ;

c) du nouvel article 26 A LaLAT adopté par le Grand Conseil le 5 octobre 1989 traitant des changements d'affectation des bâtiments agricoles.

Pour mémoire, l'article 22, alinéas 2 et 3 LaLAT dispose :

«2 Lorsque la totalité ou une partie importante de hameaux constitués et situés en zone agricole n'est manifestement plus affectée à l'agriculture, le Grand Conseil peut la déclasser en quatrième zone rurale.

3 Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone ne peut être délivrée tant qu'un plan localisé de quartier n'a pas été adopté».

Partant, le bureau d'urbanisme a proposé une alternative : maintenir Charrot hors zone à bâtir ou déclasser Charrot en quatrième zone rurale.

4.6. Ces travaux ont conduit au projet de loi 6995. Il ressort de l'exposé des motifs que «Charrot correspond en tous points aux critères retenus par le plan directeur cantonal» dans l'optique de l'application de l'article 22 LaLAT.

A noter que la zone à déclasser est in fine de 24'500 m2 seulement.

4.7.A noter aussi que le conseil municipal de Bardonnex a préavisé favorablement ce déclassement le 15 juin 1993 mais en demandant qu'il s'agisse d'un déclassement en zone 4 B protégée et non pas en zone de développement 4 B protégée.

5. Travaux en commission

5.1. Il apparaît d'emblée que le point de divergence entre la commune et l'Etat réside dans l'établissement d'un plan localisé de quartier ou non. Nonobstant les taxes à retirer pour la commune en raison de dépenses d'équipement (il est question d'une dépense d'environ 1 million, soit 50'000 F de taxe pour mise en séparatif de Charrot (PV du 8.9.93), la commune de Bardonnex estime avoir eu tellement de difficultés à mettre d'accord l'ensemble des habitants de Charrot que ce serait porter un coup fatal à ce projet que de reprendre les discussions dans le cadre de l'établissement d'un plan localisé de quartier.

 Le département des travaux publics fait valoir que «depuis une année, on revient à une simplification des plans localisés de quartier. Pour les hameaux, ce seront des périmètres d'implantation ; cet instrument devra être souple» (PV 8.9.93).

 L'entrée en matière est votée le 8 septembre 1993 par 6 oui (1 lib., 1 pdc., 3 soc., 1 pdt.) et 6 abstentions (1 lib., 2 rad., 1 mpg.). Il apparaît que les abstentions sont motivées par la volonté d'entendre auparavant l'autorité communale de Bardonnex.

5.2. L'audition de la commune de Bardonnex le 22 septembre 1993 confirme l'essence de la controverse. La commune de Bardonnex fait valoir le peu d'importance prévisible des transformations, aménagements ou constructions à Charrot ; elle en tire argument pour contester l'utilité en l'espèce d'une zone de développement. Elle s'appuie au demeurant sur l'opinion exprimée par les habitants de la commune.

 Plusieurs députés et représentants du département des travaux publics s'expriment en sens inverse. Ils relèvent le manque à gagner pour la commune, du fait que l'adoption d'une zone de développement implique la perception de taxes d'équipement auprès de ceux qui construisent. Les représentants du département des travaux publics rappellent que la commune de Bardonnex est une de celles qui demandent le plus de subventions (PV 29.9.93) et que l'adoption d'un plan localisé de quartier n'est pas exclusivement liée à la zone de développement. Ils font enfin remarquer qu'en cas de recours entre propriétaires, les procédures sont beaucoup plus longues en l'absence de plan localisé de quartier. Est évoqué le retour devant le Conseil municipal de la commune de Bardonnex s'il y a abandon du plan localisé de quartier. Il est aussi rappelé que le département des travaux publics avait envisagé pour Charrot un plan localisé de quartier plus souple, se bornant à fixer des périmètres d'implantation des bâtiments avec fixation des gabarits.

En définitive, le département des travaux publics s'oppose, par souci de cohérence législative, à l'abandon de la notion de plan localisé de quartier que le Grand Conseil a voulu pour la création de zones à bâtir affectées à des hameaux. Il admet ensuite que si la notion de zone de développement ne s'applique pas automatiquement aux hameaux, le potentiel constructible de Charrot est précisément d'une certaine importance, ainsi que le prouve l'extension du périmètre «allant au-delà du site bâti» (PV 29.9.93). Il se fonde sur le fait que Charrot est un cas d'école pour expliquer sa prudence en l'espèce. Il mentionne enfin que la pratique des plans localisés de quartier s'est affirmée ces dernières années en relevant que le Grand Conseil a presque toujours prévu des zones de développement lors de la création de nouvelles zones à bâtir.

La question se pose alors de la réduction du périmètre à déclasser (pourtant établi d'un commun accord entre la commune et l'Etat, malgré un avis de la CMNS, plus restrictive) pour bien montrer le souci du législateur d'éviter la création d'un potentiel à bâtir supplémentaire trop important. Une autre idée serait de n'appliquer les normes de la zone de développement qu'aux terrains libres de constructions, idée qui pourrait recevoir l'aval du département des travaux publics (PV 29.9.93).

Le département des travaux publics indique que sur 40 propriétaires, le projet n'a rencontré aucune opposition mais que sont arrivées 5 demandes d'extension du périmètre.

5.3. La nouvelle audition de la commune de Bardonnex le 13 octobre 1993 n'apporte pas d'éléments nouveaux. L'autorité communale réaffirme la volonté populaire s'opposant au principe d'un plan localisé de quartier.

Il appert en outre que les surfaces concrètement constructibles à déclasser n'atteignent en fait que 3'000 m2, que dès lors le péril d'une spéculation est ipso facto exclu par le grand nombre de petits propriétaires et qu'en conséquence, l'établissement d'une zone de développement n'apparaît pas comme judicieux.

Il ressort de la discussion que d'autres mesures atteindraient le même but qu'un plan localisé de quartier, à savoir le déclassement en zone protégée avec au besoin, par secteur, un plan de site. Il apparaît surtout que la commune souhaiterait que le département des travaux publics se montre souple dans ce cas d'espèce en respectant au mieux d'une part la volonté communale, d'autre part l'énorme travail de concertation qu'elle a conduit avec les habitants.

5.4. Dans un premier vote, il est renoncé à la notion de «zone de développement» à l'article 1 du projet de loi 6995 par 8 oui (3 lib., 2 rad., 2 pdc., 1 mpg.) et 6 abstentions (2 soc., 2 peg., 2 pdt.).

Un second vote porte sur l'adjonction d'un «A» après le numéro de plan et la date, cette adjonction est acceptée par 8 oui (idem) et 6 abstentions (idem).

Un troisième vote porte sur un amendement (lib.) visant à déroger à l'article 22 LaLAT en n'exigeant pas un plan localisé de quartier. Cet amendement est refusé par 7 voix (2 rad., 2 soc., 1 peg., 2 pdt.) contre 6 (3 lib., 2 pdc., 1 mpg.).

Sont alors annoncés 2, voire 3 rapports de minorités.

6. Discussions ultérieures

Le 20 octobre 1993, le rapporteur fait remarquer qu'après avoir évacué le problème du plan localisé de quartier en refusant le principe d'une zone de développement, on est tout de même retombé sur un plan localisé de quartier à teneur de l'article 22, alinéa 3 LaLAT de sorte que la commune de Bardonnex a tous les inconvénients d'un plan localisé de quartier sans en avoir les profits, alors même qu'elle obtient satisfaction dans la mesure où le hameau de Charrot est déclassé en zone ordinaire!

Le rapporteur souhaite en outre éviter que soient déposés plusieurs rapports de minorités, ce qui pourrait démontrer que le travail en commission doit être repris, alors même que la commission souhaitait en terminer à l'issue de la législature en cours.

La fraction libérale annonce qu'elle ne fera pas de rapport de minorité, mais qu'elle déposera un amendement en séance plénière, reprenant l'amendement refusé en commission qui, pour mémoire, portait sur une dérogation à l'article 22 LaLAT par la suppression dans le cas présent de l'exigence d'établir un plan localisé de quartier.

Le rapport de minorité de la fraction peg. est annoncé comme maintenu, il porterait uniquement sur la notion d'atteinte aux surfaces d'assolement.

De manière générale cependant, la commission d'aménagement du canton souhaite que l'Etat fasse preuve de souplesse et de nuance dans les mesures qu'il pense appliquer au hameau de Charrot.

L'énoncé par le département des travaux publics de mesures satisfaisantes dans le sens d'une simplification du plan localisé de quartier et d'une application souple telles qu'évoquées le 8 septembre 1993 pourrait permettre le vote de ce plan localisé de quartier sans autres atermoiements.

C'est sous cette réserve, néanmoins capitale, que la majorité de la commission d'aménagement du canton vous recommande l'acceptation du projet de loi qui vous est soumis.

Annexe II -

PV séance commune de travail du 31 mai 1989.

Annexe II -

Rapport intermédiaire à l'intention de la commune du bureau de l'urbanisme.

PROJET DE LOI

modifiant le régime des zones de constructionsur le territoire de la commune de Bardonnex(création d'une zone 4 B protégée)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article 1

1 Le plan n° 28542A-505, dressé par le département des travaux publics le 1er février 1993, modifié le 13 octobre 1993, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone 4 B protégée, au hameau de Charrot), est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 3

Un exemplaire du plan n° 28542A-505 susvisé, certifié conforme par le président du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

BLANCHE

ANNEXE I

ANNEXE II

RAPPORT DE LA MINORITÉ

En commission, le groupe socialiste s'est abstenu sur le vote concernant le changement d'affectation de zone du hameau de Charrot, bien qu'il soit favorable sur le principe d'une régularisation de la zone préexistante agricole en zone constructible. Si les élus socialistes partagent avec la majorité de la commission l'objectif du projet de loi, ils s'en distancent néanmoins quant aux moyens pour y parvenir.

L'objectif de ce rapport de minorité est d'une part, de préciser la position du groupe socialiste et d'autre part, de mettre en exergue un certain nombre de considérants qui devraient faire l'objet d'un réexamen attentif de la part du législateur.

Préambule

Au cours de cette dernière décennie, s'il y a un sujet qui a suscité bien des controverses, c'est celui des hameaux. En effet, placé en zone non constructible au sens de la loi fédérale de l'aménagement du territoire, leur adaptation, aménagement ou développement s'est heurté aux dispositions législatives tant fédérales que cantonales.

La problématique est politiquement délicate et mérite à la fois une réflexion sur le fond ainsi qu'une pesée d'intérêts sur l'ensemble du sujet. C'est la raison pour laquelle, votre serviteur a choisi de présenter son rapport de minorité en le situant au sens large dans son contexte d'ensemble.

Cela permettra aux nouveaux élus de se familiariser avec la législation fort complexe régissant l'aménagement du territoire, exception faite pour ce vieux «briscard» de John Dupraz, «praticien» en la matière et à ses heures «consultant» en droit!

A.

LE CONTEXTE

Le contexte historique

Dans notre canton, la zone agricole a été créée en 1952. Avant cette date, elle était réglée par les normes de construction de la 5e zone en vigueur à cette époque. C'est la raison pour laquelle près de quatre-vingt maisons isolées sont situées en zone non constructible.

Lorsqu'en 1961 une délimitation précise est intervenue pour définir les périmètres de la zone 4 B protégée, tous les villages genevois y furent englobés. Pratiquement toutes les écoles, les temples et églises ainsi que les équipements communaux étaient inclus dans les zones villageoises.

Les hameaux et bourgs constitués demeurèrent alors en zone agricole. Ils étaient en fait des groupes d'habitations rurales avec leurs dépendances telles que les granges et écuries.

Depuis 1961, l'urbanisation s'est poursuivie à l'intérieur des périmètres situés en zone 4 B protégée. Dans de nombreux villages, la vocation résidentielle a pris le pas sur l'affectation agricole, et plusieurs de ceux-ci situés en zone 4 B protégée ont aujourd'hui un caractère essentiellement résidentiel, voire même urbain. Bernex en est l'exemple le plus frappant.

Pour leur part, une trentaine de hameaux sont restés en zone agricole et n'ont subi que peu de modification. Ils ont conservé pour la majorité d'entre eux, leur caractère rural. Quelques transformations ponctuelles sont intervenues, autorisées selon les dispositions en vigueur avant l'entrée en force de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) du 22 juin 1979 et sa loi d'application cantonale (LaLAT) du 4 août 1987. Il était alors possible de faire application par analogie, et à titre exceptionnel, aux dispositions de la zone 4 B protégée.

Toutefois, ces dernières années, une analyse objective de la situation force à reconnaître que certains «appétits» se sont fait jour sur les possibilités à bâtir que pourraient représenter ces hameaux. Les bâtiments et les volumes existants constituent parfois déjà, à eux seuls, un potentiel sur lequel certains ne se font pas faute de miser. De là provient pour partie la désaffectation de certaines installations agricoles, comme à la Petite Grave à Vessy.

Le contexte législatif

L'article 24 de la loi fédérale de l'aménagement du territoire (LAT), règle l'admissibilité à titre exceptionnel de projets de constructions et d'installations situés hors de la zone à bâtir, dont la destination ne concorde pas avec l'affectation de la zone de fond ce qui est le cas des hameaux.

Il dispose ce qui suit :

Art. 24

Exceptions prévues hors de la zone à bâtir

1 En dérogation à l'article 22, 2e alinéa, lettre a, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations, ou pour tout changement d'affectation, si :

a) l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination ;

b) aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose.

2 Le droit cantonal peut autoriser la rénovation de constructions ou d'installations, leur transformation partielle ou leur reconstruction pour autant que ces travaux soient compatibles avec les exigences majeures de l'aménagement du territoire.

La réglementation du premier alinéa est exhaustive. En vertu du droit fédéral, elle s'applique à la totalité du territoire national. L'alinéa 2 habilite les cantons à autoriser exceptionnellement certains projets de construction de moindre importance à des conditions bien spécifiques.

La portée d'un projet de construction vu sous l'angle de l'aménagement du territoire, est défini de la manière suivante par l'article 24 LAT :

 les nouvelles constructions ou projets de construction assimilables à de nouvelles constructions ; ces derniers correspondent à des travaux de construction portant sur des constructions et installations existantes et qui équivalent à de nouvelles constructions eu égard à leurs effets sur l'affectation du sol, l'équipement ou l'environnement ;

 les rénovations, transformations partielles ou reconstructions ; sont visés par là des travaux de construction de portée mineure qui préservent pour l'essentiel l'ouvrage existant, sans remettre en cause son identité et sans en prolonger la durée de vie normale.

En 1988, lors de la révision générale des lois cantonales concernant les constructions et l'aménagement du territoire (LaLAT, LCI, LZD) le Grand Conseil a remplacé l'article 18 de l'ancienne loi sur les constructions et les installations diverses du 25 mars 1961 par un article 22 LaLAT réservant un régime juridique spécifique aux hameaux situés en zone agricole. Depuis lors, le département des travaux publics a appliqué les normes de la 4e zone dans la mesure où il n'en résulte pas d'inconvénients pour la salubrité des habitations et l'aspect des localités et qu'aucun intérêt prépondérant de l'agriculture ne soit lésé.

Cette disposition a inévitablement engendré des conflits entre l'autorité et certains propriétaires fonciers. La preuve en est que le Tribunal fédéral a eu à trancher pour l'ensemble du territoire helvétique plus d'une centaine de cas.

Il n'est point besoin de rappeler que la LAT est extrêmement restrictive en la matière. Pour illustrer la rigidité de sa portée, le rapporteur de minorité a relevé quelques arrêts significatifs du Tribunal fédéral (période 1980-1985).

Démolition partielle d'un rural et construction de remplacement

Demande de permis :

Démolition partielle du bâtiment d'exploitation d'un rural et remplacement par une annexe à des fins d'habitation.

Motif du refus :

Le rural est en passe de devenir une véritable maison. Le projet ne saurait représenter une extension minime : il y a agrandissement de près du double de l'ancienne partie d'habitation. L'identité du bâtiment existant n'est pas conservée (le projet est à considérer comme une nouvelle construction qui, en l'espèce, n'a pas d'emplacement imposé).

Bâtiment d'habitation pour le fermier

Demande de permis :

Construction, hors de la zone à bâtir, d'une maison d'habitation pour un fermier.

Motif du refus :

Le terrain agricole en question peut être exploité sans difficulté depuis la maison du fermier située à 1 km. Une présence durable sur place n'est pas nécessaire pour l'exploitation rationnelle de la parcelle en cause. L'implantation du bâtiment d'habitation projeté n'est donc pas imposée par sa destination.

Agrandissement d'une maison de vacances

Demande de permis :

Transformation, par étape, en une maison de vacances de 9 pièces d'une étable sise hors de la zone à bâtir et comportant une petite partie habitable.

Motif du refus :

Un bâtiment situé hors de la zone à bâtir ne peut être agrandi qu'une seule fois et dans une mesure modeste. En l'espèce, il ne s'agit plus d'une transformation partielle ; la nouvelle construction doit donc être appréciée au regard des conditions de l'article 24, 1er alinéa LAT. Pas d'emplacement imposé.

Reconstruction d'une maison de vacances

Demande de permis :

Edification hors de la zone à bâtir d'un pavillon de vacances, pour compenser la démolition prévue d'annexes à un autre bâtiment situé à une distance de 35 mètres.

Motif du refus :

La substance en soi du bâtiment existant n'est pas maintenue ; le bâtiment de remplacement ne peut être considéré comme une reconstruction. Il est à traiter comme une nouvelle construction dont l'implantation n'est pas imposée par sa destination.

Reconstruction d'un chalet après un incendie

Demande de permis :

Reconstruction d'un chalet de vacances détruit par un incendie.

Motifs du refus :

La garantie de la propriété (art. 22 ter et 22 quater de la constitution) ne confère pas le droit au propriétaire de réutiliser à des fins de construction un emplacement où ont déjà été érigés des ouvrages ni de conserver au-delà de sa «durée de vie» un ouvrage convenablement entretenu.

La reconstruction du chalet en question n'est pas autorisée, car elle n'est pas compatible avec les exigences majeures de l'aménagement du territoire, en particulier celles de la protection du paysage.

La pratique du département des travaux publics

Comme on l'a vu précédemment, notre droit cantonal autorise dans une certaine mesure une nouvelle affectation des bâtiments ou une transformation, pour autant qu'elle soit compatible avec les exigences majeures de l'aménagement du territoire.

Le régime dérogatoire a donné satisfaction et a permis de maîtriser au cours de ces dernières décennies le développement des hameaux de manière plus satisfaisante que celui de certains villages.

Toutefois, dans ce contexte législatif, la marge de manoeuvre du département des travaux publics est relativement faible. Contrairement à certaines idées préconçues, le département a fait preuve d'une relative souplesse quant à l'application de ses dispositions qui sont, rappelons-le, toutes susceptibles de recours. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer à l'arrêt du Tribunal administratif du 22 mars 1989 en la cause Rochat-Vecchio. Cet arrêt a d'une part le mérite de clarifier la portée de la notion de transformation et de changement d'affectations et d'autre part de confirmer la pratique en la matière du département des travaux publics.

Il en donne les définitions suivantes :

A. Un agrandissement ou une transformation intérieure est partielle. La destination de l'ouvrage reste inchangée lorsque les modifications apportées à l'aspect extérieur (dimensions, formes, proportions) et à l'organisation intérieure du bâtiment paraissent, aux yeux d'un observateur neutre, s'intégrer logiquement au bâtiment dans le cadre de l'affectation de la zone. Ces travaux ne doivent pas avoir pour effet de créer un ouvrage qui n'a plus de rapport avec l'immeuble primitif.

B. Un changement d'affectation est partiel. La forme et l'aspect extérieurs du bâtiment restent inchangés pour autant qu'il n'en résulte pas une modification notable des possibilités d'utilisation. Cela signifie que le bâtiment dont on prévoit de changer l'affectation doit au moins avoir été partiellement prévu pour la nouvelle finalité envisagée. L'utilisation actuelle et celle qui est prévue doivent en outre exercer des effets sensiblement identiques. L'affectation de locaux à des besoins de logements doit en règle générale être considérée comme étant fortement divergente des autres modes d'utilisation.

On peut considérer que le changement d'affectation est partiel notamment lorsqu'un bâtiment jusque-là partiellement habité est transformé pour être destiné principalement à l'habitation.

L'évolution de la législation cantonale depuis 1989

Peu satisfait de cette situation équivoque qui consiste à tolérer des sites partiellement urbanisés en zone non constructible, le Grand Conseil renvoyait au Conseil d'Etat, en date du 4 novembre 1988, la motion 390-A qui l'invitait à examiner, à la demande des communes, dans quelle mesure certains hameaux pourraient être intégrés dans la zone à bâtir.

Dans un deuxième temps, le législatif cantonal a voté, le 5 octobre 1989, la loi 6276-A accordant un statut juridique aux constructions existantes situées hors zone à bâtir en leur appliquant les normes de la 5e zone (art. 26 A nouveau) et créant une zone spécifique pour les hameaux (art. 22 nouveau).

Simultanément et toujours à cette même date, en adoptant la loi 6254-A, le Grand Conseil a complété l'article 22 LaLAT par l'adjonction des alinéas 2 et 3, présentés ci-dessous :

La loi 6254-A

Le 27 septembre 1988 les députés libéraux Erbeia, Koechlin et Vodoz déposèrent un projet de loi demandant la modification de l'article 22 de la LaLAT.

Les discussions tant en commission qu'en séance plénière furent l'objet de rudes débats portant tant sur le fond que sur la forme de la proposition libérale (p. 6036 du mémorial).

Votre serviteur opposé à ce projet de loi avait défendu la position des partis socialiste, du travail et écologiste par un rapport de minorité. Il avait reproché l'inutilité de la portée du deuxième alinéa qui fixe dans une loi-cadre l'attribution au Grand Conseil des modifications des régimes de zone qui sont de toute façon de son exclusive compétence à teneur des articles 12 et 15 de la même loi. Par ailleurs, le sussigné avait également reproché au parti libéral, qui se veut être le champion de la simplification législative, combien il est superflu d'inscrire dans le recueil systématique une loi qui ne déploie aucun effet.

Toutefois, la principale divergence portait sur le troisième alinéa.

En commission, la majorité a accepté un amendement proposé par le Conseil d'Etat remaniant le troisième alinéa du projet de loi en adaptant l'assujettissement du déclassement à une zone protégée par le choix de la règle du plan localisé de quartier.

La minorité s'opposait à l'inscription dans la législation de la règle obligatoire de l'adoption préalable d'un plan localisé de quartier à la délivrance d'une autorisation de construire. En guise de conclusion, le sussigné relevait dans son rapport de minorité que :

«Ce projet de loi n'est pas susceptible d'apporter des solutions satisfaisantes à l'aménagement des hameaux. Bien au contraire, il pourrait desservir les intérêts de certains requérants en allongeant le temps d'instruction des autorisations de construire, celles-ci ne pouvant être délivrées préalablement à l'adoption d'un plan localisé de quartier.»

Dans sa coutumière prudence, la majorité du législatif a trouvé la position de la minorité irrelevante et le Grand Conseil votait, le 5 octobre 1989, la loi ainsi rédigée :

Art. 22, al. 2 et 3 (nouveaux)

2 Lorsque la totalité ou une partie importante de hameaux constitués et situés en zone agricole n'est manifestement plus affectée à l'agriculture, le Grand Conseil peut la déclasser en 4e zone rurale.

3 Une autorisation de construire en vertu de la nouvelle zone ne peut être délivrée tant qu'un plan localisé de quartier n'a pas été adopté.

La définition d'un hameau au sens de l'aménagement du territoire

En 1984, la commission cantonale d'urbanisme du canton en étroite collaboration avec le service des monuments et des sites, a procédé à une réflexion sur les bourgs et hameaux.

Au sens étymologique du terme, le hameau est un «groupement de quelques maisons situé en dehors de l'agglomération principale d'une commune».

Cette définition n'étant pas une base suffisante pour adopter une attitude cohérente en matière d'aménagement du territoire, la commission cantonale d'urbanisme a tenté de déterminer les critères définissant un hameau.

Pour la commission d'urbanisme du canton, ce sont :

 L'ancienneté :

 La carte Siegfried (1897-1899) fait office de référence pour se prononcer sur l'âge de ces groupements d'habitations. Seuls les hameaux figurant avec au moins 5 constructions répondent à ce critère.

 La continuité :

 C'est une condition indispensable à la prise en considération d'un hameau. Les parties de villages situées hors de la zone à bâtir sont comptées comme un hameau.

 Le nombre de propriétaires :

 Un hameau doit compter au minimum deux propriétaires.

 Le nombre d'habitations principales :

 Un hameau doit compter au moins 5 habitations principales (résidences permanentes).

Selon ces critères, la commission d'urbanisme définit un hameau sous cette forme :

«Groupement continu d'au moins 5 maisons, comptant au minimum 25 habitants, situé en dehors du ou des villages principaux d'une commune, de formation ancienne et portant un nom propre.»

Selon ces considérations, la commission d'urbanisme a recensé 31 hameaux dans notre canton.

Il est intéressant de relever que l'activité agricole reste prédominante dans quatre hameaux, dans huit autres les constructions affectées à l'agriculture et celles qui ne le sont pas sont en proportions équivalentes. Pour le solde, soit 19 hameaux, les constructions étrangères à l'agriculture sont en majorité.

B.

LE PROJET DE LOI 6995MODIFIANT LE RÉGIME DES ZONES DE CONSTRUCTIONà CHARROT

Position du parti socialiste

Le groupe socialiste est favorable à la régularisation du régime des zones des hameaux par le «toilettage» des plans de zone en adaptant le régime légal à la situation de fait. Rappelons que ce principe est inscrit dans le Plan directeur cantonal adopté par le Grand Conseil le 15 septembre 1989 et approuvé par le Conseil fédéral en date du 24 mai 1991. Cohérents avec ce précepte, les socialistes ont voté l'entrée en matière du projet de loi précité. Toutefois, ils se sont abstenus lors du vote sur l'ensemble dudit projet de loi marquant ainsi leur improbation sur un certain nombre d'appréciations aux principes essentiels.

Zone ordinaire ou de développement

En 1957, le Grand Conseil a mis en place la loi sur le développement de l'agglomération urbaine. Sous l'impulsion de l'ancien conseiller d'Etat Emile Dupont, le législateur de l'époque, par l'adoption de cette loi, a voulu se donner les moyens permettant à la fois d'augmenter la surface de l'agglomération urbaine mais également permettre la restructuration de zones déjà construites. Dès lors, l'essence de la loi demeure entière.

Les hameaux se trouvent pour la plupart sur le territoire de communes aux faibles ressources fiscales ; le déclassement en zone de développement leur permettrait de prélever une taxe d'équipement.

Il n'est pas inutile de rappeler que la «taxe d'équipement» est une charge de préférence prélevée auprès des constructeurs en contrepartie des avantages économiques qu'ils retirent de l'équipement des infrastructures publiques. Rangée au nombre des contributions causales, elle constitue donc une participation des utilisateurs aux dépenses consenties à cet effet par la collectivité locale.

Le Conseil municipal de la commune de Bardonnex a demandé, par son préavis, que le déclassement soit mis au bénéfice de la zone ordinaire, privant ainsi la perception dans le temps d'une taxe au profit de la collectivité communale estimée par le département des travaux publics à quelque 50'000 F.

Toutefois, l'objection de la commune porte plus sur l'astreinte de l'obligation d'adopter un plan localisé de quartier en zone de développement que sur le recouvrement d'une taxe, d'où sa proposition de la zone ordinaire.

La plus-value foncière

Par une simple mesure d'aménagement, la valeur des terrains libres de construction est démultipliée par un facteur allant de 1 à 30 (de 12-15 F à 400-500 F). Il y va de l'équité fiscale que quiconque bénéficiant du déclassement d'un terrain sis en zone non constructible en zone constructible, bonifiant de ce fait son patrimoine foncier par un acte législatif, soit imposé sur la plus-value du bien-fond. Ce fait est d'autant plus perceptible pour les parcelles répertoriées dans les surfaces d'assolements (SDA), comme le sont celles nos 2373 et 2802 situées au sud-est du village de Charrot.

L'initiative populaire 21 (non formulée) du parti du travail «Halte à la spéculation foncière», déposée en chancellerie le 8 février 1988 dont le volet concernant l'aménagement du territoire est toujours à l'étude à la commission d'aménagement, peut être une réponse à cette disparité fiscale.

Mesure d'aménagement du territoire

Si la mesure du plan localisé de quartier est un moyen à la fois contraignant et peu adapté au lent développement dans le temps d'un groupement d'habitations, souvent en mains de familles, celle de la délivrance d'autorisations de construire par de simples règles de police des constructions n'est pas une norme satisfaisante en soi.

Le développement des hameaux ne doit pas se faire au détriment de leur valeur urbanistique et architecturale ni porter atteinte au site. La création de clôtures, la plantation de haies (de thuyas), l'aménagement de places de parcage, la construction de piscines, la réalisation de courts de tennis, voire de garages, etc. sont des éléments de nature à modifier profondément, à terme, le caractère campagnard des paysages genevois demeurés jusqu'à aujourd'hui caractéristiques et significatifs de notre patrimoine rural.

Dès lors, le Grand Conseil doit compléter dans une loi-cadre les dispositions de l'article 22 LaLAT fixant les mesures appropriées permettant le déclassement des hameaux ou, à tout le moins, doit être prescrit par un règlement d'application.

Le déclassement partiel du hameau de Bonvard (PL 6993-A) et sa motion 879 subséquente demandant l'extension de son périmètre, tout comme celui de Charrot, démontre que la législation cantonale doit faire l'objet d'un réaménagement.

Position du parti socialiste

Le parti socialiste a combattu l'obligation de l'adoption du plan localisé de quartier pour les hameaux. Cette disposition est nettement moins appropriée que celle de l'approbation d'un plan de site qui souligne la sauvegarde du caractère agreste de la campagne genevoise, voire l'adoption d'un plan directeur du hameau établi sur le modèle de ceux prévus en zone de développement industrielle, qui se caractérise par la souplesse des directives fixant les normes de développement.

A tout le moins, un plan d'affectation, quelle que soit sa forme, doit fixer la nature, l'étendue et la destination des constructions ou transformations autorisables. Quant à l'instruction de leur procédure d'adoption, elle devrait se faire simultanément à celle de la modification du régime de zone.

Ne disposant pas d'équipements adaptés à l'arrivée d'une population nouvelle, le peuplement de ces hameaux nécessiterait immanquablement la mise à disposition de nouveaux équipements et infrastructures publics. Les hameaux se trouvent pour la plupart sur le territoire de communes rurales aux faibles ressources fiscales. Dès lors, si le Grand Conseil veut régulariser la zone de fond des hameaux, il devra tôt ou tard légiférer pour instituer la perception d'une taxe d'équipement en zone ordinaire.

Cette hypothèse avait été envisagée lors d'un déclassement de terrains situés en zone agricole sur le territoire de la commune de Choulex (loi 5957 du 3 juin 1988). A cette époque, M. Michel Ducret, juriste auprès de la police des constructions (à ne pas confondre avec son homonyme Michel Ducret, le sémillant néo-élu radical), avait émis un avis de droit à l'attention de la commission d'aménagement, dont les conclusions étaient les suivantes :

«L'institution d'une taxe d'équipement lors d'une modification de régime d'une zone ordinaire est juridiquement envisageable.

Le législateur doit cependant fixer simultanément les éléments nécessaires à la taxation, c'est-à-dire énoncer :

 les catégories d'ouvrages publics pris en considération ;

 le mode de calcul du coût de ces ouvrages ;

 les critères de calcul de la contribution prélevée auprès de leurs utilisateurs ;

 le mode de perception ;

 les catégories de «contribuables» ;

 les voies de recours,

dont la détermination suppose une étude d'ordre technique et financier appropriée.

Si l'on veut progresser dans l'élaboration d'un projet de loi ad hoc, il convient donc qu'une telle étude soit préalablement menée à chef».

C. CONCLUSIONS

Pour les hameaux, le parti socialiste est favorable à la régularisation de la zone préexistante agricole en zone constructible par l'adaptation du plan cantonal du régime des zones. Toutefois, cette mesure d'aménagement du territoire doit faire preuve de mesure et d'équité tout en ne portant pas atteinte à la zone agricole du fait de la pression foncière exercée sur les exploitations agricoles placées dans les hameaux par les propriétaires qui pourraient être tentés de les déplacer sur leurs terres aujourd'hui exploitées.

L'absence de base légale permettant le prélèvement d'une taxe d'équipement en zone ordinaire, l'impossibilité d'imposer la plus-value foncière et surtout la volonté sous-jacente de soustraire l'essor des hameaux à un plan d'aménagement, fait peser à long terme sur ces derniers un risque de modifier leurs caractères agrestes. Le déclassement du hameau de Charrot n'est que le premier d'une longue liste et a donc valeur d'exemple.

Telles sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés et chers anciens collègues, les raisons pour lesquelles le groupe socialiste, bien que favorable sur le principe de déclassement proposé, s'est abstenu en commission, car sur le vote d'ensemble de la loi, toutes les conditions endogènes ne sont pas encore réunies pour qu'il se rallie à la majorité de ce Grand Conseil.

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.