République et canton de Genève

Grand Conseil

R 266
14. Proposition de résolution de Mmes et M. Claire Torracinta-Pache, Fabienne Bugnon et Christian Ferrazino concernant un vote rapide en faveur de l'Europe. ( )R266

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

qu'il y a une année, la Suisse refusait d'adhérer à l'Espace économique européen (EEE), alors que notre canton acceptait à une très forte majorité cet accord ;

que le Conseil fédéral dépose cette semaine son rapport sur la politique étrangère de la Suisse ;

que l'on apprend, par ailleurs, que l'Union européenne n'envisage pas d'ouvrir des négociations bilatérales avec la Suisse avant avril 1994,

invite les autorités fédérales

 à agender dans les plus brefs délais la votation de l'initiative du comité «Né le 7 décembre 1992», «Pour notre avenir au coeur de l'Europe» ;

 à entamer rapidement des négociations en vue de l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne ;

 à se doter des moyens nécessaires afin de poursuivre leur travail d'information auprès de la population.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il y a une année, alors que la Suisse refusait d'adhérer à l'Espace économique européen (EEE), les citoyens et les citoyennes de notre canton acceptaient à une large majorité l'accord sur l'EEE.

Depuis lors, le processus d'intégration européenne a connu de nombreux développements.

Parallèlement, la Suisse a traversé une crise d'identité face à laquelle les partisans et les partisanes de la non-adhésion n'ont pas su apporter de réponse.

La participation de la Suisse à la construction de l'Europe demeure aux yeux de nombreux citoyens et citoyennes de notre canton un objectif prioritaire.

Notre expérience avec nos voisins français met quotidiennement en lumière les avantages et la richesse des échanges entre différents pays.

Que ce soit sur le plan culturel, social ou économique, l'isolation de la Suisse ne peut être qu'un frein à son développement.

Telles sont les raisons qui nous amènent à vous proposer ce projet de résolution en application de l'article 156 de notre règlement.

Débat

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Il y a un peu plus d'un an, journée mémorable s'il en est, la population suisse refusait d'adhérer à l'Espace économique européen, alors que dans notre canton une très forte majorité se prononçait en faveur de cet accord. Parallèlement, et ce n'est pas un hasard, le Conseil fédéral vient de sortir son rapport sur la politique étrangère qu'il entend voir menée dans ces prochaines années.

Nous avons pensé qu'il nous faudrait profiter de cette double conjonction pour réaffirmer dans ce parlement notre souhait d'un rapprochement vers l'Europe. J'aimerais souligner le fait que cette résolution a également été déposée au Conseil municipal de la ville, signée par la plus jeune ou l'une des plus jeunes conseillères municipales et par le plus âgé ou l'un des plus âgés. On peut y voir là une valeur de symbole. Elle a également été soutenue par le parlement des jeunes.

La mobilisation des jeunes, née le 7 décembre 1992, a été absolument formidable et inattendue. Pour nous, partisans de l'Europe, ce fut comme une lueur d'espoir, une leçon de civisme dans le marasme désolé où nous étions plongés à la suite de cet échec. Ils nous disaient : «Nous ne sommes pas découragés, nous ne baissons pas les bras, la lutte continue.». Ils ont rencontré pas mal de difficultés dans la récolte du nombre de signatures exigé. Il faut dire qu'ils n'avaient pas choisi la solution de facilité qui aurait consisté à récolter des signatures dans les régions de Suisse déjà favorables à cet accord. Ils ont voulu aller dans toutes les régions de Suisse, et particulièrement dans celles qui s'étaient prononcées de manière négative à cet accord, ceci dans un but d'information. Leur courage et leur ténacité méritent d'être salués. Bien sûr, le fait que l'initiative ait abouti, qu'ils aient réussi à obtenir le nombre de signatures est déjà une récompense, mais cela ne suffit pas. Il est important pour nous, plus âgés, qui sommes des politiques et construisons l'avenir du pays dans lequel ils vont passer leur vie, d'aller un petit peu plus loin.

C'est pourquoi nous souhaiterions que le Conseil fédéral traite cette initiative assez rapidement. Je ne veux pas me lancer dans un débat technique sur les défauts ou les qualités de cette initiative. Vraisemblablement un contreprojet devra être étudié. Mais le traitement rapide de cette initiative ainsi que la fixation d'une votation permettront de relancer le débat sur l'Europe qui, jusqu'au rapport du Conseil fédéral, avait tendance à s'enliser. Le Conseil fédéral sera obligé de se doter des moyens nécessaires pour poursuivre, voire reprendre son travail d'information. Il semble qu'une certaine stagnation se soit installée à Berne dans ce domaine. Or, nous savons maintenant que, dans la plupart des cas, les gens qui ont voté négativement le 6 décembre 1992 l'ont fait soit parce que le message était peu clair, soit par manque d'information ou incompréhension du problème. J'aimerais aussi rappeler les derniers sondages dans ce domaine qui laissent percevoir un glissement positif vers le oui, notamment en Suisse allemande.

Il me semble enfin très important d'affirmer haut et clair que le but final, c'est l'adhésion entière à l'Union européenne. Cette déclaration apparaît d'ailleurs dans le rapport du Conseil fédéral. En revanche, le principal reproche que l'on puisse lui faire, c'est qu'il ne prévoit aucun calendrier. Or, comme vous le savez, l'Union européenne est en but à des soubresauts ; de grandes discussions sont reprises, des points remis en discussion. Certains sont très importants et pourraient concerner la Suisse directement. Malheureusement, elle ne peut pas y participer. Lorsqu'elle y arrivera - car nous arriverons un jour à cette Union européenne - non seulement elle y sera en état de reddition, cela a déjà été dit par certains, mais tous les points importants auront été décidés sans elle. Alors que nous pourrions peut-être influencer certaines décisions si nous étions en négociations.

Je dirai un mot encore sur les accords bilatéraux. Il est normal et légitime que le Conseil fédéral s'engage dans cette voie suite à l'échec de la votation du 6 décembre. En revanche, nous ne sommes pas d'accord qu'il y mette toutes ses forces et toute son énergie. En effet, il me semble qu'une partie de ces forces et de cette énergie doivent être mises dans le travail d'information et dans l'ouverture des négociations en vue de l'adhésion. Tous les experts s'accordent à dire que, d'une part, l'Union européenne n'est pas du tout pressée de commencer les négociations sur des accords bilatéraux, et c'est normal, ce ne sont pas ses priorités, et, d'autre part, nous savons que ces négociations seront extrêmement denses et difficiles. Tout le monde sait très bien que les résultats seront insatisfaisants, d'où cette résolution avec trois invites.

Je vous propose un amendement à la première invite qui deviendrait : «...invite les autorités fédérales à agender dans les plus brefs délais le traitement de l'initiative.». On m'a fait remarquer, à juste titre, qu'avant de voter sur une initiative, il faut la traiter. Pour moi, c'était implicite, mais je pense qu'il vaut mieux le préciser clairement dans l'invite.

Nous souhaiterions que vous acceptiez de renvoyer directement ce projet de résolution aux autorités fédérales.

M. Michel Halpérin (L). Un an après le traumatisme du 6 décembre 1992, nous sommes quelques dizaines de milliers à Genève pour qui le choc a été très rude, si rude même qu'il a créé pour beaucoup d'entre nous une crise d'identité dont les motionnaires n'ont pas tort de dire qu'elle a remis en question jusqu'à l'idée même qu'ils se faisaient de leur helvétisme.

Ce problème est lancinant, particulièrement pour la jeune génération pour qui l'horizon est nécessairement européen et pour qui, sans Europe, il n'y a plus d'horizon autre que celui d'un conservatisme d'un autre âge.

Dans cette optique, les manifestations que nous avons déjà eu l'occasion de marquer en faveur d'une réflexion prolongée, puis d'une action nous rapprochant de l'Europe, sont d'actualité. Mais il faut considérer que l'on ne se paie pas de mots et qu'à trop vouloir tirer sur les mots précisément on les dévalorise. Comme l'argent se dévalorise par l'inflation, les mots se dévalorisent par un usage abusif.

Depuis un an, nous avons voté plusieurs résolutions dans ce Grand Conseil, marquant les positions de ce dernier à l'égard d'un rapprochement rapide, si c'est possible, de la Suisse vers l'Union européenne. Alors, faut-il aujourd'hui une motion qui interpelle ou qui devrait interpeller le Conseil fédéral comme si nous l'avions déjà pris en flagrant délit d'insuffisance ?

Voilà la vraie question posée, Madame Torracinta-Pache. Même si, grâce à votre amendement, nous passons à «l'agendage» dans les plus brefs délais, non plus de la votation, mais de l'examen des travaux sur cette initiative. Nous donnons à penser que nous, observateurs genevois, considérons que les autorités fédérales n'ont pas fait leur travail en temps utile.

Or, j'observe que le rapport du Conseil fédéral a été déposé il y a quelques jours et je connais nombre de coeurs, même battant à droite, qui ont été sensibles à l'accueil favorable réservé par le président socialiste français à ce travail fédéral. Nous aimons les compliments, même lorsqu'ils nous viennent de nos voisins, et même, surtout lorsqu'ils nous viennent de nos voisins !

Est-il juste aujourd'hui de nous ériger en censeurs et, sous prétexte de dire à nos jeunes gens : «Jeunes gens, nous vous approuvons, nous vous encourageons et nous sommes prêts à vous soutenir.» ce qui serait une invite acceptable est-il juste que le Grand Conseil de la République et canton de Genève aille, au mépris de ce qui est convenable, dire au Conseil fédéral qu'il ne fait pas vraiment son travail, qu'il n'est pas à temps, qu'il traite trop lentement les initiatives et qu'il ne se dote pas des moyens dont il a besoin ? Alors que le Conseil fédéral affirmait au contraire, voici une semaine dans son rapport, qu'il voulait adhérer à l'Union européenne et se doter des moyens d'un examen rapide de ces projets.

Vous savez ce que le groupe libéral pense de l'Europe et sa volonté d'y adhérer. Mais nous pensons que ce type de langage, susceptible a priori de rallier tout le monde, finit par ne rallier personne dans le magma et aboutit précisément à l'effet inverse.

Nous allons crisper ceux dont nous voulons qu'ils travaillent rapidement en leur demandant de travailler plus vite qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant. De ce point de vue, nous trouvons la démarche inopportune et nous vous le disons.

Naturellement, cela ne remet pas en cause notre désir, à nous libéraux, de voir la Suisse se rapprocher de l'Europe et peut-être d'y adhérer. Mais nous ne voyons pas que nous rendions service à cette cause en utilisant des moyens qui ne sont pas ceux que vous souhaitez vous-même, Madame Torracinta-Pache et les autres motionnaires. Si vous nous aviez demandé d'inviter les autorités fédérales à prendre acte de notre soutien aux jeunes qui ont pris l'initiative de rester sur la voie civique, nous aurions pu la voter. Mais, sous cette forme, c'est décevant et contre-productif.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je tâcherai de ne pas répéter ce qu'a dit mon préopinant avec plus de talent que je ne saurais le faire. Cette résolution est une véritable «tarte à la crème». Comme d'aucuns n'ont pas le monopole du coeur, d'autres n'ont pas le monopole de l'Europe, quand bien même ils voudraient tendre à se l'arroger.

Notre Grand Conseil s'est exprimé plusieurs fois. Il a voté maintes résolutions en ce sens durant les deux années écoulées. En cela, cette résolution apparaît, de prime abord, superfétatoire.

Ensuite, un débat fédéral est en train de s'engager aux Chambres fédérales. Certes, notre parlement peut jouer au petit parlement fédéral, si cela lui fait plaisir, mais je crois qu'il ne faut pas se faire d'illusion quant à la portée de résolutions à répétition.

Dans ce parlement, nous sommes tous des démocrates et le seul parti qui était contre l'Europe n'y est plus représenté. Et tous, nous sommes favorables à la création de l'Europe. Toutefois, l'adhésion à l'Europe ne doit pas procéder d'une agitation brouillonne, mais bien d'une réflexion mûre, d'un travail de fond, notamment dans la partie alémanique de notre pays. Il nous faut aussi - on pourrait se poser la question à la lecture de votre résolution - être démocrates. Voici un an, le peuple s'est prononcé et je ne crois pas que, si l'on veut arriver à nos fins, il soit absolument indispensable de le brusquer, sauf si l'on veut aller vers un second échec.

La cause européenne a le soutien des démocrates-chrétiens. C'est pour cette raison que nous ne nous opposerons pas à cette résolution et que nous la soutiendrons. Mais nous estimons qu'elle est superfétatoire et qu'elle n'apporte rien au débat sur la question européenne.

M. Michel Ducret (R). Nous soutenons bien entendu les positions en faveur de l'Europe. Le parti radical genevois était un des premiers à s'engager en faveur de l'Europe et nous avons aussi contribué à la récolte de signatures dans ce sens.

Toutefois, je désire relever que cette résolution est un acte politique un peu facile, passablement démagogique même, et surtout inutile car elle a été déposée dans un canton qui a soutenu à 80% l'adhésion de notre pays à l'Espace économique européen.

Le vrai courage politique eût été de la déposer dans les parlements cantonaux qui ont dit non à l'Europe. Alors, saluer un bel acte de courage politique ce soir, non ! C'est plutôt un bel acte de facilité démagogique que nous ne soutiendrons pas, mais nous ne nous y opposerons pas non plus.

M. Laurent Rebeaud (Ve). Je désire dire deux mots à M. Halpérin. Je regrette que cette proposition de résolution n'ait pas été déposée par le parti libéral car je l'aurais soutenue avec le même plaisir.

Ce que vous dites sur le risque d'inflation ne me semble pas coller du tout avec la réalité des sensibilités fédérales. Je suis convaincu qu'aucun effort n'est superflu, même s'il est aussi petit que cette résolution qui n'a évidemment ni une portée politique gigantesque, ni une efficacité immédiate. Aucun effort n'est superflu pour convaincre nos confédérés que nous y tenons, que nous sommes pressés et que nous ne «lâchons pas le morceau».

Un certain nombre de nos compatriotes et de nos confédérés, de Suisse alémanique notamment, ont le sentiment que, le peuple ayant voté, les gens favorables à l'Espace économique européen n'ont qu'à prendre leur mal en patience et qu'ils s'apercevront avec le temps qu'on est bien dans «l'Alleingang». Par conséquent, aucun signe n'est inutile pour confirmer à nos confédérés que nous y tenons et que cela reste pour nous un objet prioritaire.

Je désire que ce Grand Conseil puisse voter cette résolution à l'unanimité. Ce sera une référence utile pour nos représentants aux Chambres fédérales. Quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur l'efficacité effectivement modeste de cette résolution, ne pas la soutenir, c'est contre-productif.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Il n'a jamais été question d'un acte de courage, Monsieur Ducret. Je vous ai expliqué que cette résolution était déposée parallèlement au Conseil municipal de la Ville. Nous ne l'avons pas rédigée d'ailleurs. On l'a arrangée à la sauce cantonale, c'est tout. Ce sont simplement deux voies qui s'élèvent parallèlement au dépôt du rapport du Conseil fédéral et pour marquer un anniversaire, point à la ligne.

D'habitude, j'ai beaucoup d'admiration pour vos discours, Monsieur Halpérin. Mais cette fois, vous vous êtes vraiment gaussé de mots. Si l'on avait fait une invite pour dire que l'on encourageait les jeunes, vous l'auriez donc suivie. Mais «Encouragez les jeunes !» ne veut strictement rien dire. La seule chose que l'on peut faire maintenant, et théoriquement on y est obligé - le problème étant les délais - c'est de traiter leur initiative, avec ou sans encouragement.

M. Michel Halpérin (L). D'abord, je suis très reconnaissant à Mme Torracinta-Pache de ce qu'elle vient de me dire. Je ne m'en étais pas aperçu jusqu'ici, en tout cas pas au niveau de l'efficacité de mes points de vue. Je vous répondrai que pour moi - et le député Fontanet l'a dit justement - une invite tendant à ce que l'on traite rapidement ce qui va nécessairement être rejeté si c'est mal traité, trop vite et de manière superficielle, est contre-productive du point de vue européen. Or, comme je ne veux pas que nous soyons contre-productifs, je ne peux pas voter cette invite.

Si vous la modifiez de manière à ce que nous nous mettions au travail, nous pouvons l'examiner. Mais je ne veux pas voter une invite qui va être interprétée comme une nouvelle manifestation du «velléitarisme» ambiant ou de notre atmosphère brouillonne. C'est contre-productif et anti-européen, pardonnez-moi de vous le dire.

M. Laurent Rebeaud (Ve). Voici juste un détail à l'intention de M. Halpérin. Il est important que ce sujet reste de manière permanente à l'ordre du jour. Quant à la date de la votation, vous devriez savoir que c'est le Conseil fédéral qui la choisit, et on peut compter sur lui - j'espère - pour trouver le moment opportun. Il est vrai qu'il faudra débattre pendant un ou deux ans afin que le peuple et les cantons suisses soient en situation d'accepter une éventuelle initiative ou contreprojet qui résulterait de cette initiative.

Il est important qu'en la matière nous fassions connaître nos solutions à la Suisse allemande, car ce n'est pas tellement au Conseil fédéral que s'adresse cette résolution, mais plutôt aux parlements et aux représentants des différents cantons qui ont refusé l'Espace économique européen.

En ce sens, vos craintes sur un moment inopportun et précipité sont infondées. C'est le Conseil fédéral qui choisira. Et de toute façon, cette procédure durera deux ou trois ans. Vous n'avez rien à craindre...

M. Michel Halpérin. Alors, proposez un amendement à votre texte !

M. Laurent Rebeaud. Y'a pas besoin !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Un débat de ce type a déjà eu lieu dans votre Conseil quelques jours après le vote, hélas négatif, du 6 décembre 1992. Il est repris aujourd'hui sur la base d'un texte légèrement différent.

Nous constatons que, depuis le 6 décembre 1992, le Conseil fédéral s'est engagé à travailler sur l'option des accord bilatéraux. C'est ce qu'il fait et il en connaît les limites et les difficultés ; les négociations en matière de transport sont là pour en témoigner.

D'autre part, le Conseil fédéral a indiqué qu'il entendait maintenir ouverte l'option d'un nouvel accord sur l'Espace économique européen. Cette option a été activée - si je puis dire - par l'initiative des jeunes qui, en quelque sorte, a entretenu la flamme. Il est remarquable de constater que des jeunes, avec très peu de moyens, se sont mobilisés pour entretenir ce courant européen. Ils ont tenté d'aboutir avec une initiative dont le texte pose quelques problèmes. Elle devra plutôt être traitée par la voie d'un contreprojet. D'ailleurs, le groupe parlementaire auquel j'appartiens aux Chambres fédérales a travaillé à un contreprojet. Il le proposera probablement au printemps prochain.

Le troisième point qui est l'option de l'adhésion à l'Union européenne a été confirmé dans le dernier rapport du Conseil fédéral sur sa politique extérieure. C'est ce point qui, dans le contexte suisse actuel, a été qualifié de courageux par le président François Mitterrand.

Il faut être conscient que les Chambres fédérales ne sont pas formellement saisies d'un projet relatif à la concrétisation, soit sous la forme de l'initiative telle qu'elle est, soit sous celle d'un contreprojet à l'initiative des jeunes.

Le problème est le suivant : à l'heure actuelle, pour pouvoir traiter à nouveau le dossier sur l'Espace économique européen, il faut que les partenaires de l'EEE acceptent d'entrer en matière. La difficulté que vous ne pouvez pas sous-estimer réside dans le fait qu'un certain nombre de partenaires, membres de l'Espace économique européen - indépendamment des douze qui font déjà partie de l'Union européenne - ont demandé leur adhésion à cette dernière. Ce sont, en particulier, l'Autriche, la Finlande et la Suède. Je souhaite que vous preniez note du fait que ces trois pays ne demandent qu'une chose à la Suisse, soit qu'elle veuille bien renoncer à faire voter le peuple sur un «EEE bis» avant que leurs négociations respectives d'adhésion ne soient achevées. Car si, par malheur, «un EEE bis» devait aboutir à une sanction à nouveau négative du peuple suisse, leur propre demande d'adhésion, qui doit aussi obtenir l'aval de la population, se trouverait gravement compromise. Il faut tenir compte de ces différents paramètres.

En l'occurrence, le calendrier se complique et s'alourdit, mais cela ne doit pas nous empêcher de montrer les mêmes déterminations. Vous avez vu dans l'actualité de ces derniers jours que le dossier du GATT vient d'aboutir et que ce sera très probablement le menu des Chambres fédérales à partir du deuxième semestre de l'année 1994. La réflexion sur une actualisation du dossier européen et sur la détermination des meilleures chances d'aboutir doit tenir compte de l'ensemble de ces paramètres.

Dans ce contexte, une résolution déposée, et qu'on n'envisage pas de retirer, devrait être soutenue, car un vote négatif sur une résolution de ce type serait probablement mal interprété au sens où les aspects tactiques ou d'opportunité pourraient prendre le pas sur le fond. En effet, il a plu à un certain nombre de députés, alors que cela même avait déjà été dit, de manifester à nouveau leur intention d'obtenir l'assentiment du Grand Conseil pour qu'une indication supplémentaire soit encore transmise, si besoin était, aux Chambres fédérales. Eh bien, faites-le ! Même si cela vous paraît inutile, car des réticences à cet égard seraient probablement mal comprises. C'est dans ce contexte que le Conseil d'Etat vous invite à soutenir cette proposition de résolution.

M. Michel Halpérin (L). Puisque M. Rebeaud ne veut pas me faire l'amitié de proposer un amendement, je vous propose un amendement qui serait acceptable pour mon groupe.

L'invite devrait être modifiée en ce sens que les autorités fédérales seraient invitées à prêter la plus vive attention à l'initiative «Né le 7 décembre 1992» pour notre avenir au coeur de l'Europe et à renseigner régulièrement la population et les cantons sur l'évolution de ses travaux. Ainsi, nous ne donnons pas l'impression d'adresser des reproches au Conseil fédéral ou aux Chambres.

Toutefois, je me rallie au point de vue exprimé par M. Rebeaud et Mme Torracinta-Pache. Il s'agit d'apporter un soutien à l'initiative des jeunes, et en même temps, de demander à ce que nos cantons et notre population soient régulièrement renseignés par les autorités fédérales sur l'état de leurs travaux. C'est une manière plus concrète et moins agressive de demander à être entendus.

M. Laurent Rebeaud (Ve). Vous voyez de l'abstraction et de l'agressivité là où il n'y en a pas, Monsieur Halpérin. Il est important que vous gardiez la deuxième invite... «à entamer rapidement des négociations, en vue de l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne.».

Vous pouvez changer tout le reste, cela m'est égal. Mais cela, vous devez le garder !

(M. Michel Halpérin répond à M. Rebeaud sans demander la parole !)

Le président. Demandez la parole si vous la voulez, Maître Halpérin !

M. Michel Halpérin (L). Mon texte remplace la première et la troisième invite et je suis d'accord que la deuxième soit insérée.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je suis prête à me rallier à l'amendement concernant la première invite. Bien entendu, nous maintenons la seconde. Quant à la troisième, j'estime qu'elle est très importante, surtout si on garde la deuxième, Monsieur Halpérin. Il faut continuer ce travail d'information auprès de la population pour que les gens soient préparés car on va devoir revoter un jour ou l'autre. Cette nécessité d'information s'impose d'une manière générale, et pas seulement à propos de l'initiative des jeunes.

M. Michel Halpérin (L). La première invite est modifiée par ma première proposition, soit l'attention à porter à l'initiative «Né le 7 décembre 1992».

La deuxième invite de votre texte est maintenue : «à entamer rapidement des négociations...».

En ce qui concerne la troisième invite, j'ai proposé plus que vous ne l'avez fait. Il ne s'agit pas de demander à l'Etat fédéral de se doter de moyens. Nous demandons carrément à l'Etat fédéral de nous renseigner régulièrement sur l'évolution de ses travaux. Cela représente plus que de se doter de moyens d'information, c'est passer au stade de l'information elle-même. Alors, qui peut le plus, peut le moins, me semble-t-il !

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Permettez à une femme qui vient justement de la Suisse centrale (Rires.) de vous dire à quel point elle trouve important qu'on informe les gens et qu'on fasse quasiment de la prévention. Or vous, Monsieur Halpérin, vous parlez de les renseigner sur les travaux. Cela ne suffit pas. Il faut informer les gens et changer leur état d'esprit. J'estime que la troisième invite est extrêmement importante, qu'il ne faut pas l'enlever.

Le président. Je mets aux voix la suppression de la première invite, remplacée par :

«à prêter la plus vive attention à l'initiative «Né le 7 décembre 1992», «Pour notre avenir au coeur de l'Europe» ;

la deuxième invite subsiste ;

la troisième invite est supprimée et remplacée par :

«à renseigner régulièrement la population et les cantons sur l'évolution de ses travaux».

Cet amendement est adopté.

Mise aux voix, la résolution ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

RÉSOLUTION

concernant un vote rapide en faveur de l'Europe

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

qu'il y a une année, la Suisse refusait d'adhérer à l'Espace économique européen (EEE), alors que notre canton acceptait à une très forte majorité cet accord ;

que le Conseil fédéral dépose cette semaine son rapport sur la politique étrangère de la Suisse ;

que l'on apprend, par ailleurs, que l'Union européenne n'envisage pas d'ouvrir des négociations bilatérales avec la Suisse avant avril 1994,

invite les autorités fédérales

 à prêter la plus vive attention à l'initiative «Né le 7 décembre 1992», «Pour notre avenir au coeur de l'Europe» ;

 à entamer rapidement des négociations en vue de l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne ;

 à renseigner régulièrement la population et les cantons sur l'évolution de ses travaux.