République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7032-A
12. Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 4). ( -) PL7032
 Mémorial 1993 : Projet, 4903. Commission, 4914.
Rapport de Mme Geneviève Mottet-Durand (L), commission de l'environnement et de l'agriculture

Lors de sa séance du 14 octobre 1993, la commission de l'environnement et de l'agriculture, présidée par M. Roger Beer, a étudié le projet de loi ci-dessus, en présence de Mmes C. Rosset, secrétaire adjointe et Cl. J. Sollberger, secrétaire adjointe et de MM. G. Convers, directeur conservateur du registre foncier et R. Delacuisine, directeur du service de l'agriculture.

1. Introduction

La nouvelle loi fédérale sur le droit foncier rural, acceptée en votation populaire le 27 septembre 1992, regroupe un ensemble de lois actuellement en vigueur, dont toutes les dispositions sont destinées à contrôler les rapports juridiques et plus particulièrement les transferts effectués en zone agricole, qu'il s'agisse d'entreprises, d'immeubles ou de terrains agricoles.

Cette loi remplace les lois actuellement en vigueur, soit la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, du 12 juin 1951, de même que la loi fédérale sur le désendettement agricole, du 12 décembre 1940.

La nouvelle loi fédérale, tout en renforçant les mesures de contrôle, vise à maintenir le principe fondamental inscrit dans les précédentes lois, selon lequel les terres agricoles représentent l'outil de travail de base de l'agriculteur et qu'il est, par conséquent, nécessaire de contrôler le prix de ses terrains, d'empêcher le surendettement, de prévenir le morcellement et de réserver les terres agricoles aux exploitants agricoles, à titre personnel.

Dans ce but, la nouvelle loi inscrit des restrictions de droit privé dans les rapports juridiques concernant les entreprises et les immeubles agricoles. Elle introduit le droit d'emption des parents, le droit des cohéritiers au gain, la restriction du droit d'aliéner, le consentement du conjoint, le droit de préemption des parents, du fermier et le droit de préemption sur les parts de copropriété. Ces dispositions étant de droit privé, leur contentieux se réglera par les tribunaux civils.

La loi reprend, par ailleurs, les dispositions de droit public existantes, tout en les renforçant. Il s'agit notamment de l'interdiction du partage matériel des entreprises agricoles et du morcellement des immeubles agricoles, du principe de l'autorisation pour acquérir une entreprise ou un immeuble agricole et des mesures destinées à prévenir le surendettement des exploitations et des immeubles agricoles.

Soulignons également que le droit fédéral prime le droit cantonal et qu'il s'impose à lui. La loi cantonale ne comporte, par conséquent, que des dispositions d'application et de mise en place des principes inscrits dans la loi fédérale.

2. Champ d'application

Rappelons tout d'abord que ce qui est déterminant pour le champ d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural, c'est la référence expresse aux prescriptions de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.

Les cantons ont dès lors l'obligation de se référer aux principes régissant l'aménagement du territoire et c'est ainsi que la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural s'applique aux immeubles, c'est-à-dire aux bâtiments ou aux biens-fonds qui sont situés en zone agricole, au sens de l'article 20 LALAT.

Elle touche aussi les immeubles agricoles situés dans une zone à bâtir et qui font partie d'une entreprise agricole. Les immeubles sis en partie dans une zone à bâtir sont également soumis à la loi, tant qu'ils ne sont pas partagés conformément aux zones d'affectation.

Quant aux immeubles à usage mixte, la loi leur est applicable, s'ils ne sont pas partagés en une partie agricole et une partie non agricole.

Enfin, la loi s'applique aux forêts qui font partie d'une entreprise agricole.

3. Travaux de la commission

Il est rappelé que l'élaboration de cette loi a fait l'objet d'un large consensus auprès de toutes les instances concernées, en particulier la Chambre genevoise d'agriculture qui souscrit au texte proposé et dont le président, présent à la séance de commission, invite celle-ci à modifier le moins possible le texte.

Audition de M. Jean-Paul Rey,secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière

Dans son exposé, M. Rey définit la loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR) de loi statique, centralisatrice, anachronique et peu évolutive qui tend à figer la propriété agricole pour longtemps. Etant donné qu'elle ne laisse que relativement peu de liberté de manoeuvre et d'interprétation aux cantons, la Chambre genevoise immobilière souhaite que le canton de Genève restreigne, au maximum, les principes et le champ d'application prévu par la législation fédérale, et que les sociétés législatives ne mettent pas en place des restrictions plus étendues au droit de propriété et au droit d'utilisation non agricole des terrains en question que ne l'exige la loi fédérale.

Après avoir fait quelques remarques sur les articles 2, 3 et 5 du projet de loi, M. Rey estime aussi qu'il faudrait exclure de la zone agricole et du champ d'application de la LDFR les quelque 40 à 50 hameaux construits en zone agricole mais qui ne sont plus du tout affectés à l'agriculture.

A la suite de cette audition, il est relevé que certaines remarques émises par M. Rey relèvent plutôt de la loi sur l'aménagement du territoire.

4. Commentaire article par article

Tous les articles ont été acceptés par la commission à l'exception de deux modifications, à l'article 2 où le mot tous a été supprimé et l'adjonction d'une note marginale «Champ d'application».

Les autres commentaires sont repris de l'exposé des motifs du projet de loi 7032.

Article 2

Il s'agit de rattacher le champ d'application de la LDFR au droit cantonal, soit, à la zone agricole au sens de la LALAT. Les immeubles agricoles situés en zone à bâtir sont également soumis à la LDFR lorsqu'il s'agit d'immeubles bâtis. Une liste des immeubles ou entreprises concernés devra être élaborée.

Article 3

Cet article précise que les immeubles situés en zone agricole mais qui ne répondent pas à la définition de la LDFR pourront être exclus par une décision de non-assujettissement de l'autorité compétente.

Article 4

Actuellement, seul le département des travaux publics dispose des plans ayant une base légale qui permet de connaître les limites de la zone agricole du canton. Ces plans n'indiquent toutefois pas l'état parcellaire et ne précisent pas l'affectation agricole des immeubles et des constructions. Or, seuls les immeubles bâtis ou non bâtis appropriés à l'agriculture ou l'horticulture sont soumis à la LDFR.

Selon le droit fédéral, les actes juridiques qui contreviennent aux interdictions de partage matériel et de morcellement des immeubles ou aux dispositions en matière d'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles ou qui visent à les éluder sont nuls. Dans ces conditions, le registre foncier doit pouvoir déterminer si la LDFR s'applique aux actes qui sont déposés. Auquel cas, ils doivent être transmis à l'autorité compétente. Pour permettre ce tri, les notaires devront déposer leurs actes accompagnés d'une attestation indiquant la zone dans laquelle les immeubles sont situés. Cette attestation sera délivrée selon des modalités pratiques précisées dans le règlement.

Par engagements hypothécaires, on entend l'acte de constitution et l'acte d'accroissement.

Article 5

Les immeubles agricoles situés en zone à bâtir, de même que les immeubles non appropriés à l'agriculture ou à l'horticulture situés en zone agricole doivent faire l'objet d'une mention au registre foncier indiquant qu'ils sont soumis ou non à la LDFR. Celle-ci pourra être inscrite à la suite d'une décision de l'autorité compétente, soit sur demande du registre foncier, soit sur celle du propriétaire du bien concerné.

S'agissant du problème de l'information des propriétaires, il faut rappeler que l'article 969, alinéa 1, du code civil suisse prévoit qu'il appartient au conservateur de communiquer aux intéressés les opérations auxquelles il procède, sans qu'ils aient été prévenus.

Article 6

Cette disposition précise que seuls les immeubles appropriés à un usage agricole ou horticole peuvent être soumis aux dispositions fiscales et être estimés à la valeur de rendement. Par conséquent, dès l'instant qu'ils ne sont plus assujettis à la LDFR, ils ne peuvent plus être mis au bénéfice d'une taxation favorable.

Article 7

Cet article reprend des dispositions qui sont actuellement inscrites dans la loi sur les améliorations foncières aux articles 90 et 91, étant admis que les immeubles qui ont fait l'objet d'un remaniement parcellaire restent soumis à cette loi.

Article 8

L'article 2, alinéa 2, lettre c, LDFR, stipule que la loi s'applique également aux immeubles situés en partie dans une zone à bâtir, tant qu'ils ne sont pas partagés conformément aux zones d'affectation. La disposition de l'article 8 permet de clarifier la situation juridique de ces parcelles quant à leur assujettissement à la LDFR.

Article 9

Une commission foncière agricole est créée. Cette commission est considérée comme autorité administrative au sens de l'article 5, lettre g, de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985. Elle comportera des représentants de toutes les organisations concernées, telles que la Chambre genevoise d'agriculture, la Chambre genevoise immobilière, la Chambre des notaires et l'Association des propriétaires de domaines ruraux.

Article 10

Cette disposition énonce les décisions que la commission foncière agricole doit prendre en fonction de la LDFR.

Article 11

La commission peut s'adjoindre des experts qui, du fait de leur formation professionnelle, ont les connaissances nécessaires pour procéder aux estimations des immeubles et entreprises agricoles. Leur rapport servira de document déterminant pour l'administration fiscale.

Articles 12 et 13

L'autorité de surveillance est le Conseil d'Etat, soit pour lui, le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales, le Tribunal administratif étant la dernière instance cantonale de recours.

Article 14

Le fonctionnement des autorités compétentes, plus particulièrement de la commission foncière agricole risque d'entraîner des frais importants. Cette disposition fixe la base légale nécessaire pour percevoir frais et émoluments.

5. Vote

Au terme de l'examen de ce projet de loi, c'est à l'unanimité moins une abstention (pdc.) que la commission de l'environnement et de l'agriculture vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi 7032.

projet de loi

d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural

(M 1 4)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article 1

But

La présente loi a pour but d'assurer l'exécution de la loi fédérale sur le droit foncier rural, du 4 octobre 1991 (ci-après loi fédérale).

Art. 2

Champ

d'application

1 Les immeubles, qu'il s'agisse de bâtiments ou de bien-fonds situés dans la zone agricole, au sens de l'article 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont soumis à la présente loi.

2 Les immeubles agricoles situés dans la zone à bâtir, au sens de l'article 2, alinéa 2 de la loi fédérale, sont également soumis à la présente loi.

Art. 3

Exclusion

1 Les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d'application de la présente loi par décision de l'autorité compétente, fixée à l'article 9.

Valeur de rendement

2 Ces immeubles ne sont par conséquent plus estimés à la valeur de rendement.

Art. 4

Indication de zone

1 Lors du dépôt au registre foncier de tout dossier portant sur :

a) une acquisition d'immeubles ;

b) un engagement hypothécaire ;

c) un partage ou un morcellement d'immeubles ;

la réquisition devra être accompagnée d'une attestation indiquant la zone dans laquelle les immeubles sont situés, à l'exception des parcelles sises dans une commune dont le territoire ne comporte pas de zone agricole.

2 Cette attestation est délivrée selon des modalités pratiques qui sont déterminées dans le règlement d'application de la présente loi.

Art. 5

Mention

Les immeubles visés à l'article 2, alinéa 2 et à l'article 3 de la présente loi font l'objet d'une mention au registre foncier, conformément à l'article 86 de la loi fédérale.

Art. 6

Fiscalité

En matière fiscale, seuls les immeubles appropriés à un usage agricole ou horticole peuvent être estimés à la valeur de rendement. Le contribuable saisira l'autorité compétente, fixée à l'article 9, pour obtenir une expertise à la valeur de rendement.

Art. 7

Interdiction de morcellement

1 Tout morcellement d'immeubles situés en zone agricole qui a pour effet de créer des parcelles d'une superficie inférieure à 25 ares est interdit. Cette surface est réduite à 10 ares pour les parcelles incorporées dans le cadastre viticole fédéral.

2 Des autorisations exceptionnelles peuvent toutefois être accordées par l'autorité compétente pour justes motifs, au sens des articles 59 et 60 de la loi fédérale, et si aucun intérêt prépondérant de l'agriculture n'est lésé.

3 Le morcellement d'immeubles situés en zone agricole ayant fait l'objet d'un remaniement parcellaire est soumis aux prescriptions de l'article 89 de la loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987.

Art. 8

Morcellement selon le régime des zones de construction

Le morcellement d'immeubles situés partiellement en zone à bâtir, doit tenir compte des limites de zones.

CHAPITRE II

Autorités compétentes

Art. 9

Commission foncière agricole

1 Le Conseil d'Etat nomme une commission foncière agricole, composée de 7 membres siégeant valablement à 5 (ci-après commission).

2 Elle organise elle-même son bureau et élit son domicile.

3 Elle applique les règles générales fixées dans la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.

4 Elle peut mandater des experts, notamment pour procéder aux expertises des immeubles à la valeur de rendement.

Art. 10

Compétences de la commission foncière agricole

La commission foncière agricole est compétente pour :

a) accorder les exceptions aux interdictions de partage matériel et de morcellement (art. 60 de la loi fédérale) ;

b) autoriser l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole (art. 61 à 65 de la loi fédérale) ;

c) fixer la charge maximale et requérir son inscription au registre foncier ;

d) autoriser les prêts qui dépassent la charge maximale (art. 76, al. 2 de la loi fédérale) ;

e) constater qu'un immeuble agricole situé dans la zone à bâtir est soumis à la loi fédérale en application de l'article 2, alinéa 2 ;

f) déterminer si un immeuble est exclu du champ d'application de la loi fédérale en application de l'article 3 ;

g) requérir l'inscription au registre foncier des mentions exigées à l'article 86 de la loi fédérale et au sens des lettres e et f ;

h) estimer et approuver la valeur de rendement (art. 87 de la loi fédérale).

Art. 11

Mandat des experts

Les experts visés à l'article 9, alinéa 4, remettent leur rapport à la commission.

Art. 12

Autorité de surveillance

1 Le Conseil d'Etat désigne le département qui exerce l'autorité de surveillance.

2 Le département, avant de prendre sa décision au sens des articles 83, al. 2 et 90, lettre b de la loi fédérale peut demander un complément d'enquête à la commission.

Art. 13

Voie de recours

Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours formés contre les décisions de la commission foncière agricole.

Art. 14

Frais et émoluments

Les frais et émoluments à percevoir sont fixés dans le règlement édicté par le Conseil d'Etat.

CHAPITRE III

Dispositions finales

Art. 15

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.

Art. 16

Clause abrogatoire

La loi d'application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, du 19 décembre 1952, est abrogée.

Art. 17

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 18

Modification à d'autres lois

(M 1 1)

1La loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987, est modifiée comme suit :

Art. 90 et 91 (abrogés)

** *

(M 2 17)

2 La loi d'application de la loi fédérale sur le bail à ferme agricole, du 6 mai 1988, est modifiée comme suit :

Art. 14 (nouvelle teneur)

Autorité de recours

Les décisions du département et de la commission d'affermage agricole, prises en vertu des articles 11 et 12 de la présente loi, peuvent faire l'objet d'un recours, dans les 30 jours, auprès du Tribunal administratif.

** *

(E 3,5 1)

3 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit :

Art. 8, al, 1, chiffres 113° bis et 118° (nouveaux)

113° bis décisions prises en vertu de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 4, art. 13) ;

118° bis décisions du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales et de la commission d'affermage agricole concernant les baux à ferme agricoles (M 2 17, art. 14) ;

Premier débat

M. Jean-Luc Ducret (PDC). En ce qui concerne le nouveau droit foncier rural, je ne reviendrai pas sur le texte adopté en votation populaire au mois de septembre de l'an dernier. Je désire rappeler la philosophie du nouveau droit foncier rural, conçu pour l'agriculture, pour les agriculteurs et non pas comme un instrument dans les mains de l'Etat pour assurer sa politique d'aménagement du territoire.

La loi d'application - je le demande expressément aux autorités responsables de son application et, particulièrement, à la nouvelle commission foncière - doit être inspirée des mêmes principes. Il ne doit pas s'agir, comme je l'ai dit tout à l'heure, de favoriser l'intervention de l'administration dans l'aménagement du territoire. A cet égard, je relève que nous attendons avec beaucoup d'intérêt la jurisprudence qui sera créée par la commission foncière ad hoc.

Enfin, la Chambre d'agriculture, qui est l'institution représentant les milieux agricoles sur le territoire de Genève, n'a pas soutenu le référendum à l'époque, donc l'adoption de cette loi. C'est dire toutes les critiques qu'elle avait émises au moment du débat populaire.

Je demande au Conseil d'Etat, et particulièrement aux autorités responsables, au service de l'agriculture et à la commission ad hoc, de veiller à une application souple des dispositions de la loi qui, je dois le dire, ont fait l'objet d'un débat tout à fait démocratique dans tous les corps constitués et concernés de notre République.

M. Michel Halpérin (L). Il s'agit, pour ce projet de loi, de mettre en oeuvre la législation fédérale. Cela concerne donc un domaine où nous n'avons guère de marge de manoeuvre et d'appréciation.

Cela doit prévaloir car, si nous sommes respectueux à la fois de nos engagements vis-à-vis de la Confédération et de la volonté populaire qui s'est exprimée sur ce sujet, il reste que notre groupe considère ce projet de loi en tant que tel puisqu'il ne fait qu'appliquer le droit fédéral, et que le droit fédéral qu'il sous-tend porte des atteintes extrêmement sérieuses à la propriété foncière.

C'est la raison pour laquelle notre groupe, pour une bonne partie de ses membres, s'abstiendra de voter ce projet car son substrat reste incompatible avec notre pensée et nos conceptions fondamentales en matière de propriétés foncières et privées.

M. Jean Spielmann (T). Il s'agit, dans le cadre particulier de cette loi, de l'application de dispositions fédérales sur l'aménagement du territoire. Des axes ont été tracés et admis à une très large majorité.

Il me semble paradoxal que notre canton, qui se trouve être parmi les plus touchés au niveau des différents problèmes fonciers, inscrive, dans le cadre de l'application de la LaLAT et de cette loi, des dispositions plus restrictives en les appliquant non seulement à l'ensemble des bâtiments, mais en les limitant, à l'article 2, à un certain nombre d'immeubles énumérés au travers de la loi, alors que d'autres cantons ont appliqué l'intégralité de cette LaLAT. Par conséquent, une concession et une restriction ont été faites allant dans le sens de l'intervention que le groupe libéral vient de faire.

Dès lors, je ne comprends pas que l'on veuille aller moins loin dans ce sens. Il est au moins nécessaire de voter cette loi. Pour notre part, il s'agit d'une restriction, mais nous aurons l'occasion de revenir sur l'application de cette loi sur l'aménagement du territoire.

Voilà plusieurs années, nous avions déposé l'initiative 21 et il est temps que le peuple se prononce à ce sujet. Une série de dispositions, dont celles-là, seront reprises et, comme toujours, on donnera la possibilité au peuple d'aller un peu plus loin que le veulent les libéraux dans le cadre de l'aménagement du territoire.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Nous n'avons pratiquement aucune marge de manoeuvre en droit cantonal pour appliquer comme bon nous semble le droit fédéral tel qu'il est issu des débats parlementaires et de la décision populaire.

La loi fédérale sur le droit foncier rural a pour objectif de regrouper un certain nombre de lois qui, jusque-là, étaient éparses et rendaient cette matière particulièrement complexe, parfois même d'interprétation contradictoire. C'est donc une première tentative de clarification par l'adoption de la loi fédérale sur le droit foncier rural.

En ce qui concerne le bref débat qui vient d'avoir lieu, je voudrais vous dire, Monsieur Spielmann, que, contrairement à ce que vous imaginez, l'appréciation qui est faite dans ce texte - je parle ici du texte, nous verrons l'application dans un instant - n'est pas plus restrictive que ce que prévoit le droit fédéral. Au contraire, elle est dans la bonne logique du droit fédéral en ce sens qu'elle est liée aux critères d'affectation.

Lorsqu'en zone à bâtir un immeuble a une affectation agricole et qu'il est justifié de la conserver, le droit fédéral s'applique via les dispositions du droit cantonal. Ainsi, un certain nombre de dispositions du droit fédéral telles que celles inhérentes à la valeur de rendement - elles sont particulièrement importantes en cas de transfert successoral, par exemple - sont appliquées.

En revanche, lorsqu'un immeuble qui avait jusque-là une affectation agricole en zone à bâtir n'a désormais plus d'affectation agricole du tout, il n'est plus justifiable de le contraindre à rester dans cette affectation puisqu'elle ne correspond plus au régime des zones. C'est ce que permet ce projet de loi qui apporte à cet égard la clarté voulue.

De même, si, par impossible, il devait arriver - mais là, en effet, l'application serait restrictive - qu'en zone agricole un immeuble ait tout à fait perdu son affectation agricole - c'est notamment le cas qui survient dans certains hameaux - et cela de manière durable et avérée, il pourrait être justifié de sortir cet immeuble du champ d'application des lois agricoles. A ce moment, cet immeuble perdrait son statut d'affectation agricole et, par conséquent, ne pourrait plus bénéficier des dispositions concernant la valeur de rendement en cas d'application du droit successoral paysan. On sort de l'application de la législation agricole et on a donc un tout cohérent.

Comme pour toutes les lois, il faudra en faire une application nécessairement mesurée et nuancée qui ira dans le sens des intérêts de l'agriculture et des agriculteurs, et pas au-delà. En d'autres termes, l'application que nous ferons de cette loi fédérale sur le droit foncier rural sera conforme au but poursuivi par le législateur fédéral, à savoir la protection des intérêts agricoles et celle des intérêts des agriculteurs. Il ne s'agit pas d'un instrument de politique foncière qui va au-delà de la politique foncière nécessaire au maintien d'une agriculture saine.

Le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Mis aux voix, les articles 1 à 16, ainsi que l'article 17 (souligné) sont adoptés.

Article 18 (souligné)

Le Le président. J'ai reçu un amendement de M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Monsieur le président, il ne s'agit pas des premiers articles se trouvant immédiatement après l'article 18, mais du dernier article qui est la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits et, contrairement à ce que vous indique, semble-t-il, le papier que vous avez sous les yeux, c'est le chiffre 118° de l'article 8, alinéa premier, de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits que je vous demande purement et simplement de supprimer.

En effet, ce chiffre 118° bis vise le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales. Compte tenu des restructurations, nous vous présenterons, au tout début du mois de janvier, une loi complète qui fera la toilette de l'ensemble des dispositions devant être ainsi mises à jour.

Je vous demande de ne pas tenir compte du dernier article qui est ainsi visé en page 12, le reste pouvant être voté sans modification.

Mise aux voix, l'art. 8, al. 1, chiffre 113° est adopté. L'alinéa 118° bis est supprimé.

Mis aux voix, l'article 18 (souligné) ainsi amendé est adopté.

Le projet ainsi amendé est adopté en deuxième débat.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

loi

d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural

(M 1 4)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article 1

But

La présente loi a pour but d'assurer l'exécution de la loi fédérale sur le droit foncier rural, du 4 octobre 1991 (ci-après loi fédérale).

Art. 2

Champ

d'application

1 Les immeubles, qu'il s'agisse de bâtiments ou de bien-fonds situés dans la zone agricole, au sens de l'article 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont soumis à la présente loi.

2 Les immeubles agricoles situés dans la zone à bâtir, au sens de l'article 2, alinéa 2 de la loi fédérale, sont également soumis à la présente loi.

Art. 3

Exclusion

1 Les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d'application de la présente loi par décision de l'autorité compétente, fixée à l'article 9.

Valeur de rendement

2 Ces immeubles ne sont par conséquent plus estimés à la valeur de rendement.

Art. 4

Indication de zone

1 Lors du dépôt au registre foncier de tout dossier portant sur :

a) une acquisition d'immeubles ;

b) un engagement hypothécaire ;

c) un partage ou un morcellement d'immeubles ;

la réquisition devra être accompagnée d'une attestation indiquant la zone dans laquelle les immeubles sont situés, à l'exception des parcelles sises dans une commune dont le territoire ne comporte pas de zone agricole.

2 Cette attestation est délivrée selon des modalités pratiques qui sont déterminées dans le règlement d'application de la présente loi.

Art. 5

Mention

Les immeubles visés à l'article 2, alinéa 2 et à l'article 3 de la présente loi font l'objet d'une mention au registre foncier, conformément à l'article 86 de la loi fédérale.

Art. 6

Fiscalité

En matière fiscale, seuls les immeubles appropriés à un usage agricole ou horticole peuvent être estimés à la valeur de rendement. Le contribuable saisira l'autorité compétente, fixée à l'article 9, pour obtenir une expertise à la valeur de rendement.

Art. 7

Interdiction de morcellement

1 Tout morcellement d'immeubles situés en zone agricole qui a pour effet de créer des parcelles d'une superficie inférieure à 25 ares est interdit. Cette surface est réduite à 10 ares pour les parcelles incorporées dans le cadastre viticole fédéral.

2 Des autorisations exceptionnelles peuvent toutefois être accordées par l'autorité compétente pour justes motifs, au sens des articles 59 et 60 de la loi fédérale, et si aucun intérêt prépondérant de l'agriculture n'est lésé.

3 Le morcellement d'immeubles situés en zone agricole ayant fait l'objet d'un remaniement parcellaire est soumis aux prescriptions de l'article 89 de la loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987.

Art. 8

Morcellement selon le régime des zones de construction

Le morcellement d'immeubles situés partiellement en zone à bâtir, doit tenir compte des limites de zones.

CHAPITRE II

Autorités compétentes

Art. 9

Commission foncière agricole

1 Le Conseil d'Etat nomme une commission foncière agricole, composée de 7 membres siégeant valablement à 5 (ci-après commission).

2 Elle organise elle-même son bureau et élit son domicile.

3 Elle applique les règles générales fixées dans la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.

4 Elle peut mandater des experts, notamment pour procéder aux expertises des immeubles à la valeur de rendement.

Art. 10

Compétences de la commission foncière agricole

La commission foncière agricole est compétente pour :

a) accorder les exceptions aux interdictions de partage matériel et de morcellement (art. 60 de la loi fédérale) ;

b) autoriser l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole (art. 61 à 65 de la loi fédérale) ;

c) fixer la charge maximale et requérir son inscription au registre foncier ;

d) autoriser les prêts qui dépassent la charge maximale (art. 76, al. 2 de la loi fédérale) ;

e) constater qu'un immeuble agricole situé dans la zone à bâtir est soumis à la loi fédérale en application de l'article 2, alinéa 2 ;

f) déterminer si un immeuble est exclu du champ d'application de la loi fédérale en application de l'article 3 ;

g) requérir l'inscription au registre foncier des mentions exigées à l'article 86 de la loi fédérale et au sens des lettres e et f ;

h) estimer et approuver la valeur de rendement (art. 87 de la loi fédérale).

Art. 11

Mandat des experts

Les experts visés à l'article 9, alinéa 4, remettent leur rapport à la commission.

Art. 12

Autorité de surveillance

1 Le Conseil d'Etat désigne le département qui exerce l'autorité de surveillance.

2 Le département, avant de prendre sa décision au sens des articles 83, al. 2 et 90, lettre b de la loi fédérale peut demander un complément d'enquête à la commission.

Art. 13

Voie de recours

Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours formés contre les décisions de la commission foncière agricole.

Art. 14

Frais et émoluments

Les frais et émoluments à percevoir sont fixés dans le règlement édicté par le Conseil d'Etat.

CHAPITRE III

Dispositions finales

Art. 15

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.

Art. 16

Clause abrogatoire

La loi d'application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, du 19 décembre 1952, est abrogée.

Art. 17

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 18

Modification à d'autres lois

(M 1 1)

1La loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987, est modifiée comme suit :

Art. 90 et 91 (abrogés)

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(M 2 17)

2 La loi d'application de la loi fédérale sur le bail à ferme agricole, du 6 mai 1988, est modifiée comme suit :

Art. 14 (nouvelle teneur)

Autorité de recours

Les décisions du département et de la commission d'affermage agricole, prises en vertu des articles 11 et 12 de la présente loi, peuvent faire l'objet d'un recours, dans les 30 jours, auprès du Tribunal administratif.

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(E 3,5 1)

3 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit :

Art. 8, al, 1, chiffre 113° bis (nouveau)

113° bis décisions prises en vertu de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 4, art. 13) ;