République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 décembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 2e session - 44e séance
RD 213
Le président. Avant de mettre un terme à cette session du Grand Conseil, je souhaite adresser les remerciements de nos concitoyennes et concitoyens, ainsi que les nôtres, ceux des députés au Grand Conseil qui les ont côtoyés, soutenus et parfois combattus pour leurs idées, aux trois conseillers d'Etat qui quitteront leurs fonctions dans quelques jours : MM. Dominique Föllmi, Christian Grobet et Bernard Ziegler. (L'assemblée se lève. Vifs applaudissements de toutes parts.)
M. .
Après une licence en sciences commerciales à l'université de Genève en 1963, Dominique Föllmi a occupé une série de postes de haute responsabilité dans l'instruction publique et à l'université jusqu'à celui de directeur administratif et financier du département de l'instruction publique.
Il a été conseiller municipal de la Ville de Genève de 1967 à 1977, et député au Grand Conseil de 1968 à 1970. Elu conseiller d'Etat en 1985 et chargé du département de l'instruction publique, il a, en outre, présidé le gouvernement genevois du 1er décembre 1989 au 30 novembre 1990.
Au cours de sa première législature, Dominique Föllmi a pu réaliser des projets qui lui étaient chers comme :
- l'intégration de tous les enfants et adolescents à l'école, quel que soit leur statut;
- l'intégration totale ou partielle des enfants et adolescents handicapés;
- la nouvelle loi d'encouragement aux études, mettant l'accent sur la formation continue, le perfectionnement professionnel, les secondes formations, les stages linguistiques;
- le développement de la politique de prévention et d'éducation à la santé;
- la création du centre d'enseignement des professions de la santé et de la petite enfance;
- le développement d'une politique culturelle de l'Etat;
- le développement de la politique régionale sous l'angle culturel et universitaire, avec pour corollaire la signature d'une convention de coopération entre les universités de Rhône-Alpes et celles de la Suisse romande;
- le lancement de plusieurs chantiers de bâtiments nécessaires au bon développement de l'école genevoise.
Au cours de sa seconde législature, au vu de l'inversion totale de la conjoncture, Dominique Föllmi, contraint de gérer un budget plus restreint et de réviser certains de ses objectifs, a cependant mis sur pied :
- les modifications légales pour introduire à l'université l'égalité de chances entre homme et femme au sein du corps enseignant universitaire;
- l'introduction d'un nouvel horaire scolaire pour mieux tenir compte de la vie scolaire, familiale et sociale de l'enfant;
- la création de l'Académie internationale de l'environnement;
- un projet de loi pour renforcer l'autonomie de gestion de l'université;
- de nouvelles constructions scolaires, telles l'école d'ingénieurs, l'école d'horlogerie, l'ESC de Colladon, le cycle d'orientation de la Gradelle, les bâtiments complémentaires pour les écoles d'art, Sciences III et Uni-Mail.
Dominique Föllmi qui s'est efforcé, toute sa carrière, de poursuivre son idéal, avoue aujourd'hui, par fidélité à cet idéal, et selon ses propres termes «avoir le sentiment de devoir changer». C'est ainsi qu'il désire mettre fin à son mandat au terme de la législature qui s'achèvera dans quelques jours. (Chaleureux applaudissements.)
M. .
Licencié en cié en droit de l'université de Genève, titulaire du brevet d'avocat, il a été conseiller municipal de la Ville de Genève de 1967 à 1970, député au Grand Conseil de 1969 à 1981, conseiller national de 1975 à 1982. Elu conseiller d'Etat en 1981, il fut président du Conseil d'Etat en 1986 et 1993.
Sur le plan politique fédéral, il a été à l'origine des deux initiatives fédérales pour une protection renforcée des locataires, dont la seconde a abouti à l'article constitutionnel protégeant les locataires contre les congés abusifs. Il a été à l'origine de l'initiative contre l'exportation des armes.
Sur le plan politique cantonal, il est à l'origine de plusieurs initiatives cantonales qui ont abouti, dont celle sur le logement, celle sur les démolitions et transformations de maisons d'habitation et celle sur l'interdiction de la chasse.
Dans l'exercice de ses fonctions gouvernementales, il a marqué de son empreinte l'action de l'Etat dans les domaines de l'aménagement du territoire, de la protection de l'habitat, du patrimoine bâti et naturel ainsi que dans la réalisation d'un important programme d'équipements publics.
C'est ainsi que, parallèlement à l'élaboration du plan directeur cantonal, il s'est investi dans l'adaptation de notre droit cantonal à la législation fédérale sur l'aménagement du territoire. Il a mené une politique active de protection du patrimoine bâti et de l'environnement en étendant les zones protégées, en particulier par l'adoption de deux lois sur la protection des rives du Rhône et du lac.
Fidèle aux convictions qui sont les siennes sur la protection de l'habitat au centre-ville, il a fait prendre d'importantes mesures tendant à lutter contre les démolitions, les changements d'affectation d'immeubles de logement et les abus en matière de vente d'appartements.
Sous son impulsion, de multiples plans d'affectation ont été adoptés par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, dans l'idée de créer des instruments permettant de lutter contre la pénurie de logements. D'importants projets d'ensembles de logements sociaux ont été mis sur pied et réalisés à son initiative, tels ceux édifiés sur les terrains de l'ancien Palais des expositions ainsi que dans le périmètre de Montbrillant-Varembé.
Il a été la cheville ouvrière d'un programme d'équipements publics d'une ampleur exceptionnelle puisque, sous sa direction, a été réalisé un volume d'investissements de quelque 4 milliards de francs dans des secteurs aussi divers que Uni-Mail, la zone sud de l'hôpital, le Palais de justice, l'hôtel de police, l'aéroport, le dépôt TPG, l'autoroute de contournement, le barrage du Seujet et l'agrandissement de l'usine des Cheneviers. (Applaudissements nourris.)
M. .
Après des études de droit à l'université de Genève, une licence en droit en 1967 et un brevet d'avocat en 1970, Bernard Ziegler a été avocat au Barreau de Genève de 1971 à 1985.
Conseiller municipal de Collonge-Bellerive de 1975 à 1978, député au Grand Conseil de 1977 à 1985 et auteur de nombreux projets de lois, il a été élu conseiller d'Etat en novembre 1985 et chargé du département de justice et police.
Président du Conseil d'Etat en 1991 - année du 700ème anniversaire de la Confédération - il est aussi président de la Conférence suisse des chefs des départements cantonaux de justice et police depuis le 1er janvier 1991.
Sans m'attarder sur sa carrière judiciaire qui culmine avec une fonction de juge suppléant au Tribunal fédéral de 1980 à 1985, ni sur sa carrière dans l'armée où il occupe les fonctions de capitaine dans les troupes de transmission, je souhaite rappeler que dans le cadre de son action au sein du département de justice et police, Bernard Ziegler a conduit une politique active de réformes, de promotion des transports publics et de régulation du trafic automobile. Les requêtes d'asile sont traitées avec efficacité, dans le respect des personnes et du droit humanitaire. Président des Transports publics genevois, il mène une politique de modernisation du réseau et du matériel, en concertation avec le personnel. Il prépare les dossiers de l'avenir : l'extension du réseau du tramway, le métro Meyrin-Cornavin et l'intégration du réseau régional. Dans le cadre de l'application de la législation fédérale sur la protection de l'air, il élabore un plan de mesures ambitieux et exemplaire, visant à réduire considérablement la pollution atmosphérique dans notre canton d'ici l'an 2000.
Bernard Ziegler s'est beaucoup investi pour les droits de la femme et a instauré au sein du corps de police l'égalité entre homme et femme. Il a fait élaborer et voter la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement entrée en vigueur le 1er janvier 1989. Il en a fait de même avec la loi sur les spectacles et les divertissements qui vient d'entrer en vigueur le 1er septembre 1993. Sur le plan concernant plus particulièrement la justice, il a fait voter une modification de la loi sur l'organisation judiciaire octroyant l'autonomie administrative à la justice qui entre en vigueur demain 4 décembre 1993, il a réorganisé les greffes en introduisant chaque fois que l'occasion s'est présentée des greffiers juristes. Sous son impulsion, le Conseil d'Etat a présenté un rapport consécutif à diverses motions concernant l'amélioration de la justice et grâce à son action d'importants progrès ont été accomplis en Suisse dans la lutte contre le crime organisé, tant au niveau fédéral et intercantonal - par le truchement de la Conférence suisse des chefs des départements cantonaux de justice et police qu'il préside - qu'au plan purement cantonal.
Parmi les mesures prises au plan cantonal, il faut relever les modifications de la constitution et de la loi sur l'organisation judiciaire - qui ont conduit notamment à la création des deux postes de procureur et à une spécialisation des juges d'instruction. Sur le plan de la procédure pénale, diverses innovations ont été introduites afin de réorganiser les attributions de certaines juridictions et d'éviter les recours dilatoires dans les affaires complexes.
Il a également fait voter la législation relative à la création des trois offices des poursuites et des faillites qui entrera en vigueur dans quelques mois. Enfin, il a présenté au Conseil d'Etat qui l'a adopté le règlement d'application des AFU destinés à lutter contre la spéculation foncière.
Ces trois magistrats ont accompli leur mission au sein du gouvernement avec dévouement et compétence. Nous leur exprimons ici solennellement notre gratitude. (Applaudissements nourris et chaleureux.)
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. J'aimerais vous remercier, Monsieur le président, de vos paroles. Elles me touchent beaucoup et c'est évidemment un moment plein d'émotion. J'aimerais vous dire que j'ai pris beaucoup de plaisir à ce mandat de conseiller d'Etat, de l'avoir reçu de la population, et d'avoir eu le privilège de diriger le département de l'instruction publique. C'est une expérience exceptionnelle, c'est une chance de pouvoir assumer ce type de responsabilités avec les joies et les servitudes que cela implique.
Je suis reconnaissant à tous ceux qui m'ont donné la possibilité d'exercer ce mandat. De plus, le fait d'être à la tête du département de l'instruction publique a été pour moi une joie. C'est sans doute - je l'ai souvent dit à mes collègues - le plus beau des départements, puisqu'il prépare l'avenir, ce qui ne veut pas dire que les autres départements ne sont pas importants.
Une page importante se tourne en ce qui me concerne. Huit ans de Conseil d'Etat c'est vrai, mais en réalité cela fait vingt-trois ans que je suis au département de l'instruction publique. C'est donc toute une vie professionnelle qui change maintenant, puisque j'ai consacré tout mon temps et ma vie professionnelle à l'enseignement dans des fonctions différentes. C'est aussi avec émotion que je prends congé de mes collaboratrices et collaborateurs avec qui le travail a été exceptionnel, que ce soit les cadres, le personnel administratif et technique ou les enseignants. Je ne voudrais citer qu'une seule personne ici, Mme Marie-Laure François, (Grande émotion dans la voix de l'orateur.) secrétaire générale, qui a vraiment été exceptionnelle par ses contacts, son intelligence, son appui.
Je laisse un département avec d'excellents collaborateurs qui seront à même de continuer à travailler avec beaucoup d'efficacité. Pour son avenir, il faut passer le témoin de la meilleure façon possible. Dès le lendemain de l'élection de Mme Brunschwig Graf, j'ai immédiatement pris contact avec la nouvelle conseillère d'Etat. Et nous avons déjà travaillé ensemble. J'ai invité Mme Brunschwig Graf à participer à une séance de direction de sorte que le passage de témoin se passe vraiment très positivement car ce sont les enfants, les adolescents, l'enseignement, qui sont en jeu.
Quant à vous, chers députés du Grand Conseil, c'est aussi avec émotion que je vous quitte. J'aimerais vous remercier de votre attention, de votre écoute. J'ai tenté de respecter chacun de vous, chacune de vos positions, même si elles étaient différentes de ma vision, de ma conception. Je crois que tout mérite attention et écoute et ce n'est que de cette manière que l'on arrivera à progresser, à se respecter et à trouver des solutions.
J'aimerais également remercier particulièrement les huissiers, ainsi que tout le personnel de la Chancellerie, qui m'ont beaucoup aidé et qui sont d'un dévouement exceptionnel. Quant à votre avenir, Mesdames et Messieurs les députés, la situation n'est pas très facile. Je sais que vous aurez encore des débats importants, j'espère qu'ils se passeront dans les meilleures conditions possibles, car Genève attend de bonnes décisions et des décisions importantes. Je vous souhaite en tout cas bon courage.
Je terminerai cette brève et dernière intervention en vous dédiant une maxime d'Albert Camus qui dit : «La vraie générosité envers l'avenir, c'est de tout donner au présent.». Je crois que vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés, vous donnez le meilleur, jour après jour, pour préparer l'avenir. Merci du temps que vous donnez à la Cité par votre mandat de député, autrement dit du temps que vous consacrez à la chose publique pour les autres. Merci et bonne chance. (Très vifs applaudissements.)
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. J'ai écouté attentivement, Monsieur le président, et je dois le dire avec un certain plaisir, vos aimables paroles, et je tenais à vous en remercier. C'est je crois l'avantage des départs, et plus particulièrement des départs inattendus ou prématurés (Rires.) que de susciter des regrets réconfortants pour celui qui s'en va. Permettez-moi donc de saisir cette occasion pour vous faire part de mes sentiments.
Je prends congé du Conseil d'Etat et du Grand Conseil dans des circonstances dont je sais bien qu'elles dépassent ma modeste personne. Il a fallu qu'un certain essoufflement du débat politique et des péripéties particulières se conjuguent à un dysfonctionnement institutionnel latent pour aboutir à l'élection du bloc des sept candidats de l'Entente et à l'élimination de la participation socialiste au gouvernement.
Le régime genevois de l'élection majoritaire à deux tours est unique en son genre, avec un quorum abaissé à 33 % au lieu de l'exigence de la majorité absolue au premier tour. Dans tous les autres cantons suisses, seuls quatre membres du gouvernement étaient élus le 14 novembre, et un deuxième tour devait être organisé afin de pourvoir les trois sièges restants; c'est alors seulement que l'on aurait vu si le peuple voulait vraiment un gouvernement monocolore. De la même manière, il y a deux ans, les deux candidats de droite avaient monopolisé la représentation de Genève au Conseil des Etats alors qu'un seul d'entre eux avait obtenu la majorité absolue des suffrages. Je fais cette analyse sans amertume et plutôt en guise d'autocritique : le parti socialiste paie là une certaine frilosité, car il a longtemps préféré la facilité de ce régime, que la droite a pour sa part périodiquement critiqué, sans réaliser qu'il s'en remettait ainsi davantage au bon vouloir des partis de l'Entente qu'aux rigueurs de la légitimité démocratique fondée sur le suffrage universel.
C'est dire que, loin d'être un modèle d'avenir, un futur produit d'exportation, la formule gouvernementale genevoise de 1993 est un accident de l'histoire au même titre que l'élection inattendue d'un Conseil d'Etat à majorité socialiste le 26 novembre 1933. Je suis convaincu que, dans quatre ans au plus tard, la parenthèse se refermera, mais j'espère pour Genève qu'elle laissera moins de cicatrices que les affrontements d'il y a 60 ans. D'ici là, j'invite le parti socialiste à puiser en lui-même les ressources de la confiance et de la sérénité qui lui sont nécessaires pour maintenir et développer son identité dans le paysage politique.
Quant à moi, ces circonstances me donnent l'occasion, finalement pas si nombreuses dans le cours d'une vie, d'être à l'un de ces carrefours merveilleux où l'on peut prendre le temps du recul et véritablement choisir son avenir sans suivre simplement des rails tout tracés. J'entends bien en profiter et, si vous me permettez une comparaison audacieuse, mon modèle sera davantage Helmut Schmidt que Valéry Giscard d'Estaing.
Auparavant, je vais essayer de vous dire combien j'ai vécu pleinement ces huit années en votre compagnie, et vous faire part de quelques réflexions pour l'avenir que je tire de cette expérience.
La fonction de conseiller d'Etat est véritablement passionnante, déjà parce que son titulaire dispose d'une grande liberté pour la façonner à son image. Participer au gouvernement, diriger un département c'est avant tout motiver des collaborateurs, catalyser des énergies pour faire avancer des idées et des réalisations en luttant contre les conservatismes et les rigidités. Je suis fier de ce que j'ai pu faire, même si j'aurais voulu pouvoir faire davantage, et je remercie toutes celles et tous ceux, dans l'administration, au parlement et au gouvernement, dans mon parti et dans la société civile, sans qui rien de tout cela n'aurait été possible. Au département de justice et police, j'avais la chance de travailler étroitement avec les deux autres pouvoirs de l'Etat : le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif. Tout au long de ces huit ans, je n'ai eu qu'à me louer de la qualité, de la courtoisie qui, par-delà les affrontements, a toujours marqué nos rapports.
Mesdames et Messieurs, la situation d'aujourd'hui appelle une véritable entreprise de reconstruction de l'Etat, du service public, et c'est en particulier dans cette direction que je m'étais engagé. Je suis en effet convaincu qu'il nous faut trouver de nouvelles formes d'organisation, car l'Etat juridique et bureaucratique est à bout de souffle. Il a représenté une étape utile et nécessaire de la construction des sociétés démocratiques, mais nous vivons aujourd'hui les douleurs de la transition vers une forme nouvelle de l'Etat que j'appellerais volontiers l'Etat social de marché : un Etat plus proche des gens, orienté davantage sur les résultats que sur les règles et les procédures, recourant au contrat plutôt qu'à la loi, cherchant à favoriser l'autonomie des individus dans une société solidaire plutôt qu'à les enrégimenter dans l'univers bureaucratique.
Pour passer de l'Etat juridique et bureaucratique à l'Etat social de marché, c'est une sorte de révolution culturelle que nous devons accomplir pour reconnaître que la société a profondément changé et que le rôle assigné à l'Etat s'est profondément modifié. Du coup, nos méthodes de travail doivent aussi changer et je donnerai simplement un exemple : la manière purement juridique, comptable, bureaucratique que nous avons d'élaborer le budget de l'Etat. A travers des centaines de pages, des milliers de natures et de sous-natures qui se subdivisent jusqu'à l'absurde, nous tentons de prévoir l'impossible et nous nous imposons des rigidités déresponsabilisantes qui nous conduisent dans le mur. Nous y passons un temps et une énergie invraisemblables, bien sûr au détriment de l'essentiel. Préparer un projet de budget, aujourd'hui, ce n'est pas décider d'options politiques, c'est dresser mentalement, au début d'une année, la liste des factures que l'on s'attend à recevoir durant l'année suivante.
Quant à gérer le budget en cours d'exercice, c'est pire : il n'y a aucune souplesse pour s'adapter aux circonstances changeantes. Il n'y a ni incitation à faire mieux que prévu, ni sanction en cas de dépassement; il y a en revanche encouragement pervers à la dépense conforme au budget - quel que soit l'état des recettes, d'ailleurs - pour éviter une réduction de la rubrique l'année suivante.
La cause est entendue, et c'est pourquoi toujours plus nombreuses sont les collectivités, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie comme en Europe, qui ont révolutionné leurs procédures en adoptant une forme de budget orientée sur le contrôle de résultats : donner aux subdivisions de gestion la pleine responsabilité d'enveloppes forfaitaires et les libérer des soucis bureaucratiques pour se concentrer sur la meilleure allocation possible des ressources disponibles dans l'exercice de leur mission. Une telle démarche me paraît le complément indispensable du plan quadriennal.
Il est à vrai dire assez ironique que le chant du cygne du précédent Grand Conseil ait été de graver dans le marbre de la loi la réglementation tatillonne de la procédure budgétaire dont nous devons absolument nous débarrasser pour libérer les forces de l'initiative et de l'autonomie au sein de l'administration, qui ne demandent qu'à s'épanouir pour le service de nos concitoyens. Ce n'est malheureusement ni la première, ni la dernière des lois rattrapées par l'obsolescence au moment de déployer ses effets. Mais je suis
convaincu que la réforme de la procédure budgétaire est un préalable à la fois au rétablissement de l'équilibre des finances publiques et à la réanimation du débat politique qui doit absolument être orienté sur les résultats que la société attend de l'Etat et non sur une vision purement comptable.
Mesdames et Messieurs, c'est sur ce message d'avenir que je prends congé de vous, avec regrets, bien sûr, mais aussi avec l'intime conviction d'avoir cherché à remplir mon devoir au plus près de ma conscience pour servir Genève. (Vifs applaudissements de l'assemblée.)
La séance est levée à 20 h 5.