République et canton de Genève

Grand Conseil

M 866-A
9. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes Liliane Johner et Fabienne Bugnon concernant la surveillance des crèches-garderies et jardins d'enfants. ( -) M866
 Mémorial 1993 : Développée, 3702. Commission, 3724.
Rapport de M. Armand Lombard (L), commission de l'enseignement et de l'éducation

Sous la présidence de M. Roger Beer, président, et de M. Jacques Boesch, vice-président, la commission a traité cette question au cours de ses séances des 8, 15, 22 et 29 septembre et 6 et 20 octobre 1993.

Elle a profité de la présence de M. J. Lehmann, directeur général de l'Office de la jeunesse, les 8, 22 et 29 septembre ainsi que les 6 et 20 octobre, et de celle de Mme Cl. Rihs, directrice adjointe de l'Office de la jeunesse, les 15 et 29 septembre, ainsi que le 6 octobre.

La proposition de motion du 3 juin 1993 est née d'un projet de convention entre l'Etat de Genève et les communes genevoises en matière d'institution de la petite enfance, projet qui a inquiété certains responsables des institutions de la petite enfance et les motionnaires qui estimaient la démarche entreprise par le département de l'instruction publique (DIP) comme erronée.

A titre informatif, on peut préciser que Genève dispose de 136 institutions pour la petite enfance, dont :

 62 institutions subventionnées par les communes ;

 37 institutions subventionnées par les communes mais non autorisées ;

 30 institutions non subventionnées par les communes mais autorisées ;

 27 institutions non subventionnées par les communes et non autorisées.

Pour accorder l'autorisation de fonctionner et pour la surveillance de ces institutions, l'Etat dispose de 1,5 poste. Il se propose, en incluant les services communaux dans l'organisation, de renforcer cette structure et de la rapprocher des usagers.

1. Auditions et réactions

La commission a procédé à de nombreuses auditions. Elle a pu déceler des réactions positives, mais aussi, à plusieurs reprises, des craintes à propos

 d'un changement mal compris parce que «parachuté» sans concertation suffisante ;

 d'un abandon de supports pédagogiques ;

 d'un risque de mauvaise compréhension des problèmes au niveau communal.

L'association des communes genevoises (audition de Mmes Ronga et Bernasconi et de M. M. Hug, le 8 septembre) estime que les communes participent depuis plus de 20 ans aux institutions concernées ; les délégués de l'association considèrent que le but recherché par le projet de convention est de sensibiliser les communes aux problèmes évoqués et d'augmenter le dialogue avec les responsables.

L'association genevoise du personnel de la petite enfance (Mme F. Koch auditionnée le 8 septembre) et la présidente de la crèche de la Providence (Mme A. Rollier, auditionnée le 8 septembre) précisent que le personnel qualifié est à même de répondre aux besoins et aux attentes. Elles considèrent que l'Office de la jeunesse est le garant d'un bon déroulement des activités, que ce service assure aux parents que leurs enfants retrouvent partout les mêmes conditions d'accueil et sont pris en charge de façon correcte. Elles estiment par ailleurs que les communes ne disposent pas toujours du personnel nécessaire dûment formé pour procéder aux contrôles exigés.

Les personnes entendues souhaiteraient qu'il ressorte mieux du projet de convention l'importance d'un travail en partenariat. Elles regrettent de n'avoir pas été associées à l'élaboration du document préparé par le DIP.

La déléguée à la petite enfance, à la Ville de Genève (Mme F. de Tassigny, auditionnée le 8 septembre) est favorable à une délégation de la surveillance aux communes tout en reconnaissant qu'il peut être délicat d'être subventionneur et médiateur. Si le contrôle de la gestion peut être assuré sans une formation particulière, il n'en est pas de même pour le contrôle de l'évaluation pédagogique. Elle pense par ailleurs que certaines communes pourraient refuser cette délégation de surveillance.

Mme Polonowski, présidente, fait part d'un avis négatif de la commission consultative de la petite enfance, à la Ville de Genève, les communes n'ayant, estime-t-elle, pas les moyens d'appliquer les normes adoptées et n'étant pas à même d'assumer la surveillance nécessaire, alors que l'Office de la jeunesse représente la protection de la petite enfance.

L'association des directeurs et directrices de crèche, représentée par Mme Vodroz et M. Barria, et la fédération des jardins d'enfants, représentée par Mme C. Tièche, MM. F. Reverdin et J.-P. Hess, ont été auditionnées le 22 septembre. Elles s'opposent au projet de transmission aux communes des compétences de surveillance, d'autorisation et d'évaluation, considérant comme inadmissible que le subventionneur soit en même temps l'organe de surveillance.

«C'est pourtant chose courante, s'est exclamé un commissaire, que de voir celui qui paie contrôler également le travail!»

Elles soulignent par ailleurs l'expérience professionnelle de l'Office de la jeunesse, service qui fonctionne bien et qui mériterait de bénéficier d'une aide financière des communes pour lui permettre d'être renforcé.

Les personnes entendues regrettent également de n'avoir pas été associées à l'élaboration du document préparé par le DIP.

Une crainte des institutions est de ne pouvoir s'adresser directement à la commission cantonale qui sera instituée, sans passer par les communes.

Les représentants des associations professionnelles (M. B. Saillon pour SSP/VPOD, Mme V. Buchs pour le syndicat interprofessionnel des travailleurs et des travailleuses SIT, Mme V. Matotea pour l'association des jardinières d'enfants et Mme J. Balet pour l'association des nurses), ont été auditionnées le 6 octobre.

Ils demandent que l'autorité de surveillance des institutions de la petite enfance soit maintenue à l'Office de la jeunesse. Les personnes entendues estiment qu'il n'est ni juste ni tolérable que l'autorité de surveillance soit exercée par ceux-là même qui donnent les moyens financiers et que, par ailleurs, toutes les communes ne sont pas aptes à assurer la surveillance exigée, faute de personnel formé. Les représentants des associations professionnelles souhaitent également que les conditions de travail soient harmonisées dans tout le canton.

Correspondance reçue

 Commission de l'égalité des droits entre hommes et femmes 

18 juin 1993

 Office de la jeunesse 

13 juillet 1993

 Associations professionnelles SSP/VPOD - SIT - association des jardinières d'enfants - association des nurses 

14 septembre 1993

 Association des comités de crèche Ville de Genève 

14 septembre 1993

 Présidente de la pouponnière Providence 

15 septembre 1993

 Groupe parents - petite enfance 

15 août 1993 +

17 septembre 1993

 Association genevoise des directrices de crèche AGDC 

1

15 octobre 1993

Dans la correspondance dont elle a eu connaissance, la commission relève que tant l'association des comités de crèche que les associations professionnelles ou les groupes de parents redoutent, au mieux, le transfert aux communes de l'autorité de surveillance assumée jusqu'à maintenant par l'Office de la jeunesse.

En résumé, nombre de personnes entendues ou de messages reçus :

 reconnaissant la qualité des services assurés par l'Office de la jeunesse et souhaitent conserver une relation directe avec lui dans le cadre d'une réorganisation ;

 ne saisissent pas les mobiles qui ont amené au projet ni les avantages de la solution proposée ;

 craignent un transfert de la surveillance aux communes et souvent s'y opposent ;

 souhaitent une large consultation sur l'organisation, l'autorisation et la surveillance des institutions de la petite enfance.

2. Position du DIP

Le directeur de l'Office de la jeunesse souligne que le document préparé par le DIP devait représenter une base de départ pour une discussion et un projet de loi-cadre en vue d'une amélioration de tout le secteur s'occupant de la petite enfance.

Le document rédigé a été envoyé à tous les partenaires ; mais une seule réponse est parvenue au département avant que ne soit déposée la motion 866. De ce fait, la consultation prévue n'a pas pu avoir lieu, les contacts étant suspendus au niveau de l'Office de la jeunesse, pour ne pas risquer d'aller à contre-courant des démarches de la commission de l'enseignement.

L'Office de la jeunesse considère comme nécessaire d'améliorer l'organisation de la petite enfance en intégrant d'une manière organique les communes limitées actuellement à un simple rôle financier. Il souhaite réaliser cette transformation avec les partenaires à la petite enfance dans un esprit dynamique.

3. Réflexion de la commission

La commission constate, au travers des nombreuses auditions, les facteurs suivants :

a) les communications nécessaires à une réorganisation importante et à la modernisation d'un service public d'une grande importance n'ont pas fonctionné.

 Dans «Préserver l'essentiel», déjà, le système des communications internes au DIP avait été responsable d'un grave échec. Les structures du DIP paraissent, dans ce domaine, surannées. L'absence d'un système d'échange d'idées, de réflexion, de dialogue, de créativité, de haut en bas de la hiérarchie, mais surtout de bas en haut fait cruellement défaut au DIP. Elle entraîne des tensions dangereuses pour l'enseignement public tout entier et crée des montées de fièvre et d'incompréhension parfaitement inutiles et démobilisantes. Seul un effort majeur vers une réforme en profondeur permettront au système éducatif genevois d'évoluer positivement.

b) Un cadre commun

 Toute organisation doit être placée dans le cadre plus large d'un projet mobilisateur. Pour qu'il y ait un sens et une coopération positives, de façon à ce que chacun concoure au bon développement de la petite enfance genevoise, il est nécessaire d'exposer les motifs, d'expliquer le nouveau fonctionnement et de créer une culture autour d'un projet. Une proposition de réorganisation aussi importante que celle proposée pour la petite enfance appelle un préambule qui décrive l'intention et le pourquoi. La petite enfance ne peut être par simple fait du prince transférée aux communes sans directives, sans formation, sans un appui pédagogique spécialisé. Elle doit être, sur la base d'un projet, élaborée entre partenaires avant d'être appliquée.

c) Points sur les i

 Le rapporteur a tenté, à l'issue des discussions, de préciser un certain nombre de points qui seraient utiles à un projet de réforme. Porté à la connaissance de la commission avec une certaine écoute, il est cité ici comme une possible référence pour une loi-cadre sur la petite enfance ou pour les articles-cadres modifiés de la loi actuelle :

 alléger les directives du Conseil d'Etat de juin 1993 afin de rendre plus lisible leur application ;

 établir une antenne pédagogique DIP à destination des institutions et des communes en matière de conseil et d'évaluation ;

 confier aux communes les tâches de surveillance et d'autorisation ;

 créer une commission cantonale de la petite enfance représentant, de façon équilibrée, DIP, communes et institutions, commission présidée par une personnalité hors DIP ;

 charger la commission cantonale d'agir comme autorité de recours dans des conflits entre communes et institutions. Cette commission émet, par ailleurs, des propositions au Conseil d'Etat en matière de directives, élabore une charte de surveillance, établit une politique générale, propose des appuis, la formation de responsables communaux...

d) Les professionnels de la petite enfance et les autres ne sont pas les soldats d'armées ennemies qui s'affrontent sur le champ de bataille de la pédagogie. L'exclusion des parents des processus éducatifs d'une part, le banissement des autorités communales, d'autre part, ne se justifient pas davantage que la condamnation des «pros» et la critique des spécialistes. Chacun a sa part au projet éducatif genevois : les parents, parce qu'ils sont formés par l'expérience, savent éduquer une famille et s'y efforcent, les communes parce qu'elles sont proches de la population et de la communauté locale et qu'elles en sentent très directement les attentes, les énervements et les espoirs. Enfin, les enseignants et responsables pédagogiques parce qu'ils sont formés en école et en contact direct et permanent avec les enfants.

Tous doivent être partenaires à un projet qui remplace un système devenu insatisfaisant.

4. Conclusion de la commission

La commission de l'enseignement constate que les auditions ont permis de prendre conscience de toute une série de questions face à l'effort de réorganisation du secteur de la petite enfance ; elle estime toutefois qu'il ne lui appartient pas de les régler et que le DIP doit procéder, pour poursuivre la réorganisation prévue, à une large consultation des partenaires.

Elle a pris la décision de proposer au Grand Conseil :

à l'unanimité moins une abstention, de renoncer aux deux invites prévues et d'adresser la motion au Conseil d'Etat avec une nouvelle invite.

ANNEXE

M 866

PROPOSITION DE MOTION

concernant la surveillance des crèches-garderieset jardins d'enfants

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que jusqu'à présent la compétence d'autorisation et de surveillance des collectivités de la petite enfance incombe au service de la protection de la jeunesse ;

 que suite à l'ordonnance fédérale sur le placement et la loi genevoise d'application, ce service exerce également la surveillance des crèches et des jardins d'enfants qui sont subventionnés par les communes ;

 que dans sa lettre adressée à l'Association des communes genevoises, M. Dominique Föllmi, chef du département de l'instruction publique, propose à celle-ci de déléguer la tâche d'autorisation et de surveillance aux communes ;

 que cette décision a provoqué une levée de boucliers au sein de tout ce qui touche de près la prise en charge de la petite enfance ;

 qu'il n'est pas possible qu'un organe de subventionnement (communes) soit le même que l'organe de surveillance ;

 que rien ne justifie ce transfert de charges aux communes ;

 qu'à part la Ville de Genève, les communes ne sont pas outillées pour effectuer ce contrôle et qu'aucune garantie ne pourra être donnée par les communes afin d'assumer cette autorité de surveillance ;

 qu'inévitablement une disparité entre les communes verra le jour et que c'est la porte ouverte à toutes les fantaisies en ce qui concerne les normes d'encadrement ;

 que le service de protection de la jeunesse ne dispose pas actuellement des moyens suffisants lui permettant d'effectuer des contrôles sérieux et qu'en cela il doit être renforcé,

invite le Conseil d'Etat

 à renoncer à ce transfert de compétence aux communes ;

 à renforcer le service de la protection de la jeunesse en lui donnant les moyens d'effectuer son travail de contrôle dans de meilleures conditions.

Débat

M. Armand Lombard (L), rapporteur. Vous aurez sans doute constaté dans ce rapport une épouvantable bévue qui induit en erreur celui qui veut bien lire jusqu'au bout ledit rapport. On aurait bien sûr dû lire en pages 8 et 9 de ce rapport la nouvelle invite. Elle est précédée de ces considérants formés par tout le rapport. A l'unanimité, la commission vous suggère de l'accepter.

Et puis, il aurait fallu, comme le demande le Bureau du Grand Conseil, qu'en annexe de cette page 8 figure l'ancienne motion. Or ce qui a été introduit à la place de l'ancienne motion c'est un texte qui dit : «Le texte à voter est donc le suivant.». On vous remet les anciens considérants et on vous met la nouvelle invite. Je ne sais pas si vous m'avez suivi ! De toute façon, si vous ne m'avez pas suivi, ce qu'il faut avoir lu c'est l'invite du haut de la page 8.

Ensuite, ce qui est à supprimer, ce sont les considérants de l'ancienne motion et ses deux invites que je vous répète : «...invite le Conseil d'Etat à renoncer à ce transfert de compétences aux communes, deuxièmement à renforcer le service de la protection de la jeunesse en lui donnant les moyens d'effectuer son travail de contrôle dans de meilleures conditions.». Bien sûr, comme tout à l'heure, j'entends mes collègues radicaux qui ont toujours l'humour à la bouche dire : «Fallait le faire !». Eh ben oui, fallait le faire ! C'est réussi cette fois !

Effectivement, c'est incompréhensible. Je vous prie de bien vous en tenir aux explications des sept premières pages et à la nouvelle invite. La commission vous propose donc, à l'unanimité moins une abstention, de renoncer aux deux invites que je viens de vous relire et la motion au Conseil d'Etat avec la nouvelle invite suivante : «...invite le Conseil d'Etat à procéder à une large consultation sur l'organisation, l'autorisation et la surveillance des institutions de la petite enfance.».

Voilà ce que je voulais vous soumettre en tant que rapporteur et ce que la commission vous demande de comprendre dans le message que je vous transmets.

J'ai un deuxième point tout à fait différent que je souhaiterais encore traiter : c'est d'insister sur les communications, qui sont nécessaires, à établir - comme cela a été dit assez durement dans le rapport - à l'intérieur du département de l'instruction publique. A l'évidence, ce qui était à dire en l'occurrence c'est que toute la procédure qui a amené à la motion et à la transformation de la motion a été faite dans une absence de communication, dans une absence de compréhension et dans une absence de confiance entre les autorités, les députés ou les motionnaires. Le département a lancé un préprojet de consultation, et aussitôt les motionnaires, eux, ont déposé leur motion qui a arrêté et bloqué la consultation. Si bien qu'on s'est trouvé dans une situation qui n'est pas souhaitable et qui ne devrait pas se répéter. Quand un département entame une procédure auprès de ses cadres et des gens qui composent le département, à l'évidence, il faudrait que les députés s'abstiennent de s'interposer jusqu'à ce que cette consultation ait pu être faite.

Je crois que grâce à la nouvelle invite que vous soumet la commission, nous allons dans la bonne direction et c'est pourquoi je vous prie de soutenir la proposition de l'ensemble de la commission.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour cette clarification... (Rires.) ...du rapport que vous nous avez décrit comme «fautif» !

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je m'apprêtais à faire un certain nombre d'éloges à M. Lombard pour son rapport... (Rires.)

Je ne pensais pas parler de ce qu'il a annoncé. Je ne sais pas dans quelle mesure le débat va pouvoir s'engager sur quelque chose de faux et sur lequel on ne va pas voter. Je veux bien dire ce que j'ai à vous dire sur ce rapport, mais je trouve qu'il vaudrait mieux le renvoyer en commission. (Applaudissements.)

M. Philippe Schaller (PDC). J'entends Mme Bugnon proposer le renvoi de cette motion en commission. Je le veux bien, mais, finalement, j'aimerais rappeler certaines choses à ce parlement.

La première interpellation de Mme Liliane Johner, puis la motion, puis le travail en commission, puis le rapport de M. Lombard montrent bien que notre Grand Conseil est saisi ce soir d'un sujet d'importance : la petite enfance. Le sujet est d'importance car cette première enfance est la période la plus critique du développement de l'adulte en devenir et celle qui demande le plus d'attention de la part de la famille en premier lieu et de la société toute entière quand la première ne veut ou ne peut pas remplir entièrement ce rôle. Ne voyez pas dans cette dernière phrase une connotation péjorative, c'est un fait de société. Cette demande familiale pour la préscolarisation est légitime en raison, d'une part, des nouveaux besoins éducatifs et, d'autre part, de la valorisation de la sociabilisation en complément, et non en substitution, de l'éducation familiale.

Tout ceci a pour incidence une demande de plus en plus grande en matière de garde des petits enfants, mais pas n'importe quelle garde, un véritable lieu d'accueil où chaque enfant confié puisse bénéficier de l'encadrement optimal nécessaire à son bon développement. Mais cela représente un coût, et voilà la question essentielle qui n'est pas posée dans votre rapport, Monsieur Lombard. Le coût d'un enfant en institution est-il trop élevé en regard aux prestations existantes ? Comment, nous politiques, pouvons-nous juger de l'utilité ou de la non-utilité des sommes consacrées ? C'est bien la difficulté du débat.

Bien entendu, on peut être d'avis, comme certains dans ce parlement, que la famille doit assumer ses «rejetons» jusqu'à l'âge de quatre ans et que la prise en charge doit rester exceptionnelle. On peut évidemment penser qu'il vaudrait mieux verser la somme du coût d'un enfant en institution à la mère qui pourrait ainsi rester au foyer. On peut dire qu'une personne âgée coûte 240 F par jour et qu'on ne consacre pas assez d'argent à la petite enfance. Entre ces deux extrêmes, nous devons trouver une attitude raisonnable, cohérente en faveur d'un développement quantitatif et qualitatif des institutions et ceci à un coût acceptable pour la société toute entière.

Je crois fermement à l'honnêteté du département de l'instruction publique dans le processus qu'il a engagé entre l'Etat et les communes genevoises pour résoudre un certain nombre de blocages qui desservent cette petite enfance. Le département de l'instruction publique a finalement voulu clarifier les pouvoirs et les niveaux de responsabilités. N'oublions pas qu'il s'agit de deux entités politiques au service de la population. Ce n'est pas, comme on a pu le dire, une volonté de démantèlement du service de protection de la jeunesse, ni une volonté d'ouvrir la porte à un laisser-aller et à un laisser-faire par les communes. Compte tenu du mode de subventionnement des institutions, en majorité par les communes, et du peu d'implications financières de l'Etat, il était normal de trouver un certain nombre de réflexions propices à une collaboration débouchant sur une autonomie adulte du pouvoir local.

Vous n'êtes pas sans savoir non plus qu'il est de plus en plus difficile pour l'Etat, pour l'office de la protection de la jeunesse, d'exiger l'application des normes prévues et publiées par cet office. Les conflits sont nombreux et sournois. Ils pèsent lourdement sur le bon fonctionnement de certaines institutions et empêchent l'ouverture d'un certain nombre d'autres structures. Face à cette situation complexe, le département a choisi de faire adhérer les communes, par la négociation, à l'application des normes. N'oublions pas que ces normes sont finalement excessivement subjectives et élaborées par les acteurs en présence. Le département a choisi la voie de la négociation avec la Ville de Genève, les services de protection de la jeunesse et un représentant des communes, ceci sous la responsabilité de M. Lehmann. Il semble que, dans un deuxième temps, il ait voulu obtenir des négociations et poursuivre ses réflexions avec tous les partenaires. Je crois d'ailleurs, pour les commissaires de la commission de l'enseignement, que M. Lehmann a été très clair à ce sujet. La lettre de M. Dominique Föllmi nous a aussi éclairés quant à ses intentions.

Monsieur Lombard, je suis extrêmement déçu par le ton un peu moralisateur et dévalorisant que vous employez à l'adresse du DIP. On peut lire dans votre rapport des phrases comme celle-ci : «L'absence d'un système d'échanges, d'idées, de réflexions, de dialogue, de créativité, de haut en bas de la hiérarchisation mais surtout de bas en haut fait cruellement défaut au DIP.». Je ne continuerai pas, mais je crois que, si je peux comprendre l'attitude des deux motionnaires dont les craintes étaient peut-être légitimes, je ne peux accepter les propos qui sont les vôtres au sujet du département. Je souhaite profondément, Monsieur Lombard, que demain le dialogue au sein du DIP se fasse véritablement de bas en haut comme vous le proposez. Mais vous savez mieux que moi où sont les contraintes et les restrictions à ce dialogue. Elles sont là où nous voudrons bien les placer lors de nos débats budgétaires !

Pour ma part, je ne m'oppose pas au renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, même si les considérants ne sont plus d'actualité. (Applaudissements.)

M. Roger Beer (R). J'ai présidé la commission de l'enseignement pendant de longues séances.

Effectivement, Monsieur Lombard, vous avez commis une certaine bévue et peut-être qu'il aurait fallu rester plus simple. Que voulez-vous, vos explications, eh bien, c'est du Lombard ! (Grands éclats de rires.)

Ma collègue, Mme Bugnon, propose le renvoi de cette motion en commission. De grâce, je ne suis pas d'accord ! Nous avons passé six séances à auditionner toutes les personnes impliquées dans les problèmes de la petite enfance. Je participerai à cette commission car ce travail me plaît, même si je ne la préside plus. Après tout ce qui a été dit, je pense que le département, même si on peut lui adresser certaines critiques, a créé un certain nombre d'ouvertures. Au moment où nous allons changer de président du département, il serait nettement préférable de laisser la nouvelle conseillère d'Etat démarrer sur des éléments concrets. Inviter le Conseil d'Etat à procéder à une large consultation sur le problème de la petite enfance me paraît raisonnable. Par contre, renvoyer cette motion en commission, refaire toutes les auditions, reposer toutes les questions et réentendre les mêmes éléments me semblent parfaitement inutiles.

M. Schaller a très bien résumé l'ambiance générale de la commission de l'enseignement par rapport au problème de la petite enfance. Aussi, je vous invite, au contraire, et malgré le côté «un peu flou»... (Rires et quolibets.) ...des explications, à accepter la motion qui demande clairement dans son invite le renvoi au Conseil d'Etat.

M. Jacques Boesch (T). Les travaux de la commission de l'enseignement, par certains côtés, ont été excellents et, par d'autres côtés, ont montré un certain nombre de limites. Il faut effectivement saluer la motion de Mmes Bugnon et Johner parce qu'elle a permis à la commission de procéder à un certain nombre d'auditions et au département de prendre la température de tous les milieux professionnels concernés. Il faut reconnaître avec une certaine humilité, et nous en avons eu l'impression, que les consultations préalables de ces milieux n'avaient pas bien fonctionné. Ce message en ce qui concerne le département a été clairement saisi. Il faut absolument consulter les gens et veiller à tenir compte de ce qu'ils disent de manière à ne pas procéder à des réformes qui n'engendreraient que désordres dans le domaine particulièrement sensible de la petite enfance.

Ce qui a été bien réalisé au niveau du parascolaire peut très bien l'être au niveau de la petite enfance. Dans le cas particulier, M. Föllmi a fait preuve de bon sens politique, ce qui sera très certainement repris - je l'espère du moins - par Mme Brunschwig Graf. On peut lui adresser le message suivant : celui de bien vouloir continuer à travailler en concertation avec les milieux de l'enseignement.

Ma proposition serait de renvoyer effectivement ce document au Conseil d'Etat. Il a dû comprendre le message. Il sait qu'il doit continuer à consulter. Il sait aussi qu'il ne peut pas renvoyer le «bébé» aux communes tel quel. Dès lors, je vous propose de ne pas le renvoyer à la commission de l'enseignement, mais directement au Conseil d'Etat, en remerciant particu

lièrement Armand Lombard qui a résumé les nombreuses auditions de la commission.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Les différents intervenants n'ont pas compris ma brève intervention. Si j'ai demandé le renvoi en commission, ce n'est évidemment pas pour recommencer les auditions, mais simplement parce qu'environ 85 personnes ici ne savent pas sur quoi elles votent exactement, je parle de ceux qui n'ont pas participé au travail de la commission. Je veux bien qu'on le traite ce soir. Je le répète, je ne pensais pas recommencer les travaux !

Je tiens à remercier M. Lombard, car j'estime qu'il a fait preuve de beaucoup d'objectivité dans la manière dont il a retranscrit les auditions dans son rapport.

J'ai déjà expliqué - de manière assez vive d'ailleurs - la position de notre groupe en séance plénière s'agissant du transfert de compétences. Je pense qu'il est inutile d'y revenir.

Je souhaite relever quelques points du rapport, Monsieur Lombard, lorsque vous faites état de réactions positives perçues lors des auditions. Les seules réactions positives sont venues de l'Association des communes genevoises. Toutes les autres personnes auditionnées étaient unanimes à déplorer ce transfert et nous ont abondamment fait part de leurs craintes, dont vous faites d'ailleurs état. J'aimerais également revenir sur l'audition de M. Lehmann qui affirme que le document avait été envoyé à tous les partenaires avant le dépôt de la motion et que celui-ci aurait bloqué toute discussion. A entendre les personnes auditionnées, ce projet a été envoyé durant l'été, donc après le dépôt de la motion.

Quoi qu'il en soit, la nouvelle invite que nous voterons ce soir, proposant une large consultation, permettra - je l'espère - d'éviter un transfert brutal et permettra de tenir compte des craintes émises par les milieux concernés.

Je remercie enfin le rapporteur d'avoir bien voulu préciser que les propositions faites en page 6 sont bien les siennes et que, si elles ont été transmises à la commission, elles n'ont fait l'objet d'aucun vote ou d'aucun accord.

En conclusion, le groupe écologiste accepte le rapport de M. Lombard, soutient le renvoi au Conseil d'Etat de la motion, munie de la nouvelle invite, et regrette évidemment que l'on enlève les considérants.

Je terminerai en disant que cette motion, qui a fait l'objet d'un débat très houleux en séance plénière et de propos souvent vifs en commission, a au moins eu un mérite, celui de permettre à bon nombre de députés de s'informer sur un sujet très peu traité par ce Grand Conseil, celui de la petite enfance.

M. Armand Lombard (L), rapporteur. Je ne vais pas refaire du «Lombard» pour ne pas vous décevoir.

Je crois que ce que mes différents collègues ont expliqué sur cette motion va dans le sens de ce que j'essayais de vous expliquer et que j'ai peut-être eu un peu de peine à faire. J'espère que vous avez compris, aussi je ne recommencerai pas mon explication ! Nous votons sur ce qui se trouve en bas de la page 7 et en haut de la page 8. Je le répète pour ceux qui n'auraient pas compris !

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Lorsque j'ai pris connaissance du rapport de M. Lombard, j'avoue que mon sang n'a fait qu'un tour, parce que je ne comprenais pas l'exposé, les conclusions, les considérants et l'invite; il y avait manifestement des contradictions majeures. Vous avez corrigé les choses, je comprends mieux. Nous avons d'ailleurs eu un entretien téléphonique à ce sujet.

Permettez-moi, tout de même, de faire très courtoisement deux observations sur ce rapport qui, dans le cadre de ses auditions, présente tout à fait justement les choses.

Vous faites deux reproches au département de l'instruction publique. Le premier est que le département ne fait pas de concertation. Au début de cette séance, je vous ai annoncé la réussite des négociations sur le parascolaire, ce qui est la preuve du contraire. Cela relève du stéréotype facile ! Je ferai simplement remarquer que la concertation devient impossible lorsqu'une proposition d'étudier un domaine ou une question entraîne ipso facto des motions, des pétitions, peut-être pour en discuter ici au Grand Conseil, mais surtout pour bloquer toute réflexion. Ce qui me frappe, c'est qu'à partir du moment où une idée est émise, les personnes s'imaginent que la décision est prise. Nous avons déjà vécu ce scénario. Au fond, tout se passe comme si la réflexion était considérée comme une menace. Moi, je persiste à croire que, précisément, l'absence de réflexion constitue la plus grave menace pour la République. Nous devons beaucoup réfléchir avant d'agir et non pas l'inverse.

Deuxième reproche. Vous pensez que le département de l'instruction publique ne devrait pas décentraliser ses activités. J'aimerais, Monsieur le rapporteur et Monsieur Beer, me permettre de rappeler votre motion 786 qui est toujours à l'étude à la commission de l'enseignement et qui traite de la volonté - de votre volonté - de proposer une autonomisation des institutions, une décentralisation, etc. Alors, là aussi, il y a contradiction. A partir de quel moment peut-on décentraliser ou non ?

J'aimerais relever, néanmoins, avec beaucoup de satisfaction le fait que vous fassiez l'éloge de l'un de mes service, l'office de la jeunesse. Je l'apprécie particulièrement, d'autant que les compliments se font rares par les temps qui courent. Vous constatez que c'est un excellent service qui fait un excellent travail; aussi je vous remercie de cette appréciation. Pour une fois que l'un des services du département de l'instruction publique est félicité, je ne voulais pas manquer de le relever.

En conclusion, j'aimerais vous dire - et peut-être vous rassurer - que le Conseil d'Etat accepte la motion que vous avez proposée, c'est-à-dire le texte corrigé qui consiste à entreprendre, comme nous voulions le faire, une concertation élargie. Sur la base des résultats de cette concertation, les conclusions seront peut-être différentes. Mme Bugnon a raison dans ce sens que le sujet de la petite enfance n'a jamais été discuté au niveau du Grand Conseil. C'était une première, elle ne pouvait être que houleuse.

Enfin, je dirai pour être conciliant que la seule question qui doit être posée, au-delà des luttes de territoires et de corporatismes, est celle-ci : quelle est la meilleure manière de développer harmonieusement les crèches et les jardins d'enfants dont chacun sait qu'ils ont une fonction primordiale ? Voilà au moins une belle conclusion ! (Applaudissements.)

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

concernant la surveillance des crèches-garderieset jardins d'enfants

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

 à procéder à une large consultation sur l'organisation, l'autorisation et la surveillance des institutions de la petite enfance.