République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 novembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 1re session - 41e séance
I 1804
M. Gérard Ramseyer (R). Je m'adresse au président Grobet. Il y a une notion contre laquelle la classe politique ne peut rien, c'est celle de la malice du temps. Il se trouve, en effet, que je réplique au Conseil d'Etat à propos du stade des Charmilles le surlendemain d'une soirée qui a vu le Servette Football Club jouer en Coupe d'Europe devant 18 000 spectateurs.
Le match s'est déroulé dans une enceinte suffisamment usée par l'irréparable outrage des ans pour qu'elle n'ait pu faire le plein de sa capacité, dans un cadre suffisamment dépassé sur le plan de la sécurité pour que l'Union européenne de football ait appliqué, au sujet des installations sportives genevoises, des normes restrictives. Si la sacro-sainte clause de besoin devait être démontrée, le cas d'espèce serait illustratif.
En évoquant la similitude des volontés pour le Zénith et pour le stade des Charmilles, j'ai fait allusion à l'urgence de prendre des décisions et d'agir avec célérité. J'avais souhaité que, pour une fois, notre Grand Conseil ne fasse pas partie de ces lents que dévorent avec appétit les rapides. Et, parmi les rapides, mentionnons l'évolution très accélérée du monde politique, puisque je m'exprime devant un Grand Conseil renouvelé à 70 % en quatre ans. En d'autres termes, il n'y a presque plus de concordance parlementaire entre la genèse d'un projet et son aboutissement, entre les députés qui lancent une idée et ceux qui la votent. La malice du temps, c'est en l'occurrence la coïncidence des événements, c'est aussi le rappel des jours qui s'écoulent inexorablement.
Or, Monsieur le président, entre mon interpellation du 29 novembre 1991 et votre réponse, 678 jours se sont écoulés. C'est pour éviter l'engluement de ce dossier, auparavant grossi de deux études d'impact à compte d'auteur, si je me souviens bien, qu'une pétition a été lancée à mi-parcours du cursus de cette interpellation, à savoir en septembre 1992. Elle a rencontré un vif succès - 12 000 signatures - elle a été examinée avec célérité par la commission des pétitions puisque le 18 mai 1993 cette commission a remis au Grand Conseil un rapport, renvoyé depuis au Conseil d'Etat.
Et c'est à ce dossier que vous avez déclaré, le 8 octobre dernier, vous être attelé. Je vous en suis reconnaissant. Encore que l'image d'un attelage ne m'enthousiasme pas trop. Vous savez que pour tirer un attelage on peut recourir à nombre de créatures ou de machines. Parmi les créatures, le cheval, de préférence le percheron ou le trait breton, mais en tous les cas pas le pur-sang qui correspond tout de même mieux à l'image que vous donnez de vous-même, et que j'enregistre bien respectueusement.
La malice du temps fait que le projet d'un nouveau stade s'est estompé derrière celui de la rénovation de ce stade des Charmilles auquel nous sommes tous très attachés, à commencer par vous, Monsieur le président, puisque vous avez porté les couleurs de ce club vénérable dans la partie de votre jeunesse consacrée à de saines activités, (Eclat de rires.) avant de vous consacrer à l'action politique. (Brouhaha et quolibets fusent.)
Il me suffit donc d'avoir enregistré votre engagement de vous attaquer fermement au projet de rénovation et d'amélioration à tout point de vue des installations des Charmilles.
A n'en pas douter, il y aura d'autres grandes soirées aux Charmilles ces prochaines années et peut-être même ne seront-elles pas exclusivement sportives mais aussi musicales. L'important est que le stade des Charmilles offre toutes les garanties de confort et de sécurité, et nous n'avons pas devant nous 678 nouvelles journées pour décider de commencer à agir. Et le Conseil d'Etat n'a plus la possibilité de faire valoir qu'il s'agit d'un projet mal conçu sur le plan financier : une rénovation du stade des Charmilles simplifie la question en comparaison de l'idée de la construction ailleurs d'une telle infrastructure.
Je remercie donc le Conseil d'Etat de prendre en compte la situation de besoin dans laquelle nous nous trouvons et de considérer dès lors mon interpellation et ma réplique de ce soir comme des interventions complémentaires à la pétition que j'ai déjà eu le privilège de défendre devant ce Grand Conseil.
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président...
Une voix. Il était centre avant !
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Ah, non ! J'étais à l'aile gauche à l'époque ! Déjà ! (Eclats de rires, applaudissements.) Figurez-vous qu'on me mettait à l'aile gauche - vous savez qu'en hockey sur terre c'est la position la plus difficile - car il paraît que j'étais assez habile. (Rires.) Cela étant, je remercie M. Ramseyer d'avoir rappelé mes amours non seulement de jeunesse, car je suis toujours membre du Servette, cher Monsieur, club pour lequel j'ai beaucoup d'estime, et je vous remercie de vanter les qualités de ce club ne pensant pas le faire moi-même, ne voulant pas être accusé d'opportunisme.
Vous avez compté avec la même précision que le «Renquilleur» un certain nombre de jours, ceux-ci séparant le développement de votre interpellation et la réponse du Conseil d'Etat. J'en ai déduit - et par d'autres propos que vous m'adressiez tout particulièrement, bien qu'en principe c'est le Conseil d'Etat qui est concerné par les interpellations - qu'il était urgent de répondre. Il se serait peut-être écoulé encore quelques jours de plus si je ne m'étais pas montré insistant pour répondre une fois pour toutes à votre interpellation, parce que certains collègues, vous ne me contredirez pas, pensaient qu'il n'était pas urgent d'y répondre et qu'il fallait encore attendre.
Voyez-vous, j'ai pensé au contraire qu'il fallait répondre même si la réponse n'était pas celle que vous attendiez. Je constate que vous demandiez que l'on aille vite. J'en déduis que vous voulez ma réélection au Conseil d'Etat et que je reste au département des travaux publics, j'en suis ravi de la part d'un des sept candidats de l'Entente ! (Applaudissements.) Soyez rassuré, Monsieur Ramseyer, si vous m'accordez dans le secret des urnes votre confiance (Rires.) et si les concitoyennes et concitoyens de ce canton me l'accordent également, eh bien, je m'engage à relever le «défi» !
Des voix. Non ! Non !
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Les deux défis, bien entendu. Celui d'abord d'être élu, et puis l'autre de s'occuper du stade des Charmilles. Effectivement, je crois que l'on a maintenant pris la voie de la raison parce qu'il n'y a pas si longtemps on a imaginé un premier projet totalement démesuré qui aurait coûté 220 millions et qui s'inscrivait dans cette période d'euphorie où finalement l'on avait perdu tout sens de la réalité dans le domaine immobilier. C'est quelques projets de ce type qui ont mis le marché immobilier genevois dans une situation extrêmement délicate. On a aussi imaginé d'aller installer le stade ailleurs, et vous savez comme moi que mettre un stade comme celui-ci, avec les inévitables nuisances qu'il provoque dans un quartier d'habitation, je ne sais pas si en tant que maire de Versoix vous l'eussiez défendu si c'eût été Versoix.
J'aimerais aussi dire que je suis persuadé que les Genevois qui s'intéressent au football et au sport en général sont attachés au stade des Charmilles tel qu'il est aujourd'hui. Je vois un certain parallélisme avec les bains des Pâquis que certains ont voulu détruire, projet qui a été balayé par la population qui a voulu conserver des bains des Pâquis qui représentaient indiscutablement quelque chose. Je dis que c'est identique en ce qui concerne le stade des Charmilles, mais il est vrai qu'il se pose des problèmes tant du point de vue de la restauration de ce stade que de sa sécurité. J'aimerais alors que l'on s'entende. Il n'y a pas de danger actuellement dans les tribunes autorisées; simplement l'UEFA pose d'autres règles. Pour les matchs européens où l'on est souvent envahi, hélas, de personnes qui ont une conception un peu curieuse du sport, on a des exigences de sécurité pour maîtriser un certain nombre d'acteurs à un spectacle qui ne devraient pas être là. C'est un autre problème.
Je pense que l'on doit arriver à trouver une solution. Je sais que mon collègue Claude Haegi s'occupe activement de ce dossier et le Conseil d'Etat aura certainement l'occasion, sitôt qu'il sera réélu, d'empoigner ce projet avec la poigne que vous souhaitez et de venir le plus rapidement possible devant ce Conseil. (Bravos, applaudissements.)
L'interpellation est close.
M. John Dupraz(R). Concernant le département des travaux publics, si vous me permettez, M. Grobet est responsable des bâtiments de la République et canton de Genève. Or, je constate, après quatre ans d'absence de ce parlement, que les bâtiments sont fort refroidis. Je voudrais que vous donniez des instructions pour la prochaine séance afin que le chauffage soit remis dans cette salle parce que beaucoup de personnes souffrent des frimas ! (Rires, quelques applaudissements.)
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Si vous me permettez de répondre à cette interpellation non inscrite, faite sur-le-champ et qui correspond bien au tempérament de mon ami Dupraz, je dirai simplement que le département des travaux publics s'efforce de respecter le mieux possible les options d'économies d'énergie souhaitées par ce Grand Conseil, et c'est vrai que le département des travaux publics ne s'est pas rendu très populaire en respectant ce que le Grand Conseil a voulu. Même en période électorale, nous ne craignons pas d'être impopulaires !