République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 novembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 1re session - 41e séance
PL 7042
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:
Art. 198 (nouvelle teneur)
Compositionet attributions
1 Dès le début de la législature, le Grand Conseil nomme une commission d'aménagement du canton composée de 15 membres chargée d'examiner:
a) les projets de loi portant sur la modification des limites de zones au sens des articles 15 et suivants de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.
b) les motions demandant une modification des limites de zones en vertu de l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.
c) les oppositions formées par les communes au sens des articles 6 de la loi sur les zones de développement, 5 de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités et 40 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites.
d) les objets que le Grand Conseil décide de lui envoyer, touchant notamment l'urbanisme et l'aménagement du territoire.
2 Cette commission fournit des préavis aux autres commissions auxquelles de tels projets sont renvoyés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Préambule
Le 29 avril dernier, en adoptant le projet de loi 6705, le parlement cantonal a accédé à une légitime demande des communes genevoises de pouvoir détenir une certaine autonomie en matière d'aménagement du territoire. Dorénavant, les communes disposent d'un droit d'initiative leur permettant de faire engager des procédures portant sur des propositions émanant d'elles, de modification des limites de zones au sens de l'article 12 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT).
Le législateur a également profité de cette opportunité pour élargir le cercle des initiants aux députés en leur donnant la qualité pour ouvrir une procédure de changement d'affectation de zone.
En effet, jusqu'à ce jour, les procédures de modification de zones étaient engagées à la seule initiative du Conseil d'Etat.
Toutefois, si le Grand Conseil a étendu ses pouvoirs, il n'en a pas pour autant défini les modalités de traitement des motions prévues à cet effet. C'est la raison de ce projet de loi.
Il n'est pas inutile de rappeler qu'antérieurement à l'adoption de la loi précitée, plusieurs demandes émanant de députés et proposant au Conseil d'Etat d'ouvrir une procédure relative aux modifications des plans de zone ont été présentées au législateur cantonal; on peut citer à titre d'exemple:
PL 6154
proposition de déclasser des terrains en zone préexistante agricole en zone préexistante agricole en zone de construction à Pinchat, refus d'entrer en matière par le Grand Conseil le 2 juin 1988.
PL 6362
modification du régime des zones de construction à Sécheron, renvoyé à la commission d'aménagement en juin 1989.
PL 6369
modification du régime des zones de construction à la Gra-vière à Meyrin, renvoyé à la commission d'aménagement en octobre 1989.
PL 6432
modification du régime des zones de construction à Pregny-Chambésy, renvoyé à la commission d'aménagement en octobre 1989.
M 793
déclassement de terrains sis en zone préexistante agricole en zone de construction à la Pallanterie à Collonge-Bellerive renvoyée au Conseil d'Etat en mai 1992.
Certains périmètres visés par les demandes susdites portent sur des sites sensibles ou posent des problèmes sur le plan politique, d'autres demandent des études d'aménagement, d'aucuns impliquent des accords entre l'Etat et les propriétaires fonciers. C'est la raison pour laquelle ils sont toujours en sus-pens devant la commission d'aménagement.
Depuis la nouvelle teneur de l'article 15 A de LaLAT, les députés ont usé de leur prérogative pour:
M 825
Déclassement de terrains en zone préexistante agricole en zone de construction à Bellevue. Motion renvoyée au Conseil d'Etat le 13 novembre 1992. Adoption du PL 6996-A par le parlement cantonal en date du 8 octobre 1993.
M 830
Déclassement des terrains en zone préexistante agricole en zone de construction aux Petites-Fontaines à Plan-les-Ouates renvoyé au Conseil d'Etat en juin 1993.
M 859
Création d'une zone constructible à Confignon et abrogation d'une zone constructible à Bernex. Renvoi de la motion au Conseil d'Etat le 13 mai 1993. Mise à l'enquête publique de préconsultation avril-mai 1993, délibération des conseils municipaux respectivement les 8 juin et 24 août derniers. Le Grand Conseil sera vraisemblablement saisi du projet de loi au mois de novembre 1993, la procédure d'opposition ayant été ouverte.
M 879
Extension de la zone à bâtir à Bonvard sur la commune de Choulex, motion renvoyée à la commission d'aménagement le8 octobre 1993.
Motivation du projet de loi
La vive discussion échangée lors de la séance de la commission d'aménagement du 6 octobre dernier, portant quant à la forme du traitement de la motion 879 demandant l'extension de la zone de construction du hameau de Bonvard, pour savoir si le Grand Conseil devait renvoyer la motion, soit au Conseil d'Etat soit en commission, a incité votre serviteur à proposer d'inscrire la règle du renvoi automatique en commission pour toutes les propositions de projets de lois et motions proposant une modification des limites de zone.
Portée législative de la motion au sens des articles 15 LaLATet 143 du règlement du Grand Conseil
Il n'échappe à personne que la portée de ce type de motion a fondamentalement évolué depuis la promulgation de la loi 6705, le 26 juin 1993. Elle ne peut être considérée comme une motion à teneur de l'article 143 de la loi portant règlement du Grand Conseil, mais prend la forme d'une obligation légale que l'exécutif doit respecter en engageant une procédure de déclassement au sens de l'article 16 LaLAT.
En effet, le droit garanti du Grand Conseil exprimé sous la forme de motion tel que défini à l'article 15 A LaLAT pose la problématique de sa valeur législative par rapport à celle de l'article 143 du règlement du Grand Conseil qui n'est, rappelons-le, «qu'une proposition faite au Conseil d'Etat».
Le législateur a clairement exprimé sa volonté de pouvoir posséder la compétence de mettre à l'enquête publique de préconsultation des avant-projets de lois. Toutefois, en vertu de la séparation des pouvoirs et n'étant pas en possession d'un appareil administratif pouvant instruire formellement cette attribution, le Grand Conseil a délégué cette tâche au Conseil d'Etat.
Mais qu'adviendra-t-il le jour où l'exécutif cantonal ne donnera pas suite à l'injonction du parlement ?
Cette équivoque a volontairement été écartée du présent projet de loi et son auteur laisse le soin à la commission du règlement de statuer sur cette antilogie et si cela se révèle nécessaire de définir la propriété législative de la «motion impérative» en complétant l'article 143 du règlement du Grand Conseil.
Pour ce qui est de l'étude par le parlement d'une «proposition de motion», une discussion sur le fond doit avoir lieu tant entre les députés qu'avec le Conseil d'Etat sur la portée matérielle de l'acte législatif (motivation de la demande, régime de zone proposée, définition du périmètre, respect des normes légales, visite des lieux, audition des autorités communales, des tiers et du département des travaux publics, etc.), ce qui ne peut manifestement pas se faire lors de débats en séance plénière. En la matière, il convient au préalable, comme ceux dus à l'initiative des communes, de s'assurer que les avant-projets de lois mis à l'enquête publique de préconsultation répondent sur le plan formel aux exigences légales. Pour le surplus, il est opportun de circonstancier la mission que le Grand Conseil entend confier au Conseil d'Etat.
Le droit à l'expression
Le respect de l'autonomie des communes en matière d'aménagement du territoire demande à ce qu'elles puissent exprimer leur position sur les propositions du législatif cantonal avant que les avant-projets de lois ne soient mis à l'enquête publique de préconsultation.
Il en va de même pour les propriétaires fonciers touchés par la mesure d'aménagement ainsi que pour les tiers intéressés.
Enfin, les associations et organismes intéressés doivent également pouvoir exposer leur point de vue.
Le Grand Conseil, en réformant les compétences des communes, ne doit pas tomber lui-même dans les travers de la fatuité par une manifestation de suffisance.
En d'autres termes, il serait irrelevant que seuls les députés et le Conseil d'Etat puissent en séance plénière, s'exprimer préalablement sur la mesure d'aménagement proposée, tout en ne permettant pas aux autorités communales, communiers et tiers intéressés, de se manifester et éventuellement établir un dialogue au moyen des auditions.
La procédure relative à l'adoption des plans de zone
Ce n'est qu'au terme de la procédure définie à l'article 16 LaLAT (enquête publique de préconsultation, préavis du conseil municipal, procédure d'opposition) que le Grand Conseil est saisi d'un projet de loi. Dès lors, sa marge de manoeuvre pour modifier la teneur de l'acte législatif consiste à la seule réduction du périmètre mis à l'enquête publique.
Il est donc préférable de connaître la position des intéressés touchés par la mesure d'aménagement avant que le Conseil d'Etat n'élabore l'avant-projet de loi soumis à l'enquête publique de préconsultation, ce qui permettra aux parlementaires de procéder, le cas échéant, à la modification de l'«invite» de la motion en l'amendant en commission.
Pour le même motif, il apparaît indispensable de confirmer dans le règlement du Grand Conseil le renvoi obligatoire devant la commission de l'aménagement du canton de tout projet de loi portant sur une modification du régime des zones. Le but de la modification des dispositions du règlement du Grand Conseil relatives à la commission de l'aménagement est d'assurer ce double renvoi obligatoire en commission.
Conclusions
La règle du renvoi automatique de toute proposition de modification des limites du régime des zones à la commission d'aménagement du canton est une mesure respectueuse à la fois du droit d'être entendu et de l'autonomie des communes. En outre, cela peut éviter que le Grand Conseil renvoie au Conseil d'Etat des motions dont la portée est peu réaliste, confuse ou ne respecte pas les normes légales qu'il a lui-même mises en place.
Cette modification du règlement du Grand Conseil permettra de poursuivre le dialogue établi entre le législatif cantonal et les communes, par l'adoption du contreprojet à l'initiative 29 «Pour une autonomie des communes en matière d'aménagement de leur territoire».
Telles sont en substance, mes chers anciens collègues, Mesdames et Messieurs les députés, les motivations qui ont incité le sussigné qui use, pour une ultime fois de ses prérogatives à déposer ce projet de loi. Il vous remercie par avance d'y faire bon accueil, en le renvoyant simultanément à la commission d'aménagement (commission rapporteuse) et à celle du règlement pour consultation.
Préconsultation
M. René Koechlin (L). Ce projet de loi représente la dernière action de député de notre ex-collègue Richardet. C'est une action opportune. Sa proposition découle de la récente adoption par le Grand Conseil du contreprojet sur l'autonomie communale qui établit notamment à qui échoit le droit d'initiative en matière de déclassement de zone. Alors que précédemment l'initiative était pratiquement du seul ressort du Conseil d'Etat - comprenez du département des travaux publics - elle appartient désormais tant aux députés - ce qui est la moindre des choses en matière législative, vous l'avouerez - qu'aux communes.
Or, à nous autres députés, la nouvelle loi offre le moyen de prendre l'initiative en déposant une motion invitant le Conseil d'Etat à engager la procédure de déclassement et à élaborer le projet de loi qu'elle implique. Mais pour que ce projet de loi soit conforme à la volonté politique de ce Grand Conseil et aussi, si possible, de la commune, il faut que la matière traitée dans la motion qui le précède soit examinée préalablement en commission. C'est ce que vise le projet de loi de M. Richardet et c'est pourquoi nous en approuvons le principe, car, à notre avis, il découle directement de la loi que nous avons votée récemment sur l'autonomie communale. Nous l'examinerons plus en détail en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.