République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 5315-B
10. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi de M. Arnold Schlaepfer modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (récusation). ( -) PL5315
Mémorial 1981 : Projet, 3977. Commission, 3981.
Mémorial 1986 : Rapport, 3074. Commission, 3080.
Rapport de M. Robert Cramer (E), commission judiciaire

La commission judiciaire s'est réunie à six reprises pour examiner le projet de loi sur la récusation qui lui a été renvoyé par le Grand Conseil lors de sa séance du 19 septembre 1986 (mémorial des séances du Grand Conseil 1986, p. 3080).

Les séances de commission ont eu lieu en date des 4 et 11 décembre 1986, 8 et 15 janvier 1987 et 14 et 21 mars 1991. La commission a été successivement présidée par Mmes Christiane Brunner et Claire Torracinta-Pache. M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat, chef du département de justice et police, a assisté aux travaux de la commission accompagné de M. François Berdoz, secrétaire adjoint du département de justice et police, puis de M. Rémy Riat qui succéda à M. Berdoz dans ses fonctions.

Historique du projet de loi

Le projet de loi 5315 modifiant la loi sur l'organisation judiciaire en matière de récusation a été déposé le 17 septembre 1981 par M. Arnold Schlaepfer et renvoyé à la commission judiciaire lors de la séance du 8 octobre 1981 du Grand Conseil (mémorial des séances du Grand Conseil 1981, p. 3980-3981).

En substance, le projet de loi de M. Schlaepfer proposait deux innovations majeures en matière de récusation. D'une part, la requête tendant à la récusation d'un magistrat ne devait plus être déposée auprès du président de la juridiction dont le magistrat dépend mais auprès du président d'une juridiction ayant un rang supérieur. Il s'agissait d'une remise en cause du principe selon lequel, en matière de récusation, les magistrats sont jugés par leurs pairs. D'autre part, le projet de loi de M. Schlaepfer prévoyait que l'autorité saisie d'une demande de récusation puisse ordonner des mesures probatoires, si elle l'estimait nécessaire. Il est à relever que M. Schlaepfer prévoyait que le Ministère public ne devait plus être soumis à récusation (voir annexe).

Un premier rapport de la commission judiciaire, déposé le 17 juillet 1986, proposait au Grand Conseil de ne pas entrer en matière.

En substance, le rapport relevait qu'il n'était pas opportun d'introduire des mesures probatoires en matière de récusation, celles-ci ayant pour effet de retarder l'issue d'un litige et de provoquer «un procès dans le procès». D'autre part, aux yeux des personnes qui avaient été auditionnées à l'époque par la commission judiciaire, soit Monsieur le procureur général Raymond Foex et Mme Eliane Hurni, juge d'instruction et présidente de l'association des magistrats du pouvoir judiciaire, un changement de compétence quant à l'autorité pouvant statuer sur une requête de récusation présentait plus d'inconvénients que d'avantages en ce sens qu'il pouvait être une source de confusion entre la récusation et le recours, qu'il donnait compétence pour trancher à un seul magistrat et non à un collège de juges ce qui n'était pas souhaitable et qu'il attribuait les cas de récusation à une autre juridiction, laquelle connaîtrait moins bien les problèmes que la juridiction visée. Concernant la récusation du procureur général, le rapport de la commission judiciaire relevait qu'il s'agissait d'un cas rare ne justifiant pas que l'on légifère à ce seul sujet (voir mémorial des séances du Grand Conseil 1986, p. 3074-3075).

Le rapport de la commission judiciaire, rédigé au début de l'année 1986, fut déposé, comme cela a déjà été indiqué, au mois de juillet 1986.

Durant l'été 1986, le Tribunal fédéral fit connaître sa décision dans le cadre d'une cause qui avait défrayé la chronique l'affaire Medenica. En substance, le Tribunal fédéral a estimé que la législation genevoise rendait le procureur général récusable si, après avoir connu de la cause en qualité de président de la Chambre d'accusation, il entendait soutenir l'accusation.

Le Tribunal fédéral indiquait notamment: «Les règles de la loi sur l'organisation judiciaire permettent d'éviter que la même personne apparaisse successivement dans le même procès à des titres différents, situation que le justiciable pourrait, avec raison et pour des motifs compréhensibles, avoir quelque peine à comprendre et qui pourrait éveiller en lui des appréhensions relatives à la composition des autorités judiciaires. L'application au procureur général des causes de récusation prévues pour les juges par l'article 91 de la loi sur l'organisation judiciaire apparaît comme une garantie donnée aux justiciables par le législateur.»

En raison de l'effet produit à Genève par cette décision de notre plus haute juridiction, le Grand Conseil a décidé de renvoyer le projet de loi concernant la récusation à la commission judiciaire pour que celle-ci examine s'il n'y avait pas lieu de modifier les cas de récusation concernant le procureur général. En outre, la question était posée de savoir quelle devait être l'autorité cantonale compétente pour prononcer une telle récusation (mémorial des séances du Grand Conseil 1986, p. 3078-3080).

Ainsi saisie pour la seconde fois, la commission judiciaire, d'entente avec l'auteur du projet de loi, a limité ses travaux comme le lui demandait le Grand Conseil à la question de la récusation du Ministère public.

Lors de ses séances des 4 et 11 décembre 1986 et 8 et 15 janvier 1987 la commission judiciaire, après avoir décidé de la marche à suivre, a procédé à l'audition de Monsieur le procureur général et a examiné les dispositions de la loi sur l'organisation judiciaire traitant de la récusation du Ministère public.

Après avoir examiné les dispositions qu'il convenait de modifier, la commission judiciaire a décidé de suspendre ses travaux de façon à ne pas interférer avec la procédure Medenica qui n'était pas encore terminée. Il est en effet apparu qu'il n'était pas souhaitable que la commission judiciaire prenne une décision quant à l'autorité compétente pour prononcer la récusation du procureur général au moment où la défense de M. Medenica contestait qu'une telle compétence puisse être exercée par les substituts du procureur général réunis en collège.

La commission judiciaire a repris l'examen du projet de loi portant sur la récusation dans ses séances des 14 et 21 mars 1991. Après avoir décidé de ne pas remettre en question les votes déjà intervenus, elle a cependant procédé à un nouvel examen de l'article 91 de la loi sur l'organisation judiciaire et a, pour l'essentiel, ratifié les décisions déjà prises.

Il sera rendu compte ci-dessous des votes de la commission et des discussions les ayant précédés.

Audition de Monsieur le procureur général

La commission judiciaire a procédé à l'audition de Monsieur le procureur général Corboz lors de sa séance du 8 janvier 1987.

D'emblée, le procureur général indiqua que, à ses yeux, la commission judiciaire devait faire porter ses travaux sur l'article 101 de la loi d'organisation judiciaire.

A cette occasion, outre les causes de récusation du procureur général, la commission judiciaire devait également examiner s'il convenait que les greffiers des tribunaux soient soumis aux mêmes exigences en matière de récusation que les autres magistrats. En effet, les greffiers n'étant pas appelés à rendre des jugements, ils ne devraient pas être récusables dans les mêmes conditions que les juges. Cela étant, le procureur général a relevé que la récusation des greffiers n'était demandée que très rarement.

Quant à la récusation du Ministère public, le procureur général a relevé que la question était délicate dans la mesure où celui-ci était amené à exercer une double fonction: celle de rendre des décisions, notamment en matière d'ordonnance pénale, et celle d'assurer la poursuite pénale. Dans le premier cas l'arrêt du Tribunal fédéral insiste sur ce point le Ministère public est soumis à la garantie d'impartialité découlant de l'article 58 de la Constitution fédérale; en sa qualité d'autorité de poursuite, il doit respecter les exigences d'interdiction de l'arbitraire, telles qu'elles ressortent de l'article 4 de la Constitution fédérale.

Poursuivant ses réflexions, le procureur général se demanda s'il y avait lieu d'abroger totalement l'article 101 de la loi sur l'organisation judiciaire, comme le propose le projet de loi, de telle sorte qu'il n'y ait plus de cause de récusation à son encontre en application du droit cantonal. Une telle décision équivaudrait à ce que les cas de récusation soient directement portés devant le Tribunal fédéral lequel trancherait en appliquant directement les articles 4 ou 58 de la Constitution fédérale. En outre, une abrogation de l'article 101 de la loi d'organisation judiciaire n'empêcherait pas le condamné par ordonnance pénale d'exercer son droit d'opposition et, en cas de classement, l'exercice d'un droit de recours.

Le procureur général indiqua également qu'il pouvait comprendre que l'abrogation de l'article 101, lettre a de la loi sur l'organisation judiciaire apparaisse excessive aux yeux du Grand Conseil. Dans ce cas, il conviendrait à tout le moins que cette disposition ne s'applique pas aux greffiers et que, concernant le Ministère public, elle ne s'applique pas aux cas visés par l'article 91, lettres c et e.

Il convient d'ajouter que, lorsque la commission judiciaire a repris ses travaux en 1991, M. Bernard Bertossa, troisième procureur général consulté quant à ce projet de loi, fut contacté par M. Rémy Riat.

Monsieur le procureur général Bertossa confirma que les lettres c et e de la loi sur l'organisation judiciaire ne devraient pas être applicables au Ministère public. Il approuva par ailleurs les décisions de la commission judiciaire visant, en outre, à rendre inapplicables au Ministère public les lettres h et i de l'article 91 de la loi sur l'organisation judiciaire. Par ailleurs, Monsieur le procureur général Bertossa indiqua que, à ses yeux, c'est la Cour de cassation qui doit être compétente en matière de récusation du procureur général.

Discussions et votes de la commission

La commission judiciaire s'étant considérablement écartée du projet de loi déposé par M. Schlaepfer, elle a été amenée à examiner toutes les dispositions de la loi sur l'organisation judiciaire relatives à la récusation du Ministère public et à voter sur l'opportunité de modifier ces dispositions. C'est dire que les articles de loi qui ont fait l'objet de votes de la commission sont, le plus souvent, sans grand rapport avec le projet de loi de M. Arnold Schlaepfer. Il est cependant rappelé qu'il a été ainsi procédé sur la demande du Grand Conseil et en la présence de l'auteur du projet de loi.

Art. 89

Dès la première lecture de cette disposition, intervenue lors de la séance de la commission judiciaire du 15 janvier 1987, il est apparu que les cas de récusation visés par l'article 89 de la loi sur l'organisation judiciaire devaient être maintenus pour le Ministère public.

L'article 89 prévoit qu'un juge est récusable s'il plaide à titre personnel devant une juridiction qu'il préside, s'il y eu dans les cinq ans qui précèdent la récusation un procès pénal entre lui-même et l'une des parties, s'il a eu, à titre personnel, un procès civil avec l'une des parties dans les six mois qui précèdent la récusation et s'il est directement concerné par l'issue de la procédure en ce sens qu'il est lui-même engagé, à titre personnel, dans une procédure identique à celle où il doit intervenir comme magistrat. Les cas de récusation auxquels se réfère l'article 89 de la loi sur l'organisation judiciaire s'appliquent également si la famille du magistrat est engagée dans les différentes procédures évoquées par l'article 89.

Examinant les articles 89 et suivants de la loi sur l'organisation judiciaire, la commission judiciaire a, par ailleurs, considéré que le terme «juge» figurant dans ces dispositions est applicables à l'activité des magistrats aussi bien en matière de contentieux que de procédures non contentieuses.

Art. 90

Dans la même séance du 15 janvier 1987, la commission judiciaire a estimé que les cas de récusation prévus par l'article 90 de la loi sur l'organisation judiciaire devaient être maintenus pour le Ministère public. L'article 90 de la loi sur l'organisation judiciaire traite de différents cas où le magistrat ou sa famille entretiennent des relations économiques avec l'une des parties (créancier, débiteur, donataire, administrateur, tuteur, etc.).

Art. 91, lettre a

Cette disposition prévoit qu'un magistrat est récusable «s'il a donné conseil, plaidé ou écrit sur le différend».

La commission judiciaire a estimé qu'il était indispensable qu'un substitut, amené à prendre des réquisitions contre l'un de ses anciens clients qu'il a connu comme avocat, puisse être récusé.

La modification de cette disposition en ce qui concerne le Ministère public a donc été refusée par 3 oui, 8 non et 1 abstention.

Ce vote, intervenu le 15 janvier 1987, a été ratifié, sans opposition, lors de la séance du 14 mars 1991 de la commission judiciaire.

Art. 91, lettre b

A teneur de cette disposition, un magistrat est récusable «s'il a sollicité, recommandé ou fourni aux frais du procès».

A l'unanimité, la commission judiciaire a décidé que cette cause de récusation devait être maintenue.

Art. 91, lettre c

Cette disposition prévoit qu'un magistrat est récusable s'il a précédemment eu connaissance du procès «comme juge dans une autre juridiction, comme arbitre ou comme expert».

Le cas visé par l'article 91, lettre c, est celui de l'affaire Medenica où le Tribunal fédéral a considéré que l'article 91, lettre c, de la loi sur l'organisation judiciaire ne permettait pas au procureur général Corboz de requérir contre M. Medenica puisqu'il avait précédemment connu l'affaire en qualité de président de la Chambre d'accusation.

C'est dire que la question du maintien de ce cas de récusation a fait l'objet d'une longue discussion lors des travaux de la commission judiciaire.

Les partisans de l'abrogation de cette disposition ont fait valoir que dans les procédures qui durent longtemps, comme c'est souvent le cas des affaires financières complexes, il était tout à fait possible que le procureur général connaisse de l'affaire tout d'abord comme juge puis, changeant de fonction, comme procureur général.

En raison de l'importance de ces procédures, il serait souhaitable que le procureur général s'en occupe personnellement. Tel ne pourrait pas être le cas si le procureur général est récusable.

C'est cependant le point de vue contraire qui a prévalu.

La majorité de la commission judiciaire a en effet considéré que l'on ne pouvait pas changer la loi à l'occasion d'un seul précédent judiciaire, qui constitue une exception.

En outre, les procureurs généraux restent en fonction pendant une période de temps relativement longue de telle sorte qu'il est peu vraisemblable que le précédent de l'affaire Medenica puisse se reproduire.

A cela s'ajoute que la Convention européenne des droits de l'homme garantit aux parties d'être entendues «équitablement» par un tribunal «indépendant et impartial». Il n'est pas certain qu'une procédure où l'accusateur a eu précédemment une fonction de juge puisse être considérée comme équitable.

A cela s'ajoute que le Ministère public a une double fonction, celle de poursuivre l'accusation et celle de rendre des décisions. Dans cette seconde fonction, il importe que les représentants du Ministère public puissent être récusables à l'égal des autres juges. A cet égard, on relèvera que M. le procureur général Corboz, lors de son audition, a indiqué que si l'on entendait modifier l'article 91, lettre c, il conviendrait de faire une distinction entre les différentes fonctions du procureur général.

Ce sont les raisons pour lesquelles la commission judiciaire a refusé, lors de sa séance du 15 janvier 1987, de modifier cette disposition de la loi sur l'organisation judiciaire par 6 oui, 7 non, 0 abstention.

La question a été évoquée à nouveau lors de la séance du 14 mars 1991 de la commission judiciaire, laquelle s'est prononcée dans une nouvelle composition en raison du changement de législature survenu dans l'intervalle.

Le premier vote de la commission a été confirmé par 4 oui et 7 non.

La netteté du second vote s'explique par le fait que, dans l'intervalle, la loi sur l'organisation judiciaire a été modifiée pour permettre l'élection de deux procureurs.

Les arguments en faveur de la suppression de l'article 91, lettre c, de la loi sur l'organisation judiciaire ont dès lors perdu de leur acuité dans la mesure où les procédures importantes peuvent être réparties entre trois magistrats, le procureur général et les deux procureurs.

C'est dire que s'il existe un cas de récusation contre l'un des procureurs ou contre le procureur général, l'accusation pourra toujours être soutenue par un magistrat expérimenté dont la fonction implique qu'il reste au Ministère public le temps nécessaire pour mener la cause à son terme.

Art. 91, lettre d

Cette disposition prévoit qu'un magistrat est récusable «s'il a déposé comme témoin».

A l'unanimité, la commission judiciaire a estimé que cette cause de récusation devait être maintenue.

Art. 91, lettre e

A teneur de cette disposition, un juge est récusable «s'il a manifesté son avis avant le temps d'émettre son opinion pour le jugement».

Il appartient aux fonctions du Ministère public d'émettre une opinion avant le jugement dans la mesure où il est amené à intervenir à plusieurs reprises dans la procédure avant l'audience de jugement, notamment lorsqu'il s'exprime devant la Chambre d'accusation.

Cette disposition a donc été interprétée jusqu'ici comme donnant la possibilité au Ministère public d'intervenir chaque fois qu'il lui appartenait de le faire. De façon à éviter toute équivoque, la commission a cependant décidé de supprimer ce cas de récusation par 12 oui, 0 non, 1 abstention.

Ce vote a été ratifié à l'unanimité lors de la séance du 14 mars 1991 de la commission judiciaire.

Art. 91, lettre f

Cette disposition, qui peut apparaître désuète, prévoit qu'un juge est récusable «si, depuis l'instance, il a accepté un repas chez l'une des parties ou à leurs frais».

Lors de son premier examen du projet de loi, la commission judiciaire, sans discussion et sans opposition, a décidé du maintien de cette disposition.

Tel n'a pas été le cas le 14 mars 1991 où la question du maintien du cas de récusation prévu par l'article 91, lettre f, a été examinée de façon approfondie.

De façon à manifester sa volonté de supprimer les cas de récusations dilatoires, la commission judiciaire a décidé que l'article 91, lettre f, ne devait plus s'appliquer au Ministère public.

Il a été notamment relevé que cette disposition fait double emploi avec l'article 91, lettre g qui prévoit qu'un magistrat est récusable s'il a reçu des présents de l'une des parties.

Ainsi, par 7 oui, 1 non, 1 abstention, la commission judiciaire a décidé de la suppression de ce cas de récusation pour le Ministère public.

Art. 91, lettre g

A teneur de cette disposition, un magistrat est récusable «s'il a reçu de l'une des parties des présents ou des promesses de présents ou de services».

A l'unanimité, cette disposition est maintenue.

Art. 91, lettre h

Cette disposition prévoit qu'un magistrat est récusable «s'il a fait relativement à la cause quelque promesse ou quelque menace à l'une des parties».

La commission judiciaire a estimé que le pouvoir de classement du Ministère public impliquait la possibilité pour lui de passer des transactions avec les parties, c'est-à-dire notamment de promettre l'immunité en échange de certains renseignements.

Une interprétation trop littérale de cette disposition y ferait obstacle.

Il est cependant bien évident que la possibilité de passer des transactions implique que celles-ci soient passées de façon loyale, c'est-à-dire qu'elles ne soient pas l'effet de la contrainte ou de certaines promesses.

De tels procédés sont toutefois d'ores et déjà prohibés par le serment prêté par les magistrats (voir art. 73 de la loi sur l'organisation judiciaire) dont la violation peut faire l'objet d'une dénonciation auprès du Conseil supérieur de la magistrature.

La commission judiciaire a estimé que, en cas de manquement, la possibilité d'intervention du Conseil supérieur de la magistrature représentait une mesure adéquate et qu'il ne fallait pas qu'une interprétation trop extensive de l'article 91, lettre h, de la loi sur l'organisation judiciaire puisse compromettre les transactions tout à fait légitimes qui peuvent être passées dans le cadre d'une procédure pénale.

C'est dès lors à l'unanimité qu'elle propose la suppression de cette disposition pour le Ministère public.

Art. 91, lettre i

Il s'agit d'une disposition comparable à celle qui vient d'être évoquée dans la mesure où elle prévoit qu'un magistrat est récusable «s'il a, de toute autre manière, témoigné haine ou faveur pour l'une des parties».

Une interprétation trop extensive de cette disposition empêcherait le Ministère public d'exercer ses fonctions d'accusateur dans la mesure où la poursuite d'infractions pénales exige de la fermeté.

Par ailleurs, le serment prêté par les membres du Ministère public comprend l'engagement «de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties».

Pour les mêmes motifs qu'elle a retenus dans son examen de l'article 91, lettre h, de la loi sur l'organisation judiciaire, la commission judiciaire, à l'unanimité, propose la suppression de cas de récusation pour les membres du Ministère public.

Art. 98, alinéa 4 (nouveau)

L'un des motifs pour lesquels le Grand Conseil a renvoyé le projet de loi concernant la récusation à la commission judiciaire était de permettre à celle-ci de réexaminer la question de l'autorité compétente pour prononcer une récusation.

En effet, la loi sur l'organisation judiciaire prescrit actuellement que la requête de récusation est traitée par les membres de la juridiction dont dépend le juge concerné (voir art. 98, al. 2 et 99, al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire).

Tel mode de procéder équivaut, en ce qui concerne les requêtes de récusation dirigées contre le procureur général, à ce que celles-ci soient traitées par les procureurs et les substituts, soit des magistrats qui lui sont subordonnés et à l'égard desquels il exerce un pouvoir hiérarchique (voir art. 41 de la loi sur l'organisation judiciaire).

De façon à ce que les décisions en matière de récusation du procureur général ne soient pas suspectes en raison du rapport hiérarchique existant, la commission judiciaire a estimé qu'il convenait que ces requêtes soient traitées par une autre juridiction.

Il est à relever que le cas dans lequel se trouve le procureur général est exceptionnel dans la mesure où sa fonction est unique dans l'organisation judiciaire genevoise.

En effet, les présidents des autres juridictions sont assistés d'un vice-président et exercent, le plus souvent, leurs tâches dans le cadre d'un tournus qui amène chaque membre de la juridiction, en raison de l'ancienneté, à en assumer la présidence.

Avec l'accord de l'auteur du projet de loi, la commission judiciaire a décidé à l'unanimité de compléter l'article 98 de la loi sur l'organisation judiciaire par un nouvel alinéa ayant la teneur suivante:

«Si la requête est dirigée contre le procureur général, elle est remise au président de la Cour de cassation».

Il est en effet apparu que la Cour de cassation, de par la place qu'elle occupe dans l'ordre judiciaire, devait être l'autorité compétente pour statuer en matière de récusation du procureur général.

Concernant les procureurs et les substituts, une décision quant à une requête de récusation continuera à être prise par leurs pairs, comme c'est le cas au sein des autres juridictions.

Art. 99, al. 2 (nouveau)

La modification de l'article 98, par laquelle est désignée l'autorité compétente pour recevoir la requête de récusation, entraîne la modification de l'article 99 dans lequel est mentionnée l'autorité qui traite la requête de récusation.

A l'unanimité, la commission judiciaire a adopté le libellé suivant:

«Si la récusation est dirigée contre le procureur général, la décision est prise par la Cour de cassation».

Art. 99, al. 3 et 4

En raison de l'insertion d'un article 99, alinéa 2 nouveau, l'ancien alinéa 2 de l'article 99 devient l'alinéa 3 et l'ancien alinéa 3 de l'article 99 devient l'alinéa 4.

Art. 101, lettre a

L'article 101, lettre a, constitue la clé de voûte en matière de récusation du Ministère public puisque c'est cette disposition qui prescrit que les dispositions en matière de récusation des juges s'appliquent également au procureur général, aux procureurs et aux substituts.

Dès le début de ses travaux, la commission judiciaire s'est trouvée placée devant les possibilités suivantes: soit abroger l'article 101, c'est-à-dire enlever toute possibilité de récuser le procureur général à teneur de la législation cantonale, soit amender l'article 101, lettre a, soit en rester au statu quo.

Comme on l'a vu ci-dessus, contrairement à ce que préconisait le projet de loi déposé par M. Schlaepfer, la commission judiciaire a décidé de maintenir l'article 101, lettre a, tout en amendant cette disposition.

La commission judiciaire a eu l'occasion de s'exprimer à deux reprises sur ce point, au début de ses travaux, lorsqu'elle a décidé d'examiner dans le détail les différents cas de récusation et, une seconde fois, lorsqu'elle a abordé la question de la suppression de l'article 101.

Les deux votes quant à la suppression de l'article 101 sont intervenus lors de la séance du 15 janvier 1987 de la commission judiciaire et ont donné les mêmes résultats: 3 oui, 7 non, 3 abstentions.

Suite à l'examen des articles 89, 90 et 91, l'article 101, lettre a, de la loi sur l'organisation judiciaire a été rédigé comme suit:

«Les dispositions ci-dessus sur les causes de récusation et sur le mode de les proposer et de juger sont appliquées:

a) au procureur général, aux procureurs et aux substituts, sauf les lettres e, f, h et i de l'article 91;»

Art. 101, lettre b (nouvelle)

L'article 101, lettre a, prévoyait les mêmes causes de récusation pour le Ministère public et les juges d'instruction de telle sorte que les magistrats relevant de ces deux juridictions étaient cités à l'article 101, lettre a.

Vu le résultat des travaux de la commission, il a été nécessaire de créer un article 101, lettre b, traitant du seul cas des juges d'instruction.

Aucune autre modification législative n'intervient pour ces magistrats.

Art. 101, lettre c

En raison de l'édiction d'un nouvel article 101, lettre b, le cas des juges de paix, précédemment traité à l'article 101, lettre b, fait l'objet d'un article 101, lettre c, nouveau.

Aucune autre modification n'intervient concernant les magistrats de cette juridiction.

La commission judiciaire tient à relever ici que la précision selon laquelle les cas de récusation s'appliquent également aux «fonctions de juridiction non contentieuse» des juges de paix est superflue dès lors que le terme «juge» figurant aux articles 89, 90 et 91 de la loi sur l'organisation judiciaire s'applique indistinctement à ceux-ci, qu'ils agissent dans le cadre d'un litige ou dans le cadre d'une procédure non contentieuse.

Art. 101, lettre d (nouvelle)

La commission judiciaire a eu une discussion approfondie sur la question de savoir si les cas de récusation applicables aux juges doivent continuer à s'appliquer aux greffiers.

Quand bien même la question peut être considérée comme académique, les cas de récusation des greffiers étant rarissimes, il est apparu nécessaire à la commission judiciaire de la traiter pour une double raison.

D'une part, Monsieur le procureur général Corboz avait relevé que cette disposition semble inutile. D'autre part, la tendance actuelle de développer le rôle des greffiers en procédant à la nomination de greffiers-juristes exige que l'on soit attentif à ne pas abroger une disposition qu'il faudra peut-être réintroduire quelques années plus tard par une nouvelle modification de la législation.

Finalement, il est apparu à la commission judiciaire que les greffiers devaient rester récusables dans les mêmes conditions que les juges lorsqu'ils sont amenés à exercer une activité de nature juridictionnelle. En revanche, lorsque les greffiers sont totalement subordonnés au juge, une récusation ne devrait pouvoir intervenir que dans des circonstances exceptionnelles.

C'est la raison pour laquelle la commission judiciaire a décidé, à l'unanimité, d'amender l'article 101 en indiquant que les causes de récusation s'appliquent «aux greffiers des tribunaux, par analogie».

Par ailleurs, la disposition concernant les greffiers qui figurait précédemment à l'article 101, lettre c, fait l'objet d'un nouvel alinéa en raison de l'édiction d'un article 101, lettre c nouvelle.

Conclusions

Au terme de son examen du projet de loi, c'est à l'unanimité que la commission judiciaire vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter les modifications de la loi sur l'organisation judiciaire résultant de ses travaux.

annexe

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue:

LOI

modifiant la loi sur l'organisation judiciaire

(E 2 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:

Art. 98, al. 4 (nouveau)

4 Si la requête est dirigée contre le procureur général, elle est remise au président de la Cour de cassation.

Art. 99, al. 2 (nouveau,les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4)

2 Si la récusation est dirigée contre le procureur général, la décision est prise par la Cour de cassation.

Art. 101 (nouvelle teneur)

Les dispositions ci-dessus sur les causes de récusation et sur le mode de les proposer et de juger sont appliquées comme suit:

a) au procureur général, aux procureurs et aux substituts, sauf les lettres e, f, h et i de l'article 91;

b) aux juges d'instruction;

c) aux juges de paix, même en ce qui concerne leur fonction de juridiction non contentieuse;

d) aux greffiers des tribunaux, par analogie.