République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 novembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 1re session - 40e séance
PL 7043
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis 1967, l'Etat de Genève manifeste traditionnellement sa solidarité en intervenant ponctuellement à titre d'aide humanitaire en faveur de populations victimes de crises aiguës, notamment en raison de catastrophes naturelles ou de conflits armés importants, par des subventions tirées sur la part de la taxe du «droit des pauvres» qui lui est attribuée. Cette taxe est due sur tous les divertissements qui font l'objet d'une contre-prestation pécuniaire.
La guerre qui ravage actuellement encore les populations de l'ex-Yougoslavie a déjà donné lieu à une subvention de l'Etat de Genève octroyée au titre d'aide humanitaire. En effet, le 2 octobre 1992, la loi 6874 allouait un montant de 500'000 F à la Croix-Rouge suisse, destiné à soutenir son action de distribution de biens de bases (vivres, habillement, articles d'hygiène, couvertures, tentes, médicaments). Cette loi, comme celle qui vous est présentée aujourd'hui, était munie de la clause d'urgence; celle-ci permet un virement immédiat de la subvention, puisque la loi votée en question n'est pas soumise au droit de référendum, qui pourrait, normalement, être exercé dans un délai de quarante jours.
En ce début de législature, le Conseil d'Etat en appelle à nouveau à un geste de solidarité en faveur de ces populations si durement touchées. En effet, il ne se passe pas un jour sans que les médias nous rapportent les horreurs de cette guerre qui décime non seulement les populations civiles, mais laisse leurs survivants dans un dénuement quasi total. Il règne plus particulièrement en Bosnie-Herzégovine ce que l'on pourrait appeler un «désastre humanitaire», la population de plus de deux millions d'habitants étant entièrement dépendante de l'aide humanitaire pour survivre. Par exemple, chaque habitant de Sarajevo ne dispose, en moyenne, que de 2,5 l d'eau par jour, pour boire et se laver. Dès lors, les gens commencent à boire l'eau des sources polluées, avec, pour conséquence, des flambées de dysentrie. Selon le porte-parole du Haut-Commissariat pour les réfugiés (ci-après HCR) à Sarajevo, M. Peter Kessler: «des êtres humains, des Européens sont ainsi réduits à l'état sauvage».
Le conflit de l'ex-Yougoslavie a démontré en plus, que l'aide humanitaire pouvait devenir une arme redoutable entre les mains des belligérants; il arrive de plus en plus souvent que des convois d'aide humanitaire soient soumis à péage, bloqués, voire même attaqués par des parties au conflit. La solution de ces problèmes implique une centralisation de l'aide humanitaire autour des organisations des Nations-Unies. L'expérience des dernières années a démontré que seuls les casques bleus de la force de protection des Nations-Unies (FORPRONU) étaient capables d'assurer au mieux l'arrivée aux destinataires de l'aide humanitaire, dont le côté logistique, alimentaire et financier, est coordonné par le HCR. C'est pour cette raison que le Conseil d'Etat a choisi, en l'espèce, de soutenir l'action du HCR directement, plutôt que de renouveler son aide financière à la Croix-Rouge suisse.
Le programme d'aide du HCR pour l'année 1993 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie est budgétisé à 420 millions de dollars. A ce jour, 270 millions ont été reçus de la part des gouvernements à la suite d'un appel lancé au début de l'année et renouvelé lors d'une conférence de presse au début de l'été.
Afin de parer au plus pressé, le HCR nous a proposé de participer plus particulièrement à son programme d'hiver, en contribuant au financement de l'achat de couvertures et de sacs de couchage. En effet, à l'approche des températures en dessous de 0°, le HCR projette l'envoi de 210'000 sacs de couchage imperméables et de 589'000 couvertures en laine, pour venir en aide aux plus démunis. Ce programme spécifique revient à 6'255'586 $. En participant à ce programme, l'Etat de Genève pourrait fournir une aide concrète et ciblée.
C'est au vu de ce qui précède que nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de répondre favorablement à l'appel urgent à la générosité émanant du Haut-Commissariat pour les réfugiés en acceptant d'allouer une aide financière de 500'000 F pour venir en aide aux populations de l'ex-Yougoslavie, fortement éprouvées.
Préconsultation
M. Roger Beer (R). Compte tenu de la situation extrêmement difficile et tragique de la population en ex-Yougoslavie, je vous propose la discussion immédiate sur ce projet de loi du Conseil d'Etat.
Mme Claire Chalut (AdG). Dans un instant, nous allons décider de la possibilité d'attribuer une subvention en faveur du HCR. Si vous me le permettez, j'aimerais auparavant dire quelque chose. En effet, si cette assemblée devait accéder à la demande du Conseil d'Etat, il me paraîtrait important que ce Grand Conseil exprime clairement sa volonté de voir s'instaurer enfin une paix définitive en faveur de ces populations, trop longtemps prises en tenaille par une guerre dont on ne voit pas la fin. Il y a peut-être des gens qui, d'ailleurs, ont intérêt à ce qu'elle dure ! Exprimer cette volonté de paix, c'est ne pas oublier les associations démocratiques défendant, dans les difficultés que l'on imagine, à la fois la guerre et la répression, des concepts de droits de l'homme et de citoyenneté. C'est aussi leur apporter un soutien moral. Leur voix est inaudible ici car elle se perd dans le fracas des bombes là-bas.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'aimerais vous dire qu'à l'occasion de ce projet de loi ce sera la première fois que le Conseil d'Etat et votre parlement s'engagent dans un projet concret présenté par le Haut Commissariat aux réfugiés. Vous savez que jusqu'à maintenant toute notre aide humanitaire passait notamment soit par des sociétés de la Croix-Rouge, soit par le CICR. Il est apparu au Conseil d'Etat qu'il était opportun face aux tâches accrues du Haut Commissariat aux réfugiés, dont le siège, vous le savez bien, est à Genève, d'apporter également notre soutien à certains de leurs projets.
Face à la problématique extrêmement préoccupante des populations du territoire de l'ex-Yougoslavie, il nous fallait, dans le drame que vivent ces populations, que notre canton s'engage davantage. C'est la raison pour laquelle, par le biais du droit des pauvres, nous vous proposons ce soir le projet de loi visant à attribuer 500 000 F à un projet beaucoup plus important mais très concret et bien ciblé du Haut Commissariat aux réfugiés en faveur des populations, notamment de Bosnie-Herzégovine, qui sont depuis quelques jours déjà touchées par des rigueurs complémentaires à celles dont elles souffrent depuis fort longtemps vu la venue de l'hiver. Je vous remercie donc de faire bon accueil à ce projet de loi. J'aimerais dire à Mme la députée que le Conseil d'Etat n'a pas cessé, depuis l'éclatement du conflit en ex-Yougoslavie, d'apporter son soutien tant aux autorités fédérales que concrètement ici à Genève, et notamment dans le cadre de l'accueil de la Conférence pour la paix en ex-Yougoslavie. De ce point de vue-là, vous devez savoir que le Conseil d'Etat continuera à mettre tout en oeuvre pour faciliter les négociations et, par des projets comme celui de ce soir, venir en aide directement aux populations sur le terrain.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
allouant une subvention au Haut Commissariat pour les réfugiéspour son activité de secoursen faveur des populations de l'ex-Yougoslavie
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1Une subvention de 500'000 F est allouée au Haut Commissariat pour les réfugiés de l'Organisation des Nations-Unies pour soutenir ses activités de secours en faveur des populations de l'ex-Yougoslavie.
2Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
Art. 2
L'urgence est déclarée.