République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 8 octobre 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 8e session - 38e séance
I 1861
Le Conseil d'Etat constate que la modification de la loi sur l'Université entrée en vigueur le 27 juillet 1991, introduisant la règle de préférence de l'article 26 A, constituait un compromis législatif subtil et novateur, qui a depuis lors donné lieu à un recours de droit public au Tribunal fédéral rejeté le 20 janvier 1993, à une plainte d'une candidate conformément à l'article 44, alinéa 4 de la loi sur l'université (ci-après loi), et à la présente interpellation au Grand Conseil.
L'interpellatrice se demande à ce sujet si le fonctionnement du système prévu par le législateur peut être considéré comme satisfaisant ou non ?
Aux yeux du Conseil d'Etat, il est largement prématuré de conclure à l'efficacité ou à l'inefficacité de l'article 26 A de la loi. Cette disposition est une conquête genevoise de l'égalité homme-femme à l'université. Notre Conseil a la ferme intention de veiller à la mise en oeuvre de cette mesure positive avec le concours actif du département de l'instruction publique qui est tenu, en vertu de l'article 9, alinéa 3 de la loi, de «contrôler» la légalité des décisions de l'université.
Il est clair que la mise en exécution de cette loi se heurte à des conflits d'intérêts majeurs dans les facultés de l'université. Pour la repourvue des chaires vacantes, les facultés disposent en général de candidats masculins qui n'acceptent pas sans autre la règle de préférence de l'article 26 A. Il revient au Conseil d'Etat, en tant qu'autorité de nomination des professeurs d'université, d'imposer dans toutes les situations particulières, le plein respect de la loi, ceci avec le concours du département de l'instruction publique.
A ce sujet, notre Conseil a décidé de joindre à sa réponse les objectifs quantifiés des facultés de l'Université, tels qu'ils ont été établis au 19 décembre 1991, ratifiés par le Conseil des recteurs et doyens, et remis au département de l'instruction publique le 1er juin 1993. A nos yeux, ces objectifs sont insuffisants.
Mme la députée Torracinta énumère un certain nombre de situations dans lesquelles elle a le sentiment que l'esprit de la loi n'aurait pas été respecté ou pourrait être amélioré. Notre Conseil a demandé à l'université et en particulier à la déléguée aux questions féminines de répondre point par point. Ceci fait l'objet du rapport annexé.
En ce qui concerne le droit de plainte de l'article 44, alinéa 4 de la loi, les différents rapports qui ont été établis en relation avec une nomination de professeurs ordinaires de langue et littérature françaises modernes à la faculté des lettres établissent bel et bien que ce droit est utilisé et peut même aboutir à une réorientation complète d'un dossier. L'esprit de la loi est donc loin d'être bafoué. Si pression il y a eu pour empêcher une candidate de déposer une plainte, l'audition ultérieure de celle-ci devant la commission des plaintes et les décisions prises par le rectorat ont clairement rétabli la situation.
En conclusion, nous pensons qu'il n'est pas indiqué de réviser la loi. Quant à la question du rapport annuel, si nous divergeons légèrement de la position de la déléguée aux questions féminines, le fait que celle-ci publiera à l'automne une «Brochure faisant l'inventaire des ressources humaines en matière d'études-femmes» nous paraît remplacer avantageusement tout rapport précédant celui du mois de mai 1995.
Annexes: rapport de la déléguée aux questions féminines ;
objectifs quantifiés par faculté.
M. Alain Rouiller (S). Tout d'abord, j'aimerais remercier M. Föllmi d'avoir répondu par écrit à mon interpellation. Cela m'a permis de préparer ma duplique et également de le prier de remercier Mme Head pour son rapport. Je dois dire d'emblée que, s'il est assez complet, je ne suis pas convaincue par l'intégralité des réponses. J'essaierai d'être aussi brève que possible car je crois que, dans cette enceinte, nous parvenons ce soir à un état de saturation avancé.
La présidente. Je vous remercie beaucoup.
Mme Claire Torracinta-Pache. Je voudrais revenir sur un point essentiel qui est celui de la commission de plaintes. Dans votre première réponse, Monsieur Föllmi, vous m'avez déclaré que la commission de plaintes avait statué sur la plainte d'une candidate mais qu'elle avait constaté que son pouvoir d'examen se limitait à l'arbitraire, c'est-à-dire au vice de procédure. A ce point réside un certain problème.
En effet, cette commission est incompétente pour évaluer l'équivalence ou la non-équivalence de différentes candidatures car ses membres ne sont pas forcément des spécialistes et, finalement, ils ne peuvent que vérifier des questions de procédure.
Vraisemblablement, les cas dans lesquels se présentera un vice de procédure sont ou seront beaucoup plus rares que lorsqu'il y aura discrimination sur les dossiers. Il faut donc maintenant - et ce sont vos propres termes, Monsieur Föllmi - un deuxième filtre qui soit une commission d'experts pour s'attaquer enfin au fond du problème qui est l'équivalence des candidats.
Cette éventuelle réorientation ultérieure ne compense pas l'inefficacité de la commission de plaintes. De toute manière, on en arrive à une procédure extrêmement longue et lourde. J'ajouterai encore que composer la commission de plaintes de membres compétents dans la branche concernée est tout à fait compatible avec l'article 62 de notre législation et l'article du règlement y relatif.
En ce qui concerne les objectifs quantifiés dans le rapport de Mme Head, cette dernière dit que rien ne s'oppose à leur publication, mais elle émet immédiatement des réticences. J'estime pour ma part que ces statistiques et objectifs doivent être largement diffusés et publiés et que la non-transparence provoque toujours des doutes et de la suspicion. Par ailleurs, Mme Head voit des avantages à la présentation globale de deux grands groupes. D'une part, les membres du corps professoral, chargés de cours inclus et, d'autre part, les collaborateurs de l'enseignement et de la recherche. Il est beaucoup plus juste de toujours distinguer à l'intérieur de ces deux groupes les différentes subdivisions comme elle l'a d'ailleurs fait dans un tableau qu'elle met en annexe.
Sinon, on falsifie objectivement les résultats en les améliorant. Il serait également utile de signaler le taux d'activités à chaque fois selon les charges. Les chargés de cours, par exemple, sont très souvent à temps partiel.
En ce qui concerne les études-femmes, j'aimerais faire encore quelques brèves remarques sur leur développement. C'est donc à la commission de l'égalité du rectorat qu'il incombe de réfléchir aux options à retenir dans ce domaine.
Or, les membres de cette commission sont certainement tous excellents, chacun dans leur domaine, mais ils ne sont pas des spécialistes en cette très spécifique matière. Il est donc urgent de s'entourer de conseils d'experts. Il apparaît, dans le rapport de Mme Head, que des contacts ont été pris. A mon avis, il est grand temps de le faire. Quant à la brochure annoncée, elle sera la bienvenue. Il n'y a pas grand-chose à dire sur le montant du budget, si ce n'est que j'imagine qu'il a été évalué à l'aune des restrictions budgétaires et qu'il est très modeste.
A mon avis, la limitation d'âge telle qu'elle est formulée représente une discrimination puisqu'on sait qu'une majorité de femmes devra faire appel à des cas d'exception. Le rapport annuel est une bonne chose. Il permettrait de pouvoir rectifier très rapidement le tir, si nécessaire, et d'éviter que les pires rumeurs circulent.
En conclusion, je dirai que l'affaire est à suivre, voire à reprendre avec la personne qui vous succédera à la tête de votre département. Puisque c'est la dernière fois que je vous interpelle, Monsieur le président, j'aimerais vous remercier pour l'intérêt que vous avez porté à cette cause dès le début et j'aimerais également vous présenter mes voeux pour une heureuse retraite du Conseil d'Etat et pour la suite de vos activités. (Applaudissements.)
L'interpellation est close.