République et canton de Genève

Grand Conseil

M 843-A
16. Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et M. Elisabeth Reusse-Decrey, Hervé Burdet et Catherine Rapp-Jotterand concernant la réhabi-litation et la protection des marais de la Seymaz. ( -)  M843
Mémorial 1993 : Annoncée, 455. Développée, 808. Commission, 820.
Rapport de M. Max Schneider (E), commission de l'environnement et de l'agriculture

La problématique soulevée par cette motion est relativement complexe. Afin de comprendre les différents secteurs intéressés, la Commission, présidée par M. Roger Beer, s'est réunie à plusieurs reprises et a procédé à 5 auditions d'associations et communes concernées. Les dites auditions ont laissé apparaître certains enjeux qui, à court terme, sont parfois contradictoires, mais qui laissent entrevoir à terme des possibilités de compromis constructifs. Tout au long de l'étude de cette motion, les commissaires ont pu apprécier la présence de M. E. Matthey, inspecteur cantonal, de M. Viani, directeur adjoint du service d'agriculture, ainsi que de M. J. Mouron, chef de la division des ponts et des eaux au DTP. Toutes ces personnes ont travaillé depuis plusieurs années sur le dossier de la Seymaz et ont pu apporter de précieuses informations . M. le Conseiller d'Etat Claude Haegi, Chef du DIAR, a participé activement à plusieurs séances et nous a apporté tout son soutien pour trouver un compromis au sein de la Commission. Il s'agissait en effet de prendre en compte les domaines de l'agriculture, de l'hydraulique, de l'économie, les loisirs et des impératifs de la protection de l'environnement pour la réhabilitation de ce cours d'eau.

Les auditions :

Le 22 avril 1993 : La commission auditionne l'association genevoise pour la protection de la nature (AGPN) représentée par MM. B. von Arx, président de l'AGPN, F. Dunant, vice-président de l'AGPN et G. Deriaz, conseiller de l'AGPN. Les représentants soulignent que l'AGPN n'avait pas été consultée pour cette motion.

Pour l'AGPN, bien que ces marais aient été drainés depuis longtemps, on retrouve dans certaines parties inondables périodiquement des éléments intéressants, surtout là où on a laissé faire la nature.

Il leur semble important de considérer ce milieu comme un milieu ouvert c'est-à-dire sans végétation haute, donc du type champ ou prairie. On y rencontre une flore et une faune capable de se développer. Ce milieu est très diversifié et représente un grand intérêt. Il faudrait donc envisager de conserver la partie basse de ce marais, sachant que plusieurs espèces ne vivent que dans ce milieu-là.

La délégation souligne l'importance de dissocier le dépôt de remblais sur les terrain de M. Corthay et la vision globale des marais de Sionnet. Elle estime qu'en dissociant le problème du cours d'eau de la Seymaz de celui du remblais sur une surface agricole, ce dernier pourrait être facilement résolu. La Seymaz a une pente si faible que l'écoulement se fait très difficilement. La possibilité de relever le cours de la Seymaz ne pourrait être réalisé vu la qualité des terrains très tourbeux.

Toutefois, les projets de zone artisanale existent dans la région de la Pallanterie et permettraient peut-être d'envisager que les eaux venant de Meinier soient récoltées afin d'éviter des crues subites.

Pour l'AGPN, il y a eu déjà assez d'études réalisées sur ce cours d'eau et il faudrait passer à des actes concrets.

Le 22 avril 1993, auditions des communes (en amont) représentées par MM. A. Chanson, maire de Meinier, J. Rivollet, maire de Choulex, H. Fischer, adjoint de Presinge et E. Regenass, maire de Vandoeuvres.

M. Chanson souligne l'aspect historique de la problématique ainsi que les gros investissements consentis par les générations antérieures pour rendre ces marais cultivables. Cette politique a été très appréciée pendant les temps de guerre. La délégation exprime des points de vue quelque peu divergents sur les aménagements possibles. Une partie exprime sa volonté de maintenir ces terrains à l'usage des agriculteurs. (Dans ce cas, il faudrait refaire certains drainages et investir des sommes importantes). Ils demandent que l'on prenne garde de ne pas détruire ce que nos prédécesseurs ont mis en place.

Un autre courant d'idées, exprimé par M. Regenass, fait ressortir que les mentalités, les besoins et les techniques évoluent. La ligne droite que représentait une canalisation d'une rivière en 1920 n'est plus forcément la solution idéale aujourd'hui. Il se demande pourquoi ne pas essayer de trouver des solutions mieux adaptées et qui réhabilitent la Seymaz. Il existe des idées nouvelles qui méritent d'être retenues sans pour autant mettre en péril l'économie de l'agriculture.

La délégation souligne quelques points intéressants sur le plan technique :

 Tous les villages sont raccordés au double réseau.

 Dans la région de la Renfile, un bassin a été prévu dans le cadre des améliorations foncières pour retenir les eaux de drainage.

 Au début des années 60, il y a eu de nombreuses constructions et depuis on peut enregistrer des coups de bélier qui durent quelques jours lors de forte pluie.

 Depuis 20 ans, plusieurs études ont été entreprises, aucune n'a abouti.

 Il y a 30 ans, une étude menée par le DIAR prévoyait une clef de répartition agriculteurs - commune - Etat.

 M. Rivollet pense que les terrains se sont affaissés tout simplement par tassements géologiques et non pas suite à l'utilisation de machines agricoles.

A l'invite de M. Beer, la délégation se prononce sur les 3 invites de la motion :

M. Regenass estime que les points 1 et 3 doivent être retenus. Cette rivière peut apporter une qualité de vie à beaucoup de gens.

Pour M. Chanson, il faut choisir entre marais et agriculture. Le reboisement n'est pas souhaitable à cause des drainages qui ne fonctionneraient plus du tout. Sur le projet pilote, il ne se prononce pas, par souci de maintenir l'agriculture.

Pour M. Rivollet, les terrains au bord de la Seymaz sont privés. Il ne voit pas comment un reboisement pourrait être envisagé.

Le 3 juin 1993, audition de la Chambre genevoise d'agriculture, représentée par M. Streckeisen, directeur accompagné par M. A. Corthay, agriculteur.

M. Corthay resitue la question de la Seymaz, très vieux problème. La Seymaz inonde très régulièrement les terrains qu'on finit par considérer comme des marais alors que ce sont des terrains agricoles. Il trouve la motion tendancieuse et s'estime lésé puisqu'il est touché personnellement. Il exprime la problématique des remblais sur son terrain effectués par diverses entreprises mandatées, mais aussi par des dépôts nocturnes non autorisés. Suite à une plainte déposée par le WWF, il estime être le seul à supporter les dégâts et les frais occasionnés.

Il signale qu'à la Pallanterie la commune de Meinier termine actuellement une décharge. Les terrassements de 3 ouvrages communaux (celui de la protection civile, école, salle de gymnastique), ainsi que d'autres terrassements y ont été déversés. Mais là personne n'est intervenu, ni les associations dont le WWF , ni les services de l'Etat. Il estime qu'il y a eu une inégalité de traitement dont il est victime.

M. Streckeisen a le sentiment qu'en Suisse on aimerait rendre à la nature certaines surfaces pour les loisirs, préserver une Suisse propre, importer de l'étranger tout ce dont nous avons besoin et exporter nos déchets. Il faut qu'il y ait une prise de conscience !

Suite à ces précisions, M. Corthay fait part à la commission d'un mini-projet qu'il étudie avec l'AGPN. Le mini-projet proposé ne concerne que la parcelle faisant actuellement l'objet de la plainte du WWF et consisterait à creuser la partie basse et utiliser la bonne terre pour réaménager la partie haute de la parcelle. Le pouvoir de rétention des eaux serait faible car le projet n'entrevoit pas de surcreuser cette zone pour améliorer la rétention des eaux en cas de crues.

Dans la version minimaliste, on se bornerait à un entretien spécifique pour permettre aux limicoles de s'installer.

M. Corthay présente une esquisse à la commission.

M. Streckeisen souligne que le coût de ce mini-projet, selon une estimation grossière, serait de 40 à 50'000 F et signale qu'économiquement parlant, un bassin de rétention à la source serait moins coûteux. La Seymaz doit rester ce qu'elle est, avec un radier en béton.

M. Corthay resterait propriétaire du terrain. A son avis et celui de l'APGN, il faudrait que les eaux claires, à la Pallanterie, soient dirigées directement du côté lac.

Le 3 juin 1993 : audition du WWF, représenté par Mme Françoise Chappaz et M. Emmanuel de Vevey

M. de Vevey relève que les problèmes de la Seymaz sont les mêmes que ceux que l'on retrouve dans la plupart des cours d'eau à Genève, avec période d'étiage et période d'inondations.

Le problème du débit est dû à plusieurs raisons :

 augmentation des surfaces imperméables, avec urbanisation du bassin et

 drainage des surfaces agricoles avec arrivée des eaux de pluie, contrairement à la situation antérieure, lorsqu'il y avait un bassin marécageux.

C'est l'augmentation des surfaces imperméables couplées au réseau des eaux claires qui provoque une aggravation de la situation.

Le WWF distribue 2 documents aux députés.

Il a fait un certain nombre de propositions au Conseil d'Etat en vue de renaturaliser le cours d'eau de la Seymaz. Il n'a jamais reçu de réponse officielle du Conseil d'Etat.

(Voir annexe no 1).

La motion déposée actuellement va dans le sens des propositions du WWF.

En ce qui concerne la plainte, le WWF est ouvert aux discussions mais il voudrait avoir certaines garanties sur l'aménagement de cette parcelle. Les dangers représentés par le dépôt de ces remblais ne sont pas connus car on ne connaît pas le type de déchets déposés. Le WWF a pris une position favorable quant aux propositions des TP et aux études proposées par M. Matthey.

Audition le 17 juin 1993 de l'Association de Protection de la Seymaz et de ses affluents représentée par MM. J.M. Burnod et J. Navratil.

Les représentants signalent que leur association a été créée par des riverains il y a 2 ans suite à plusieurs cas importants de pollution.

M. Burnod décrit en résumé le projet-pilote qu'il a diffusé, il y a un an, concernant des propositions de compensation écologique dans la région de la Haute Seymaz. (Ce texte aurait été transmis à notre commission en mars 1992) (voir annexe no 2).

Si pour les représentants de cette association une culture intensive sur les terrains des marais de la Seymaz n'est pas une bonne chose, ils ne sont cependant pas opposés à un environnement agricole, pour autant que certaines règles soient respectées.

Certaines zones devraient être utiliséees comme zones de rétention ou avoir des cultures alternatives. A ce sujet, certains commissaires demandent s'il serait possible d'envisager que les compensations prévues par la Confédération (5%) puissent être utilisées pour recréer ces zones humides.

Si l'on parle de cultures extensives en lieu et place de cultures intensives, il y aura une perte de productivité. La question économique se pose de savoir comment l'agriculteur qui diminue la quantité de sa production pourra-t-il maintenir son revenu ?

En 1920, 30 % de la population genevoise était occupée dans l'agriculture, aujourd'hui ce ne sont plus que 0,5 %.

Les personnes auditionnées expriment leur vif mécontentement vis-à-vis de ceux qui utilisent la Seymaz comme égout. Plusieurs commissaires, dont MM. Maréchal et Besson, font remarquer que le bassin de la Seymaz a été creusé dans les années 20 en fonction de l'écoulement des eaux. Ensuite, ce canal a été utilisé pour évacuer les eaux claires. En plus de l'urbanisation des zones humides (notamment à Meinier), le goudronnage des routes n'a fait qu'augmenter le problème des inondations.

Le 1er juillet 1993, l'ensemble de la Commission se rend sur le terrain, plus précisément à l'intersection du canal de la Seymaz et de celui de la Touvière, emplacement situé au coeur du problème de la Seymaz.

M. Matthey signale que depuis longtemps cette zone pose des problèmes. Toute une série d'études ont été faites au cours de ces dernières années, études dont M. Mouron établira une récapitulation.

En 1976, étude géologique et géotechnique.

Puis Etude Regamey; drainage agricole.

En 1979, étude hydrologique du bassin versant de la Seymaz.

Autre étude en 1983.

En 1986, étude par Klem - étude beaucoup plus complète.

Ensuite, à la demande des TP, une étude particulière a été faite, en relation avec la crue qui avait eu lieu en 1988.

En 1989, étude Biotec, préconisant un certain nombre de solutions.

M. Mouron signale que le bassin versant est caractérisé par deux secteurs. Pour les TP, l'histoire commence en 1975, lorsque plus de 100 ha ont été inondés. Il montre un plan où figurent les zones inondées. De telles inondations ne sont pas annuelles; elles peuvent se produire tous les 30 ans, voire 10 ans. L'étude est basée sur des estimations par rapport aux précipitations atmosphériques. Il faut que le sol soit imbibé d'eau pour que la Seymaz sorte de son lit.

Depuis 1920, à la suite des drainages, les terrains bas se sont tassés. Le sous-sol est très mauvais étant donné qu'il s'agissait d'un terrain sous-lacustre.

M. Matthey signale qu'une étude d'amélioration foncière a été faite mais revenait beaucoup trop chère. Pour rendre les terrains à la culture, il faudrait les drainer, ce qui reviendrait à 7 ou 8 millions de francs. Une autre alternative est un projet envisagé qui comporterait un volume de rétention équivalent au volume d'eau qui recouvre les terrains en période de crues.

Lors d'une crue de 30 ans, les pointes de débit à l'intersection du canal de la Seymaz et celui de la touvière atteignent 8,6 m3/sec. Un bassin d'écrêtement permettrait de limiter le débit à 3 m3/sec. Il faudrait donc creuser et envisager la création d'une petite rivière pour le débit d'étiage. Il faudrait environ une dizaine d'heures pour remplir un bassin de 100'000 m3 . Il serait vidé une ou deux fois par année. Equipé d'un piège à sédiments, le coût des travaux pour réaliser ce volume de rétention s'élèverait à environ 4 millions de francs.

A souligner que ce volume de rétention ne concerne que les terrains en amont, mais rien ne serait fait en aval. Les coûts pour la réalisation d'une galerie souterraine pour l'évacuation des eaux claires de la partie aval jusqu'au lac sont estimés environs 50-60 millions de francs.

Suite à la présentation de ces différents projets techniques, M. Burdet rappelle que pendant 17'000 ans il s'agissait d'un bassin lacustre, qui s'est ensuite séparé du lac Léman. C'est en 1920 que la décision de drainer ces terrains a été prise et pendant 70 ans on a entretenu cette zone agricole. Les drainages qui ont été faits ont duré un certain temps. M. Burdet estime qu'il serait plus judicieux de laisser faire le temps et de prévoir des mesures de compensation satisfaisantes. Il estime qu'il faudrait laisser le marais se reconstituer. Il y a des milliers d'années que l'agriculture se bat pour corriger la nature. Dans la situation actuelle, il n'est plus indispensable de cultiver cette surface.

En conclusion :

La Commission a été partagée entre ceux qui souhaiteraient redonner à cette zone sa vocation naturelle et ceux qui sont absolument opposés à cette façon de voir.

Finalement, vu que la situation actuelle ne donne pas satisfaction et grâce à l'appui du Conseiller d'Etat Claude Haegi, une solution de compromis a pu être trouvée :

a) par l'abandon de la deuxième invite qui demandait :

 à prendre sans délai des mesures de protection, peu coûteuses, telles que reboisement, réparation de dommages par le responsable des dégâts.

b) par des appuis, voire des compensations équitables qui devraient être trouvées en faveur des propriétaires et / ou agriculteurs concernés.

La Commission accepte de reprendre la première et la troisième invites .

Propositions de la Commission :

Suite aux différents travaux de la commission, nous avons les espoirs de pouvoir concilier à terme l'agriculture et l'environnement, ainsi que d'autres activités complémentaires dans la zone considérée.

La commission de l'environnement et de l'agriculture a modifié le texte initial de la motion en prenant en compte le contenu de la P 816 avec le rapport du Conseil d'Etat et celui de la Commission des travaux déjà accepté le 13 mai 1993 par le Grand Conseil. C'est à l'unanimité qu'elle vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

Débat

M. Max Schneider (Ve), rapporteur. J'aimerais vous préciser que la page 9 a été modifiée pour des questions formelles et un texte a été déposé sur tous les bancs. A la page 10, la proposition est donc non avenue, supprimée et modifiée par la commission. Ce nouveau projet de motion, modifié par la commission, a été accepté à l'unanimité par la commission de l'environnement et de l'agriculture.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue: 

MOTION

concernant la réhabilitation et la protectiondes marais de la Seymaz

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil, du 11 novembre 1992, concernant la politique globale de l'eau;

 les projets de lois 6754 (M. Ch. Bosson) et 6768 (interpartis) visant à encourager des zones tampons aux abords des cours d'eau et à contribuer à la création et au maintien de biotopes naturels et variés;

 la proposition du WWF-Genève, datant de 1988, qui invite le Conseil d'Etat à prendre des mesures en faveur de la protection de la Seymaz;

 le fait que la Seymaz soit le seul cours d'eau entièrement sur territoire genevois et par conséquent dont le canton peut être totalement maître;

invite le Conseil d'Etat

 à réunir, sous l'autorité du DIAR, les personnes concernées par le problème posé par la parcelle No 1945 feuille H de Choulex, afin de trouver une solution dans les plus brefs délais ;

 à présenter un programme d'action, s'appuyant entre autres sur les différentes études déjà effectuées au sujet des possibilités de réhabilitation de certains marais et d'une politique globale de l'eau sur le bassin de la Seymaz, portant sur le court, moyen et long termes, compte tenu des atteintes déjà portées à ce lieu, notamment par la densification de la zone construite, ainsi que de son extension prévue ;

 à faire de la Seymaz, en concertation avec tous les milieux intéressés, un projet pilote, un exemple genevois de revitalisation d'un cours d'eau.