République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 7 octobre 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 8e session - 35e séance
PL 6928-A et objet(s) lié(s)
Le 30 novembre 1992, le Conseil d'Etat déposait le projet de loi par devant le secrétariat du Grand Conseil.
Ce projet fut soumis au Grand Conseil à la séance du 14 janvier 1993 (Mémorial 1993, page 314). Personne n'ayant demandé la parole après consultation, il fut renvoyé à la commission judiciaire.
En mars 1993, la commission judiciaire, d'entente avec la commission législative, proposa le renvoi du projet de loi 6928 à la commission législative.
Travaux de la commission
a) Le 23 mars 1993 la commission accepte le transfert du projet de loi à elle-même.
b) Le 20 avril 1993, la commission procéda à l'audition de M. Bertossa, procureur général, et de M. Mahler, administraterur du Palais de justice.
M. Bertossa expliqua que le Palais de justice était favorable au projet de loi élaboré conjointement avec le Conseil d'Etat. Il rappela le but recherché, à savoir:
1. Une codification de la pratique actuelle sur le plan administratif.
2. Une affirmation de l'indépendance du pouvoir judiciaire et de la séparation des pouvoirs.
M. Bertossa releva que la question centrale était l'autonomie totale du Palais de justice. Il pense que cette autonomie ne peut pas exister à Genève, le problème étant uniquement de trouver un équilibre entre les deux pouvoirs. Il rappelle que le Conseil d'Etat soumet le budget et détient la maîtrise de son utilisation. A la limite de la séparation des pouvoirs se situe le problème de l'engagement et de la nomination du personnel du Palais de justice. L'audition et la sélection se font par le Palais de justice. Le dossier est ensuite transmis au département qui le fait suivre à l'Office du personnel de l'Etat. La nomination est le fait du Conseil d'Etat et intervient après une période probatoire de 3 ans. Que tout autre système nécessiterait une modification constitutionnelle.
M. Mahler donne un compte rendu du fonctionnement du Palais depuis qu'il a été nommé. Il est indiscutable que les problèmes sont en forte diminution et que des progrès ont été constatés dans le fonctionnement du Palais de justice. Son point de vue est confirmé par M. Ziegler, président du département, qui souligne que l'arrivée de M. Mahler a permis la constitution de services centraux avec pour conséquence une administration plus performante et informatisée.
Une discussion s'instaure en ce qui concerne la demande de l'AFEPJ tendant à obtenir une participation à la commission de gestion. MM. Bertossa et Mahler indiquent qu'ils ne voient pas d'objection de principe à cette participation.
Enfin, M. Bertossa indique qu'à son avis, les dispositions relatives à l'absence du canton des magistrats sont devenues inutiles et que néanmoins le département n'a pas voulu prendre l'initiative de les éliminer.
c) Dans sa séance du 18 mai 1993, la commission procède à l'audition de l'AFEPJ, soit de son président, M. M. Muehlemann et de Mme Falquet, membre du comité. L'AFEPJ comprend 50 membres. Cette association était en sommeil depuis 1984 et a repris vie en 1992. L'association entend collaborer à la commission de gestion mais ne présente pas de revendication. Finalement M. Muehlemann dépose un texte de proposition de modification de l'article 75 B, alinéa 1 et alinéa 4. Après discussion, il est demandé au département de présenter à une séance ultérieure un texte permettant la participation du personnel du Palais, soit majoritairement, soit à la proportionnelle.
La commission procède ensuite à l'audition de M. le juge Crochet, remplaçant du président du comité de l'Association des magistrats du pouvoir judiciaire, M. P. Y. Demeule. Il n'a pas de remarques particulières à formuler sur le projet de loi en tant que tel, mais souhaite qu'un représentant de son association puisse siéger dans la commission de gestion._
Une discussion s'ensuit au cours de laquelle M. Ziegler a l'occasion de préciser qu'il ne faut pas mélanger les membres de la commission qui doivent en faire partie du fait de leur fonction (par exemple, président de juridiction) et ceux d'une association. Si valable qu'elle soit, elle n'a pas une place de droit dans une commission de gestion. Elle doit simplement être consultée par cette commission si nécessaire._
d) Le projet de loi est à nouveau examiné par la commission dans sa séance du 15 juin 1993.
L'entrée en matière est votée par 6 voix et une abstention (pdt.). L'article 72, alinéa 1 est adopté.
L'alinéa 2 est adopté après que néanmoins M. Ziegler ait admis que la disposition relative aux absences des magistrats est désuète. Il pense néanmoins que la supprimer complètement serait une erreur.
L'article 75 A, alinéa 1 est voté.
L'alinéa 2 fait l'objet d'une discussion. Il est relevé que si cet alinéa traite des charges de la commission de gestion et donne par conséquent des pouvoirs à cette commission, celle-ci n'a néanmoins pas de pouvoir disciplinaire pour faire observer les directives qu'elle sera appelée à édicter du fait de ses compétences. Il est rappelé que c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui est l'autorité disciplinaire pour les magistrats. La commission de gestion ne peut que demander l'ouverture d'une enquête.
L'article 75 A, alinéa 2, lettre d. Il est souligné que si la commission a pour compétence d'engager d'entente avec le Conseil d'Etat le personnel des services centraux et des greffes, elle n'a pas le pouvoir de les renvoyer, ce pouvoir appartenant au Conseil d'Etat, notamment du fait qu'en cas de recours en cas de licenciement, le pouvoir judiciaire ne peut pas être à la fois juge et partie.
Article 75 B, une discussion s'instaure à nouveau en ce qui concerne la participation du personnel dans la commission de gestion. Celle-ci est finalement acceptée par 4 voix contre 1 (lib.) et une abstention.
e) Lors de la séance du 24 août 1993, la commission examine le toilettage proposé par le département concernant l'article 75 A, lettre d et l'article 75 B, alinéas 4 et 5.
L'article 75 A, alinéa 2, lettre d amendé est adopté à l'unanimité dans la teneur suivante: «d) d'envoyer, d'entente avec le Conseil d'Etat et dans le cadre de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonle et des établissements médicaux, le personnel des services centraux et des greffes.»
Le département présente un texte nouveau de l'article 75 B avec l'alternative proportionnelle ou majoritaire. Après discussion, la commission refuse la création d'une commission paritaire consultative et finalement se prononce en faveur d'une représentation de l'AFEPJ au sein de la commission de gestion par 4 voix (1 peg., 2 ps., 1 pdc. contre 2 lib.).
L'article 75 B, alinéa 1 est amendé et adopté (1 peg., 2 ps., 1 pdc. contre 2 libéraux).
L'article 75 B, alinéa 2 est amendé puis adopté par 4 voix (1 peg., 2 ps., 1 pdc. contre 2 lib.).
Le nouvel alinéa 4, variante A, soit donc le système de la représentation proportionnelle est adopté par 4 voix (1 peg., 2 ps., 1 pdc. contre 2 lib.).
Est ensuite adopté à l'unanimité:
Le nouvel alinéa 5 de l'article 75 B, les articles 75 c et d, l'article 78, alinéa 2, l'article 79 A, alinéa 1, les articles 106, 108, 109, alinéas 1 et 2, 110, 114, 118 et 120.
Ensuite l'ensemble du projet de loi 6928 ainsi modifié est adopté par 5 voix (1 peg., 2 ps., 1 lib., 1 pdc.) contre 1 (lib.).
En conclusion la commission législative vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi tel que présenté par la commission.
M 590-A
1. Cette proposition de motion a été déposée le 12 mai 1989.
2. Elle a été soumise au Grand Conseil dans sa séance du 7 juin 1989 (Mémorial pages 3119 et ss). Lors de la discussion préalable, il apparut que plusieurs députés n'étaient guère persuadés de la nécessité de la soumettre aux travaux d'une commission.
M. Olivier Vodoz intervint pour demander le renvoi en commission, précisant: «Afin qu'elle puisse travailler sereinement sur cette question et demander des avis d'expert. Il est en effet évident que les députés ne pourront pas faire le travail de fond requis par cette motion.»
Après mise aux voix, la proposition de renvoi de cette motion à la commission législative fut adoptée.
3. Elle a été étudiée le 12 décembre 1989 et il a été rappelé à cette occasion qu'il s'agissait d'une motion élaborée et acceptée par le Grand Conseil à la suite de l'affaire Gelli. La commission a admis que cette motion venait en deuxième priorité et qu'elle posait des problèmes de droit constitutionnel ardus.
4. Le 6 novembre 1990, la commission se demanda s'il n'y avait pas lieu de renvoyer la motion à la commission judiciaire et il est décidé d'en reprendre l'examen ultérieurement.
5. Le 4 décembre 1990, une discussion s'instaure sur le principe de la séparation des pouvoirs, de l'autonomie du Palais de justice et de la surveillance disciplinaire des magistrats. Etant donné l'ampleur du sujet, la commission se demande s'il vaudrait mieux renvoyer la motion au Conseil d'Etat ou charger une commission extra parlementaire d'établir un rapport ou la confier à des experts de droit constitutionnel. La commission se demande s'il y a lieu que la commission législative rédige un petit rapport, lequel risquerait de se perdre ou au contraire de se lancer dans une étude approfondie, ce qui dépasse les compétences d'une commission. Enfin, il est envisagé d'examiner les problèmes ponctuels posés par la motion, soit:
attributions de la police judiciaire;
surveillance disciplinaire des magistrats;
relation du pouvoir judiciaire et de la presse.
Il y aurait lieu alors de constituer 3 sous-commissions qui examineraient ces 3 thèmes. Il est même envisagé de créer une commission ad hoc de 15 membres qui pourrait siéger en alternance avec la commission législative.
Finalement la commission passe au vote sur l'entrée en matière, qui est acceptée à l'unanimité.
6. La commission reprend l'examen de cette motion le 15 décembre 1992 pour constater qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la motion à la commission judiciaire.
7. Le 9 mars 1993, après discussions avec la commission judiciaire, celle-ci s'est déclarée tout à fait favorable à ce que la commission législative traite de la M 590.
8. Le 21 mars 1993, la commission judiciaire transfert officiellement et formellement la M 590 à la commission législative qui décide de procéder à des auditions.
9. Le 20 avril 1993 il est procédé à l'audition de M. Bertossa, procureur général, qui explique la pratique relative à la surveillance disciplinaire des magistrats et des relations avec la presse. Une discussion s'instaure quant à la nécessité d'entendre un de ses représentants ainsi qu'un représentant de l'Ordre des avocats.
10. Lors des séances de commission des 18 mai et 15 juin 1993, il est procédé à des auditions relatives au projet de loi 6928 qui en fait recouvre une partie des préoccupations de la M 590. Il y a donc lieu de se référer à ce sujet au rapport de la commission législative concernant le projet de loi 6928.
11. A la séance du 24 août 1993, la question se pose de savoir si en fait le projet de loi 6928 ne répond pas en définitive aux questions soulevées par la M 590, qui n'aurait ainsi plus d'objet. Le président du département considère que se serait enterrer la motion, ce qu'il ne désire pas, car les sujets soulevés par la motion dépassent très largement le problème soulevé par le projet de loi 6928. Une discussion s'instaure quant à savoir de quelle manière la commission devrait procéder pour étudier cette motion. Faut-il faire une étude approfondie? Qui doit la faire? Faut-il faire entendre les juristes constitutionnels? Ne serait-il pas préférable, vu l'importance du sujet, de la renvoyer à la prochaine législature? Le département serait-il d'accord de préparer un document de synthèse comme point de départ de la discussion?
Finalement, la commission approuve à l'unanimité la rédaction d'un premier rapport intermédiaire sur la M 590. Elle essayera d'aborder encore dans cette législature les sujets qu'elle soulève, éventuellement commencer par des auditions et décider d'une marche à suivre, ce d'autant plus que la commission n'a pas d'autre objet en suspens en dehors de cette motion.
Par ailleurs, le président suggère de soumettre le problème du traitement de cette motion aux groupes pour que ceux-ci fassent des propositions de concept de mise en route des travaux à la prochaine séance, si la commission décide de poursuivre.
Il est relevé qu'il y aura lieu de tenir compte du fait que la commission a tout juste commencé à aborder les importantes questions soulevées. S'agissant donc d'un rapport intermédiaire, la commission n'a pas de conclusions à soumettre au Grand Conseil.
ANNEXE
PROPOSITION DE MOTION
de la commission judiciaireconcernant la séparation des pouvoirs
LA COMMISSION JUDICIAIRE,
soucieuse du bon fonctionnement de notre démocratie;
constatant que les dispositions constitutionnelles relatives à l'indépendance des pouvoirs sont sujettes à interprétations divergentes;
qu'il en va de l'autorité et du respect de nos institutions,
invite le Grand Conseil
à charger une commission:
1. d'étudier, après s'être entourée de tous les avis nécessaires et en particulier de ceux des pouvoirs judiciaire et exécutif, toutes propositions utiles visant à assurer l'indépendance des trois pouvoirs de l'Etat et des services qui leur sont rattachés, en examinant notamment les questions suivantes:
l'autonomie administrative de chacun des pouvoirs;
la surveillance disciplinaire des magistrats;
la nature des rapports que les pouvoirs peuvent entretenir avec la presse et leur compatibilité avec les exigences du secret de fonction;
2. de présenter, le cas échéant, un rapport intermédiaire au Grand Conseil sur l'état d'avancement de ses travaux.
Premier débat
M. Claude Lacour (L), rapporteur. Je désire expliquer le rapport pouvant exister entre la motion et le projet de loi qui vous sont soumis. Tous deux découlent du problème posé par la séparation des pouvoirs, plus particulièrement de l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif.
En effet, le pouvoir judiciaire dépend financièrement du Conseil d'Etat, notamment pour l'engagement du personnel ainsi que pour beaucoup d'autres charges. Depuis longtemps les magistrats s'inquiètent de l'influence indirecte de cette dépendance. En effet, il est facile à celui qui tient le côté administratif de faire pression sur celui qui en dépend. Dès 1985, le Conseil d'Etat, conscient de ce problème, a créé un poste nouveau, celui d'administrateur du Palais de justice.
Un fait a tout d'abord motivé la motion 590, c'est l'affaire Gelli en 1989. Les problèmes de séparation du pouvoir judiciaire et du Conseil d'Etat sont apparus en pleine lumière. Du coup, la motion 590 a été déposée pour étudier ce problème et trouver des solutions.
La commission législative, chargée d'examiner cette motion, a tout de suite constaté qu'il s'agissait d'un problème de fond, celui des rapports difficiles entre les pouvoirs. L'approfondissement de ces problèmes requérait des connaissances assez étendues. Ce travail - excusez-moi de le dire - était à la limite des capacités d'une commission du Grand Conseil.
Par-dessus le marché, ce problème devenant moins aigu, la commission a décidé de le passer en deuxième priorité, ce qui explique que la motion n'a pas été étudiée et temporairement mise de côté.
En 1992, le Conseil d'Etat qui, lui, a continué à étudier ce problème, a proposé une modification de la loi d'organisation judiciaire traitant de cette question. Plus exactement, le Conseil d'Etat a voulu légaliser la nouvelle situation de fait. Il a voulu donner des pouvoirs à une commission de gestion du Palais de justice et transférer certaines compétences du Conseil d'Etat à cette commission ou au Conseil supérieur de la magistrature. C'est ce que ce projet de loi 6928 propose. C'est donc un cas d'application extrême-ment précis d'un important problème. Mais l'important est qu'un pas ait été franchi.
Il est surtout important de ne pas oublier le but général recherché. C'est l'autonomie ou, tout au moins, la pleine indépendance du Palais de justice. Ce principal travail reste à faire. Par conséquent, il faudra réactiver cette motion 590 lors de la prochaine législature et ne pas l'oublier.
M. Robert Cramer (Ve). Permettez-moi d'ajouter quelques mots à l'exposé complet de M. Lacour au sujet de la motion 590.
Comme M. le rapporteur l'a rappelé, cette motion 590 trouve son origine dans l'affaire Gelli. A l'époque, nous étions quelques députés à la commission judiciaire - Mme Brunner, M. Vodoz, M. Boillat - à nous dire qu'il ne fallait pas que l'affaire Gelli débouche sur un grand déballage dans cette République, cela aurait été faire beaucoup trop d'honneur à ce monsieur. Toutefois, la façon dont les choses s'étaient passées dans le cadre de l'affaire Gelli mettait à jour des problèmes délicats au niveau constitutionnel qui méritaient une réflexion approfondie.
C'est la raison pour laquelle nous avons rédigé la motion 590 au sein de la commission judiciaire. Elle fut adoptée à l'unanimité par cette commission et renvoyée ensuite par ce Grand Conseil à la commission législative, de telle sorte que la commission qui avait rédigé la motion ne se trouve pas chargée de la traiter.
Cette motion qui traite de la séparation des pouvoirs - comme l'a rappelé M. Lacour - ratisse extrêmement large. Avec le projet de loi soumis aujourd'hui et visant à accorder une certaine indépendance au Palais de justice, l'un des objectifs de la motion est atteint. Toutefois, il en reste d'autres. J'en citerai brièvement quatre.
Le premier point sur lequel nous devons encore réfléchir est la question de l'indépendance du Grand Conseil. Trois pouvoirs gèrent notre République : le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Dans le projet de loi soumis, le pouvoir judiciaire conquiert une certaine autonomie par rapport à l'administration, mais la question du Grand Conseil reste ouverte. Sur ce point la réflexion devra continuer, notamment avec un certain nombre d'anciens présidents du Grand Conseil qui pourront nous dire si, à leurs yeux, l'autonomie dont bénéficie le Grand Conseil par rapport aux services généraux de l'Etat est satisfaisante ou s'il y a lieu de la développer.
Le second point regarde les questions ayant trait aux limites existant entre les pouvoirs judiciaire et administratif et concerne donc le Conseil d'Etat. Ces limites doivent être claires, spécialement lorsque la police doit intervenir et qu'elle agit soit en tant que police judiciaire, soit en tant que police administrative. Faut-il deux polices différentes ? Faut-il, s'il n'y a qu'une seule police, comme c'est le cas actuellement, que ces deux fonctions soient plus clairement délimitées, de telle sorte que les policiers sachent clairement de qui ils reçoivent des directives et dans quels cadres ils agissent ? C'est là un vaste sujet de réflexion qu'il conviendra d'approfondir lors de la prochaine législature.
Le troisième thème de réflexion concerne la question de la surveillance des magistrats. L'affaire Gelli avait mis en lumière, au sein de la commission législative, la question, non résolue, de la surveillance des magistrats de l'ordre judiciaire. Certains se sont interrogés pour savoir si cette réflexion ne devait pas être étendue aux magistrats de l'exécutif. Nous devrons y réfléchir lors de la prochaine législature.
Enfin, un dernier point réside dans les rapports que les trois pouvoirs institutionnels entretiennent avec le quatrième pouvoir, celui de la presse.
Nous avions identifié que les directives et les modes de procéder n'étaient pas extrêmement clairs, autant en ce qui concerne le pouvoir judiciaire que l'exécutif. Là encore, il y a matière à réflexion.
On peut tout de même tirer un premier bilan que je trouve satisfaisant, celui de voir qu'au terme de cette législature un point important a été analysé et a pu ainsi progresser, c'est celui de l'autonomie du Palais de justice. Cela constituait une priorité. Quant à ce point prioritaire, nous sommes en mesure de présenter un projet de loi au terme de deux ou trois ans de travaux.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je n'allongerai pas le débat puisque la commission législative, le Conseil d'Etat et le pouvoir judiciaire ont travaillé en bonne harmonie sur ce dossier. En effet, le projet de loi que vous vous apprêtez à adopter a été élaboré dans le cadre d'une concertation entre mon département, celui de M. Vodoz et le pouvoir judiciaire. Nous avions fixé d'entrée de cause les règles du jeu. Il ne s'agissait pas de toucher aux prérogatives constitutionnelles des différents pouvoirs, ni notamment aux compétences budgétaires du Grand Conseil, ni à celles du pouvoir exécutif en matière d'engagement du personnel.
Ce cadre constitutionnel étant respecté, il s'agissait de s'orienter vers une plus grande autonomie de gestion du pouvoir judiciaire. Ce projet de loi donne pleine satisfaction au pouvoir judiciaire qui l'a élaboré avec nous. Il tient à remercier le Grand Conseil de l'avoir traité avant la fin de cette législature. En effet, nous nous étions fixé cet objectif.
Je m'associe aux remerciements à l'égard de la commission législative, tout particulièrement pour sa diligence, alors qu'elle a déjà traité d'autres projets importants et difficiles au cours de cette législature, notamment la réforme de droit de l'initiative populaire. En son temps, M. Lacour avait présidé avec brio les travaux de cette commission qui ont débouché sur cette réforme constitutionnelle extrêmement difficile.
Ma seconde remarque concerne ce que M. Cramer vient de rappeler : le débat sur la séparation des pouvoirs, initié par Montesquieu, est un débat éternel en démocratie. La seule manière de le résoudre est celle que nous avons utilisée, puisque les trois pouvoirs de l'Etat doivent être séparés. Il est nécessaire, pour que le char de l'Etat aille de l'avant, que ces trois pouvoirs collaborent entre eux pour la bonne marche des affaires publiques. C'est ce que l'on appelle le principe de coopération entre les différents pouvoirs de l'Etat. Nous avons travaillé dans cet esprit. C'est un débat permanent au fur et à mesure de l'approfondissement de la démocratie. Nous devons remettre en cause les limites entre les différents pouvoirs de l'Etat.
M. Cramer a évoqué la réflexion à mener en ce qui concerne le rôle du pouvoir judiciaire et celui du parlement. Vous me permettrez d'ajouter qu'en ce qui concerne le pouvoir exécutif, on peut également, Monsieur Cramer, s'interroger sur la dilution de ce dernier. On peut citer toute une série de commissions officielles qui font qu'à certains moments le Conseil d'Etat lui-même a le sentiment qu'il n'a plus les moyens de gouverner tant ses pouvoirs ont été dilués vers toutes sortes de commissions officielles.
Ma troisième remarque est la suivante. Ce débat permanent fait que le Grand Conseil sacrifie à un rite sur ce thème: à la fin de chaque législature, il vote une motion qu'il renvoie à la législature suivante. Il est bon que le parlement sacrifie à des traditions. Il est bien entendu, Monsieur Cramer, qu'au cours de la prochaine législature ceux qui formeront cette assemblée, ceux qui seront au banc du gouvernement et ceux qui siégeront au Palais de justice continueront ce débat permanent et essentiel pour notre démocratie.
PL 6928-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue:
LOI
modifiant la loi sur l'organisation judiciaire
(E 2 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:
Art. 72, al. 1 (nouvelle teneur)
al. 2, première phase (nouvelle teneur)
1 Les juges et suppléants ne peuvent s'absenter du canton sans en prévenir le président du tribunal auquel ils appartiennent, les substituts et procureurs sans en prévenir le procureur général et obtenir leur permission, si l'absence doit durer plus de huit jours.
2 Le procureur général, les juges d'instruction, les présidents des tribunaux et les juges de paix ne peuvent s'absenter du canton au-delà de 8 jours, les juges et les suppléants, les procureurs et les substituts au-delà d'un mois sans la permission du conseil supérieur de la magistrature, sous peine:
TITRE III
ORGANISATION INTÉRIEUREET FONCTIONNEMENT DES TRIBUNAUX
Art. 75 A (nouveau)
1 Sous réserve des compétences du Conseil d'Etat, l'organisation et la gestion des moyens administratifs dévolus au fonctionnement des tribunaux sont assurées par une commission de gestion du pouvoir judiciaire.
2 La commission de gestion a notamment pour charge:
a) d'élaborer le projet de budget du pouvoir judiciaire;
b) de répartir et de coordonner l'usage des moyens administratifs et financiers accordés au pouvoir judiciaire;
c) de surveiller le fonctionnement des services centraux et des greffes;
d) d'engager, d'entente avec le Conseil d'Etat et dans le cadre de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements médicaux, le personnel des services centraux et des greffes;
e) d'établir le compte-rendu annuel de l'administration et des finances du pouvoir judiciaire.
3 La commission de gestion assume en outre toutes les tâches qui lui sont dévolues par la loi.
Art. 75 B (nouveau)
1 La commission de gestion est composée du procureur général, qui la préside, des présidents de la Cour de justice, du Tribunal administratif, de la Cour de cassation, du Tribunal de première instance, du Collège des juges d'instruction, de la Chambre des tutelles et Justice de paix et du Tribunal de la jeunesse et de l'un des présidents de la Chambre d'appel des prud'hommes, désigné par la Cour de justice, ainsi que de deux fonctionnaires à plein tempsdu pouvoir judiciaire.
2 En cas d'empêchement, le procureur général est remplacé par un procureur, les présidents par leur vice-président ou par un autre membre de la même juridiction, désigné par eux. En cas d'empêchement du procureur général, la commission est présidée par le président de la Cour de justice.
3 L'administrateur du Palais de justice assiste aux séances de la commission, avec voix consultative.
4 Les deux fonctionnaires du pouvoir judiciaire sont élus pour 2 ans au bulletin secret selon le système de la représentation proportionnelle appliqué aux élections fédérales pour le Conseil national, à l'exception de la disposition concernant le cumul. Ils perdent leur qualité s'ils cessent leur activité au service du pouvoir judiciaire.
5 Ont le droit de vote pour élire ces 2 fonctionnaires les membres du personnel du pouvoir judiciaire nommés ou qui ont, au 31 décembre de l'année qui précède l'élection, accompli sans discontinuer leur période probatoire et qui doivent au moins la moitié de leur temps à leur temps à leur fonction.
Art. 75 C (nouveau)
La commission de gestion peut déléguer partie de ses tâches à un bureau de trois membres, choisis en son sein, assistés de l'administrateur.
Art. 75 D (nouveau)
Les services centraux du pouvoir judiciaire et les greffes des juridictions sont placés sous la direction de l'administrateur du Palais de justice. L'administrateur assure l'exécution des décisions de la commission de gestion.
Art. 78, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le règlement de chaque tribunal est soumis à l'approbation de la commission de gestion.
Art. 79A, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Chaque année, la commission de gestion fixe la durée et l'époque des féries pour la Cour de justice civile, le Tribunal de première instance et le Tribunal des baux et loyers.
Art. 106 (nouvelle teneur)
Tous les tribunaux ont des sceaux qui portent les armoiries de la République et dont la forme est déterminée par la commission de gestion. Les sceaux portent pour légende la désignation du tribunal.
Art. 108 (nouvelle teneur)
1 Chaque année, au plus tard à mi-février, les tribunaux établissent un rapport de leurs activités pour l'année écoulée, comportant l'indication du nombre de leurs opérations et les informations utiles à en expliquer la marche.
2 Les rapports sont soumis à la commission de gestion, qui les complète par ses propres observations et ses remarques et par un rapport sur la marche des services centraux du pouvoir judiciaire. Le rapport général est ensuite transmis au Conseil d'Etat.
Art. 109, al. 1, première phase (nouvelle teneur)
al. 2 (nouvelle teneur)
1 Le rapport contient notamment, pour les affaires civiles:
2 Ce rapport indique de plus, séparément, selon les attributions de chaque tribunal, le nombre des divorces, des séparations de corps, des séparations de biens, des faillites et des réhabilitations qui ont eu lieu dans l'année.
Art. 110 (nouvelle teneur)
Le rapport des juges de paix contient notamment l'indication:
a) du nombre et de la nature des actes de juridiction volontaire;
b) du nombre des conciliations opérées par eux.
Art. 114, première phase (nouvelle teneur)
Avant d'entrer en fonctions, chaque greffier prête devant la commission de gestion le serment suivant:
Art. 118 (nouvelle teneur)
Les commis assermentés doivent être majeurs et prêter, devant l'assemblée plénière des magistrats de la juridiction à laquelle ils sont affectés, le serment prévu à l'article 114.
Art. 120 (nouvelle teneur)
1 Le Conseil d'Etat édicte, après consultation des juridictions concernées, les règlements sur les tarifs des émoluments à percevoir par les greffiers pour les divers actes de procédure qui sont de leur ressort.
2 La commission de gestion édicte les règlements sur:
a) les jours et heures d'ouverture des greffes;
b) le nombre et la forme des registres et des répertoires que tiennent les greffiers.
M 590-A
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.