République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 septembre 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 7e session - 33e séance
PL 7032
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
CHAPITRE I
Dispositions générales
Article 1
But
La présente loi a pour but d'assurer l'exécution de la loi fédérale sur le droit foncier rural, du 4 octobre 1991 (ci-après loi fédérale).
Art. 2
1 Tous les immeubles, qu'il s'agisse de bâtiments ou de bien-fonds situés dans la zone agricole, au sens de l'article 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont soumis à la présente loi.
2 Les immeubles agricoles situés dans la zone à bâtir, au sens de l'article 2, alinéa 2 de la loi fédérale, sont également soumis à la présente loi.
Art. 3
Exclusion
1 Les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d'application de la présente loi par décision de l'autorité compétente, fixée à l'article 9.
Valeur de rendement
2Ces immeubles ne sont par conséquent plus estimés à la valeur de rendement.
Art. 4
1 Lors du dépôt au registre foncier de tout dossier portant sur:
a) une acquisition d'immeubles;
b) un engagement hypothécaire;
c) un partage ou un morcellement d'immeubles;
la réquisition devra être accompagnée d'une attestation indiquant la zone dans laquelle les immeubles sont situés, à l'exception des parcelles sises dans une commune dont le territoire ne comporte pas de zone agricole.
Indication de zone
2 Cette attestation est délivrée selon des modalités pratiques qui sont déterminées dans le règlement d'application de la présente loi.
Art. 5
Mention
Les immeubles visés à l'article 2, alinéa 2 et à l'article 3 de la présente loi font l'objet d'une mention au registre foncier, conformément à l'article 86 de la loi fédérale.
Art. 6
Fiscalité
En matière fiscale, seuls les immeubles appropriés à un usage agricole ou horticole peuvent être estimés à la valeur de rendement. Le contribuable saisira l'autorité compétente, fixée à l'article 9, pour obtenir une expertise à la valeur de rendement.
Art. 7
Interdiction de morcellement
1 Tout morcellement d'immeubles situés en zone agricole qui a pour effet de créer des parcelles d'une superficie inférieure à 25 ares est interdit. Cette surface est réduite à 10 ares pour les parcelles incorporées dans le cadastre viticole fédéral.
2 Des autorisations exceptionnelles peuvent toutefois être accordées par l'autorité compétente pour justes motifs, au sens des articles 59 et 60 de la loi fédérale, et si aucun intérêt prépondérant de l'agriculture n'est lésé.
3 Le morcellement d'immeubles situés en zone agricole ayant fait l'objet d'un remaniement parcellaire est soumis aux prescriptions de l'article 89 de la loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987.
Art. 8
Morcellement selon le régime des zones de construction
Le morcellement d'immeubles situés partiellement en zone à bâtir, doit tenir compte des limites de zones.
CHAPITRE II
Autorités compétentes
Art. 9
Commission foncière agricole
1 Le Conseil d'Etat nomme une commission foncière agricole, composée de 7 membres siégeant valablement à 5 (ci-après commission).
2 Elle organise elle-même son bureau et élit son domicile.
3 Elle applique les règles générales fixées dans la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.
4Elle peut mandater des experts, notamment pour procéder aux expertises des immeubles à la valeur de rendement.
Art. 10
Compétences de la commission foncière agricole
La commission foncière agricole est compétente pour:
a) accorder les exceptions aux interdictions de partage matériel et de morcellement (art. 60 de la loi fédérale);:
b) autoriser l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole (art. 61 à 65 de la loi fédérale);
c) fixer la charge maximale et requérir son inscription au registre foncier;
d) autoriser les prêts qui dépassent la charge maximale (art. 76, al. 2 de la loi fédérale);
e) constater qu'un immeuble agricole situé dans la zone à bâtir est soumis à la loi fédérale en application de l'article 2, alinéa 2;
f) déterminer si un immeuble est exclu du champ d'application de la loi fédérale en application de l'article 3;
g) requérir l'inscription au registre foncier des mentions exigées à l'article 86 de la loi fédérale et au sens des lettres e et f;
h) estimer et approuver la valeur de rendement (art. 87 de la loi fédérale).
Art. 11
Mandat des experts
Les experts visés à l'article 9, alinéa 4, remettent leur rapport à la commission.
Art. 12
Autorité de surveillance
1 Le Conseil d'Etat désigne le département qui exerce l'autorité de surveillance.
2 Le département, avant de prendre sa décision au sens des articles 83, al. 2 et 90, lettre b de la loi fédérale peut demander un complément d'enquête à la commission.
Art. 13
Voie de recours
Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours formés contre les décisions de la commission foncière agricole.
Art. 14
Frais et émoluments
Les frais et émoluments à percevoir sont fixés dans le règlement édicté par le Conseil d'Etat.
CHAPITRE III
Dispositions finales
Art. 15
Règlement d'application
Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.
Art. 16
Clause abrogatoire
La loi d'application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, du 19 décembre 1952, est abrogée.
Art. 17
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Art. 18
Modification à d'autres lois
(M 1 1)
1La loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987, est modifiée comme suit:
Art. 90 et 91 (abrogés)
** *
(M 2 17)
2 La loi d'application de la loi fédérale sur le bail à ferme agricole, du 6 mai 1988, est modifiée comme suit:
Art. 14 (nouvelle teneur)
Autorité de recours
Les décisions du département et de la commission d'affermage agricole, prises en vertu des articles 11 et 12 de la présente loi, peuvent faire l'objet d'un recours, dans les 30 jours, auprès du Tribunal administratif.
** *
(E 3,5 1)
3 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:
Art. 8, al, 1, chiffres 113° bis et 118° (nouveaux)
113° bis décisions prises en vertu de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 4, art. 13);
118° bis décisions du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales et de la commission d'affermage agricole concernant les baux à ferme agricoles (M 2 17, art. 14);
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Introduction
Le 27 septembre 1992, le peuple suisse a accepté en votation populaire la loi fédérale sur le droit foncier rural, du 4 octobre 1991 (ciaprès LDFR). Le 3 février 1993, le Conseil fédéral a fixé au 1er janvier 1994 l'entrée en vigueur de ladite loi.
Le droit foncier rural règle les rapports juridiques relatifs aux entreprises et immeubles agricoles, soit ceux qui sont situés en dehors de la zone à bâtir au sens de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 22 juin 1979. Il s'agit en droit genevois plus particulièrement de la zone agricole au sens de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (ci-après LALAT). Ce droit détermine qui peut acquérir des entreprises et des immeubles agricoles et en fixe les conditions. Il limite également l'endettement de tels objets de même que leur partage et leur morcellement.
Cette nouvelle loi réunit des dispositions fédérales de droit foncier rural jusqu'ici réparties dans 5 lois différentes, soit le code civil, le code des obligations, la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, la loi fédérale sur le désendettement de domaines agricoles et la loi sur l'agriculture.
Le droit foncier rural est essentiellement de droit fédéral, les cantons étant chargés de son exécution, soit plus précisément de régler la procédure et de désigner les autorités compétentes.
La référence dans la LDFR à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, de même que les définitions des immeubles et entreprises agricoles déterminent le champ d'application. Cette approche pose cependant des problèmes d'application en droit genevois du fait que notre zone agricole comprend, on le sait, un nombre important d'immeubles bâtis ou non bâtis qui ne sont pas «appropriés à un usage agricole ou horticole» au sens de la LDFR et ne doivent, par conséquent, pas être assujettis. Tel est notamment le cas des immeubles bâtis situés dans les hameaux, ainsi que des maisons de maître ou des villas isolées.
Il appartiendra à la commission compétente de prendre un nombre important de décisions au sujet de ces immeubles qui devront faire l'objet d'une mention de non-assujettissement au sens de l'article 86 de la LDFR.
Le Conseil d'Etat ne pense pas judicieux d'utiliser les possibilités de la loi fédérale pour étendre les droits de préemption. Il s'agit essentiellement de la possibilité d'introduire le droit de préemption cantonal sur des allmends, alpages et pâturages privés, notions que notre droit cantonal ne connaît pas.
II. Autorités compétentes
Comme exposé plus haut, l'exécution de la LDFR incombe essentiellement aux cantons qui règlent la procédure et désignent les autorités compétentes.
1. En matière de droit privé
Les restrictions de droit privé fixées dans la loi seront, comme par le passé, réglées par les tribunaux ordinaires, qu'il s'agisse d'un partage successoral, du droit de préemption des parents ou des cohéritiers au gain dans le cadre d'une succession, de même que la fin d'une propriété collective. Il en sera de même quant aux dispositions relatives au pouvoir de disposer dans le cadre de la famille, au droit de préemption des parents et à celui du fermier et du titulaire d'une part de copropriété.
2. En matière de droit public
S'agissant des restrictions de droit public dans les rapports juridiques concernant les entreprises et les immeubles agricoles, le canton doit désigner les autorités compétentes.
Une commission foncière agricole est désignée; elle est compétente pour:
a) accorder les exceptions aux interdictions de partage matériel et de morcellement;
b) autoriser l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole;
c) fixer la charge maximale et requérir son inscription au registre foncier;
d) autoriser les prêts qui dépassent cette charge;
e) constater qu'un immeuble agricole situé dans la zone à bâtir est soumis à la LDFR;
f) déterminer si un immeuble est exclu du champ d'application de la LDFR, en application de l'article 3;
g) requérir l'inscription au registre foncier des mentions exigées par l'article 86;
h) estimer et approuver la valeur de rendement.
Une deuxième autorité doit être désignée qui est chargée de contrôler les décisions de la commission foncière agricole. Elle est compétente pour déférer à l'autorité de recours, soit le Tribunal administratif, les décisions prises par ladite commission. Elle doit, dans cette tâche, défendre l'intérêt public et le respect des dispositions légales fédérales. Le règlement fixera le département compétent pour exercer cette surveillance, soit le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales.
Une troisième autorité à préciser, est chargée de statuer sur les recours des particuliers et de l'autorité de surveillance. La loi précise qu'il s'agit du Tribunal administratif. Enfin, les décisions de cette autorité peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
III. Commentaire article par article
Article 2
Il s'agit de rattacher le champ d'application de la LDFR au droit cantonal, soit, à la zone agricole au sens de la LALAT. Les immeubles agricoles situés en zone à bâtir sont également soumis à la LDFR lorsqu'il s'agit d'immeubles bâtis. Une liste des immeubles ou entreprises concernés devra être élaborée.
Article 3
Cet article précise que les immeubles situés en zone agricole mais qui ne répondent pas à la définition de la LDFR pourront être exclus par une décision de non-assujettissement de l'autorité compétente.
Article 4
Actuellement, seul le département des travaux publics dispose des plans ayant une base légale qui permet de connaître les limites de la zone agricole du canton. Ces plans n'indiquent toutefois pas l'état parcellaire et ne précisent pas l'affectation agricole des immeubles et des constructions. Or, seuls les immeubles bâtis ou non bâtis appropriés à l'agriculture ou l'horticulture sont soumis à la LDFR.
Selon le droit fédéral, les actes juridiques qui contreviennent aux interdictions de partage matériel et de morcellement des immeubles ou aux dispositions en matière d'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles ou qui visent à les éluder sont nuls. Dans ces conditions, le registre foncier doit pouvoir déterminer si la LDFR s'applique aux actes qui sont déposés. Auquel cas, ils doivent être transmis à l'autorité compétente. Pour permettre ce tri, les notaires devront déposer leurs actes accompagnés d'une attestation indiquant la zone dans laquelle les immeubles sont situés. Cette attestation sera délivrée selon des modalités pratiques précisées dans le règlement.
Par engagements hypothécaires, on entend l'acte de constitution et l'acte d'accroissement.
Article 5
Les immeubles agricoles situés en zone à bâtir, de même que les immeubles non appropriés à l'agriculture ou à l'horticulture situés en zone agricole doivent faire l'objet d'une mention au registre foncier indiquant qu'ils sont soumis ou non à la LDFR. Celle-ci pourra être inscrite à la suite d'une décision de l'autorité compétente, soit sur demande du registre foncier, soit sur celle du propriétaire du bien concerné.
S'agissant du problème de l'information des propriétaires, il faut rappeler que l'article 969, alinéa 1, du code civil suisse prévoit qu'il appartient au conservateur de communiquer aux intéressés les opérations auxquelles il procède, sans qu'ils aient été prévenus.
Article 6
Cette disposition précise que seuls les immeubles appropriés à un usage agricole ou horticole peuvent être soumis aux dispositions
fiscales et être estimés à la valeur de rendement. Par conséquent, dès l'instant qu'ils ne sont plus assujettis à la LDFR, ils ne peuvent plus être mis au bénéfice d'une taxation favorable.
Article 7
Cet article reprend des dispositions qui sont actuellement inscrites dans la loi sur les améliorations foncières aux articles 90 et 91, étant admis que les immeubles qui ont fait l'objet d'un remaniement parcellaire restent soumis à cette loi.
Article 8
L'article 2, alinéa 2, lettre c, LDFR, stipule que la loi s'applique également aux immeubles situés en partie dans une zone à bâtir, tant qu'ils ne sont pas partagés conformément aux zones d'affectation. La disposition de l'article 8 permet de clarifier la situation juridique de ces parcelles quant à leur assujettissement à la LDFR.
Article 9
Une commission foncière agricole est crèe. Cette commission est considérée comme autorité administrative au sens de l'article 5, lettre g, de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985. Elle comportera des représentants de toutes les organisations concernées, telles que la Chambre genevoise d'agriculture, la Chambre genevoise immobilière, la Chambre des notaires et l'Association des propriétaires de domaines ruraux.
Article 10
Cette disposition énonce les décisions que la commission foncière agricole doit prendre en fonction de la LDFR.
Article 11
La commission peut s'adjoindre des experts qui, du fait de leur formation professionnelle, ont les connaissances nécessaires pour procéder aux estimations des immeubles et entreprises agricoles. Leur rapport servira de document déterminant pour l'administration fiscale.
Articles 12 et 13
L'autorité de surveillance est le Conseil d'Etat, soit pour lui, le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales, le Tribunal administratif étant la dernière instance cantonale de recours.
Article 14
Le fonctionnement des autorités compétentes, plus particulièrement de la commission foncière agricole risque d'entraîner des frais importants. Cette disposition fixe la base légale nécessaire pour percevoir frais et émoluments.
Ce projet de loi a été mis en consultation auprès de la Chambre genevoise de l'agriculture, de la Chambre genevoise immobilière, de la Chambre des notaires, de l'Association des communes genevoises, de l'Association des propriétaires de domaines ruraux et de la commission du droit d'opposition. Tous les intéressés en ont approuvé le contenu.
Ce sont là, Mesdames et Messieurs les députés, les considérations qui tendent à éclairer et motiver le présent projet de loi dont nous espérons, de votre part, un accueil favorable.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.